« Good morning Pascale! » « Good morning John! » Ça va de soi! Lorsque deux personnes ne parlant pas la même langue se rencontrent, n’est-il pas naturel, voire nécessaire, qu’elles utilisent une langue commune pour communiquer verbalement? Comment se comprendre autrement? Je ne m’étais jamais vraiment posé la question jusqu’à récemment.
Je travaille depuis longtemps dans un milieu essentiellement anglophone. Sans trop m’en rendre compte, j’avais pris l’habitude d’aborder les gens toujours en anglais. Puis, un beau matin, pour une raison qui m’échappe encore, j’ai fait un simple geste qui allait transformer mon milieu. Je me suis risquée à saluer mes collègues d’un beau « bonjour » bien français en entrant au bureau.
Ce premier « bonjour » a eu un effet-choc auquel je ne m’attendais pas du tout. J’ai constaté que plusieurs ont été surpris alors que j’ai répété ce « bonjour » à toutes les personnes que j’ai croisées dans le long corridor menant à mon bureau. On se salue le matin avec des formules entendues si souvent que personne n’écoute vraiment. Ce « bonjour » sonnait tout drôle : c’était différent, je crois. Plusieurs se sont arrêtés… ou presque… Puis ils ont poursuivi leur chemin sans rien dire ou en marmonnant quelque chose que je n’ai pas compris. J’ai vu des visages figés. Pas longtemps. Une fraction de seconde peut-être. Une lueur d’agacement dans le regard de certains. Une amorce de sourire chez d’autres. Personne n’a semblé indifférent.
Peu de temps avant, j’avais découvert par hasard qu’un collègue d’origine vietnamienne avait appris le français bien avant l’anglais. Nous avions passé des heures en réunion, parfois seul à seul, à discuter en anglais sans jamais nous douter que nous étions tous les deux francophones. Cet événement, et bien d’autres, aura sans doute inspiré mon « bonjour » français. J’ai ainsi découvert d’autres francophones bien cachés, parfois sous des noms anglophones ou prononcés à l’anglaise.
Au fil des jours et des semaines, certains de mes collègues anglophones ont commencé à me répondre « bonjour ». Oh, ils sont peu nombreux encore, mais leur nombre augmente et ils sont de plus en plus braves. Certains se risquent maintenant à utiliser avec moi quelques mots français qu’ils maîtrisent. « C’est chaud! » m’a dit quelqu’un alors que je sortais avec peine mon repas du micro-ondes. De surprise, j’ai failli échapper le plat brûlant! Nous avons ri tous les deux. Du pur bonheur! Nous échangeons maintenant de plus en plus de phrases en français. Je le soupçonne de préparer maintenant ses répliques. Qui s’en plaindrait?
En saluant mes collègues anglophones et allophones en français, je leur ai lancé une invitation. Une invitation à prendre le risque de dire un mot, un seul, en français. Sans gêne, sans conséquence. Lorsque le premier pas est franchi, la glace est brisée et la confiance s’installe de part et d’autre pour permettre un dialogue de plus en plus riche. Les barrières tombent. L’amitié prend place. La cohabitation devient non seulement possible, mais agréable, souhaitable.
Et vous, direz-vous « bonjour » demain?