Shakespeare : un défi pour les étudiantes et étudiants chinois

Publié le 19 avril 2022

Je suis arrivé au Canada à l’âge de 17 ans en tant qu’élève international en provenance de la Chine continentale. Au secondaire, j’ai étudié trois des œuvres de Shakespeare : Hamlet, Macbeth et Jules César. De nombreux élèves de langue maternelle anglaise m’ont dit qu’ils avaient beaucoup de difficulté à lire les œuvres de Shakespeare. Mais je me suis rendu compte que les défis sont encore plus grands, et parfois difficiles à surmonter, pour les personnes dont l’anglais n’est pas la langue maternelle, en particulier les Chinois et Chinoises. Les embûches qui se dressent devant les élèves d’origine chinoise qui apprennent l’anglais à l’étranger sont attribuables à trois principaux facteurs. Premièrement, il y a une énorme différence entre l’anglais d’aujourd’hui et l’anglais du 16e siècle utilisé par Shakespeare dans ses pièces. Deuxièmement, le plus souvent, lorsque le chinois et l’anglais sont enseignés dans les écoles primaires et secondaires chinoises, les élèves n’étudient pas un roman ou une pièce de théâtre dans son intégralité, mais seulement de courts extraits. Enfin, la tragédie n’est pas un genre souvent vu à l’école en Chine et les élèves ne connaissent généralement pas bien la structure de l’intrigue de ce type d’histoires. Certaines personnes peuvent donc avoir besoin de beaucoup de temps pour s’adapter aux méthodes d’enseignement canadiennes, ce qui complique leur apprentissage de l’anglais langue seconde.

L’anglais du 16e siècle et ses difficultés pour les personnes qui apprennent l’anglais langue seconde

La plupart des gens dont l’anglais est la langue maternelle peuvent deviner sans problème le sens d’un mot inconnu en fonction du contexte. Toutefois, les personnes dont l’anglais est la langue seconde peuvent parfois se demander si un mot qu’elles ne connaissent pas est un mot courant en anglais d’aujourd’hui. Et comme leur vocabulaire est limité, il leur est également difficile de deviner le sens des mots d’après le contexte. Prenons les mots « splenitive », « prate » et « esil » dans Hamlet. Les locutrices et locuteurs natifs de l’anglais ne connaissent pas nécessairement ces mots, mais peuvent deviner leur signification à partir du contexte. Par exemple, « splenitive » provient d’une tirade d’Hamlet : « For though I am not splenitive and rash, / Yet have I something in me dangerous » (Shakespeare, acte V, scène I, vers 275 et 276)Note de bas de page 1. La plupart des personnes qui connaissent bien la langue anglaise et qui comprennent le sens du mot « rash » déduiront que « splenitive » a un sens similaire, et auront donc une idée relativement juste de sa signification. Cependant, en raison de leur incertitude devant les mots anglais inconnus, nombre de locutrices et locuteurs non natifs consultent fréquemment le dictionnaire en lisant les œuvres de Shakespeare, et assimilent donc le contenu beaucoup plus lentement.

Les différences dans l’enseignement de la littérature en Chine et au Canada

En Chine, très peu d’élèves ont l’occasion d’étudier des nouvelles, des romans, des pièces de théâtre ou d’autres œuvres complètes à l’école, entre autres parce que l’enseignement s’appuie principalement sur les manuels scolaires. En général, les conseils scolaires chinois ont pour objectif d’exposer les élèves au plus grand nombre de styles littéraires possible. Ils veillent donc à ce que les manuels contiennent les différents extraits littéraires nécessaires à l’enseignement de cet élément du programme. Comme bon nombre d’élèves en Chine ont rarement lu une œuvre littéraire complète, ou ne l’ont même jamais fait, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’étudier une pièce complète de Shakespeare leur pose des difficultés.

En outre, les manuels utilisés dans les écoles chinoises, les écoles primaires en particulier, contiennent rarement des tragédies. Les élèves ont souvent du mal à accepter les intrigues tragiques et les histoires qui finissent mal, ce qui réduit nettement leur intérêt pour les œuvres de Shakespeare. J’ai mené un sondage sur la popularité des comédies et des tragédies de Shakespeare auprès de la population étudiante chinoise à l’Université d’Ottawa. Les résultats montrent que la plupart préfèrent les pièces comiques, considérées comme plaisantes et reposantes, tandis que les tragédies sont généralement perçues comme déprimantes et rébarbatives.

Comment aider les étudiantes et étudiants chinois à étudier Shakespeare

Je pense qu’il serait utile que les membres du corps enseignant accordent une attention particulière aux personnes dont l’anglais est la langue seconde. Par exemple, on pourrait leur permettre d’apporter des téléphones cellulaires ou des dictionnaires électroniques en classe, les encourager à se référer aux œuvres traduites de Shakespeare lorsqu’elles rencontrent des difficultés, et leur accorder plus de temps pour faire les examens. Shakespeare est l’une des figures littéraires les plus célèbres au monde, et il est essentiel que ses œuvres soient mises au programme par la majorité des ministères de l’éducation au Canada. À mon avis, offrir des mesures d’adaptation aux étudiantes et étudiants dont l’anglais n’est pas la langue maternelle les aiderait à s’ouvrir à la beauté de la littérature shakespearienne et aux voix venues d’Europe il y a plus de quatre cents ans.

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Haiyi Yan

Haiyi Yan

Haiyi est étudiant de premier cycle à l’Université d’Ottawa, où il est inscrit à une majeure en enseignement des langues secondes et à une mineure en anglais. Il parle couramment l’anglais et le mandarin, et il a déjà fourni de l’aide dans le cadre de cours d’anglais langue seconde dans plusieurs écoles publiques. Haiyi est passionné par l’enseignement des langues secondes et par l’étude de la littérature anglaise et des techniques de rédaction.
 

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