Les professeurs de français et les guides de rédaction sont nombreux à conseiller de se méfier des clichés quand on écrit. Il faut être original, disent-ils, car un texte qui contient des clichés ne réserve aucune surprise au lecteur.
Voici quelques exemples de la façon dont on nous présente les clichés :
Source | Rubrique | Remarque |
---|---|---|
La traduction raisonnée (Jean Delisle) | Cliché selon La traduction raisonnée | « Expression dénuée d’originalité et banalisée par un emploi très fréquent. » |
Deux langues, six idiomes (Irène de Buisseret) | La Belle et la Bête ou le Monstre intime – le Cliché | « Le Cliché nous est d’ordinaire présenté comme un monstre multiforme, une bête puante et effroyable, un animal immonde […] » |
Dictionnaire Larousse | Cliché selon le Dictionnaire Larousse | « Lieu commun, banalité qu'on redit souvent et dans les mêmes termes; poncif. » |
Tous vos anciens professeurs de français | Comment bien écrire pour m’impressionner | « Chaque fois que je vois un cliché, je vous enlève cinq points! » |
Cela étant dit, on nous enseigne aussi que toute pensée que l’on croit originale a déjà certainement été formulée par quelqu’un d’autre, souvent des siècles auparavant.
Les tournures qu’on appelle des clichés sont souvent des dictons, des proverbes ou des expressions figées qui expriment des idées auxquelles il est facile de s’identifier. La tentation est forte, quand nous rédigeons, de recycler ces tournures au lieu d’utiliser des formules nouvelles de notre cru mais peut-être moins élégantes. Qui n’a pas déjà employé des expressions telles que « le mieux est l’ennemi du bien », ou « connaître les tenants et les aboutissants »?
Pourtant, en réutilisant des expressions bien connues, les rédacteurs arrivent à communiquer facilement leurs idées aux lecteurs qui les ont déjà entendues.
N’est-ce pas là l’objet même de l’écriture, communiquer? Touché! Il arrive que des rédacteurs veuillent étaler leur culture, mais le plus souvent, on souhaite communiquer ses idées de la façon la plus efficace qui soit.
Comme traducteur dans l’appareil fédéral, je traduis surtout des textes fonctionnels. Ce sont des documents qui transmettent un message, souvent au grand public, et visent généralement à informer ou à convaincre.
Dans ce contexte, y a-t-il un meilleur moyen d’expression que les clichés? Tout le monde les a déjà entendus et en connaît le sens. Ils ne soulèvent aucun doute.
Oui, en cela, les clichés sont des outils d’une grande efficacité. C’est qu’ils font appel au savoir commun, que les linguistes appellent la « doxa ». D’origine grecque, le mot « doxa » se traduit plus ou moins par « croyance » ou « opinion ». Dans le contexte de la linguistique, il désigne l’ensemble des opinions et des idées communes d’une société à une époque donnée.
En puisant dans nos idées communes à l’aide d’expressions simples et populaires, on arrive à communiquer rapidement et efficacement. Si ça n’est pas une bonne façon d’écrire, je ne sais pas ce que c’est!
Cela veut dire, évidemment, que nos pauvres professeurs de français et autres pros de la langue devront mettre un peu d’eau dans leur vin. Leur conseil est sans doute utile aux écrivains, poètes et autres artistes de la langue, mais il l’est beaucoup moins pour la plupart des rédacteurs et des orateurs.
Alors, la prochaine fois que vous vous sentirez coupable de dire qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, n’hésitez plus! Plongez dans la doxa, le puits de notre savoir collectif, et tirez-en votre cliché favori.
Allez-y, énumérez quelques clichés dans la zone des commentaires. Et si vous avez envie de passer à la postérité, proposez une expression de votre cru : nous verrons bien si elle s’enracinera dans la doxa. Bonne chance!
Adapté par Marc-André Descôteaux, Portail linguistique du Canada