concluant, ante / conclusif, ive

  1. Il faut bien se garder de confondre ces deux adjectifs et d’en user indifféremment : on ne peut pas les employer de façon interchangeable.

    Est dit concluant ce qui prouve sans équivoque et d’une manière certaine, ce que l’on entend établir, sans possibilité de contestation, tandis que ce qui indique ou exprime grammaticalement ou syntaxiquement une conclusion est qualifié de conclusif (donc est une conjonction conclusive; une proposition est conclusive quand elle termine l’énoncé d’une phrase).

    Une norme juridique est concluante si, ne pouvant donner ouverture à débat ou opposition, elle est acceptée comme incontestable, irréfutable ou décisive; elle est conclusive ou à caractère conclusif lorsqu’elle termine ou clôt l’expression d’un énoncé normatif.

    Dans tous les autres cas, l’emploi de [conclusif] s’explique par une contagion de l’anglais "conclusive" : des faits ne sont pas [conclusifs], mais concluants. « Le juge ne peut ordonner d’office la preuve des faits qui lui apparaîtront concluants. »

  2. Le cooccurrent privilégié de concluant est le substantif preuve ou élément de preuve. La preuve concluante est celle qui opère prépondérance des probabilités ou prépondérance de la preuve en common law et intime conviction dans le régime civiliste.

    Par exemple, la preuve médico-légale d’un expert, la preuve fondée sur la jurisprudence constante du plus haut tribunal du pays ou la preuve tirée de faits dont la nature ou la loi ne permettent pas qu’ils soient contestés en justice sont toutes concluantes et pourront sceller le sort de l’action. « Ces deux éléments de preuve sont concluants au point de faire pencher la balance d’un côté plutôt que de l’autre. »

    S’agissant d’un fait à prouver, la preuve judiciaire dite indirecte d’un fait, et donc circonstancielle, qui repose sur les lois naturelles ou sur les lois humaines, que ces dernières soient scientifiques ou juridiques, s’impose de par sa seule force concluante. Elle a pour contraire la preuve par présomption, encore appelée preuve par inférence ou preuve probable.

  3. La preuve concluante établit un fait qui, c’est le cas de le dire, conclut tout débat sur un point donné. Pour cette raison, on l’appelle couramment de différents noms, au mépris des nuances sémantiques approchantes, preuve irrécusable, irréfragable, irréfutable et même péremptoire. On a du mal à user de chacun de ces termes dans son contexte d’emploi spécifique et à reconnaître ce qu’il porte en lui de sens apparenté à concluant.

    Est irrécusable ce qu’on ne peut refuser ou mettre en doute, telle la preuve dont les règles probatoires ou procédurales confirment l’admissibilité ou tel le témoignage qui est mis à l’abri de toute contestation, opposition ou objection.

    Est irréfragable ce qu’on ne peut contredire, à savoir une autorité, un argument, un témoignage ou une présomption; la preuve qui, conçue par rapport à une autre preuve lui étant contraire et, de ce fait, rendue inadmissible, est absolue puisqu’elle ne fait place à aucun doute raisonnable.

    Est irréfutable l’argument ou la preuve irrésistible à un point qui les rend indéniables et indiscutables.

    Péremptoire, enfin, qualifie un argument, une prétention ou la preuve qui, n’étant conçue par rapport à aucune autre preuve qu’elle-même et ab initio, ne souffre aucune objection.

  4. Il paraît plus simple de distinguer concluant de probant puisque, s’il est ce qui clôt tout débat, probant est-ce qui constitue une preuve. Éléments de preuve concluants ou probants. « Je ne conclus pas que les éléments de preuve incriminants sont concluants ou même probants. » La force probante étant celle qui conduit forcément à conclure, la force, la valeur probante est celle qui permet de prouver ce que l’on entend établir.

    La preuve concluante présente un caractère définitif puisqu’elle permet au tribunal de statuer, alors que la preuve probante est celle qui est pertinente et qu’il juge admissible 2, peu importe qu’elle soit concluante ni même convaincante. Aussi pourra-t-on varier l’expression, au gré des contextes, en disant de la preuve concluante qu’elle est convaincante, décisive, définitive, irrésistible.

