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clore / clos / close / clôture / clôturer

Article portant sur les mots clore, clos, clôture et clôturer utilisés dans la langue courante et le domaine juridique.
Le verbe clore ne prend l’accent circonflexe qu’à la troisième personne de l’indicatif présent : il, elle clôt. Ce verbe défectif ne s’emploie plus dans l’usage courant qu’à l’infinitif et au participe passé. Mais, puisque les juristes doivent dans leurs écrits recourir au style soutenu, il convient de donner de ce verbe la conjugaison la plus complète possible. Clore étant un verbe de la quatrième conjugaison, on fera attention dans l’emploi du futur : je clorai, ils cloront (et non je [clorerai], ils [cloreront]; on remarquera aussi que l’imparfait (de l’indicatif et du subjonctif) et le passé simple sont inusités. Je clos, ils closent. J’ai clos, ils ont clos. J’avais clos, ils avaient clos. J’eus clos, ils eurent clos. J’aurai clos, ils auront clos. Que je close, que nous closions, qu’ils closent. Que j’aie clos, qu’ils aient clos. Que j’eusse clos, qu’il eût clos, qu’ils eussent clos. Je clorais, ils cloraient. J’aurais clos, ils auraient clos. J’eusse clos, il eût clos, ils eussent clos. Clos, close. Ayant clos, closant. Avoir clos. Clore est transitif direct (« Tout propriétaire peut clore son héritage. ») et s’emploie comme pronominal (« Le propriétaire qui veut se clore perd son droit de parcours et vaine pâture en proportion du terrain qu’il soustrait. »). Obliger son voisin à se clore (on dit aussi à se clôturer). « Le droit de se clore est le droit du particulier à s’affirmer chez lui. » « En droit anglais, celui qui occupe une terre n’est pas tenu vis-à-vis du public de se clore, même quand il jouit de la grand-route. » L’adjectif clos entre dans la composition de locutions adverbiales : en vase clos (en secret, sans tenir compte du contexte) et à huis clos (sans la présence du public) et d’expressions : faire remise, sous pli clos et cacheté, de l’original du testament; testament clos et cacheté, puis scellé. Au sens propre, clore signifie fermer, boucher : espace clos; clore de murs un jardin; clore une lettre (la cacheter). « La police a clos toutes les issues. ». Il a pour synonymes enclore et clôturer. Au figuré, il signifie finir, amener à une fin, mettre un terme à quelque chose, achever, conclure, terminer : on clôt une discussion, un sujet, une question, un examen, un débat, une plénière, une séance, un compte, un marché, sa preuve, un procès, une succession. Clore a pour nom verbal clôture : « Tout propriétaire a le droit de clore son héritage, à la condition toutefois de laisser dans sa clôture des ouvertures suffisantes pour le libre écoulement des eaux des fonds supérieurs. » C’est de ce substantif qu’a été tiré le verbe clôturer, encore aujourd’hui objet, à tort, de critiques et de débats chez les grammairiens, plusieurs, en dépit d’un usage devenu généralisé, n’admettant clôturer qu’au seul sens concret de entourer de clôtures. Cependant, dans l’usage, les deux verbes entrent en concurrence et se disputent les cooccurrents, ce qui augmente la confusion dans les esprits et justifie les hésitations. Par exemple, on dit aussi bien clore que clôturer les débats, clore que clôturer une session. C’est que, dans un sens général, les deux verbes signifient déclarer clos, terminé, mettre un terme à quelque chose. Il faut dire qu’une nuance distingue ces deux synonymes : clore a le sens de mettre fin définitivement, avec autorité, tandis que clôturer n’a pas l’idée d’arrêt définitif mais provisoire : clore les débats, c’est y mettre un terme définitif, les clôturer, c’est les suspendre temporairement. La distinction est similaire s’agissant d’une session. De même dans la langue de la comptabilité : clôturer un compte, c’est l’arrêter provisoirement, mais le clore, c’est le terminer, l’arrêter d’une façon définitive. Clore une affaire, un marché, c’est amener une transaction ou un contrat à son règlement définitif, mais, à la Bourse, clôturer en ou à la hausse, c’est terminer une séance de bourse pour la reprendre le lendemain (si ce jour est ouvrable) alors que les cours de clôture ont augmenté. La clôture du marché marque la fin de la séance. Cours de clôture. On peut clore une fête, une journée, un inventaire, un état, une série, une enquête, une négociation, un incident, une lettre, un passage, un chapitre, une liquidation ou un compte, bref, tous faits considérés comme se déroulant dans le temps. Par exemple, s’il est vrai que l’on peut ouvrir un dossier, en commencer l’examen, puis le fermer, il reste qu’on ne peut pas le [clore]. Un dossier ne peut pas être [clos] puisque ce n’est pas une réalité dynamique, un événement, une situation en progrès. On dit plutôt qu’une affaire est classée, qu’elle est close. De même, on dit bien ouverture et clôture du scrutin, clôture des mises en candidature : ces réalités étant en mouvement, elles peuvent être clôturées ou closes. On dit aussi clôturer un contrat au sens de le parachever, clôturer une convention (date de clôture : "date of completion"), clôturer une opération, une transaction. Mais clore et clôturer ne s’emploient pas toujours de façon interchangeable et ne sont pas accompagnés nécessairement par les mêmes cooccurrents. Le requérant a clos sa preuve (il ne peut pas la [clôturer]) : « Le fait que la demanderesse ait clos sa preuve ne doit pas empêcher le Ministère de faire appliquer les dispositions de la loi. » Le juge clôt son jugement par un dispositif, il ne peut le [clôturer]; mais il peut fort bien clôturer l’audience. « Le juge a clôturé l’audience par un rappel très énergique des nécessités d’observation des Règles de procédure. » On ne dit pas la [clôture] de l’exposé de la poursuite, mais on se sert d’une tournure différente : par exemple, avant que la poursuite n’ait terminé son exposé. On ne dit pas d’un compte bancaire qu’il est [clos] ("closed account") pour exprimer l’idée qu’il est soldé ou fermé. Mais, en matière de tutelle ou en comptabilité, on dit correctement clôture de compte. Par ailleurs, une société commerciale est fermée ("closed corporation") et non [close]. Quand il faut employer un substantif, clôture se présente à l’esprit dans l’énoncé syntagmatique là où le participe clos devient l’équivalent : en matière de faillite aussi bien que dans les régimes matrimonial et successoral : publication de la clôture d’une liquidation, liquidation close (« La liquidation est close par le dépôt de l’avis de clôture au même lieu que l’avis de dissolution. »), mais, en droit commercial, on parle d’une vente de liquidation et non d’une vente de [clôture]. Autres exemples : ordonnance de clôture, ordonnance close; clôture de l’instruction, instruction close; clôture de période, période close (dans un acte hypothécaire); clôture de la controverse, controverse close; clôture d’une session, session close; séance de clôture, séance close; clôture d’une liste, liste close; clôture d’un procès-verbal, procès-verbal clos; clôture de l’inventaire successoral, inventaire clos; clôture de l’hypothèque, hypothèque close, et ainsi de suite. La clôture ("closing" ou "close") désigne aussi la conclusion d’une opération ou d’une procédure. La clôture ou la