Qu’ont en commun les macareux moines, les calculots et les perroquets de mer?

Publié le 3 octobre 2023

Je suis Montréalaise d’origine. J’ai également habité plusieurs villes de l’Estrie. Bref, je suis une citadine qui a adopté la vie en Moyenne-Côte-Nord. S’expatrier ainsi, même dans sa propre province, implique parfois la découverte d’une nouvelle faune et l’apprentissage de régionalismes.

Voici comment j’ai ajouté des mots à mon vocabulaire tout en me familiarisant avec un oiseau que je ne connaissais pas. Cela s’est passé lors de ma toute première croisière dans l’archipel de Mingan :

- Bonjour Madame, j’aimerais faire la croisière qui va à l’île aux Perroquets.
- D’accord, nous avons un départ à 13 h.
- C’est fantastique! Je le prends. J’ai très hâte. Je ne pensais pas qu’il y avait des perroquets au Québec!

La dame sourit, amusée.

- Désolée. Il n’y a pas de perroquets. Ce sont des petits calculots. Ils nichent sur l’île. C’est parce qu’ils ressemblent à des perroquets qu’on appelle l’île comme ça.

Plus tard, sur le bateau…

- Mesdames et Messieurs, nous arrivons à l’île aux Perroquets! En prenant le sentier vers la droite, vous verrez le site de nidification des macareux.
- Hein! Des macareux? Je pensais voir des calculots.

Le capitaine sourit gentiment.

- C’est le même oiseau. Nous, on les appelle « calculots ». Mais le vrai nom est « macareux moine ».

Quelle est la réponse à la question dans le titre? Eh bien, c’est le même oiseau! Il porte trois noms : macareux moine, calculot et perroquet de mer.

Le terme officiel est « macareux moine ». En anglais, il se nomme Atlantic puffin. Voici ses renseignements de classification scientifiqueNote de bas de page 1 :

Nom scientifique : Fratercula arctica
Phylum : chordés
Classe : oiseaux
Ordre : charadriiformes
Famille : alcidés (vrais pingouins)

Une biologiste de Parcs Canada m’a expliqué que le qualificatif « moine » fait allusion à la manière de marcher du macareux. En effet, le macareux moine est un peu maladroit sur terre. Quand il marche, il fait un mouvement de va-et-vient avec tout son corps et penche un peu sa tête vers le sol. C’est comme si l’oiseau récitait un chapelet en marchant à la manière des moines d’autrefois.

Les deux autres termes sont des régionalismes de la Minganie, sur la Côte-Nord, au Québec.

L’expression « perroquet de mer » semble avoir disparu de la langue locale. Les seules fois où je l’ai entendue, c’était pour désigner l’île près de Longue-Pointe-de-Mingan. C’est la dame du kiosque touristique qui m’a dit que le bec du macareux moine rappelle celui du perroquet. C’est donc à cause de son bec qu’on l’appelle « perroquet de mer ». Personnellement, le bec coloré de cet oiseau me fait plutôt penser à celui d’un toucan.

Qu’en est-il de « calculot »? D’où provient ce surnom? Une guide de Parcs Canada originaire de la région m’a affirmé que le mot fait allusion à la manière de marcher du macareux moine. C’est comme si l’oiseau comptait ses pas ou des objets au sol : il calcule… calculot.

Je suis toujours impressionnée quand je constate que le nom qui désigne un animal, une plante ou un lieu est tiré d’une analogie ou d’une métaphore. Cela donne toujours des noms descriptifs, originaux, parfois amusants.

Vous est-il arrivé d’acquérir du vocabulaire régional en visitant une région du Canada? Racontez-le-nous dans la section des commentaires!

Avertissement

Les opinions exprimées dans les billets et dans les commentaires publiés sur le blogue Nos langues sont celles des personnes qui les ont rédigés. Elles ne reflètent pas nécessairement celles du Portail linguistique du Canada.

En savoir plus sur Josée Marie-Lise Robillard

Josée Marie-Lise Robillard

Josée Marie-Lise Robillard

Josée Marie-Lise est diplômée de l’Université de Sherbrooke et membre de l’Association canadienne des réviseurs. Elle travaille à son compte comme rédactrice et réviseure depuis 2012. Elle adore l’histoire du livre et l’étymologie.

 
 

Écrire un commentaire

Veuillez lire la section « Commentaires et échanges » dans la page Avis du gouvernement du Canada avant d’ajouter un commentaire. Le Portail linguistique du Canada examinera tous les commentaires avant de les publier. Nous nous réservons le droit de modifier, de refuser ou de supprimer toute question ou tout commentaire qui contreviendrait à ces lignes directrices sur les commentaires.

Lorsque vous soumettez un commentaire, vous renoncez définitivement à vos droits moraux, ce qui signifie que vous donnez au gouvernement du Canada la permission d’utiliser, de reproduire, de modifier et de diffuser votre commentaire gratuitement, en totalité ou en partie, de toute façon qu’il juge utile. Vous confirmez également que votre commentaire n’enfreint les droits d’aucune tierce partie (par exemple, que vous ne reproduisez pas sans autorisation du texte appartenant à un tiers).

Participez à la discussion et faites-nous part de vos commentaires!

Commentaires

Les commentaires sont affichés dans leur langue d’origine.

Lire les commentaires

Soumis par Stéphanie S. Boileau le 5 octobre 2023 à 10 h 04

Merci pour ce blogue fort intéressant et divertissant! Je n'étais pas au courant de ces trois noms attribués à la même espèce d'oiseau.

Soumis par Devika Sharma le 10 octobre 2023 à 7 h 00

Waow, un blogue drôle et agréable à lire! On apprend véritablement quand on voyage. Cette histoire soutient également l’hypothèse de Sapir-Whorf selon laquelle notre vision du monde dépend du ou des langages que l'on emploie pour exprimer notre réalité. Merci Josée Marie-Lise Robillard pour ces éclaircissements à la fois nuancés et colorés!
Je n'ai pas encore voyagé au Canada mais pour j'aimerais citer des examples de ce côté du monde.
L'Inde, dont l'économie repose sur l'agriculture, est fortement tributaire de la pluie. C'est pourquoi nous avons tant de mots pour la désigner.
Varsha (वर्षा) : Terme général désignant la pluie.
Megh (मेघ) : Désigne un nuage de pluie.
Garajna (गरजना) : Décrit le tonnerre pendant un orage.
Chhint (छिंट) : Une légère bruine.
Jhilmil (झिलमिल) : Gouttes de pluie scintillantes ou miroitantes.
Barish (बारिश) : La pluie battante et abondante.
En revanche, pour la neige (que peu de gens connaissent), il n'existe qu'un seul mot générique बर्फ.
J'adore que les langues puissent être si amusantes.
Français