  5. Les substantifs exercent un effet déterminant sur le sens des adjectifs qui les accompagnent. C’est sous leur lumière diverse que ces derniers s’éclairent d’acceptions qui pourront être voisines ou lointaines. La jurilinguistique désigne ce phénomène linguistique sous le nom de polysémie. Par exemple, l’adjectif principal est riche de six sens juridiques, public, de quinze, et libre, de pas moins de dix-neuf, comme le montre Gérard Cornu dans son Vocabulaire juridique et dans sa Linguistique juridique.

    L’adjectif concluant a deux sens voisins, celui qui a été mentionné en premier lieu et celui qui l’apparente à probant dans le terme preuve concluante. Se reporter au point 2 de l’article probant et au point 8 de l’article probatoire.

  6. Pour exprimer un degré supérieur ou inférieur de qualité à l’adjectif concluant, on dira du substantif ainsi qualifié qu’il est soit bien, particulièrement, pratiquement ou très concluant ou qu’il est concluant au point de, soit qu’il est non ou peu concluant, qu’il n’est nullement, pas ou guère concluant.

    Assez, presque, suffisamment concluant pour marqueront l’idée de suffisance, tandis que le tour est plus concluant que servira de comparatif de supériorité. Des plus concluants entrera dans la formation d’un superlatif relatif de supériorité (le pluriel indiquant le sens de parmi les plus concluants) et des plus concluant ou on ne peut plus concluant dans celle d’un superlatif absolu (le singulier indiquant le sens de entièrement, tout à fait concluant).

  7. Ce qui lie de façon concluante, telles une stipulation, une disposition (disposition 1, disposition 2), une clause, oblige les parties sans conteste. Par exemple, la vente dont il est dit qu’elle s’avère définitive a pour effet de lier les parties de façon concluante.
  8. Le doublet concluant et définitif ne crée l’effet pléonastique qu’en apparence. Il est fréquent dans le langage du droit d’user de doublets syntagmatiques (qui diffèrent des séries synonymiques) pour renforcer par l’emploi d’un second élément le sens du premier.

    La décision ou l’ordonnance qui est qualifiée de concluante et définitive présente un caractère irrévocable. Elle convainc définitivement par la force de ses motifs ou de ses dispositions, selon le cas, et ne peut être remise en cause ni soumise à révision.

    Un jugement est concluant parce que les motifs qu’il articule sont décisifs et il est définitif étant insusceptible d’appel. Ce sont là deux de ses effets juridiques.

    Cependant, si la loi prévoit qu’il peut être porté en appel, il y a erreur de droit et pléonasme vicieux à le qualifier de [concluant et définitif] : s’il est concluant, il n’en est pas pour autant [définitif]. La décision concluante s’impose par la force de sa motivation; la décision définitive a force de chose jugée.

  9. Voici, enfin, une liste de vérification non exhaustive de cooccurrents fréquents de concluant qu’il sera utile de compléter au fil de lectures complémentaires.
    • Allégation, prétention, thèse concluante.
    • Appréciation, évaluation concluante, examen concluant.
    • Argument concluant, argumentation concluante.
    • Arrêt, jugement concluant.
    • Aveu concluant, confession concluante.
    • Circonstance concluante, fait concluant.
    • Conclusion, observation, plaidoirie, remarque concluante.
    • Contre-interrogatoire, interrogatoire concluant, enquête concluante.
    • Critère, facteur concluant, norme, règle concluante.
    • Débat concluant.
    • Décision, ordonnance concluante.
    • Démonstration concluante.
    • Déposition concluante, témoignage concluant.
    • Document, dossier, rapport, renseignement concluant.
    • Élément de preuve, moyen de preuve concluant, preuve concluante.
    • Énoncé concluant.
    • Issue concluante, résultat, sort concluant.
    • Jurisprudence concluante, précédent concluant.
    • Motif, moyen, raisonnement concluant, raison concluante.
    • Omission concluante.
    • Renvoi concluant

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