« Combien de langues parlez-vous? »
« Vous considérez-vous multilingue? »
« Que signifie pour vous le multilinguisme? »
Ces trois questions figurent parmi celles que j’ai posées à des participants dans le cadre d’un sondage mené l’an dernier. Ce sondage, qui faisait partie d’une étude sur le multilinguisme à laquelle j’ai participé en tant que chercheur, était dirigé par un professeur de l’Institut des langues officielles et du bilinguisme de la Faculté des arts de l’Université d’OttawaNote de bas de page 1. À ces questions qui semblaient pourtant très simples et faciles à comprendre, les participants ont répondu de manière bien différente. Au Canada, moins de 20 % de la population peut s’exprimer dans les deux langues officiellesNote de bas de page 2. Ces personnes devraient-elles être considérées comme bilingues? Je pense que oui. Cela étant dit, les personnes bilingues sont-elles aussi multilingues?
Multilinguisme individuel
On dit qu’une personne multilingue est une personne qui emploie deux langues ou plus. Or, cette définition ne fait pas l’unanimité. En effet, selon certains linguistes soucieux d’établir une distinction entre bilinguisme et multilinguisme, il faut parler au moins trois langues pour être considéré comme multilingueNote de bas de page 3. Pour définir le multilinguisme, il faut également prendre en considération le niveau de compétence des locuteurs lorsqu’ils utilisent leurs langues. Quel niveau de compétence linguistique le locuteur doit-il atteindre pour que l’on puisse dire qu’il maîtrise une langue? Les réponses à cette question diffèrent selon les systèmes d’évaluation linguistique, mais le gouvernement du Canada considère une personne bilingue dès lors qu’elle peut soutenir une conversation dans une langue secondeNote de bas de page 4. Cela correspond aux niveaux A du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) (s’ouvre dans un nouvel onglet) (PDF).
Multilinguisme sociétal
Le multilinguisme sociétal est souvent décrit comme l’utilisation de plus d’une langue (ou de plus de deux langues si on veut le distinguer du bilinguisme) au sein d’une communauté ou d’un groupe social. Souvent, ce type de multilinguisme est attribuable à la présence d’immigrants issus de contextes culturels différents, surtout d’immigrants de première génération. Ainsi, le Canada compte de nombreuses communautés considérées comme multilingues en raison des vastes efforts déployés pour créer un environnement social multiculturel. En outre, même s’il peut exister des préjugés à l’encontre de certaines langues, j’estime que nous devrions tenter de maintenir le plus de diversité linguistique possible au sein de nos communautés afin de rendre notre société plus inclusive sur le plan culturel.
Multilinguisme institutionnel
Le multilinguisme institutionnel désigne l’utilisation de deux langues ou plus (ou de trois langues ou plus si on veut le distinguer du bilinguisme) au sein d’une organisation, qui peut être supranationale, comme l’Union européenne ou les Nations Unies. Cependant, lorsque plusieurs langues sont utilisées au sein d’une même institution, celle-ci doit se doter de mécanismes de soutien adaptés. Les Nations Unies comptent six langues officiellesNote de bas de page 5. Même si ces six langues sont très répandues, il est intéressant de noter que certaines d’entre elles ont été choisies pour des raisons historiques liées à la participation des pays à la Seconde Guerre mondiale. De même, de nombreux facteurs historiques ont joué un rôle dans l’adoption par le Canada de l’anglais et du français comme langues officielles du pays et, à mon avis, le Canada a pris une décision relativement judicieuse à cet égard.
Répondre aux préoccupations liées au multilinguisme
Dans le cadre du sondage mentionné plus haut, j’ai constaté que certains répondants ont déclaré craindre que le fait d’avoir appris une autre langue puisse diminuer leur maîtrise de leur première langue. En compilant les résultats de plusieurs études linguistiquesNote de bas de page 6, j’ai conclu que, bien qu’une certaine érosion de la première langue puisse s’observer chez les locuteurs apprenant d’autres langues, l’effet de cette érosion sur leur compétence linguistique n’était pas très important, et que le principal facteur à l’origine de cet effet négatif serait une diminution de la fréquence d’utilisation de la première langue. Les enfants qui sont exposés à deux langues ou plus dès la naissance peuvent accuser, pendant une courte période, un certain retard dans les deux langues comparativement aux enfants unilingues, mais ils rattrapent généralement cet écart assez rapidementNote de bas de page 7. Par conséquent, je crois qu’il vaut la peine de protéger les langues minoritaires du Canada et d’encourager les futures générations d’immigrants à apprendre la langue de leur culture. La langue étant un symbole culturel, apprendre la langue de ses ancêtres renforce habituellement le sentiment d’appartenance.
Après avoir lu cet article, vous comprenez sans doute les fondements du multilinguisme. Pour terminer, j’aimerais vous poser la question suivante : Vous considérez-vous multilingue? Si ce n’est pas le cas, aimeriez-vous apprendre une autre langue?