conclusion des plaidoiries ou des débats en droit procédural est le moment à partir duquel les parties ne peuvent plus plaider ou déposer des pièces ou des conclusions. « Après les plaidoyers, le juge prononce la clôture des débats. » Clore le voir-dire, clôture du voir-dire. En droit commercial et dans le droit des contrats, la clôture ou la conclusion désigne le fait de mettre un terme à une opération, en particulier un contrat de vente immobilière, pour exécuter le contrat. La procédure de clôture ou de conclusion implique l’échange et l’examen du titre et des documents connexes ainsi que la remise des sommes nécessaires. Date de clôture (ou date limite). Note de clôture. Relevé de clôture. Frais de clôture. Rajustement de clôture. Document de clôture. Clôture sous condition ("escrow closing"), clore sous condition ("to close in escrow"). En matière de faillite, la clôture des opérations de faillite pour insuffisance d’actif apparaît plus comme une suspension des opérations qu’un véritable arrêt définitif. « S’il est reconnu que l’actif ne suffit pas pour couvrir les prétendus frais d’administration, le tribunal pourra prononcer la clôture des opérations de la faillite. » Décision prononçant l’annulation, la levée ou la clôture de la faillite. Clôture de la liquidation. « Les scellés ne peuvent plus être apposés lorsque l’inventaire est clôturé. » La procédure parlementaire canadienne prévoit diverses mesures pour limiter la durée des débats, empêcher la présentation d’amendements et répartir utilement le temps dont dispose la Chambre. La clôture ("closure") est une procédure qui permet à la Chambre, en mettant fin au débat, de se prononcer sur la question en discussion. Elle mène le débat à sa conclusion et force la Chambre à donner une solution à une question encore discutée. Demander, proposer la clôture du débat. Avoir recours, procéder, recourir à la clôture. Parler contre ou pour la clôture. Employer la clôture (pour faire adopter un projet de loi). Appliquer, imposer, prononcer la clôture à un débat (sur un amendement). Débat assujetti à la clôture. Clôture restreinte. Clôture de la session parlementaire ("adjournment of the session"). Par la force de la clôture ("by closure"). La règle de clôture ("closure rule") permet à un ministre de présenter une motion afin de mettre un terme au débat et d’obtenir une décision de la Chambre sur la question à l’étude. La motion de clôture ("closure motion") s’applique non seulement à la motion principale, mais encore à toutes les propositions d’amendement dont elle pourrait faire l’objet. Admissibilité de la motion de clôture. Motion de clôture en bonne et due forme. « La motion de clôture vaut pour toutes les motions subsidiaires qui découlent de la motion principale. » La délimitation foncière est une opération juridique qui consiste à déterminer matériellement la surface sur laquelle s’exerce un droit de propriété. Par exemple, s’agissant d’une parcelle, elle permet de localiser le passage de la ligne séparative continue qui entoure une portion du sol considérée comme formant un tout. Sont utilisés à cette fin des signes sensibles : des bornes pour circonscrire sa propriété, une clôture ("enclosure", "fence" ou "fencing") pour clore son terrain ou son héritage. Faculté de clore son fonds. Clôturer sa propriété. Héritage clos, non clos de son voisin. Signe juridique du droit des biens, la clôture définit une aire de jouissance exclusive. On clôt son terrain pour en interdire définitivement l’accès. « Tout propriétaire peut clore son terrain à ses frais, l’entourer de murs, de fossés, de haies ou de toute autre clôture. » Ainsi, une ligne de clôture sera constituée d’un mur, d’une haie, d’un fossé, d’un treillage, de fils métalliques ou de tout autre dispositif équivalent. Mur de clôture. Piquet de clôture. Clôture solide ("substantial fence"). Clôture de fil barbelé, en treillis. En droit canadien, la clôture est une clôture de bornage ("boundary fence" ou "line fence") ou une clôture de séparation ou clôture séparative ("dividing fence" ou "division fence") : la première est une enceinte construite entre deux propriétaires partageant une limite commune, tandis que la seconde (qu’il ne faut pas confondre avec la ligne séparative ou ligne de séparation, encore appelée ligne divisoire : "dividing line" ou "division line") est une clôture érigée entre deux propriétaires partageant une réserve routière commune non ouverte passant entre eux. Elle est qualifiée de légale ("lawful fence") lorsqu’elle doit être installée conformément aux dispositions de la loi. On construit, on édifie, on dresse, on élève un ouvrage de clôture ou une clôture autour de son bien-fonds, sur une limite; on procède à son implantation. « Celui qui occupe une terre n’a pas le droit, sous exception, d’obliger son voisin à élever ou à entretenir une clôture. » On installe une clôture ou, au contraire, on la supprime, on la détruit. Élagage et distances des clôtures. Inspecteur des clôtures. La clôture sert exclusivement à séparer un fonds, un terrain d’un autre, à faire de son héritage un domaine clos. Réaliser une clôture. Clôture continue et constante. Est présumée ou réputée mitoyenne la clôture qui sépare des héritages, qui se trouve sur la ligne séparative ou divisoire des fonds contigus. Un héritage ou un terrain est dit en état de clôture lorsqu’il se trouve entouré d’une telle enceinte. La clôture mitoyenne doit être entretenue à frais communs. En droit civil québécois, la clôture est présumée mitoyenne même si un seul fonds est clôturé, à la condition qu’elle soit érigée sur la ligne séparative. La clôture faisant séparation de maisons, de cours ou de jardins doit être construite, réparée, entretenue. Hauteur de la clôture commune. Rétablissement du mur de soutènement et de clôture. Clôture privative ou mitoyenne. Prouver la nature mitoyenne ou primitive d’une clôture. La clôture du droit civil relève d’un régime juridique différent de la clôture en common law. En revanche, le droit de clôture sous-entend dans ces deux systèmes les mêmes droits : celui d’exclure autrui de la jouissance de son bien et celui d’entourer sa propriété d’un obstacle marquant cette volonté. L’obligation de réparer les clôtures est la même : le propriétaire d’un fonds peut être tenu de réparer une clôture. Frais de réfection d’une clôture. Dégrader une clôture. Vétusté de la clôture. En droit civil, le bris de clôture est un délit qui consiste à détruire une enceinte formant clôture. Escalade ou effraction des clôtures. En common law, un clos ("close") est une parcelle, clôturée ou non, dans laquelle une personne a au moins un intérêt possessoire actuel qui lui permettra d’intenter une action en intrusion pour bris de clôture ("breach of close"), soit une intrusion illégale sur son terrain, une violation de propriété privée. Ne pas confondre avec le bris de clôture ("breach of the parameter") en administration pénitentiaire, qualification assimilable au bris de prison ou à l’évasion : voir à l’article bris, les points 1a), b) et c).
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)
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enjoindre

Article portant sur le mot enjoindre utilisé dans la langue courante et le domaine juridique.
