S’il est une langue que l’on pourrait croire commune à tous, c’est bien celle de la musique! Les sons ne sont-ils pas les mêmes pour tous ceux qui peuvent entendre? Eh bien, il semble que ce ne soit pas si simple! Les sons peuvent être les mêmes, mais tous n’en font pas la même interprétation. Le texte d’une chanson peut ainsi s’avérer fort utile, voire nécessaire, pour assurer la communication d’un message clair et bien compris.
J’ai constaté, au fil des ans, que la très grande majorité de mes proches, francophones comme moi, semblent avoir une préférence marquée pour la chanson anglophone. Ce constat m’a amenée à m’interroger sur la contribution du texte à l’appréciation de la musique chantée. Je me suis également interrogée sur la contribution d’éléments culturels pour expliquer le fait que l’on préfère un type de musique à un autre, une langue chantée à une autre.
La recherche ne semble pas très avancée dans ce domaine ou alors ses conclusions ne sont pas diffusées à grande échelle. Peu de psychologues, philosophes ou musicologues s’intéressent apparemment à la contribution du texte à l’appréciation de la musique. Mes lectures m’ont laissé sur mon appétit!
Sans surprise, j’ai lu que certains perçoivent la voix comme un simple instrument de musique et se préoccupent très peu des mots, voire de la langue utilisée. Cela ne saurait expliquer une « préférence » pour une langue. Certains experts diront par ailleurs que les mots, quel qu’en soit le sens, sonnent différemment dans une langue ou dans l’autre. Certains phonèmes pourraient-ils être plus agréables à l’oreille? La culture, ou l’exposition à la culture, pourrait aussi faire en sorte que l’on « apprenne » à aimer ou non tel type de musique ou de sonorité.
Questionnés sur le sujet, quelques-uns de mes proches ont expliqué leur préférence pour la musique anglophone par un bassin d’artistes et d’interprètes beaucoup plus grand. La conséquence serait une plus grande variété d’œuvres musicales dans la langue de Shakespeare par comparaison avec celle de Molière. Pour certains, c’est un gage de qualité! Cette explication, quoique plausible, me paraît un peu incomplète et ne saurait tenir compte de l’attrait de la rareté.
Une personne m’a dit que les émotions suscitées par une mélodie pouvaient entrer en contradiction avec celles suggérées par le texte. Selon elle, les textes en français, sa langue maternelle, pénètrent toujours dans sa conscience alors qu’elle peut choisir d’ignorer un texte anglais pour n’écouter que la mélodie lorsque les deux suscitent des émotions différentes. Intéressant. Mais de telles contradictions sont-elles à ce point fréquentes que les francophones chercheraient activement à ignorer le texte des chansons dans leur langue?
À la faveur d’une rencontre avec un excellent guitariste, j’ai récemment renoué avec le plaisir de jouer du piano et de chanter. Un plaisir oublié depuis près de 30 ans! Ensemble, nous avons déterré de véritables trésors de la chanson francophone dite « à texte » et, fait plutôt rare en Outaouais, nous avons poussé l’audace jusqu’à présenter à quelques reprises un spectacle de musique entièrement francophone.
Contre toute attente, j’ai eu l’émerveillement de voir se glisser des anglophones dans l’assistance pourtant avertie par le titre sans équivoque du spectacle. Aux francophiles se sont ajoutés des spectateurs ne comprenant pas un mot de français, mais dont certains m’ont dit rechercher activement les concerts de musique francophone. Ils adorent!
Bien que la musique francophone puisse aussi plaire aux anglophones, je ne peux expliquer l’ampleur du phénomène, car j’ignore toujours tout de la contribution du texte à l’appréciation de la musique. Chose certaine : ce qui séduit certains dans la musique propre à l’autre « solitude linguistique » les rend soudain plus solidaires que solitaires!
Et vous, quelle est la langue de vos émotions musicales? La musique qui vous charme a-t-elle besoin de mots?