Navigateur linguistique

Le Navigateur linguistique permet de faire une recherche par mots clés ou par thème pour trouver rapidement réponse à des questions sur la langue ou la rédaction en français et en anglais. Pour en apprendre davantage sur cet outil de recherche, consultez la section À propos du Navigateur linguistique.

Première visite? Découvrez comment faire une recherche dans le Navigateur linguistique.

Rechercher par mots clés

Champs de recherche

Rechercher par thème

Faites une recherche par thème pour accéder rapidement à toutes les ressources linguistiques du Portail associées à un thème en particulier.

À propos du Navigateur linguistique

Le Navigateur linguistique cherche simultanément dans tous les outils d’aide à la rédaction, jeux et billets de blogue du Portail linguistique du Canada. Il vous donne accès à tout ce dont vous avez besoin pour bien écrire en français et en anglais : articles sur des difficultés de langue, recommandations linguistiques, tableaux de conjugaison, suggestions de traductions et bien plus.

Pour trouver la traduction d’un terme ou la réponse à vos questions d’ordre terminologique dans un domaine spécialisé, consultez TERMIUM Plus®.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Résultats 81 à 90 de 93 (page 9 de 10)

Mots de tête : « en bout de » à toutes les sauces

Un article sur les expressions construite à partir de en bout de
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité terminologique, volume 33, numéro 2, 2000, page 12) À la parution d’un nouveau dictionnaire, il est toujours « excitant » de vérifier si les derniers mots à la mode s’y trouvent. Ou si tel nouveau sens a enfin droit de cité. Les trois quarts du temps, hélas, on reste sur sa faim. Mais il y a des exceptions. C’est le cas d’un ouvrage paru récemment, au titre plutôt curieux pour un dictionnaireNote de bas de page 1. Curieux moi-même, j’y jetai un coup d’œil pour mon plaisir, mais aussi pour les besoins de mon article. Je cherchais des équivalents à un certain trio anglais qu’on voit souvent dans nos textes : in the end, at the end of the day, ultimately. Le cas de ce dernier est particulièrement intéressant. L’auteur propose pas moins de onze traductions, dont une qui m’a fait un certain velours : à terme. (Il y a une quinzaine d’années, j’avais proposé de traduire eventually par à terme, notamment pour éviter éventuellement.) Mais il y en a une autre qui m’a un peu étonné : en bout de chaîne. Je n’ai rencontré cette tournure qu’une seule fois, il y a une bonne dizaine d’années :[…] la France, dans cette affaire, n’est qu’en bout de chaîneNote de bas de page 2. L’expression fait image, et on voit comme il est facile de passer du propre au figuré, mais elle est inconnue des dictionnaires. Sauf de la cinquième et dernière édition du Robert-Collins (1998), où elle est rendue par at the end of the chain, ce qui n’est pas le sens que lui donne Meertens. C’est plutôt celui de l’exemple ci-dessus. Chez nous, on voit plusieurs tournures formées sur le modèle d’en bout de chaîne. En bout de course, par exemple. Une critique littéraire du Devoir écrivait récemment :Il se trouve des romans dont on sait qu’ils nous laissent en bout de course sans voix et sans défenseNote de bas de page 3. Quel sens doit-on donner à cette phrase? « une fois la lecture terminée »? « au bout du compte »? C’est ce dernier sens que le Robert-Collins lui donne : « (fig.) en bout de course (= finalement) at the end of the day, ultimately ». Jusqu’ici, en bout (ou fin) de course avait un sens différent : in the final stage, ou on one’s last legs, pour reprendre les traductions les plus courantes. Pour revenir chez nous, il y a une autre tournure qui pourrait concurrencer sérieusement en bout de course. Je l’ai d’abord rencontrée chez un politicologue :J’aurai recours en bout de piste à un paradoxe […]Note de bas de page 4. J’en ai relevé trois exemples dans Le Devoir, dont deux de collaborateurs du journal et l’autre, d’un professeur de littérature, plutôt chatouilleux sur le chapitre de la qualité de la langue :Cette discrimination scolaire jouerait, en bout de piste, en fa- veur de la conservation de la structure sexuée de la sociétéNote de bas de page 5. J’avais déjà vu cette tournure, il y a très longtemps. Dans L’Art du gaspillage, parlant de la tendance en faveur de voitures de plus en plus longues, un directeur de la General Motors déclarait en 1959 : « Pour ce qui est de la longueur, nous sommes en bout de pisteNote de bas de page 6! » Le texte anglais donne « at the end of the runway ». On trouve une confirmation de ce sens dans le Grand Larousse bilingue à piste, mais aucun signe du nôtre. Enfin, une troisième tournure menace à son tour de