Ce verbe se conjugue comme joindre : j’enjoins, il enjoint, vous enjoignez; j’enjoignis, ils enjoignirent; que j’enjoigne, que nous enjoignions; enjoint, enjointe. On trouve encore dans la jurisprudence et dans les lois, en dépit du bon usage, l’archaïsme grammatical (ce n’est pas un anglicisme quoi qu’on dise) qui consiste à considérer le verbe enjoindre comme transitif direct (« Si la communication des pièces n’est pas faite, il peut être demandé, sans forme, au juge d’enjoindre cette communication. »). C’est là, pour l’usage moderne, une faute de construction. Enjoindre est un verbe transitif indirect qui commande l’emploi d’un complément second introduit par la préposition à. La personne visée par l’ordre donné tient lieu, grammaticalement, de complément indirect. « La sommation délivrée énonce l’inculpation et enjoint au contrevenant de comparaître devant la Cour municipale pour répondre à cette inculpation. » « Les huissiers leur enjoindront en ce cas de ne pas entraver la procédure de saisie. » La Commission dispose du pouvoir d’assigner des témoins et de [les] enjoindre [à] témoigner » (= de leur enjoindre de témoigner). Le verbe enjoindre se rencontre aussi suivi, par brachylogie, d’un nom complément d’un verbe d’action sous-entendu : « Ils ont refusé d’aller à la guerre en alléguant que leurs convictions religieuses leur enjoignaient le respect absolu de la vie. » Enjoindre que. La construction enjoindre suivi d’une proposition complétive qui est introduite par le pronom relatif que et dont le verbe est au subjonctif est tout à fait correcte. « La Cour enjoint qu’une nouvelle ordonnance soit rendue. » La tournure passive est rare : « L’auteur de l’affidavit est enjoint de se soumettre à la poursuite du contre-interrogatoire. » On préférera recourir à la forme impersonnelle de ce verbe personnel : « Il est enjoint à l’auteur de l’affidavit de se soumettre à la poursuite du contre-interrogatoire. » Le contexte d’emploi du verbe enjoindre est celui de la demande formelle. « L’avis enjoint à l’agent régional de donner suite à la procédure d’exécution. » (= l’avis le lui ordonne expressément). Juridiquement, le verbe signifie ordonner péremptoirement, prononcer une injonction contre quelqu’un. L’injonction étant un ordre auquel il est indispensable d’obéir, la mention du vocable ordre est rendue superflue, sauf si, plutôt que d’un ordre, c’est d’une obligation que l’on parle : enjoindre l’ordre de, enjoindre l’obligation de. « La Cour lui enjoint [l’ordre] de respecter le jugement rendu », mais La justice lui enjoint l’obligation de respecter les lois. » De plus, [enjoindre absolument] est redondant. Il en sera de même chaque fois que le verbe sera modifié par un adverbe marquant le caractère impératif de l’ordre donné puisque le sens d’enjoindre implique ce caractère. Le sujet d’enjoindre sera une autorité, physique ou morale (le Parlement, le tribunal, la loi, un officier de justice, un policier, un acte officiel : mandat, ordonnance, sommation, jugement); la personne visée par l’injonction sera tenue de faire ou de s’abstenir de faire quelque chose. C’est pourquoi le complément d’enjoindre a souvent rapport à l’exécution d’un ordre, à l’observation d’une prescription. Ainsi, selon le paragraphe 25(1) du Code criminel du Canada, l’agent de la paix, dans l’application ou l’exécution de la loi, est fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et à employer la force nécessaire à cette fin, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables. On pourra être enjoint de témoigner sous serment, de produire des documents, d’accorder une habilitation, de se conformer à une décision, de suspendre une procédure, d’incarcérer un individu ou de ne pas effectuer des paiements réclamés. Enjoindre légalement, c’est ordonner en s’appuyant sur une disposition législative ou réglementaire expresse : « L’agent leur a enjoint légalement de lui prêter main-forte. » « L’électeur ne peut refuser de répondre aux questions auxquelles il lui a été légalement enjoint de répondre. » Variante : enjoindre constitutionnellement. Il y a lieu de comparer les emplois de quasi-synonymes d’enjoindre qui ont tous le sens juridique de mettre en demeure, mais qui comportent des nuances parfois non négligeables. Tel est le cas des verbes commander, commettre, décréter, demander, exiger, imposer, intimer, mander, mettre en demeure, notifier, ordonner, prescrire, requérir et sommer. Commander, c’est exercer une autorité, donner des ordres, un commandement, se faire obéir en vertu de l’autorité que l’on détient ou que l’on s’arroge. « Il vous est commandé de vous rendre immédiatement au Palais de justice. » Le doublet enjoindre et commander que l’on trouve dans la proclamation qui suit l’article 67 du Code criminel du Canada est pléonastique : « Sa Majesté la Reine enjoint et commande à tous ceux qui se sont réunis ici de se disperser immédiatement. » Il calque dans la traduction le doublet anglais "charges and commands", lui aussi redondant, d’ailleurs. Le verbe de décision commettre signifie préposer, charger quelqu’un, par nomination ou désignation, désigner, nommer quelqu’un à une fonction déterminée, le charger d’une mission : « La Cour a commis un huissier pour signifier le jugement. » De là vient l’expression avocat commis (ou désigné) au dossier. Décréter, c’est, proprement, ordonner, décider quelque chose souverainement, par décret ou par acte administratif à portée générale ou individuelle émanant du pouvoir exécutif, en parlant d’un chef d’État ou d’une autorité qui détient ce pouvoir : décréter le cessez-le-feu. « Il est loisible au gouvernement de décréter qu’une convention collective de cette nature lie tous les salariés de la province. » « Il plaît à Son Excellence le gouverneur en conseil de décréter ce qui suit : » « Le gouvernement a décrété une mesure qui porte atteinte à l’indépendance d’une enquête publique. » Par extension, le verbe décréter signifie décider de manière autoritaire (décréter le lock-out), ordonner (« L’office peut décréter l’interdiction du produit réglementé. »), statuer (« Le juge a décrété le huis clos »; « La Cour suprême a décrété que le harcèlement sexuel constitue un acte de discrimination fondé sur le motif illicite du sexe. ») Demander a, par euphémisme, le sens d’enjoindre. Pour éviter l’euphémisme, il faut faire accompagner le verbe d’un adverbe marquant le caractère péremptoire de l’ordre donné : demander instamment, demander formellement, demander expressément. Exiger, c’est faire savoir que l’on veut impérativement que quelque chose soit fait. Enjoindre ajoute à ce sens l’idée que la volonté exprimée se double d’un ordre expressément donné. « La loi fédérale exige ou enjoint que l’approbation de la Commission soit obtenue au préalable. » Enjoindre et exiger deviennent de parfaits synonymes quand on fait suivre le dernier verbe d’un adverbe marquant le caractère péremptoire de l’ordre donné. Exiger expressément, formellement, impérativement. Imposer, c’est obliger quelqu’un à subir ou à accomplir une action, lui faire accepter ou admettre quelque chose par acte d’autorité. « Le conseil municipal a imposé aux automobilistes que le stationnement soit payant au centre-ville. » Intimer, en droit français, signifie assigner en justice pour procéder à un appel. Intimer en cas d’appel. « Il m’a fait signifier son appel, mais il ne m’a pas intimé. » Il l’a intimé en son propre et privé nom. » De là le sens de signifier légalement, comme le font la mise en demeure et la notification. « On lui a fait intimer la vente de ses meubles. » De là aussi le mot intimé désignant la partie contre laquelle l’appelant a engagé la procédure d’appel et qui, logiquement, a eu gain de cause au procès, à tout le moins sur une partie de ses moyens. Dans la langue usuelle, le verbe intimer a le sens d’ordonner, de signifier avec autorité. « Le directeur de la Régie des loyers est habilité à intimer au locateur ou au locataire de respecter les clauses du bail. » Accompagné du mot ordre, il signifie ordonner formellement : « Il est intimé aux récalcitrants l’ordre de se conformer aux directives reçues. » « On lui a intimé l’ordre de s’arrêter. » Mander signifie transmettre un ordre, donner formellement la mission d’accomplir un acte de puissance publique. Le verbe s’employait sous l’Ancien Régime dans les vieilles formules exécutoires des mandements faits au nom du souverain. Mander et ordonner (que telle chose soit faite). Le verbe a aussi le sens de faire venir quelqu’un par un ordre : mander d’urgence. Quoique vieilli en tous ses sens, mander se trouve encore dans la documentation consultée. Il s’emploie pour caractériser la volonté suprême de la plus haute juridiction et de l’État : « La Cour mande et ordonne (…) » « La République mande et ordonne (…) » Mettre en demeure, c’est, proprement, signifier à quelqu’un qu’il doit remplir une obligation, plus particulièrement aviser le débiteur, par ordre, de se libérer : mettre un débiteur en demeure. « Le créancier doit prouver qu’il s’est trouvé en fait dans l’impossibilité d’agir plus tôt, à moins qu’il n’ait mis le débiteur en demeure dans l’année écoulée, auquel cas les aliments sont accordés à compter de la demeure. » Par extension, c’est exiger formellement de quelqu’un qu’il fasse quelque chose. « Le propriétaire a mis le voisin en demeure de consentir au bornage. » Notifier, comme intimer, signifie déclarer avec autorité, comme le fait la mise en demeure, ou porter un acte juridique ou une décision à la connaissance des intéressés