cause

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  1. Ce mot doit s’employer avec beaucoup de prudence du fait de sa nature polysémique, mais aussi en raison de son caractère mouvant à l’intérieur d’un même sens. Le danger d’ambiguïté est toujours présent. Veut-on parler de la cause du procès ou de la cause d’une obligation? Parle-t-on de la cause du contrat (cause subjective, concrète, impulsive, déterminante) ou de la cause de l’obligation (cause objective, abstraite). Le droit français fait une large place à la cause puisqu’elle constitue une condition essentielle de la formation du contrat, mais le mot comporte plusieurs acceptions en français juridique qui rendent son emploi périlleux.

    Cette pluralité des sens est qualifiée de polysémie de juxtaposition en linguistique juridique (Cornu, 1991a), les divers sens du mot cause étant juxtaposés du fait qu’ils désignent des réalités différentes.

    1. Le mot cause signifie affaire, cas, espèce, mais aussi instance et développement de la procédure. Le point de vue peut être soit celui du juge (cause soumise au tribunal; apprécier les faits de la cause), soit celui de l’avocat plaidant (pièce favorable à sa cause) ou du plaideur (déclaration relatant sa cause). « Le juge Tremblay instruit trois causes en droit criminel cette semaine. » « Il faut discuter une cause avec la décence et la clarté nécessaires. »

      En droit canadien, la cause en état ("case ready for judgment") est celle dont l’instruction peut commencer.

    2. La cause est aussi une affaire qui se plaide. Plaider sa cause. « La cause R. c. Potvin a été inscrite au rôle et sera plaidée devant le juge Poulin par Me Chiasson, pour la poursuite, et Me Arthur, pour la défense. » Cause civile, criminelle, pénale. Cause susceptible d’appel. Audition, instruction de la cause. Exposé de cause ("stated case"). Avoir une bonne, une mauvaise cause. Déférer une cause.
    3. La cause peut être le fondement de l’action en justice. « Je vous saurais gré de me faire savoir si les pièces à l’appui de la cause justifient une poursuite. » Dans la théorie de la demande en justice, les circonstances, les faits de la cause sont ceux qu’invoque une partie au soutien de ses prétentions, c’est l’ensemble des faits juridiquement qualifiés sur lesquels elle fonde sa demande. Moyens au soutien de la cause. « Ce moyen de défense ne sert pas la cause de l’accusé. »

      Le terme cause d’action, courant en droit canadien, critiqué par certains, est bien formé en français. « La menace d’un préjudice est une cause légitime d’action. » Cause d’action continue; cause d’action reconnue en droit; cause indépendante d’action. Naissance de la cause d’action (une cause d’action prend naissance, est née). On trouve aussi droit de recours, droit d’action et base d’action judiciaire ou en justice. On peut aussi formuler la notion autrement : la demande du requérant est recevable (plutôt que le requérant a une cause d’action valable).

    4. La cause est un événement ou une action qui produit un effet auxquels la loi attache certaines conséquences juridiques. « En matière de responsabilité civile, la cause du dommage est appelée cause génératrice. » Acte constituant la cause du préjudice. Constituer une cause suffisante, une cause de récusation. Cause de nullité d’un acte, découvrir une cause de nullité. « La cause de la nullité a disparu. »

      Cause adéquate; cause éloignée, cause prochaine ("causa proxima" en latin), cause la plus proche, la plus immédiate du danger, à l’origine du danger; cause déterminante ("causa causans"); cause ou condition essentielle ("causa sine qua non"); voir causa. Équivalence des causes, causes équivalentes. Absence de cause : « Il y a absence de cause dans les contrats synallagmatiques quand la promesse d’une des parties s’avère impossible à réaliser. » Cause directe, indirecte (du dommage); cause contributive; cause exclusive (de l’accident); cause réelle et sérieuse (Code du travail, en France); causes possibles ou concourantes (du préjudice). Imputer, retenir une cause. « L’inexécution de l’obligation provient d’une cause qui ne peut lui être imputée. »

    5. En droit français, la cause peut être l’intérêt de l’acte juridique pour son auteur. « Pour l’acquéreur, la cause du contrat de vente est l’acquisition de la propriété, tandis que pour le vendeur, elle est la réception du prix. » Cause de droit. Cause injuste, illégale, licite, illicite. Expression de la cause; erreur sur la cause ou fausse cause, fausseté de la cause; cause simulée. Cause naturelle, contentieuse (de la rupture des relations contractuelles). Preuve de la cause. Nécessité de prouver la cause, l’absence de cause. « La charge de la preuve qu’un contrat est causé et que la cause est licite n’incombe jamais au demandeur qui poursuit l’exécution de son droit; c’est au débiteur de prouver l’absence ou l’illicéité de la cause. »

      Le droit anglais ignore la cause dans ce sens : pour qu’une promesse devienne juridiquement obligatoire, il exige que celui qui s’en prévaut ait fourni une contrepartie, élément nécessaire à la formation du contrat (voir CONTREPARTIE).

