En tant que formatrice en français langue seconde auprès des adultes, j’ai toujours eu à cœur d’intégrer une composante ludique à mes cours. Si apprendre une langue à l’âge adulte requiert une bonne dose de courage et de persévérance, le plus gros ennemi de l’apprentissage d’une langue étrangère ou seconde reste l’inhibition. Le jeu, même pour un public adulte, présente de nombreux avantages dans l’acquisition des savoirs. Il permet de diminuer la crainte de l’erreur ou de l’échec, de varier le support d’apprentissage et d’encourager la collaboration et la participation des plus timides. La cerise sur le gâteau : il favorise la bonne humeur.
Après avoir exploré toute la potentialité des jeux de rôle, je me suis tournée vers les jeux de société dont les règles, une fois adaptées, servent amplement mes objectifs d’apprentissage. Ainsi, un célèbre jeu de déduction permet à mes apprenants de travailler les éléments de la description physique, les jeux de dés imagés les amènent à construire un récit à partir des images révélées, un jeu d’enquête les invite à formuler les questions correctement, etc. Glanés dans des librairies indépendantes et les boutiques d’articles de seconde main, ces jeux de cartes, de questions, de lettres, de mémoire, de connaissance, sont devenus prétexte à l’apprentissage par le fou rire. Le succès est garanti.
Et puis la pandémie est arrivée.
Nous nous sommes tous réinventés. L’apprentissage se fait désormais en ligne. Mes jeux aussi. Nous avons appris à vivre différemment, à travailler avec nos enfants autour de nous. De l’application de mesures sanitaires au confinement, notre univers s’est soudainement rétréci.
Ma fille, comme de nombreux enfants, s’est retrouvée sans activités parascolaires. Finis la natation, les cours d’art, les musées, les sorties au centre d’amusement. J’ai alors réalisé que, comme nous vivons en contexte minoritaire, la composante ludique de la vie de mon enfant se déroulait jusque-là en anglais. Sa vie éducative (école, parents) était pour ainsi dire en français et sa vie récréative dans la langue de Shakespeare. Pour ma fille, le français était la langue du « il faut que + subjonctif », jamais celle du « et si + imparfait ». Cette révélation fut un électrochoc. Il était urgent de réintroduire des distractions en français.
Je me suis donc tout naturellement tournée vers mes précieux jeux de société, qui ont fait leur apparition dans notre vie familiale. Ces moments de loisir ont bien sûr renforcé nos liens et contribué au développement de notre enfant, mais ils ont surtout apporté une dose quotidienne de plaisir en français. J’ai fait de nouvelles acquisitions adaptées à ses intérêts et à son âge, et découvert des trésors québécois. La pédagogue en moi n’a pas pu s’empêcher de faire l’acquisition de jeux sur les conjugaisons et les synonymes (si, si, ça existe!) pour complémenter ses connaissances scolaires. Naturellement, ces moments nous ont également amenés à nous déconnecter un peu des écrans et des réseaux sociaux. Ils ont apporté du rire et diminué le stress lié à la pandémie tout en servant un objectif encore plus noble : créer de beaux souvenirs… en français!
Et vous? Comment créez-vous des moments de bonheur en français?