Une langue est riche car elle porte en elle la culture et l’histoire des gens qui l’utilisent. Elle reste vivante si les expressions se transmettent d’une génération à l’autre et elle permet aussi de raviver des souvenirs. J’ai eu la chance de connaitre mon arrière-grand-mère, qui ne parlait pas beaucoup, mais qui s’exprimait souvent en proverbes et en expressions. En voici quelques-uns accompagnés de leur signification :
1. Il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Tant que quelqu’un refuse d’écouter, il est inutile d’espérer une issue au problème. C’est ce proverbe que je cite le plus souvent, en particulier en entrevue lorsqu’on me pose des questions de mise en contexte avec un employé ou gestionnaire difficile. Au Québec, un proverbe similaire est « On peut mener un cheval à la rivière, mais on ne peut pas le forcer à boire ».
2. Mieux vaut l’inviter au cinéma qu’au restaurant.
Se dit de quelqu’un qui a un gros appétit. Mémé l’utilisait quand elle regardait mon frère manger. Maintenant, avec la nourriture disponible dans les cinémas, ce proverbe est discutable, mais on l’utilise encore dans la famille en riant.
3. C’est meilleur quand c’est pas pesé.
On apprécie davantage quelque chose que l’on n’a pas payé. On pense que Mémé faisait référence à quelque chose qui était volé et pas seulement donné. Elle n’était pas voleuse, mais elle a vécu la privation sous l’occupation nazie et elle a probablement dû voler de la nourriture pour nourrir son mari et ses deux enfants.
4. Elle/Il n’a pas les deux pieds dans le même sabot.
Se dit de quelqu’un qui est très débrouillard. En Bretagne, d’où je viens, on a porté des sabots en bois jusqu’à la moitié du 20e siècle, ce qui explique le choix de ce mot. Au Québec, on utilise la même expression, mais on dit « bottine » à la place de « sabot ».
5. Mieux vaut qu’ils soient ensemble plutôt qu’en gâcher deux autres.
Mémé évitait de dire du mal des gens directement et préférait des subtilités langagières comme celle-ci. Elle voulait dire, en parlant de deux personnes méchantes ou désagréables vivant en couple, qu’au moins elles ne gâchaient pas la vie de deux bonnes personnes.
6. Tu demandes à un malade s’il veut la santé.
Quand on proposait à Mémé quelque chose qu’elle aimait particulièrement, elle répondait ceci pour dire « oui, évidemment ». Par exemple :
Mon oncle : Un biscuit au chocolat, Mémé?
Mémé : Mon petit, tu demandes à un malade s’il veut la santé.
C’est un exemple de proverbe que j’ai importé au Canada et mon entourage commence à l’utiliser!
7. Les morts sont morts quand on arrête de parler d’eux.
C’est le proverbe que Mémé disait la gorge serrée, parce qu’elle a perdu très tôt son mari et son fils. L’auteur David Eagleman, dans son ouvrage Sum: Forty Tales from the Afterlives, dit quelque chose de similaire, à savoir que l’on meurt vraiment au moment où l’on prononce son nom pour la dernière fois. J’ai cité ce proverbe aux funérailles de mon grand-père et j’ai fait rire l’assemblée en racontant une anecdote à son sujet. J’ai ensuite demandé à la famille et aux amis de continuer à parler de lui pour qu’il vive d’une autre manière. C’est une pratique que j’applique au quotidien et un proverbe qui me tient à cœur.
Et vous, quels proverbes de famille aimez-vous particulièrement, et pourquoi?