en observant pour le faire les formes légales. « L’intéressé a notifié ses observations au demandeur et au directeur de l’état civil. » « L’indivisaire est tenu de notifier par acte extrajudiciaire aux autres indivisaires le prix et les conditions de la cession de ses droits dans les biens indivis. » À remarquer qu’on notifie quelque chose à quelqu’un et que notifier [quelqu’un de quelque chose] est un solécisme qui s’explique par l’analogie avec la construction aviser qqn de qqch. Ordonner, c’est prescrire par un ordre. « Le tribunal a ordonné l’insertion d’un avis dans le Journal officiel. » Le doublet enjoindre et ordonner employé dans les formulaires de procédure est pléonastique : « Il vous est enjoint et ordonné de comparaître personnellement par procureur à la Cour du Banc de la Reine aux date, heure et lieu suivants : ». « Il vous est ordonné » suffirait pour rendre la même idée. Suivi d’un terme ou d’une expression de renforcement, ordonner devient synonyme d’enjoindre : Il est ordonné aux huissiers sur ce requis de mettre à exécution le présent jugement. » Prescrire signifie ordonner expressément. « Le tribunal a prescrit dans son ordonnance que la taxation soit faite selon une colonne déterminée du tarif. » Pour qu’enjoindre et prescrire soient de parfaits synonymes, il faut ajouter, comme on doit le faire pour demander, exiger et ordonner, un adverbe marquant le caractère péremptoire de l’ordre donné : prescrire impérativement. Requérir a un sens très proche de sommer, à la différence qu’il suppose un droit comme fondement de la demande formelle. Requérir quelqu’un de faire quelque chose, c’est solliciter directement de lui l’accomplissement d’un acte, exiger, réclamer au nom de la loi ou par acte d’autorité. « Le juge d’instruction peut requérir par commission rogatoire tout juge de son tribunal de procéder aux actes d’information qu’il estime nécessaires. » Sommer a le sens de signifier à quelqu’un dans les formes établies qu’il doit faire quelque chose, mais sans que ce soit un ordre, car la sommation est fondée sur la loi ou sur la puissance, non sur l’autorité. « Je vous somme d’ouvrir, a crié l’officier de justice, le mettant ainsi en demeure de le laisser entrer dans l’édifice. » Il convient de remarquer que, pour tous ces verbes de décision, le verbe subordonné se construit avec le pronom relatif que suivi du subjonctif, le futur de l’indicatif étant d’usage lorsque l’exécution du commandement est certaine. Enjoindre est un verbe de sens fort; on le trouve souvent employé là où un verbe de sens faible conviendrait mieux : recommander la diligence, demander, imposer le silence dans la salle d’audience. « L’Office [enjoint] au Comité de fixer les date, heure et lieu de l’audience » (= prie le Comité, l’invite à (…)). « Le mandat [enjoint] au commissaire de faire enquête et de constater les faits » (= lui confie la mission de (…)). « La Cour [enjoint] aux jurés de ne se servir de la preuve du casier judiciaire de l’accusé que pour apprécier sa véracité lorsque ce dernier témoigne » (= leur demande, leur explique). « L’arrêt [enjoint] au juge qui instruit une demande d’injonction interlocutoire de s’intéresser à la prépondérance des inconvénients dès qu’il est convaincu de l’existence d’une question litigieuse importante » (= recommande). « L’arrêt Tye-Sil m’[enjoint] de modifier la décision d’un collègue » (= m’oblige à). « Le scrutateur indique à chaque électeur comment et où apposer sa marque. Il plie, comme il convient, le bulletin de l’électeur et [enjoint] à celui-ci de le lui remettre plié de la façon indiquée après l’avoir marqué » (= demande). « Le greffier du scrutin fait, dans le cahier du scrutin, les inscriptions que le scrutateur lui [enjoint] de faire » (= commande). En son sens faible, le verbe demander n’impose pas une obligation comme enjoindre, bien que ce sens impératif puisse être sous-entendu. On évitera l’emploi de verbes au sens faible dans des textes qui expriment ou imposent un ordre. Ainsi, le style des testaments commande l’emploi dans un legs précatif de verbes impératifs nécessaires à la création d’une obligation, si on veut éviter que le testateur exprime ses volontés par un terme dénotant une prière, un vœu, un désir ou un espoir. Demander, exhorter, prier, recommander ne sont pas, comme enjoindre, des verbes dont le sens est suffisamment fort pour traduire une volonté ferme (que le doublet "to order and direct" manifesterait, par exemple). L’anglais juridique "to enjoin" peut signifier deux idées contraires : exiger formellement, aux termes d’une injonction le plus souvent, l’accomplissement ou le non-accomplissement d’un acte ("to enjoin to" ou "to enjoin upon" en anglais britannique et canadien) ou interdire, prohiber l’accomplissement d’un acte ("to enjoin from" en anglais américain). En ce dernier sens, on pourra dire que des tribunaux peuvent interdire ("enjoin from") au besoin l’exercice d’activités tout à fait légales. Renseignements complémentaires mander
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)
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siéger

Article portant sur le verbe siéger utilisé dans le domaine juridique.
Il faut mettre l’accent aigu, ainsi : siégerai, siégerait, et non l’accent grave, comme dans [siègeras], [siègeront], la règle étant que l’é du radical se change en è devant un e muet (il siège), à tous les temps, sauf au futur et au conditionnel. Lorsque la dernière syllabe n’est pas muette, mettre l’accent aigu et non l’accent grave : siégeant. Magistrat siégeant seul. Le verbe siéger signifie occuper une place, un siège, au sein d’une organisation, être membre de celle-ci. On ne siège pas [sur] un comité, mais à un comité. « Les conseillers élus sont tous appelés à siéger au conseil municipal. » Membre du Parlement canadien, un député ne peut pas dire qu’il siège [dans] la Chambre des communes, mais à la Chambre des communes ou au Parlement. Il ne peut dire qu’il siège dans le Parlement que s’il conçoit ce dernier terme dans son sens concret, soit dans l’édifice lui-même. « Les nouveaux députés sont nerveux et ils aiment siéger dans ce grand Parlement, haut lieu de la démocratie occidentale. » De même, on dit que le juge siège dans l’affaire dont est saisie la Cour à laquelle il appartient. Il est juge siégeant à une cour et non juge [d’une] cour puisqu’il n’est pas seul à siéger au sein d’une juridiction particulière. En tant qu’intransitif, le verbe siéger peut avoir comme sujet un nom de personne physique ou un nom de personne morale. La personne qui siège tient séance ou est en séance : il peut s’agir d’un juge, d’un président, d’un député. On dit aussi tenir audience, c’est-à-dire siéger. L’organe qui siège a le lieu principal d’exercice de son autorité ou de son activité à tel endroit, par exemple, pour un tribunal administratif ou judiciaire, ce lieu où elle fonctionne et tient ses audiences est le siège de sa juridiction, pour une société commerciale ce lieu est la résidence principale de son activité d’affaires. « La Cour suprême du Canada siège à Ottawa. » « L’Assomption Vie siège à Moncton, au Nouveau-Brunswick. » Le siège du ressort est le lieu où s’exerce la compétence d’une juridiction, le siège d’une juridiction étant généralement la ville où se trouve le Palais de justice ou, selon les régimes de droit et les degrés de juridiction, le lieu où s’exerce la compétence de la juridiction. Ainsi, la province du Nouveau-Brunswick est le siège du ressort de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick et la circonscription judiciaire de Moncton est le siège du ressort de la Cour du Banc de la Reine ayant compétence dans cette circonscription. Exécuter une mesure d’instruction en dehors du siège de la juridiction. Dans le droit de l’arbitrage 1, le siège de l’arbitrage est le lieu géographique choisi par les parties qui détermine quel sera le droit applicable, quelle loi gouvernera la solution de leur différend. Les conventions (conventions 1, conventions 2) d’arbitrage prévoient toujours des dispositions (dispositions 1, dispositions 2) relatives à l’élection de for, c’est-à-dire au choix du siège de l’arbitrage en cas de litige. Les tribunaux d’instance inférieure ne siègent jamais en formation collégiale. Siéger en audience solennelle signifie siéger en tenue d’apparat. « La Cour suprême du Canada siège toujours en audience solennelle. » Par métonymie, on parle de l’intérêt mis en jeu dans une affaire qui siège dans un certain lieu pour déterminer le ressort propice à la tenue d’un procès équitable, autrement dit le tribunal compétent. Siège de l’intérêt. « Quant à la compétence géographique, elle est fixée en tenant compte du lieu où siège l’intérêt qui doit être protégé. » Ainsi, le défendeur est, en principe, assigné à comparaître devant le tribunal de son domicile pour éviter que son adversaire l’oblige à exposer des frais inutiles. Mais cette règle souffre des exceptions : par exemple, dans une action en paiement d’une pension alimentaire, le tribunal compétent sera celui où se trouve le siège ou le domicile du créancier. Siéger dans un ressort territorial. Siéger en nombre impair (pour éviter le cas de l’égalité des voix). « La Cour suprême du Canada siège toujours en nombre impair. » Dans le droit bancaire ou dans le droit des lettres de change et des effets de commerce, ou droit cambiaire, le mot domiciliation désigne, outre une opération bancaire, le lieu du paiement, soit, règle générale, le siège d’un établissement de crédit où le tiré possède un compte.