  2. En raison de l’influence de l’anglais, le mot cause donne lieu à certains anglicismes au Canada. Le mémoire préparatoire fournit à l’avocat commis au dossier l’occasion non pas d’[exposer sa cause], mais de donner un aperçu des faits à établir et des arguments juridiques, qui lui permettront, au procès, de présenter sa preuve. Dans le domaine du droit du travail, il faut proscrire l’expression [congédiement sans cause] ("dismissal without cause"); on dit congédiement injustifié ou non motivé. C’est commettre un anglicisme que de parler, dans le cas d’un juré, de [récusation avec cause] et de [récusation sans cause], calques de "challenge for cause" et "challenge without cause". On dit récusation motivée et récusation péremptoire. Il reste, toutefois, que la récusation s’appuie toujours sur des causes. « Les techniciens peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges. » Il y aura lieu de distinguer malgré tout entre les causes de la récusation (conflit d’intérêts, par exemple) et les motifs pour lesquels on s’oppose à la récusation.
  3. On ne doit jamais employer le mot cause pour désigner la décision rendue par un tribunal. La phrase suivante est erronée : « Dans cette cause, la Cour suprême du Canada a posé le principe applicable en la matière. » Comme il s’agit de la décision d’une juridiction de l’ordre le plus élevé, c’est le mot arrêt 1 qui convient. La décision rendue par un juge de première instance est un jugement. « Dans le jugement Dubois c. Tremblay, la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada a déclaré que le dépositaire n’encourait aucune responsabilité en cas de faute du déposant. ». Il y a lieu d’ajouter ici une digression : le mot décision est un terme générique qui peut être employé pour désigner tout jugement, quel que soit son auteur et peu importe d’où il émane (arbitre, tribunal administratif, tribunal judiciaire ou cour d’appel). La décision rendue par un arbitre ou un tribunal d’arbitrage 1 est une sentence arbitrale et le jugement portant condamnation à une peine s’appelle une sentence. « Le juge a fixé le prononcé de la sentence au 12 mai prochain. ».
  4. Le mot cause donne ouverture à plusieurs constructions phraséologiques et syntagmatiques qu’il convient de relever. Règle générale, ces locutions sont formées à partir de deux acceptions du mot cause : d’abord affaires, procès et motif, puis raison déterminante.
    1. À cause de suivi du complément de nom ou du complément déterminatif. Sens : en prévision de, en vue de, en raison de, en considération de. « Le testament est un acte de donation à cause de mort. » « L’action civile est transmissible à cause de mort. » Donation réputée à cause de mort. « Le testateur peut charger de substitution soit le donataire ou le légataire qu’il avantage, soit son héritier à cause de ce qu’il lui laisse à ce titre. »

      Seuls sont dits techniquement à cause de mort les actes passés dont les effets sont reportés au décès de leur auteur. Par exemple le testament et l’assurance en cas de décès. L’antonyme d’acte à cause de mort est acte entre vifs. Activité juridique à cause de mort. Demandes relatives à l’exécution des dispositions à cause de mort.

    2. Appeler en cause. Tiers appelé en cause. En droit français, l’appel en cause est une assignation dirigée contre un tiers, étranger jusque-là à l’instance, pour qu’il soit dans le procès (dans la cause). « À peine d’irrecevabilité de l’action, le syndicat est appelé en cause. » À rapprocher de mise en cause, ci-après.
    3. Avoir, obtenir gain de cause. Métaphore juridique qui signifie avoir l’avantage dans un procès (dans une cause), réussir, faire reconnaître ses prétentions par le tribunal. Donner gain de cause à une partie. Il faut éviter la tournure : « Le tribunal [a conclu pour] le demandeur » (= "to find for someone"). Il faut dire : « Le tribunal a donné gain de cause au demandeur. »
    4. Avoir justes causes de suivi de l’infinitif. « À moins qu’il n’ait eu justes causes d’en ignorer l’existence au moment du paiement, il sera tenu de se justifier. » (= avoir des motifs légitimes).
    5. En cause, être en cause. Premier sens : être en jeu. « Dans les procès civils ou commerciaux, seuls des intérêts particuliers sont en cause. »

      Deuxième sens : concerné, en question. Produits en cause. Métaphore juridique qui s’emploie surtout pour qualifier tout ce qui n’est pas considéré comme certain ou acquis. L’expression s’applique tant aux personnes qu’aux choses. « La charge de la preuve en cette matière incombe à celui dont la nationalité est en cause. »

