Je venais d’immigrer dans la belle province. Mes conversations avec les Québécois et Québécoises, dont le parler m’était peu familier, se déroulaient à grand coup de « Pardon? », « Que dites-vous? » ou « Voulez-vous répéter? ». Alors quand, dans une conversation très animée portant sur les relations amoureuses, un Montréalais lança, entre deux commentaires, que sa blonde était Haïtienne, j’ai cru qu’il essayait de me parler d’une femme blonde partageant mes origines. « Des Haïtiennes blondes, cela ne court pas les rues », commentai-je. Un gros éclat de rire salua le quiproquo. C’est dans cette confusion digne de la tour de Babel que j’ai enrichi mon vocabulaire du mot blonde pour désigner une femme avec qui on entretient une relation amoureuse.
Deux décennies plus tard, lorsqu’un homme parle de sa blonde, et que la blonde en question est rousse, brune ou noire, je vous avoue que cela me fait toujours marrer. Et personne jusqu’ici – Dieu sait que je pose souvent la question – n’a réussi à m’expliquer le choix du mot dans ce contexte précis.
Québécois ou français?
Le terme blonde dans le sens de « partenaire d’amour » étant très courant au Québec, la croyance veut qu’il en soit originaire. Rien n’est moins sûr. Il y a une trentaine d’années, le Français Hal Collomb ne chantait-il pas gaiement ces paroles?
Auprès de ma blonde,
Qu'il fait bon, fait bon, fait bon.
Auprès de ma blonde,
Qu'il fait bon dormir!
Et encore, il s’agissait d’une reprise! La version originale de la chanson, souvent attribuée à André Joubert du Collet, remonte au début du 18e siècle. Il est donc plausible que l’expression appartienne au vieux français dont des bribes survivent au Québec.
Termes passe-partout
Parmi les mille et un mots utilisés pour faire allusion à l’être aimé, blonde n’est pas le seul qui aiguise ma curiosité en cette veille de la Saint-Valentin. Dans quasi tous les pays francophones, on parle de petit ami ou de petite amie. Mais l’objet de notre amour n’est-il pas, en réalité, le plus grand ami ou la plus grande amie que nous puissions avoir? Plusieurs autres expressions, celles que j’ai envie d’appeler des classiques, font fi des frontières. Retenons par exemple :
- copain et copine, chez les plus jeunes;
- fiancé et fiancée, pour les personnes qui ont les traditions à cœur;
- mari et femme ou époux et épouse, une fois la bague au doigt;
- ma tendre moitié, mon âme sœur, mon amour ou mon cœur, qui s’emploient indépendamment du genre, ou encore compagne et compagnon.
Dans le temps
Cela fait longtemps que je n’ai pas entendu ou lu les mots amant et maîtresse qui, dans la langue classique, pouvaient désigner la personne aimée. Peut-être que les moins de 20 ans ne les connaissent pas du tout, mais autrefois, ils jonchaient les pages de bien des romans à l’eau de rose et les chansons d’inspiration sentimentale.
Parallèlement, dans le cadre d’un mariage, les mots amant et maîtresse s’emploient pour désigner les partenaires dans une liaison extraconjugale. Vous avez peut-être eu écho de L’amant de Lady Chatterley, roman à scandale de D.H. Lawrence, dont la première publication remonte à 1928, ou de L’amant, une autofiction qui vaudra à Marguerite Duras le prix Goncourt en 1984.
- Pauvre homme! Sa femme a un nouvel amant!
- L’épouse et la maîtresse de cet homme se vouent une véritable haine!
Qui utilise encore les termes concubin et concubine? Bien peu de gens! Pourtant, le concubinage est plus tendance que jamais. Si vous tombez sur ce mot pour la première fois, sachez que le concubinage n’est rien d’autre qu’une union libre.
Ailleurs dans le monde
Aux blondes et chums que rien ne semble pouvoir détrôner au Québec, la France préfère les mecs, les nanas ou encore les chéris et les chéries. On entend aussi mon cher et tendre et ma chère et tendre dans certains coins du monde.
- Mon frère et sa nana sont allés au ciné.
- Je suis des cours de danse avec mon chéri.
- J’ai demandé à ma chère et tendre de m’accompagner à cette fête.
Sortie en 1988, la chanson Mon mec à moi de Patricia Kaas a cartonné pendant plusieurs mois dans la francophonie.
- « Mon mec à moi, il me parle d’aventure! »
Dans les Antilles, nous chérissons chouchou et doudou pour parler de l’être cher, alors qu’en Amérique latine, papi et mami ont la cote.
Un peu de sérieux!
C’est bien joli, les mamour, cocotte, biche, trésor, lapin, poupounette, et que sais-je encore? Cependant, je doute qu’ils trouvent leur place dans un document officiel. Vous souhaitez léguer la moitié de vos biens à votre tendre moitié ou que votre âme sœur devienne bénéficiaire de votre assurance-vie? Dans ces cas, mieux vaut y aller avec des termes plus neutres, comme conjoint et conjointe de fait ou partenaire de vie.
Une affaire de génération?...
Pour évoquer le souvenir de mon père, ma mère nonagénaire dira toujours mon mari, mon époux. Jamais mon homme. D’un autre côté, je ne pense pas avoir déjà entendu mon époux ou mon épouse de la bouche d’une personne de moins de 25 ans, et encore moins des formules telles que bien-aimé et bien-aimée ou dulcinée. Dans le cas où votre quête d’originalité vous pousserait à utiliser ce dernier substantif, toujours féminin, gardez à l’esprit qu’il s’emploie avec un déterminant possessif.
- Il a offert des fleurs à sa dulcinée à l’occasion de la Saint-Valentin.
…ou une question de feeling?
Il y a tellement d’expressions et de termes utilisés pour parler des belles amours qu’on pourrait écrire un livre sur le sujet. Et non, je ne sais pas pourquoi amour devient parfois féminin au pluriel!
Cette panoplie de mots doux est gratuite. Alors, sentez-vous libre d’adopter les sobriquets qui vous plaisent. Après tout, pour reprendre une ligne de ce « tube » québécois des années 80, interprété par Richard Cocciante et Fabienne Thibeault, c’est une question de feeling!