Les rêves. Nous sommes chanceux d’en faire, mais encore plus chanceux lorsque nous nous en souvenons, pas vrai?
Magnifiques et terrifiants, lucides et irrationnels, pénétrants et vagues, les rêves se présentent dans toutes les teintes et toutes les intensités, tout comme la façon dont on les interprète. Certains arrivent à se souvenir d’aspects précis et détaillés de leurs rêves, mais hélas, la majorité n’en retient que de petits fragments épars, voire rien du tout. Les rêves sont constitués de nombreuses couches, ce qui en fait un sujet très complexe, mais il y a un élément qui me fascine et m’intrigue particulièrement : la langue dans laquelle nous rêvons.
Nous baignons dans la communication, même lorsque nous rêvons. Au fond, les rêves sont des images, belles, fantastiques, abstraites et chargées de messages, qui nous poussent souvent à chercher des réponses et du sens. Ce que nous vivons dans nos rêves nous semble aussi réel que les gens, les endroits, les sons, les goûts, les odeurs et les émotions que nous y découvrons. Un autre aspect fascinant des rêves est la langue qu’on y parle. Lorsqu’on leur demande dans quelle langue elles rêvent, les personnes unilingues donneront immédiatement la réponse évidente, mais étonnamment, celle-ci n’est pas nécessairement la bonne. Par contre, les personnes bilingues et polyglottes ne répondront pas nécessairement aussi vite à la question.
Selon ma propre expérience, la langue parlée dans mes rêves dépend des personnes que je rencontre et du milieu dans lequel je me trouve. À mon agréable surprise, lorsque j’ai vécu temporairement en Italie, je me suis réveillée plus d’une fois ravie de constater que j’avais rêvé en italien. Même si je parlais déjà italien, c’était la première fois que je rêvais dans la dolce lingua, et cela était probablement dû au fait que j’étais fortement exposée à cette langue puisque j’étais en pleine immersion linguistique. Si, par exemple, je rêve à un parent ou à un membre de ma famille, je le fais spontanément en espagnol, car c’est ma langue maternelle. Si je rêve à des amis ou si mon rêve se déroule dans un milieu anglophone, comme au travail, je rêve en anglais. Si je me trouve dans un lieu ou une foule hétérogène, un peu comme dans la vraie vie, la lingua franca sera aussi l’anglais. Toutefois, cela ne veut pas dire que je n’ai jamais rêvé que je parlais ou que j’entendais d’autres langues pendant mon sommeil profond.
Assez curieusement, j’ai déjà rêvé dans des langues que je suis incapable de parler ou de reconnaître. Cela ne m’est pas arrivé souvent, mais quand ce fut le cas, il m’a été impossible de noter les mots ou les sons entendus, car le rêve m’échappait avant que je puisse le retenir. Ainsi, même si je ne suis pas en mesure de fournir une liste concise de mots provenant d’une nouvelle langue exotique acquise par mon subconscient, mon objectif est que vous sachiez qu’il est tout à fait possible de rêver dans une autre langue que la nôtre. Dans mon cas, j’ai rêvé en allemand une fois, et aussi dans une autre langue que je ne suis pas vraiment capable de distinguer et qui n’existe peut-être même pas.
Mais une chose est sûre, il n’y a pas de « bien » ou de « mal » dans les rêves. Pour cette raison, et pour bien d’autres encore, je vous encourage à être attentif à vos rêves, en particulier à la langue qui y est parlée, la prochaine fois que vous vous souviendrez de quelque chose de précis. Pour conserver une trace de vos rêves, il peut être utile de garder un cahier sur la table de nuit afin de les y consigner. Vous pourriez être surpris de vos découvertes. En conclusion, je vous dis « Rêvez », au sens propre, et non au figuré, vous l’aurez compris.
Traduit par Céline Danis, Portail linguistique du Canada