servitude

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Les auteurs introduisent cette matière dans leurs titres ou leurs sous-titres en employant le singulier ou le pluriel. Au singulier, ils conçoivent qu’un principe unificateur permet, au regard des nombreuses espèces de servitudes, de cerner une notion uniforme; ceux qui emploient le pluriel – et c’est là l’usage le plus répandu – appréhendent les servitudes dans leur diversité.

  1. Institution fondamentale du droit des biens, la servitude ("easement") est considérée, règle générale et compte tenu des distinctions et des variantes terminologiques que commandent les régimes civiliste et de common law, comme relevant des services fonciers (« servitudes »).

    Selon la branche du droit dans laquelle elle trouve application – droit privé et droit administratif ou public – elle est soit un privilège qui se réalise en un intérêt acquis entrant dans la catégorie des héritages incorporels et en un droit accessoire, soit une sujétion, une restriction au droit de propriété, une charge imposée sur le bien-fonds d’un propriétaire pour l’usage et l’utilité du bien-fonds voisin.

    En droit privé, ce bien-fonds (terrain, parcelle) sur lequel la servitude est imposée et qui sert d’assiette à celle-ci est appelé fonds servant puisque c’est lui qui, dirait-on, est mis au « service » de la servitude, qui la subit : il est le débiteur de la servitude. Au contraire, celui qui tire avantage de la servitude, qui en tire utilité ou profit, qui en est bénéficiaire est dit fonds dominant (son propriétaire est le titulaire, le bénéficiaire de la servitude).

    Ainsi, dans le régime juridique de la servitude, la constitution d’une servitude exige, en droit privé uniquement, l’existence de deux fonds voisins appartenant à deux propriétaires différents. S’il advient qu’il n’y a plus de fonds dominant, la servitude change de nom et devient une charge ou un grèvement.

    Les fonds servant et dominant seront le plus souvent et naturellement contigus, attenants ou voisins; toutefois, la contiguïté ou le voisinage immédiat des immeubles ne pourront pas, dans certains cas, constituer une condition nécessaire de l’établissement d’une servitude, tels les cas de la carrière d’extraction et du plan d’eau artificiel situés non loin du fonds dominant.

    En common law, des logements juxtaposés ou contigus et des logements superposés, et non pas uniquement des fonds de terre, pourront faire l’objet d’une servitude, même si le cas est rare.

  2. Sous l’angle des droits de la propriété, la servitude est un droit in rem, un droit réel dit démembré dont le fondement prend appui sur l’existence d’un bien qui appartient à autrui et qui se trouve frappé d’une charge. Puisqu’elle est constituée par une charge, on dira dans la phraséologie de la servitude qu’elle frappe, atteint, affecte ou encore grève le fonds servant, qu’elle s’y greffe, qu’elle s’y attache. Et comme dans un jeu de miroirs, de même dira-t-on qu’une servitude pèse sur le fonds servant, de même sera-t-il permis de dire que le droit fait peser des servitudes sur des biens-fonds. « Le droit de l’urbanisme et de l’aménagement foncier fait peser sur des propriétés privées, dans l’intérêt général, des servitudes diverses dont certaines donnent lieu à indemnité. » La servitude est attachée au fonds dominant et sera transportée avec lui en cas de transport du fonds.
  3. Dans la qualification générale de la servitude, on dit que son institution en fait une servitude légale (ou administrative ou encore de droit public) quand, étant l’œuvre du législateur, elle a pour origine un texte de loi, elle est d’origine législative, elle est établie, prévue, accordée par la loi. La loi institue des servitudes légales pour éviter au premier chef les conflits ou troubles du voisinage.

    La servitude est conventionnelle ou contractuelle quand elle est établie ou constituée par la convention (convention 1, convention 2) des propriétaires voisins, par concession expresse, autrement dit quand elle est stipulée dans le cadre d’une entente, d’une convention, d’un contrat qui prévoit que le fonds servant et le fonds dominant seront unis dans un rapport entretenu par une servitude. Elle peut naître aussi de la décision du propriétaire qui la crée pour l’usage d’un fonds qui a été ultérieurement divisé. Seront aussi considérées comme conventionnelles la servitude testamentaire tout comme celle qui aura été créée par quelque autre acte ou par un titre juridiques.