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)
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transférer

Article sur le verbe transférer, ses emplois, les prépositions qui l’accompagnent et sa conjugaison.
Sur cette page Emplois fautifs et solutions Emplois corrects Préposition à/dans Conjugaison Renseignements complémentaires Emplois fautifs et solutions Le verbe transférer est un anglicisme dans le domaine de l’emploi, de la téléphonie et des transports. Emploi On ne dit pas d’une personne qu’elle est transférée à un autre poste, dans une autre ville, d’un service à un autre, etc. On emploie plutôt muter, affecter (attacher quelqu’un à une fonction) : Julie a été mutée à Industrie Canada. Son employeur l’a mutée en Ontario. Il y a beaucoup de fonctionnaires mutés. On l’a affectée à la traduction juridique. Ils l’ont affecté au service à la clientèle. Téléphonie Transférer quelqu’un (à quelqu’un ou à un service) est calqué sur l’anglais to transfer somebody (I am transferring you). Plutôt que de dire Je vous transfère au gérant, au service, on emploie passer, mettre en communication : Je vous passe le gérant. Je vous mets en communication avec le service de la rémunération. Transports (autobus, train, etc.) On ne peut pas dire, par exemple, qu’on doit transférer dans un autre autobus ou qu’on a un transfert à prendre. On remplace cet anglicisme par faire/avoir/prendre une correspondance : Je prends le 31 et j’ai une correspondance à faire ensuite sur la rue Rideau avec le 66. Une correspondance est une liaison entre deux moyens de transport ou deux lignes de transport. Elle peut désigner le moyen de transport ou un titre de transport. Dans ce dernier cas, elle est généralement sous forme de billet imprimé appelé billet de correspondance, et permet à une personne d’utiliser plus d’une fois un moyen de transport (l’autobus par exemple) au cours d’un même trajet sans payer de nouveau. Emplois corrects Le verbe transférer signifie « faire passer d’un lieu à un autre d’une façon réglée ». On peut : transférer un blessé dans un autre hôpital transférer un prisonnier à un centre transférer un joueur de football d’un club à un autre transférer le siège d’une organisation dans un autre endroit (= délocaliser) Préposition à/dans On utilise à si le complément est un nom de lieu bien précis : Ils transféreront le prisonnier au centre de détention à sécurité maximum de la ville. Le siège de la chancellerie allemande a été transféré de Bonn à Berlin. On utilise dans pour marquer un complément de lieu plutôt vague : Ils seront transférés dans un ministère plus prestigieux. (= Ils seront délocalisés.) Conjugaison Il faut faire attention à la finale en e : je transfère, tu transfères, il transfère (et non : il transfert) que je transfère transfère (impératif) Renseignements complémentaires Voir transfert.
Source : Clés de la rédaction (difficultés et règles de la langue française)
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ressort / ressortir / ressortissant, ressortissante

Article portant sur les mots ressort, ressortir et ressortissant utilisés dans le domaine juridique.
Le mot ressort se prend en trois sens. Le premier, concret, désigne une réalité matérielle : l’étendue géographique sur laquelle s’étend la compétence d’une autorité juridictionnelle ou encore la circonscription dans laquelle une personne ou une autorité exerce son pouvoir. Le deuxième, concret toujours, désigne l’étendue de la compétence déterminée par une réalité notionnelle : ou bien la compétence attribuée à une personne ou à une autorité, ou bien le degré de juridiction déterminé par la valeur du litige. Le troisième, abstrait, a trait au domaine ou au champ de compétence d’une personne ou d’une autorité. Le ressort est d’abord l’étendue géographique sur laquelle un tribunal exerce sa compétence ou dans laquelle un fonctionnaire du tribunal exerce ses fonctions. Le ressort de la Cour du Banc de la Reine, le ressort de la Cour d’appel. Juges d’instance du ressort de Metz. Le tribunal siège dans un ressort (et non dans un [district]). « Les faits de connaissance courante sont ceux qui sont acceptés de tous ou reconnus comme certains par les gens qui résident dans le district où siège le tribunal. » (= dans le ressort, dans la circonscription judiciaire). Une partie à un litige a son siège dans le ressort du tribunal. « La société X a saisi le Tribunal de commerce de Nanterre, dans le ressort duquel les sociétés du groupe Y ont leur siège. » En droit judiciaire, conformément aux Règles de procédure civile, le lieu du domicile permet de fixer le ressort dans l’action intentée contre la partie défenderesse. Le domicile du défendeur d’une action doit se trouver dans le ressort du tribunal saisi. « X et Y soulèvent l’incompétence de la juridiction canadienne au profit du tribunal américain dans le ressort duquel se trouve leur domicile. » Le ressort ne se conçoit que par rapport à un tribunal. Dans le droit des élections, pour qu’un électeur puisse être inscrit sur la liste électorale d’une circonscription électorale au Canada ou d’une commune en France (et non d’un [ressort] puisqu’il ne s’agit pas ici du territoire de compétence d’une autorité judiciaire), il faut qu’il ait son domicile dans cette circonscription ou dans cette commune. Ressort d’une juridiction. S’agissant, par exemple, des questions d’ordre successoral, les héritiers peuvent recevoir leur part dans la succession – autrement dit ils ont la faculté d’entrer en possession des biens légués du défunt à la succession à laquelle ils sont appelés – des biens auxquels ils ont droit quand cette opération, dénommée ouverture de la succession, a lieu dans le territoire où s’exerce la compétence du tribunal concerné, c’est-à-dire dans le ressort de cette juridiction. Toutes les demandes pertinentes se rapportant à cette ouverture régulière seront introduites devant elle. « En matière de succession, sont portées devant la juridiction dans le ressort de laquelle est ouverte la succession jusqu’au partage inclusivement les demandes entre héritiers, les demandes formées par les créanciers du défunt et les demandes relatives à l’exécution des dispositions à cause de mort. » Par extension, on parle du ressort du juge pour signifier, par exemple, qu’un acte a été accompli ou qu’un crime a été commis dans son ressort, c’est-à-dire sur le territoire où il est autorisé ou habilité à exercer sa compétence. Les locutions en premier ressort, en premier et dernier ressort et en dernier ressort se disent de décisions judiciaires et de leur degré de juridiction. La décision qui est en premier ressort peut être portée en appel, elle est susceptible d’appel, tandis que le jugement qui est dit en dernier ressort, ayant passé par divers degrés de juridiction (première instance, deuxième instance), est devenu insusceptible d’appel. Celui qui est qualifié d’en premier et dernier ressort est insusceptible d’appel, il est sans appel. « La décision prise sur recours est-elle prononcée en dernier ressort ou peut-elle être attaquée devant une instance supérieure? » Jugement attaqué rendu en dernier ressort. Statuer en dernier ressort. Recours en cassation contre la décision rendue en dernier ressort par les juridictions administratives. Toutes les autorités quelles qu’elles soient sont nécessairement dotées d’une compétence, laquelle leur permet d’exercer régulièrement leurs pouvoirs, mais toutes ne sont pas pourvues d’un ressort, même si cet exercice doit s’appliquer sur un territoire de compétence donné. Ainsi le mot ressort ne doit-il se dire que des autorités judiciaires, quasi judiciaires, administratives ou autres. Pour désigner l’espace sur lequel l’État exerce sa compétence, on ne parle pas de son [ressort], mais de son territoire puisqu’il ne jouit pas constitutionnellement d’une [juridiction], mais la loi suprême attribue à cet État, dans des sociétés démocratiques et dans un système fédéral, des champs, des domaines ou encore des secteurs de compétence (et non [de juridiction]) qu’il pourra partager (du fait de sa compétence concurrente et non du fait de sa compétence exclusive) avec ses provinces et ses territoires, pour le cas du Canada. Les tribunaux quasi judiciaires et les tribunaux ou organes administratifs, fiscaux ou autres ont, eux aussi, leur ressort dans lequel ils sont territorialement compétents. « La cour administrative d’appel territorialement compétente est celle dans le ressort de laquelle le tribunal administratif auteur du jugement attaqué a son siège. » « La coopérative