Vous avez devant vous une traduction, de l’anglais au français ou du français à l’anglais. Dès les premières lignes, rien ne semble concorder. Comment savoir si on vous a livré une bonne traduction? Voici quelques différences stylistiques qui pourraient vous mettre sur des pistes.
1. L’ordre des mots
En anglais, on qualifie d’abord et on nomme ensuite, par exemple Chinese food, où food exprime l’idée principale et Chinese, la catégorie. En français, l’équivalent serait « mets chinois ». Ainsi, l’idée principale est exprimée d’abord et qualifiée ensuite. De quoi parle-t-on? De mets. De quel type de mets? De mets chinois.
Cette différence s’observe aussi dans une expression telle que : he ran downstairs. On dirait en français « il descendit l’escalier en courant ». Dans ce cas, l’anglais, exprime la façon par le verbe ran, tandis que le français exprime la façon par le complément « en courant »; l’ordre se retrouve alors inversé.
Ainsi, quand vous évaluez une traduction, c’est normal d’avoir l’impression de devoir « lire à l’envers ».
2. Les prépositions
Le français utilise plus de prépositions que l’anglais. En anglais, un nom peut en qualifier un autre, mais en français, cet usage n’est pas aussi courant. Dans la plupart des cas, pour unir deux noms, il faut une préposition. Ainsi, ball gown ne sera pas traduit par « robe bal », mais par « robe de bal »; management report deviendra « rapport à la direction » ou « rapport de la direction »; knitting needles sera rendu par « aiguilles à tricoter ».
Par ailleurs, le français et l’anglais n’utilisent pas toujours les mêmes prépositions. Voici quelques exemples :
Prépositions en anglais | Prépositions équivalentes en français |
---|---|
A report by the chief financial officer (et non of) | Un rapport du dirigeant principal des finances (et non par) |
This order is payable on receipt (et non at) | Cette commande est payable à la livraison (et non sur) |
I was waiting for the bus (et non l’absence de préposition) | J’attendais l’autobus (et non pour) |
3. Le genre
C’est bien connu, l’anglais, contrairement au français, n’utilise pas le genre grammatical. Ce qui peut donner bien des maux de tête quand on apprend cette langue, mais aussi quand on traduit de l’anglais vers le français.
En français, étant donné que le masculin l’emporte sur le féminin, le traducteur pourrait choisir de changer l’ordre des mots ou d’utiliser un synonyme pour faciliter l’accord d’un adjectif ou d’un participe. Ainsi, un énoncé comme relevant results and data pourrait être rendu de différentes façons, selon le contexte :
Traduction possible | Stratégie utilisée |
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Résultats et données pertinents | L’adjectif « pertinent » est accordé au masculin pluriel, mais suit le nom « données », qui est féminin; le lecteur francophone pourrait se demander s’il y a faute d’accord. |
Données et résultats pertinents | Déplacement du mot féminin « données » pour que l’énumération se termine par un nom masculin et que l’accord paraisse plus naturel. |
Résultats et données utiles | Utilisation de l’adjectif « utiles », qui a la même forme au masculin et au féminin. |
En revanche, du français à l’anglais, le traducteur pourrait décider, dans le dernier exemple, d’employer relevant plutôt que useful (« utile »), puisque l’accord n’est pas un problème.
Comme vous pouvez le constater, l’anglais et le français ne fonctionnent pas selon la même logique. Il est donc très délicat d’évaluer la qualité d’une traduction sans bien connaitre leurs différences stylistiques.
Au final, tout dépend de la confiance que vous avez en votre traducteur. À ce sujet, je vous recommande la lecture du billet publié dans le présent blogue qui s’intitule : « Traduction : faisons confiance aux professionnels (ouvre dans une nouvelle fenêtre) ». N’hésitez surtout pas à poser des questions à votre traducteur, à lui faire part de vos besoins. En retour, soyez disposé à répondre à ses questions. Plus vous collaborerez, plus la traduction sera satisfaisante. Sans compter que, dans le processus, vous découvrirez sûrement d’autres différences stylistiques – et je vous invite à les écrire dans les commentaires.
Voir les sources consultées
DELISLE, Jean. La traduction raisonnée : Manuel d’initiation à la traduction professionnelle de l’anglais vers le français, 2e éd., Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2003, 604 p.
CANADA. BUREAU DE LA TRADUCTION. Clés de la rédaction (ouvre dans une nouvelle fenêtre).
CANADA. BUREAU DE LA TRADUCTION. Writing Tips Plus (ouvre dans une nouvelle fenêtre, anglais seulement).
EASTWOOD, John. Oxford Learner’s Grammar, New York, Oxford University Press, 2005, 432 p.
QUÉBEC. OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE. Banque de dépannage linguistique (ouvre dans une nouvelle fenêtre).
VINAY, Jean-Paul et Jean DARBELNET. Stylistique comparée du français et de l'anglais, Montréal, Beauchemin, 1990.