    La servitude est nécessairement foncière (exception faite du cas précité des logements) puisque, ne portant pas sur des personnes mais sur des immeubles (et étant pour cette raison une servitude réelle), elle porte sur un fonds.

  4. La qualification particulière de la servitude s’opère par l’établissement de son objet ou de sa caractéristique principale. Elle est naturelle quand elle est considérée comme dérivant de la situation des lieux, apparente quand un signe matériel (ce peut être un sentier, un passage, un chemin, une voie publique, des bornes, un aménagement matériel quelconque, des fils, une porte, une barrière, une ouverture pratiquée dans un mur) lui permet, du fait de la configuration des lieux, d’apparaître à l’œil humain; elle est non apparente ou occulte dans le cas contraire.

    La servitude active est envisagée par rapport au fonds dominant et la servitude passive l’est par rapport au fonds servant. Elle est affirmative ou positive quand elle autorise le propriétaire du fonds dominant à intervenir activement sur l’autre fonds pour y accomplir des actes déterminés, et négative quand elle interdit au propriétaire du fonds servant d’exercer une activité sur son propre fonds.

    Du point de vue de la jouissance de la servitude dans le temps, cette dernière est dite continue lorsqu’elle s’exerce passivement, sans l’intervention de son titulaire et dans la dépendance des circonstances extérieures; elle est discontinue quand son exercice est irrégulier, sporadique, et que le titulaire intervient dans cet exercice.

    Certains auteurs continuent d’établir une distinction, venue du droit romain et qu’abandonne le droit actuel, entre la servitude rurale, qui est établie au profit ou pour l’usage d’un terrain ou d’un fonds de terre situé à la ville ou à la campagne, par opposition à la servitude urbaine, qui s’exerce au profit d’un bâtiment, quel que soit son emplacement.

    La servitude privée relève des fonds privés et la servitude publique porte sur tout ce qui relève du domaine public. Servitude d’intérêt privé, servitude d’intérêt public; servitude d’utilité privée, servitude d’utilité publique. Ainsi, le propriétaire du fonds dominant peut exercer une servitude privée d’accès au fonds servant pour y accomplir les actes légitimes qu’autorise sa servitude, puis, se prévalant d’une servitude publique, accéder à un chemin public dépendant.

  5. Aux yeux de la common law, la servitude est un héritage incorporel et un privilège (c’est-à-dire un avantage sans profit ni à prendre ni à rendre). Elle est établie par rapport aux deux propriétaires de biens-fonds contigus, attenants ou voisins. Elle confère le droit au propriétaire du fonds dominant d’obliger le propriétaire du fonds servant soit à s’interdire d’exercer une activité sur son propre fonds, soit à lui permettre d’exercer une activité sur celui-ci. Aussi l’exercice de cette servitude constitue-t-il un accroissement des droits de propriété ordinaires du propriétaire du fonds dominant et une diminution correspondante de ceux du propriétaire du fonds servant. Se réserver une servitude, octroyer une servitude (dans l’acte constitutif de concession).

    Les servitudes en common law ou en equity portent normalement sur l’eau, sur l’air, sur la lumière, sur l’accès, sur le passage, sur l’appui ainsi que sur les cloisons et les clôtures. Considérées comme des intérêts acquis, elles se distinguent de la permission, des droits naturels, des droits publics et des profits à prendre.

  6. Dans la perspective de la common law canadienne, seules sont considérées comme de véritables servitudes les servitudes dépendantes ("appurtenant easements"), soit celles qui s’exercent au profit et à l’usage de biens-fonds avoisinants ou contigus; les servitudes indépendantes ("easements in gross"), qui sont des servitudes légales, auraient comme titulaires et bénéficiaires des personnes physiques ou morales non propriétaires d’un fonds dominant (cas des servitudes d’utilité publique ("utility easements").

    Une servitude peut s’avérer nécessaire pour la jouissance du fonds dominant. S’agissant de la durée de la servitude, cette dernière peut être établie pour un certain nombre d’années ou pour la vie de l’un ou l’autre des propriétaires concernés (servitude à durée déterminée), elle peut être exercée de façon irrégulière ou à certains moments du jour ou de l’année (servitude intermittente). Elle peut être accessoire ou, considérée d’un autre point de vue, annexe 1 par rapport à une servitude principale.