obtient la personnalité morale juridique par l’inscription au registre des coopératives que tient le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le siège de la coopérative. » « Le préfet saisit le président du tribunal administratif dans le ressort duquel l’opération doit être réalisée. » Comme les tribunaux judiciaires, ces tribunaux statuent également en premier ou en dernier ressort. « Le tribunal administratif public a statué en dernier ressort sur ses libertés, ses droits et ses devoirs constitutionnels. » Il faut éviter d’employer les locutions en premier ressort et en dernier ressort par extension de sens en leur attribuant l’acception du mot instance afin de préciser leur degré de juridiction. Une telle pratique donne lieu à la commission de confusions et d’ambigüités grossières. Une juridiction administrative de droit commun n’est pas [en premier ressort], mais en première instance, et l’encadrement administratif des stagiaires ne revient pas [en premier ressort] au ministère de l’Éducation, mais relève de lui d’abord, en premier lieu ou encore au premier chef. Le taux du ressort est la valeur monétaire autorisée d’un litige, soit le montant qui correspond à la somme en jeu. Ce taux maximal permet de déterminer quelle juridiction sera considérée compétente, laquelle aura vocation à connaître de l’affaire. « La compétence en raison du montant de la demande ainsi que le taux du ressort au-dessous duquel l’appel n’est pas ouvert sont déterminés par les règles propres à chaque juridiction. » Puisque le verbe connaître pris en ce sens dans cet exemple renferme lui-même la notion de compétence (à savoir avoir compétence, être compétent pour juger), les termes taux du ressort et taux de compétence sont de parfaits synonymes. « Lorsque la compétence dépend du montant de la demande, la juridiction connaît de toutes interventions et demandes reconventionnelles et en compensation inférieures au taux de compétence (= au taux du ressort) alors même que, réunies aux prétentions du demandeur, elles l’excéderaient. » Le taux du premier ressort est celui de la demande initiale dans le cas où est présentée une demande incidente, dont le taux sera qualifié de dernier ressort. Le juge statuera en premier ressort ou il se prononcera en dernier ressort. Sans contexte, des expressions telles que le ressort du tribunal, le ressort du juge peuvent vouloir dire son territoire de compétence ou sa compétence. Il importe de préciser toujours quelle acception on entend donner au mot ressort. Les syntagmes être de son ressort, relever, rester de son ressort et la qualification du ressort permettent de faire apparaître immédiatement le sens. « Le Canton de Berne a récemment mandaté toutes les prisons de son ressort administratif de fournir ces programmes. » « Tout litige relève du ressort de la Cour fédérale d’Australie. » « Les affaires en instance resteront du ressort du Tribunal du contentieux administratif. » « Les recours pour excès de pouvoir restent du ressort du tribunal administratif. » Il faut éviter le pléonasme vicieux [ressort compétent] à propos d’un tribunal puisque la notion de compétence est inhérente à sa définition. On qualifie le tribunal de compétent tout simplement. Dans la langue administrative et générale surtout, le mot ressort, formant la locution être du ressort de, signifie, s’agissant d’une personne ou d’une autorité, ce qui relève de sa compétence, ce qui est de son ressort. « Le fonctionnaire lui a répondu que cette question était exorbitante des fonctions de sa charge, qu’elle n’était pas de son ressort. » « L’attribution des responsabilités civiles ou pénales n’est pas de notre ressort, mais de celui des tribunaux. » « Dans certains pays, les mécanismes de confiscation ne sont pas du ressort des tribunaux pénaux. » « Bon nombre de plaintes n’étaient pas du ressort du Comité. » Le mot ressort se dit, enfin, de la nature des affaires qui relèvent d’un tribunal : le ressort pénal (ou du droit pénal), le ressort criminel, civil, national, international, interne, fédéral. Nécessairement et par la force des choses, le discours judiciaire modèle la motivation des jugements sur une phraséologie constituée de formules en très grande partie figées. Il recourt abondamment au verbe ressortir, au sens de mettre en évidence, en relief, en valeur, faire apparaître avec évidence, souligner fortement, constater tout spécialement, soit en emploi impersonnel, soit à la voix active à l’aide de la locution verbale faire ressortir. Les compléments se rapportent à tous les éléments de l’instance. Il ressort des actes de procédure, de l’arrêt, de cet aveu, des circonstances, des déclarations, du dispositif du jugement, des éléments de la cause, de l’expertise judiciaire, de l’extrait invoqué, des pièces, des procès-verbaux, des témoignages (…) que (…). Il en ressort que (…).Il ressort sans ambigüité, de manière claire et intelligible (…) que (…).Les conclusions, les mémoires font ressortir que (…).La Cour a fait ressortir que (…).L’examen des faits de l’espèce a fait ressortir que (…). Dérivé du substantif ressort, le verbe transitif indirect ressortir se construit avec la préposition à dans le langage juridique au sens de être du ressort, de la compétence d’une juridiction ou, dans la langue soutenue ou administrative, au sens de relever de, appartenir à, être relatif à. On se gardera bien de confondre ce verbe, qui est du 2e groupe dans la conjugaison des verbes en -ir et qui se conjugue comme finir, avec le verbe ressortir, du 3e groupe et se conjuguant comme sortir. Le piège que tend ce verbe s’appelle barbarisme de conjugaison et nombreux sont ceux qui n’en font pas de cas. Des questions ressortent du débat (et non [y ressortissent]), le juge précise quelles infractions ressortent de la preuve (et non [y ressortissent]). « Des principes intransgressibles ont force exécutoire de façon générale parce qu’ils ressortissent au droit international coutumier » (et non [ressortent du]). « Le régime fédéral de gouvernement du Canada comprend : 1o un gouvernement national auquel ressortissent les questions intéressant l’ensemble du pays et 2o des gouvernements provinciaux » (et non [dont ressortent]). Ainsi, dans son sens juridique, ressortir signifie être du ressort de tel tribunal, de sa compétence, alors que, dans son sens figuré et littéraire, relevant de la langue soignée, il signifie qui appartient à, qui se rattache à, qui est relatif à. « Cette affaire ressortit à la Cour du Banc de la Reine. » Litige ressortissant au Tribunal du commerce. Renvoi qui ressortit à la Cour suprême du Canada. « Tous les droits découlant de la personne relèvent du droit subjectif, tandis que les droits ressortissant à l’objet des principes qui règlent la conduite humaine dans les rapports sociaux se rattachent nécessairement au droit objectif. » « Le droit de l’invention constitue une branche du droit des biens ressortissant à la matière de la possession ou des choses possessoires. » Arrêt de principe ressortissant au droit des contrats. Le ressortissant, la ressortissante désigne la personne qui, vivant dans un pays, relève ou dépend juridiquement ou administrativement d’un autre pays, de son pays d’origine. En ce sens, on peut dire qu’elle ressortit à l’autorité de justice ou à l’autorité politique de ce dernier. Ressortissant de pays tiers, de l’une des parties au différend, de l’Union européenne, du Canada, de nationalité canadienne. Être ressortissant d’un pays, d’un État. Ressortissant étranger. Mariage de complaisance avec un ressortissant étranger. Est appelé apatride et obtient le statut d’apatride celui que l’État d’accueil reconnaît n’être ressortissant d’aucun pays et qu’aucun pays ne considère comme son ressortissant. Statut légal (aux yeux de la loi), juridique (aux yeux du droit, des règles de droit) de ressortissant. Intérêts du ressortissant. Protection diplomatique, consulaire du ressortissant. La fonction principale de l’agent diplomatique est de représenter l’État qui l’accrédite. Il est le porte-parole de son gouvernement. Il doit aussi protéger dans l’État accréditaire les intérêts de l’État accréditant et ceux des ressortissants de cet État sur le territoire étranger en exerçant la protection diplomatique du ressortissant. La mission consulaire de l’ambassadeur consiste principalement à renseigner l’État et à protéger ses ressortissants en assurant au consulat leur protection consulaire. Naturaliser, dénaturaliser un ressortissant. Expulser un ressortissant. Assignation à résidence du ressortissant contrevenant.
