Cométique ou cosmétique?

Publié le 28 novembre 2022

Moi, la nouvelle arrivante ignorante

Comme bien des gens qui déménagent, j’ai fait, à mon arrivée à Havre-Saint-Pierre, le tour de ma nouvelle municipalité afin d’en connaître les environs. Durant ma promenade, j’ai croisé une rue qui se nomme « Cométique ». Quand j’ai vu ce drôle de mot, je me suis dit qu’il y avait une faute et qu’il manquait un « s » pour faire « Cosmétique ».

Pendant plusieurs semaines, l’absence du « s » m’agaçait chaque fois que je croisais ladite rue. Comment une municipalité aurait-elle bien pu laisser passer une erreur aussi grossière? Dans ma tête, il était impossible que la Ville ait commis une telle négligence sur ses panneaux.

Ajout d’un mot à mon vocabulaire

Un jour, j’ai mené mon enquête sur la supposée coquille. J’ai commencé par consulter un dictionnaire réputé. À ma grande surprise, le mot « cométique » ne s’y trouvait pas. Alors, je me suis tournée vers Internet. Voici ce que j’ai appris.

Selon la fiche du Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue françaiseNote 1, le mot « cométique » désigne un traîneau inuit bas et long, tiré par un ou plusieurs chiens attelés et servant au déplacement sur la neige durcie ou sur la glace. Toujours selon cette fiche, ce mot provient de l’inuktitut. On ajoute que le terme désigne aussi parfois un traîneau-jouet ou un attelage de chiens.

Usito, le dictionnaire de l’Université de SherbrookeNote 2, précise dans l’étymologie du mot que celui-ci vient de l’inuktitut « qometiq ».

Visiblement, « cométique » n’a rien à voir avec un quelconque soin de beauté, comme pourrait le laisser supposer sa ressemblance avec le mot « cosmétique ». Quelle ignorante j’étais!

Les noms de rues, gardiens de la mémoire

Je pense que les noms de rues des municipalités sont souvent le reflet socio-historique et culturel de la région où elles se trouvent. C’est le cas de la rue Cométique. Havre-Saint-Pierre se situe en Moyenne-Côte-Nord, au Québec. Certes, il n’y a aucune communauté inuite dans cette région, mais on y trouve plusieurs villages innus. Aussi, les premières personnes allochtones arrivées sur le territoire, les Cayens et Cayennes, utilisaient le fameux traîneau à chiens pour se déplacer l’hiver. Ce moyen de transport est une réalité des ancêtres qui ont peuplé cette région.

Le simple fait d’avoir utilisé ce terme comme nom de rue honore les racines de ces deux peuples. Ce geste contribue aussi à renseigner les gens qui, comme moi, viennent de s’installer dans la ville et connaissent peu l’histoire et la culture du territoire. Par ricochet, cela encourage l’intégration sociale.

Une langue qui évolue

Je reviens sur le fait que « cométique » ne figure pas dans le premier dictionnaire que j’ai consulté. Personnellement, je n’avais jamais entendu ni lu le terme « cométique » avant d’arriver dans ma région d’adoption. Il semblerait que l’expression « traîneau à chiens » l’ait généralement remplacé… Oui, mais… Pour les personnes plus âgées qui ont grandi ici, ce régionalisme est encore très présent. D’ailleurs, c’est le mot qu’elles utilisent quand elles parlent de ce moyen de transport aux caractéristiques particulières.

Vous est-il arrivé de chercher la signification du nom d’une rue qui vous semblait étrange?

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Josée Marie-Lise Robillard

Josée Marie-Lise Robillard

Josée Marie-Lise est diplômée de l’Université de Sherbrooke et membre de l’Association canadienne des réviseurs. Elle travaille à son compte comme rédactrice et réviseure depuis 2012. Elle adore l’histoire du livre et l’étymologie.

 

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Commentaires

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Soumis par Madeleine Girard le 30 novembre 2022 à 19 h 27

Votre billet m’a fait sourire et a évoqué nombre de souvenirs de ma Côte-Nord natale et de son français riche en archaïsmes et régionalismes.
Mes parents, grands-parents et arrière-grands-parents sont originaires de la Côte. Un de mes ancêtres fut le premier à s’établir dans le petit village de Magpie en 1849.
J’ai vécu cinq années de mon enfance à Magpie. Ma famille a déménagé à Sept-Iles juste avant que je fasse mon entrée au secondaire. Mes premiers mois dans ce nouveau milieu furent amplement parsemés de taquineries concernant mon accent régional et usage du français. C’est peut-être un peu pour cela que j’ai développé un intérêt pour la langue française soutenu même après 40 ans de vie au Yukon; un milieu majoritairement anglophone.
Merci pour d’avoir partagé cette histoire cocasse à propos de votre expérience avec le cométique.

Soumis par joanneleclair le 5 décembre 2022 à 9 h 44

Je suis très contente que vous ayez apprécié mon billet. Magpie est tellement un beau village! Wahou! Le Yukon! C'est impressionnant!
Merci beaucoup pour le beau commentaire. J'apprécie beaucoup. :) L'équipe du blogue pour - Josée Marie-Lise Robillard
 
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