Le verbe. Au cœur de la phrase, il permet de situer une action dans le temps ou d’exprimer un état. Cet élément essentiel du discours est par ailleurs l’un des plus complexes de la langue française. Le sens du verbe, ses formes et son emploi dans la phrase présentent de nombreuses variations. La cerise sur le gâteau? L’anglais a aussi une forte influence sur l’emploi de certains verbes en français. Pour y voir clair, examinons quelques verbes bien français, mais qui ne sont pas toujours employés de la bonne façon.
1. « Trois ans après avoir appliqué pour le programme de musique, Mauricio a gradué de l’Université de Moncton. »
C’est sous l’influence de l’anglais to apply for que le verbe « appliquer » est parfois employé dans le sens de « présenter une demande (de prestations, de passeport, d’admission, d’inscription, d’emploi, de permis, etc.) ». En français, « appliquer » signifie :
- mettre une chose sur une autre (appliquer de la peinture sur une feuille);
- utiliser quelque chose pour obtenir un résultat (appliquer un traitement à une maladie);
- mettre en pratique (appliquer le règlement).
Dans la phrase, on aurait pu écrire que Mauricio a posé sa candidature ou fait une demande d’admission. Pour trouver d’autres idées de formulations correctes en français, consultez l’article « appliquer/faire application » des Clés de la rédaction (s’ouvre dans un nouvel onglet).
Est-ce qu’on peut « graduer » de l’université? Eh bien non. Il s’agit d’un calque de l’anglais to graduate. On dira plutôt obtenir un diplôme. L’emploi de « graduation » est aussi déconseillé pour désigner une cérémonie de remise des diplômes ou une collation des grades.
La même logique s’applique à « gradué » employé comme nom ou adjectif, car ce mot sert uniquement à désigner une chose qui est divisée en degrés ou qui augmente graduellement. Pour désigner une personne qui a terminé un programme d’études, on emploiera plutôt diplômé. L’article « graduer » des Clés de la rédaction (s’ouvre dans un nouvel onglet) pourra vous en apprendre davantage sur la question.
2. « Le comité a émis un communiqué pour expliquer comment la récession a impacté l’économie. »
Ici encore, c’est sous l’influence de l’anglais to issue que le verbe « émettre » est employé à tort avec « permis », « communiqué », « passeport », « mandat », etc. On préférera délivrer un permis ou un passeport, publier un communiqué et lancer un mandat. L’article « émettre » des Clés de la rédaction (s’ouvre dans un nouvel onglet) contient beaucoup d’autres idées permettant de remplacer ce verbe dans divers contextes.
« Impacter » est un verbe construit à partir du nom « impact », qui désigne en fait un choc violent. L’emploi de ce verbe est critiqué même s’il est maintenant accepté dans certains ouvrages, dont Le Petit Robert. Toutefois, avec un peu d’imagination, il est facile de le remplacer par des tournures plus idiomatiques, comme avoir un effet, une incidence ou des répercussions sur. On peut aussi recourir aux verbes nuire à, bouleverser, se répercuter sur, toucher, chambarder et chambouler, selon le contexte. De belles solutions françaises, n’est-ce pas?
3. « Tous les ministères sont desservis par la Direction des services informatiques. »
Le verbe anglais to serve se rend de diverses façons en français, mais les dictionnaires limitent l’emploi de « desservir » à des endroits : gare, localité, chantier, raffinerie, etc. Le verbe « desservir » englobe l’idée de distribution. Par exemple :
- Le bureau de poste dessert cette localité.
Il a également le sens d’« assurer un service » en parlant d’une voie de communication ou d’un moyen de transport. Comme dans cet exemple :
- Le train dessert ce village.
On se gardera de confondre « desservir » et « servir », des verbes qui ne sont pas interchangeables. On trouve des exemples d’emplois corrects dans l’article « desservir » des Clés de la rédaction (s’ouvre dans un nouvel onglet).
On remplacera avantageusement la forme « être desservi » par obtenir des services de (tous les ministères obtiennent des services de la Direction des services informatiques) ou être des clients de (tous les ministères sont des clients de la Direction des services informatiques). On peut aussi changer le sujet : La Direction des services informatiques fournit des services à tous les ministères. Que pensez vous de ces propositions?
4. « Très bien, je te reviens là-dessus demain. »
Si vous échangez des courriels avec vos collègues, vous avez sûrement obtenu cette réponse plus d’une fois! Il s’agit toutefois d’un calque de l’anglais get back to you. En effet, le verbe « revenir » n’a pas ce sens en français. Comment éviter cet écueil? On peut employer je te répondrai demain ou je communiquerai avec toi demain à ce sujet. C’est aussi simple que cela!
5. « Ce débat polarise la communauté. »
Pour terminer, je vous présente un faux ami qui passe souvent inaperçu. J’ai nommé le verbe « polariser »!
En anglais, le verbe to polarize signifie « se diviser en deux groupes ayant des avis opposés ». Or, ce sens du verbe « polariser » n’est pas attesté dans les dictionnaires de langue française. En français, « polariser » signifie « attirer, concentrer en un point », comme dans « polariser l’attention des dirigeants ». En fait, les verbes anglais et français ont pratiquement des sens opposés.
Pour rendre le sens du verbe anglais, il faut évoquer la division. Pour reprendre l’exemple ci-dessus, on pourrait dire : Ce débat divise la communauté ou sème la discorde ou la division au sein de la communauté.
J’aurais évidemment pu me pencher sur beaucoup d’autres verbes qui ne sont pas toujours employés de la bonne façon. Et vous, lesquels auriez-vous choisis? Mentionnez-les-moi en commentaire!