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)
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assaillant, ante / assaillir

Article portant sur les mots assaillant et assaillir utilisés dans le domaine juridique.
À la différence d’[assaut] qui est un anglicisme dans le sens d’agression, d’attaque 2 ou de voies de fait, le mot assaillant (au féminin : assaillante) s’emploie correctement pour désigner l’auteur d’une agression. Il figure d’ailleurs à l’alinéa 34(2)a) du Code criminel (Canada) : «  (…) parce qu’il a des motifs raisonnables pour appréhender que la mort (…) ne résulte de la violence avec laquelle (…) l’assaillant poursuit son dessein; ». Il est aujourd’hui souvent remplacé par agresseur ou auteur de l’attaque. Assaillir. Conjugaison : J’assaille, nous assaillons, vous assaillez, ils assaillent; j’assaillais, nous assaillions; j’assaillis; j’assaillirais; que j’assaille, que nous assaillions, qu’ils assaillent; que j’assaillisse. Attention au futur : j’assaillirai et non j’[assaillerai]. Ce verbe ne figure pas dans le Code criminel, où on lui préfère attaquer et commettre des voies de fait. Son sens est également plus restreint qu’attaquer; il signifie attaquer brusquement qqn avec violence, et dire assaillir brusquement, assaillir soudainement est pléonastique. De plus, l’action d’assaillir suppose plusieurs agresseurs (« Les manifestants ont assailli la victime pendant qu’elle prononçait son discours. »), mais on trouve des exemples où l’agresseur est unique (« Il a été assailli dans une rue déserte par un forcené »). Assaillir s’emploie aussi au figuré; son sens est alors accabler, harceler, importuner, et peut être suivi des prépositions de ou par, selon le cas : « L’avocat a été assailli de questions par les journalistes. » « Le débiteur était assailli par ses créanciers. » Son quasi-homonyme anglais "to assail" est parfois employé au sens figuré dans des textes juridiques : "The appellants assail the findings of the trial judge". On usera dans pareil contexte du verbe attaquer : « Les appelants attaquent les conclusions du juge du procès. » Renseignements complémentaires assaut
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)
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payer / prélever

Article portant sur les verbes payer et prélever utilisés dans la langue bancaire et le domaine juridique.
Au sens financier, le verbe payer s’emploie avec la préposition sur pour indiquer l’origine d’un paiement ou d’un prélèvement de fonds, plus précisément pour signifier que le paiement se fait sur un compte en particulier. Cette construction s’explique par le fait que, dans cette acception, payer se prend au sens de prélever. Ainsi, de même prélève-t-on une somme sur un compte pour régler une dette, comme on tire un chèque sur un compte, de même paie-t-on ses créanciers sur le produit d’une vente ou sur sa réalisation. Taxes à payer sur les honoraires d’avocat et sur les débours. Montant du revenu net à prélever sur le salaire du demandeur. Il faut éviter la faute d’usage qui consiste à considérer la locution adverbiale à même comme synonyme de la préposition sur accompagnant les verbes payer et prélever. On dit payer, prélever sur les fonds du Trésor plutôt que [à même] les fonds du Trésor. À même signifie directement en contact avec et ne s’emploie qu’avec un terme désignant un objet concret ou matériel : boire à même la cruche, coucher à même le sol. « J’autorise l’entreprise à prélever les honoraires à même ce compte. » (= sur ce compte). En outre, le complément marquant l’origine du paiement ou du prélèvement ne peut être introduit par la préposition de, calque de "to pay from". Le juge, par exemple, ne peut rendre une ordonnance de saisie-arrêt provisoire obligeant une partie à payer ou à prélever une somme [du] compte d’une personne, mais sur le compte de celle-ci. Prélever des fonds [de] (= sur) sa ligne, sa marge de crédit. La tournure payer une personne pour un service, pour un travail, est correcte puisqu’elle signifie la payer pour faire le travail, pour qu’elle fournisse le service. Toutefois, est incorrect en ce qu’il constitue un anglicisme de construction ("to pay for") le tour consistant, par l’emploi de la préposition pour, à faire du complément direct de payer un complément indirect. Par exemple, l’avocat ne demandera pas au témoin combien il a payé [pour] la maison qu’il a achetée, mais, plutôt, combien il a payé la maison pour l’acheter, combien elle a coûté. On paie quelque chose pour l’acheter. « Le demandeur a affirmé avoir payé la maison 200 000 $ », et non avoir payé 200 000 $ [pour] la maison. Attention ! Au figuré, le verbe payer pris au sens de dédommager ou de récompenser s’emploie correctement avec un complément de cause introduit par la préposition de (payer quelqu’un de ses services, de sa peine, de ses efforts), cette construction étant plus courante, convient-il de préciser, lorsqu’on la transforme au passif : être payé de sa peine, de sa perte, de ses exploits, de sa constance, de sa diligence, de son mérite. Pour la conjugaison, le y de payer se change en i devant le e muet : je paie. L’orthographe en y, bien qu’admise, disparaît peu à peu, mais persiste manifestement dans la langue du droit, même si elle tend à être supplantée par la première. De même en est-il pour le substantif : paiement supplante payement, qui sort de l’usage. Dans cette dernière forme, il faut prononcer l’y du verbe et du substantif. À l’indicatif présent, on écrit payons, payez, et au subjonctif présent ou à l’imparfait de l’indicatif, payions, payiez. La différence doit se faire sentir dans la prononciation. Contrairement à sa signification dans la langue usuelle où, concrètement, payer a pour objet une somme d’argent, ce verbe a un sens technique en droit. Le paiement se fait (en) comptant, en espèces, en numéraire, en argent, mais il peut aussi s’effectuer en nature notamment. Les engagements ne sont pas que pécuniaires. L’action de payer suppose nécessairement le fait d’avoir contracté une dette, laquelle, elle non plus ne s’entend pas uniquement d’une dette d’argent. Aussi payer signifie-t-il, à l’égard des obligations contractées, l’action de les acquitter, de les exécuter. Son complément s’étend à toute forme de prestation, en argent, en nature, en activité telle la fourniture, la livraison ou la réalisation d’une chose. Payer une contrepartie non financière, morale, matérielle. Payer en nature, en objets, en productions. « La dation en paiement permet au débiteur de satisfaire le créancier en payant en nature ce qui était dû en argent. » « Au lieu de vous payer un salaire en espèces, je vous le paierai en bétail et en grain. » Au figuré, payer (pour) une faute, un crime, un attentat, une infraction signifie être puni, expier, subir les conséquences, soit, dans les cas graves, par une peine d’emprisonnement ou de détention, soit, dans les cas jugés moins graves, par la prestation de services au sein de la communauté. En ce sens, le verbe payer a un emploi intransitif ou absolu. « Les criminels doivent payer pour leurs crimes. » « Quoique irresponsables dans l’exercice de leur charge, les juges doivent payer pour leurs fautes privées. » « S’ils sont déclarés coupables, ils paieront. » Commandement de payer.
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)
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« Enjoindre »

Un article sur le verbe enjoindre.