    Les servitudes réciproques se rencontrent lorsque les propriétaires ou tenants en commun ont fait usage d’une même chose (un mur, par exemple) dont l’origine est inconnue; tous deux jouissent d’une partie de la chose, laquelle peut être libre de servitudes réciproques ou être assujettie à celles-ci.

    La quasi-servitude résulte d’une quasi-possession. Elle s’exerce parfois dans le cas de deux fonds contigus ou voisins qui ont un seul propriétaire et occupant et sur l’un desquels il exerce des droits semblables à des servitudes.

    La servitude d’origine volontaire (par opposition à la servitude légale) est soit expresse, soit implicite. Elle est expresse quand elle est formellement accordée par testament ou dans un acte formaliste de concession selon l’une des trois modalités d’acquisition existantes : en fief simple, en viager ou à durée déterminée.

  7. Pour la common law, la servitude, étant un intérêt foncier, constitue une forme particulière de grèvement ("encumbrance" ou sa variante orthographique "incumbrance") ou de droit réel dont on jouit à l’égard du bien d’autrui matérialisé par un fonds de terre. En voici deux sortes.

    La servitude implicite est dite de nécessité quand la jouissance du bien-fonds n’est possible qui si, cas de figure, il y a état ou rapport de servitude, une servitude de passage étant alors accordée au propriétaire d’un terrain enclavé, c’est-à-dire dépourvu de toute desserte étant entièrement entouré de terrains appartenant à des propriétaires voisins et étant sans issue ou presque sur un chemin public.

    La servitude par prescription, encore appelée servitude présumée, ne se justifie que par les effets de l’écoulement du temps et de l’usage paisible, public et adversatif sur l’existence du droit que le revendiquant de la servitude par prescription demande au tribunal de reconnaître. « La personne qui revendique la servitude doit avoir agi comme si elle était déjà titulaire de ce droit. » Invoquer une servitude.

  8. Les sortes, les catégories, les types, les espèces de servitudes s’énoncent le plus souvent au moyen d’une construction grammaticale simple : substantif, préposition de et complément du nom. Les plus courantes sont les servitudes d’accès, de passage, d’enclavage, d’eau, d’aérement, d’aqueduc, d’écoulement des eaux, d’appui (latéral, naturel, sous-jacent tréfoncier, vertical), d’éclairement, de commodité, de clôture, de jour, de nécessité, d’égout des toits, d’utilité privée ou publique, de puisage, de voie publique ou de voirie, de vue, de prospect (que la common law ne reconnaît pas comme constituant une servitude valide), de pacage et de pâturage.

    Autres constructions relevées : substantif, préposition de et infinitif : servitude de ne pas bâtir, substantif suivi d’une expression latine : servitude non oedificandi, non altius, tottendi, non oneris ferendi, tigni immitendi, confortandi, et, en common law, substantif, préposition par et complément de nom : servitude par concession présumée, par préclusion, (acquise) par prescription, par réserve.

    La servitude en (ou de) common law ("legal easement") s’oppose à la servitude en equity ("equitable easement") et à la servitude légale ou d’origine législative ("statutory easement").

  9. En common law, on dit qu’une servitude s’éteint, cesse définitivement ou prend fin quand son titulaire, pour se libérer de son obligation, cesse pendant une période de vingt ans de s’en prévaloir ou d’en faire usage, ou s’il l’abandonne, par exemple parce qu’il n’est plus capable d’en assurer l’entretien.

    Son extinction s’opère pour cause de délaissement exprès ("express release") ou implicite ("implicit release"), ou du fait d’une unité de propriété et de possession ("unity of ownership and possession"). « La réunion des fonds dominant et servant dans les mains d’un même propriétaire marquera aussi l’extinction de la servitude, pourvu que le propriétaire unique dispose à la fois du titre en common law et du droit de possession. La réunion de la possession seulement ne fera que suspendre la servitude. »

    En droit civil, la servitude prend fin par non-usage trentenaire, par impossibilité d’exercice, par affectation du fonds servant au domaine public ou par confusion du fonds servant et dominant entre les mains d’un même propriétaire.

  10. La servitude négative s’exprime par l’emploi de verbes tels que interdire, prohiber, contraindre, imposer, obliger, empêcher, tandis que la servitude positive s’énonce par l’emploi de verbes tels que autoriser, permettre, souffrir, accepter, tolérer.

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