    6. En cause de suivi du complément de nom. En cause d’appel. « En cause d’appel, une nouvelle communication des pièces déjà versées aux débats de première instance n’est pas exigée. » On peut dire elliptiquement en appel.
    7. En toute connaissance de cause. Sens : en connaissant tous les faits d’une affaire, d’une situation, en en tenant compte. Négocier en toute connaissance de cause. « Il a pris sa décision en toute connaissance de cause. »
    8. En tout état de cause. Dans le style judiciaire, la locution signifie soit à tout moment de l’instance (par opposition à in limine litis, c’est-à-dire au seuil de l’instance), soit à toute hauteur de la procédure, c’est-à-dire en première instance ou en appel. « Le conjoint qui présente une demande en divorce peut, en tout état de cause, et même en appel, lui substituer une demande en séparation de corps. » Dans la langue générale, cette locution signifie de toute manière (« Les éléments de preuve auraient été obtenus en tout état de cause. ») ou dans tous les cas (« Les défenses au fond peuvent être proposées en tout état de cause. »).
    9. État de cause. Situation de l’instance. « C’est en examinant le dernier état de la cause qu’on reconnaît si un moyen est nouveau. »
    10. Faire cause commune. Mettre en commun ses intérêts dans une entreprise. « Placés devant pareille adversité, les demandeurs ont alors décidé de faire cause commune. »
    11. Mise en cause, mettre en cause. Il ne faut pas confondre mise en cause comme substantif et mise en cause comme locution verbale au féminin. La mise en cause (on trouve la graphie moins courante mise-en-cause), qui correspond, généralement, au "third party proceeding" de la common law, est une procédure incidente qui vise à forcer un tiers à intervenir dans un procès. « Les parties sont mises en cause par le procureur général. » « Les administrateurs ont été mis en cause dans une contestation en justice. » Par exemple, une intervention est dite forcée lorsque le tiers est mis en cause par une partie à l’instance. Pour une chose, mettre en cause, c’est la faire entrer en jeu : mettre en cause la Charte. « Est international l’arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international. » Pour une personne, c’est, en plus de l’impliquer dans un procès, mettre sa probité, sa valeur en doute.

      Il faut éviter d’employer l’expression mettre en cause au sens de mettre en jeu, porter sur. Au lieu de dire : « Cette affaire [met en cause] la responsabilité du locateur. », on dira : « Cette affaire porte sur la responsabilité du locateur. ».

      La partie qui est mise en cause s’appelle le mis en cause (la graphie mis-en-cause est moins courante et n’est pas attestée par les dictionnaires).

      Dans la langue usuelle, mettre qqn en cause, c’est l’impliquer dans une affaire louche.

    12. Mettre hors de cause. En droit, mettre une partie hors de cause, c’est la rendre étrangère au procès dans lequel elle a été engagée à tort ou qui ne la concerne plus. Accusé mis hors de cause. « La compagnie a été mise hors de cause. » Dans la langue usuelle, mettre une personne hors de cause, c’est la dégager de toute suspicion qui pouvait peser sur elle.
    13. Pour cause. S’emploie avec un adjectif (pour causes graves, pour cause résolutoire, déterminée, légitime) ou avec la préposition de suivie du complément. Pour cause de force majeure, d’indignité, d’objection, d’ingratitude, de nécessité; d’hypothèque, d’aliments (en droit pénal français), de récusation contre un juge, de sûreté publique. Renvoi pour cause de suspicion légitime, rescision pour cause de lésion, séparation de corps pour cause d’adultère. Expropriation pour cause d’utilité publique, nullité pour cause d’incompétence. « L’arrêt est infirmé pour cause de nullité. » « L’inexécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle. »

      Variante : Pour autre cause. Être détenu pour autre cause. « Si l’accusé est absous ou acquitté, il est mis immédiatement en liberté, s’il n’est retenu pour autre cause. »

    14. Prendre fait et cause pour qqn : défendre qqn, le soutenir, prendre son parti. Le mot cause ici a le sens d’intérêts à faire prévaloir contre un adversaire. « L’avocat consciencieux prend fait et cause pour son client et épouse ses intérêts. »
    15. Quelle que soit l’issue de la cause. Le juge qui est saisi d’une requête interlocutoire emploie cette formule consacrée à la fin de sa décision lorsqu’il se prononce sur les dépens. « Le tribunal condamne le requérant aux dépens, quelle que soit l’issue de la cause », ou « quel que soit le sort du principal », le principal étant entendu comme ce qui fait l’objet de la demande initiale (par opposition à l’incident).
    16. Remettre en cause. Remettre en question. Droits qui ne peuvent être remis en cause. Droits acquis remis en cause par le décès. Remettre en cause un principe juridique (= s’interroger sur sa pertinence).
    17. Sans cause. Sans juste cause. Être privé sans juste cause de qqch. Dans l’expression enrichissement sans cause ("unjust enrichment"), le mot cause est pris au sens de source de l’enrichissement dépourvu de fondement juridique; l’enrichissement a une cause lorsqu’il résulte d’un acte juridique valable, tel un contrat. Pour cause d’enrichissement sans cause n’est pas incorrect, mais maladroit.
  5. La locution conjonctive [à cause que] est incorrecte; on dit parce que.

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