La dualité linguistique selon Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles
Lorsqu’il est entré en poste le 29 janvier 2018, Raymond Théberge est devenu le premier commissaire aux langues officielles du Canada originaire d’une province autre que le Québec ou l’Ontario. Découvrez ce Franco-Manitobain passionné de la langue qui a accordé une entrevue à l’équipe du blogue Nos langues.
Sa passion, son parcours, ses influences
Blogue Nos langues (BNL) : Vos études et votre parcours professionnel témoignent d’une grande passion pour les langues officielles. D’où cette passion vous est-elle venue?
Raymond Théberge : Je dis souvent que ce qui nous influence à devenir qui l’on est, c’est surtout le lieu d’où l’on vient. Né dans un petit village nommé Sainte-Anne-des-Chênes au Manitoba, je peux dire que c’était un milieu très engagé. Ma mère faisait partie d’un mouvement pour l’établissement d’une école française dans la communauté. Ma famille en discutait beaucoup autour de la table, à la maison. Quant à ma passion pour les langues, elle est venue naturellement; j’ai toujours eu un intérêt pour les mots, d’où mon cheminement professionnel vers la linguistique.
Je suis de la génération qui a connu l’arrivée de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, de la Loi sur les langues officielles, de toute la reconnaissance de notre identité francophone.
BNL : Vous avez occupé plusieurs postes durant votre carrière, que l’on pourrait presque qualifier de « mission » pour la défense des langues officielles en situation minoritaire. Est-ce que le fait d’œuvrer au sein d’une communauté de langue officielle en situation minoritaire est essentiel pour vous?
Raymond Théberge : La situation a beaucoup changé au cours des 50 dernières années. Autrefois, on se disait simplement Canadiens français. Puis, la francophonie s’est élargie pour englober les régions francophones du Canada et on a commencé à s’identifier comme Franco-Manitobains, Fransaskois, Franco-Albertains, etc.
J’ai fait une partie de mes études à l’Université McGill, et c’est quand je suis revenu au Manitoba que j’ai réellement pris conscience de cette réalité, c’est-à-dire que je faisais partie d’une communauté de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM). Je me suis donné les CLOSM comme objet de recherche : leur fonctionnement, leur vitalité et leur épanouissement. Je trouvais important de bien les comprendre, alors j’ai rencontré des chercheurs canadiens.
Cela m’a permis de découvrir plusieurs facettes linguistiques du pays : les anglophones au Québec ont des défis différents des francophones hors Québec, et il s’est opéré toute une transformation en Acadie. Au fil des ans, je me suis fait des réseaux et des contacts. J’œuvrais en linguistique, et je n’ai jamais planifié de devenir un jour commissaire aux langues officielles!
BNL : Avez-vous eu un mentor? Une personne qui vous aurait inspiré, influencé?
Raymond Théberge : Beaucoup d’enseignants ont influencé mon cheminement. Au secondaire et au collège, ils étaient engagés et nous poussaient à nous dépasser. J’ai eu plusieurs mentors. Je pense, entre autres, à mon directeur de thèse à l’Université d’Ottawa qui m’a grandement encouragé à faire mon doctorat en linguistique. Il m’a aidé à pousser plus loin la réflexion sur les communautés linguistiques. Après mes études, on m’a offert mon premier poste dans un ministère au Manitoba et, là aussi, on m’a bien soutenu. Je suis retourné chez nous, à mes racines, pour contribuer à ma communauté.
Parlons dualité linguistique
BNL : Quelle sera votre principale priorité durant votre mandat en tant que commissaire aux langues officielles?
Raymond Théberge : Mobiliser davantage la fonction publique par rapport aux langues officielles. Il faut faire en sorte que l’utilisation et l’apprentissage des langues officielles deviennent conviviaux dans le milieu du travail. En sensibilisant ainsi les fonctionnaires, on réitère notre engagement à offrir des services à la population canadienne en français et en anglais.
BNL : Quel serait l’ingrédient essentiel, selon vous, pour maintenir l’équilibre entre les deux langues officielles?
Raymond Théberge : Pour la dualité linguistique au pays, il y aurait deux ingrédients essentiels : le respect et la reconnaissance. Et cela passe par l’égalité des deux langues officielles. On doit permettre l’expression des deux langues ainsi que leur visibilité. Cela fait partie de notre identité canadienne et de la réputation internationale dont nous jouissons. À titre d’exemple, j’ai participé récemment à un forum de discussion au Kosovo pour parler de l’importance des langues officielles comme outil de communication et comme pilier identitaire d’un peuple. Le Canada est reconnu pour ses langues officielles, et elles font véritablement partie de l’identité du pays.
BNL : En tant que linguiste, croyez-vous que l’expression « dualité linguistique » pourrait être appelée à changer?
Raymond Théberge : Le discours sur la dualité a beaucoup changé depuis 1969. Avant l’utilisation du terme, on parlait de bilinguisme officiel. Par la suite, nous parlions de langues officielles. Maintenant, on parle de dualité linguistique. Vous savez, l’environnement change constamment. Donc, je crois que la nomenclature est appelée à changer elle aussi. Il faut refléter le caractère du Canada.
BNL : En terminant, Monsieur Théberge, quel message aimeriez-vous livrer aux Canadiens en ce qui a trait à la dualité linguistique du pays?
Raymond Théberge : La dualité linguistique est une valeur fondamentale. C’est le pilier de la société. La langue, c’est la diversité et l’inclusion. Ce sont des droits reconnus. Nous sommes dans une nouvelle période de réconciliation, et la langue en fait partie.
Il ne faut jamais oublier que la dualité linguistique a toujours fait et fera toujours partie intégrante du Canada.
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