Serge Lortie (L’Actualité terminologique, volume 19, numéro 6, 1986, page 9) « Il s’agit d’un appel d’un jugement […] enjoignant le capitaine Burrill de répondre à deux questions qui lui ont été posées au cours de son interrogatoire préalable. »La Reine c. Irish shipping Ltd.,Cour fédérale, [1976] 1 C.F. 418, p. 419 Même si la faute a été dénoncée depuis longtemps par le comité de linguistique de Radio-Canada, traducteurs et journalistes persistent à « enjoindre quelqu’un »Note de bas de page 1 plutôt que d’« enjoindre à quelqu’un ». Il n’est pas jusqu’au législateur fédéral qui n’éprouve quelque difficulté à maîtriser la question, puisque dans un article de la récente Loi sur les jeunes contrevenants, il utilise incorrectement le verbe en causeNote de bas de page 2 après l’avoir, dans un autre articleNote de bas de page 3, employé correctement. Il faut admettre que, en dehors de la fiche de Radio-Canada, le sujet n’a jusqu’ici, à notre connaissance, jamais donné lieu à une définition précise de la règle à suivre. Pour compliquer les choses, l’exemple donné par le dictionnaire Robert au terme « enjoindre » ne se caractérise pas par sa clarté sur ce point. Enfin, difficulté supplémentaire, la préposition « à » n’apparaît pas explicitement dans certains cas, notamment à la première personne du singulier et aux première et deuxième personnes du plurielNote de bas de page 4. La faute qui nous intéresse semble attribuable à l’influence de l’anglais, où l’on dit to enjoin somebodyNote de bas de page 5. Une explication plus généreuse consisterait à mettre l’erreur considérée sur le compte d’une confusion avec le verbe « requérir » qui, lui, se construit sans prépositionNote de bas de page 6. À l’appui de cette seconde explication, il faut noter que Hanse, dans son dictionnaire des difficultés, relève la fauteNote de bas de page 7. Or si cette dernière se rencontre également en France et en Belgique, la thèse de l’anglicisme s’en trouve affaiblie. Le fatalisme qui, avec l’âge, vient au traducteur m’incite pourtant à pencher pour la première des deux hypothèses exposées ci-dessus. Il serait sans doute intéressant d’analyser les textes juridiques du Québec pour voir à quel moment cette tournure inexacte y est apparue. Pour l’instant, nous nous bornerons à relever que le verbe « enjoindre » était correctement employé dans les textes du début de la Nouvelle-France. Cela permet incidemment de mesurer les progrès que la langue juridique a accomplis en plus de trois siècles dans notre pays. Pour ne citer qu’un exemple, une ordonnance prise par le gouverneur Talon en 1671 faisait en ces termes injonction aux hommes nubiles de s’engager dans les liens du mariage sous peine de perdre le droit de chasser et de pêcher :Le Conseil ayant des lannée passée enjoint par son arrest a tous Compagnons Volontaires et autres personnes qui sonten age dentrer dans le mariage de se marier quinze jours apres larrivée des navires qui apportent les filles sous Peine destre Privés de la liberté de toute sorte de chasse pesche et traitte avec les sauvages et dailleurs sa MatéAller à la remarque a nous ayant ordonné demployer nostre Autorité pr qu’il ait une entière et pleine exécution Nous deffendons tout de nouveau aux Volontaires et à toutes autres personnes non mariées lusage de la chase de la pesche et de la traitte avec les sauvages et mesme lentrée dans les Bois pour quelque Cause et pretention que Ce soit à Peine. […] fait à Québec le 20 octobre 1671Note de bas de page 8.RéférencesNote de bas de page 1 « le pouvoir exécutif respecte les décisions de la Cour, même s’il n’est pas enjoint formellement de le faire. »Lount Corporation c.. Procureur général du Canada, Cour fédérale, [1984] 1 C.F. 332, p. 365.« les administrateurs d’Hypothèques Trustco Canada enjoignent ses actionnaires à accepter l’offre de prise de contrôle déposée par la Compagnie d’Assurance-Vie Manufacturers […] »Le Devoir, 15 août 1985, p. 11.« La banque du Canada vient d’enjoindre la Northland de trouver un acheteur et de fusionner ou de se restructurer si elle ne veut pas se voir acculer à la faillite comme la Commerciale d’Edmonton. »Le Devoir, 4 septembre 1985, p. 13.« Peu après, la Commission des droits de la personne enjoignait la commission scolaire de verser $2000 en dommages aux Cusson-Lafleur […]. »Le Devoir, 19 avril 1986, p. 3.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 « L’assignation enjoignant un témoin à comparaître devant le tribunal pour adolescents peut émaner d’un juge du tribunal pour adolescents, même si le témoin ne se trouve pas dans la province où siège ce tribunal. »Loi sur les jeunes contrevenants, S.C. 1980-81-82-83, ch. 110, art. 54(1).Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 « un avis lui enjoignant de comparaître aux date, heure et lieu fixés par le juge afin d’exposer les raisons susceptibles de justifier la non-confiscation du montant de l’engagement. »Loi sur les jeunes contrevenants, S.C. 1980-81-82-83, ch. 110, art. 49(1)b).Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 « Nous remontâmes le couloir. À mi-wagon, un « salut la classe » nous enjoignit de trouver place, au milieu de sept gaillards passablement éméchés. »Yann Queffélec, Le charme noir, Gallimard, 1983, p. 105.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5"The Department of Justice used these powers in the E.F. Hutton case, enjoining the company from future use of cash-management procedures – among them systematic overdrafting schemes – that in essence had been giving the company interest-free loans."(Carol J. Loomis, "The limited war on white-collar crime").Autre exemple : Loi sur investissement Canada, S.C. 1985, ch. 20, art. 40(2)b).Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 « Une assignation doit requérir la personne à qui elle est adressée d’être présente au temps et au lieu à indiquer dans l’assignation […]. »Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C-34, art. 628(1).« Le juge d’instruction peut requérir par commission rogatoire tout juge de son tribunal […] de procéder aux actes d’information qu’il estime nécessaires […]. »Code de procédure pénale [France], art. 151.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Joseph Hanse, Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne, Duculot, Paris-Gembloux, 1983, p. 372.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 « Il peut enjoindre spécialement à ce témoin de demeurer à la disposition du tribunal, qui l’entendra à nouveau, s’il y a lieu. »Code de procédure pénale [France], art. 457.« il sera enjoint à la personne en cause […] de s’abstenir de conduire pendant le temps nécessaire à l’oxydation de l’alcool absorbé »Code de la route [France], art. L. 3.« Elle enjoint au titulaire du compte de restituer à tous les banquiers dont il est le client les formules de chèques en sa possession et en celle de ses mandataires. » Décret nº 75-903 du 3 octobre 1975 [France], art. 6.« Le conseil de famille peut lui enjoindre d’introduire une action […]. »Code civil [France], art. 464.Retour à la référence de la note de bas de page 8RemarquesRemarque a Forme abrégée de Sa Majesté.Retour à la remarque a
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continuer

Article portant sur le verbe continuer utilisé dans le domaine juridique.
Il ne faut pas, par contagion du verbe "to continue", dire d’un organisme, d’une société, d’un groupement qu’il est [continué] pour signifier que son existence est maintenue par la constitution d’une nouvelle entité juridique. On dit plutôt que le corps dont il s’agit est maintenu en existence ou qu’il est prorogé. C’est uniquement dans le langage du droit que le verbe continuer s’emploie comme transitif direct avec un complément de personne. Continuer une personne ne se trouve même pas en emploi littéraire : l’image est d’appartenance juridique exclusive. Ainsi, dans le langage des successions, on dit que l’héritier continue la personne du défunt pour signifier qu’il lui est directement substitué à la tête du patrimoine hériditaire. Il prend la place du de cujus dans tous les rapports juridiques où celui-ci se trouvait concerné avant le décès, il le continue. Même si elle est propre au droit civil, cette idée de continuité juridique n’interdit pas son emploi pour d’autres régimes de droit, en dépit du fait que, en droit anglo-saxon par exemple, un autre personnage vient s’interposer entre le défunt et l’héritier : l’administrateur de la succession. Il n’en demeure pas moins que, bien que l’image soit diminuée et moins propre à d’autres droits, elle peut s’employer pour évoquer le fait que, par la dévolution testamentaire, la personne du de cujus survit tant dans les effets que dans le résultat de la transmission des biens. Mais, pour le droit civil, l’image est la traduction fidèle de la réalité juridique; par continuité juridique on entend que l’héritier est censé avoir acquis la propriété de l’héritage à l’instant même du décès de son auteur. Il crée de la sorte une continuité parfaite entre le droit du défunt et celui du successeur qui continue sa personne. On dit aussi bien continuer à que continuer de. « Les membres du conseil continuent, malgré les dissensions manifestées, à expédier les affaires courantes. » « Il faut continuer de protéger avec vigueur les citoyens contre toute entrave exercée par l’État. »
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)
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