En 1637, le philosophe René Descartes écrivait sa fameuse phrase « Je pense, donc je suis ». Une expérience récente a toutefois soulevé une question dans mon esprit. Ne pourrait-on pas dire aussi : « Je parle, donc je suis »?
Je parle vite, beaucoup. Trop, diront certains. Mais ceux-là savent que j’existe : ils m’écoutent, me répondent, m’interpellent. Ils me contredisent et me donnent aussi parfois raison! Ils me font grandir et évoluer.
Parler n’est pas tout. Ça ne rime à rien si personne ne nous entend et ne nous comprend. Parler la langue de l’autre, c’est aller vers cette personne, c’est l’accueillir et l’accepter. C’est s’ouvrir à sa culture et reconnaître son existence.
Parler, c’est aller à la rencontre de l’autre
Lors d’un récent voyage en milieu hispanophone, j’ai vite remarqué à quel point le personnel de l’hôtel et les résidents de l’endroit ont spontanément adopté mon compagnon qui, contrairement à moi, maîtrise bien l’espagnol. Bien sûr, je pouvais me faire comprendre en anglais et j’ai été bien accueillie, mais lui… il me semble qu’on lui réservait un véritable traitement royal! Il parlait la langue : il était quelqu’un! Moi, j’étais une touriste comme les autres… Qui n’est pas séduit lorsqu’on lui fait le cadeau de parler sa langue? Lorsqu’on fait l’effort, même timidement, maladroitement. C’est un véritable charme qui opère! Quand on parle leur langue, on montre aux gens qu’on leur accorde de l’importance. Dans bien des cas, ça change le regard qu’ils posent sur nous!
Apprendre, c’est bien; parler, c’est mieux
J’ai appris l’anglais à l’école mais je ne l’avais jamais parlé avant d’accepter un emploi en milieu anglophone, dans une région très isolée. Si je n’avais pas parlé la langue, je ne me serais jamais intégrée dans ce petit village nordique, sans lien routier avec le reste du Québec. Pour l’espagnol, je n’ai pas eu ce genre d’incitatif. J’ai étudié la langue, mais je ne l’ai pas parlée. J’ai tout oublié.
En ouvrant mes oreilles, lors de mon récent voyage, je me suis aussi ouvert les yeux. J’ai compris tout le pouvoir de quelques mots dans la langue de l’autre. Apprendre une langue peut apporter beaucoup d’avantages, comme de meilleures perspectives de carrière, et nous ouvrir bien des portes. Le véritable trésor, toutefois, on ne le trouve pas derrière ces portes à moins de prendre le risque de parler cette langue nouvelle. Il faut la parler souvent, et partout. La parler mal, ou imparfaitement, mais la parler quand même. Le véritable trésor, c’est d’exister pour quelqu’un de plus, de différent… quelqu’un dont on parle la langue! Ce voyage m’a décidé à me remettre à l’espagnol.
Avez-vous vécu, comme moi, une expérience qui vous a ouvert les yeux sur l’importance de parler la langue d’autrui? Parlez-vous ou étudiez-vous une langue étrangère?