Qui suis-je? J’exprime une action, un état ou une relation. Au figuré, je désigne aussi l’expression de la pensée. Vous l’aurez deviné, c’est le verbe, un élément essentiel de la phrase!
Conjugué, irrégulier, transitif, intransitif, pronominal, auxiliaire, attributif, impersonnel sont autant de termes qui qualifient les types et les groupes de verbes. Laissons de côté les considérations grammaticales et arrêtons-nous un instant sur les verbes… ternes.
Un verbe qui brille par sa fadeur
Le ciel, le teint, une couleur peuvent sembler ternes, c’est-à-dire sans éclat. D’ailleurs, selon le dictionnaire d’Antidote, le mot « terne » désigne ce qui n’attire ni ne retient l’attention en raison d’un manque de vivacité, d’originalité, d’imagination. Un verbe terne est un mot passe-partout, fade parce qu’utilisé à outrance. Lors de mes études au secondaire, je me souviens d’une enseignante qui nous avait présenté le trio de verbes utilisés à toutes les sauces : avoir, être et faire. Ils ne sont pas les seuls à figurer au palmarès des verbes ternes. En voici une brève liste :
- Aller
- Dire
- Finir
- Mettre
- Porter
- Pouvoir
- Tenir
- Vouloir
Bannir les verbes ternes : un coup d’éclat?
Doit-on bannir les verbes ternes de nos textes pour qu’ils deviennent plus vivants, plus captivants? La réponse est non. Ce serait d’ailleurs une mission impossible. Toutefois, le remplacement de quelques verbes neutres par d’autres verbes plus chargés de sens comporte plusieurs avantages.
Une phrase qui gagne en précision
À choisir entre un verbe terne et un verbe plus précis, l’on optera pour ce dernier. Comparons les deux phrases suivantes :
- Elle dit être innocente.
- Elle clame son innocence.
Clamer, c’est exprimer quelque chose avec force, le crier. Clamer est porteur d’un sens propre et précis.
Une phrase pleine d’allant
Imaginez-vous au théâtre. Sur scène, une personne interprète un rôle en débitant son texte sans y insuffler d’énergie, sans moduler son intonation. Elle récite, sans plus. Le verbe terne correspond à cette personne qui récite; sans se tromper certes, mais sans enthousiasme, sans conviction.
Au lieu d’écrire : « Le belvédère est au-dessus du fleuve Saint-Laurent. », reformulons la phrase pour lui donner du relief : « Le belvédère surplombe le fleuve Saint-Laurent. » L’on visualise plus facilement le belvédère qui domine le fleuve.
Une phrase bien souvent plus courte
La plupart du temps, les verbes « être », « avoir » et « faire » nécessitent des compléments. En leur substituant des verbes plus précis, on gagne en concision. « Avoir envie de voyager » devient « souhaiter voyager ». Au lieu de dire « je vais faire un tour », pourquoi pas « je sors »? « Avoir de la difficulté à faire quelque chose » peut se transformer en « peiner », « besogner » ou « s’échiner », selon le contexte.
Une bonne impression
L’emploi excessif des verbes ternes appauvrit le texte et suscite l’ennui de la personne qui le lit. Enrichissez le texte en choisissant un verbe plus précis (« cette personne déborde d’énergie » au lieu de « cette personne est pleine d’énergie ») ou encore dynamisez le texte en employant un verbe d’action (« elle prépare un dessert » au lieu de « elle fait un dessert »). Parfois, il convient de reformuler le propos. Comparons les deux phrases suivantes.
Version terne | Version remaniée |
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Elle n’est pas contente de la façon dont les choses se sont passées et elle veut s’en aller. | Mécontente de la tournure des événements, elle décide de partir. |
Un texte insipide, non merci!
Une fois le texte rédigé, laissez-le de côté le temps de décanter les idées. À tête reposée, on repère mieux les verbes ternes. Comme en toutes choses, la modération a bien meilleur goût. Au lieu de biffer tous les verbes ternes, modifiez quelques occurrences. Vous pouvez puiser de l’inspiration dans les dictionnaires, notamment les dictionnaires de synonymes ou les livres de difficultés de la langue française, pour trouver des solutions de remplacement.
Le remplacement des verbes ternes constitue une véritable gymnastique intellectuelle. Selon l’adage, c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Plus vous pratiquerez cette gymnastique, plus votre cerveau deviendra apte et prompt à reconnaître et à remplacer un verbe terne. Peut-être considérerez-vous la lecture d’un œil neuf? Les gens de lettres le savent : la lecture constitue le moteur de l’écriture. Chose certaine, avec la pratique, votre style s’améliorera pour le plaisir de tout un chacun.