déloger ses concurrentes :En bout de ligne, si le CRTC approuve la transactionNote de bas de page 7 … Cela fait peut-être trois ou quatre ans qu’on voit cette locution, mais il semble bien qu’elle soit plus vieille qu’on ne le croit, puisque les auteurs du ColpronNote de bas de page 8 la condamnent depuis 1994. Ils y voient un calque de l’anglais at the end of the line. À première vue, cela paraît tout à fait plausible, sauf que ce tour est inconnu des dictionnaires anglais. Il m’a fallu consulter cinq collègues anglophones pour en trouver une qui croyait avoir déjà entendu at the end of the line, et une autre qui en comprenait spontanément le sens. Alors comment expliquer qu’une tournure aussi peu répandue ait pu faire naître une expression équivalente en français québécois? Il est vrai qu’en bout de ligne se rencontre souvent dans les traductions. Mais ce n’est jamais pour rendre at the end of the line. C’est soit ultimately (dans un même texte, je l’ai vu traduit trois fois par en bout de ligne), soit in the end. Dans le fameux arrêt de la Cour suprême du Canada sur la sécession du Québec, on peut lire : « international law will in the end recognize/le droit international reconnaîtra en bout de ligne ». Mais on voit notre tournure tout aussi souvent en dehors du contexte de la traduction. Et on se permet même des variantes. L’ancien directeur du Devoir, Claude Ryan, interrogé à la télévision de Radio-Canada l’année dernière, laissait tomber un au bout de la ligne incongru. Variante que j’ai également entendue dans la bouche d’un jeune humoriste, et d’une groupie, dans un reportage sur ce phénomène. Si les Français ignorent notre en bout de ligne, ils ne semblent pourtant pas se satisfaire des locutions existantes, puisqu’ils en ont inventé une autre :Au final, le bogue sera moins une mesure de l’échec technique des situations que des échecs sociaux qu’il rendra manifestesNote de bas de page 9.Au final, ces députés seront jugés sur ce qu’ils déciderontNote de bas de page 10.Au final, la représentation nationale a voté sur la base d’une compilation de discussions de bistrotNote de bas de page 11. Comme pour en bout de ligne, je croyais qu’il s’agissait d’un usage très récent. Mais je me suis trompé. Le Petit Robert de 1993 le donne, avec une citation de 1989. Et le Robert-Collins Super Senior (1995) aussi : au (ou en) final est traduit par in the end. Sauf erreur, ce sont les deux seuls dictionnaires à l’enregistrer. Mais pour les nostalgiques du latin, il y a encore mieux. In fine, terme réservé jusqu’ici aux appareils critiques des ouvrages savants, avec le sens de « dans la partie finale, dans les dernières lignes [d’un chapitre, d’un ouvrage] », semble vouloir se démocratiser.D’où les largages à haute altitude, les imprécisions fatales et, in fine, les frustrations devant les résultats somme toute décevants de 38 000 missions aériennesNote de bas de page 12. Cette fois c’est un usage tout nouveau, mais là encore, le Robert-Collins (1998) veillait au grain : il traduit in fine par ultimately. Trois ans plus tôt, le Super Senior se contentait de rendre in fine par… in fine. Au bout du compte, notre trio anglais ne devrait plus donner beaucoup de fil à retordre au traducteur. Outre les onze traductions proposées par Meertens, il dispose désormais de trois autres solutions : en bout de course, au final, in fine. Et s’il ne craint pas de faire québécois, il pourra ajouter en bout de piste et en bout de ligne. Non, vraiment, il n’aura plus d’excuse pour traduire at the end of the day, comme je l’ai déjà vu, par « à la fin de la journée ». P.-S. : À toutes fins utiles, je vous signale une autre expression qu’on pourrait ajouter à la liste : « à toutes fins pratiques »… (La suite au prochain numéro.)RéférencesNote de bas de page 1 René Meertens, Guide anglais français de la traduction, Paris, TOP éditions, 1999.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 André Fontaine, Le Monde, 24.2.87.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Hélène Le Beau, Le Devoir, 11.12.99.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Guy Laforest, De l’urgence, Boréal, 1995, p. 69.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Jean Larose, Le Devoir, 23.10.99. (Voir aussi Le Devoir des 20.6.99 et 30.10.99.)Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Vance Packard, L’art du gaspillage, Calmann-Lévy, 1962, p. 90. (Traduction de The Waste Makers par Roland Mehl.)Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Hélène Baril, Le Devoir, 8.2.00.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Constance Forest et Louis Forest, Le Colpron, Montréal, Beauchemin, 1994.Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Ted Byfield, Le Monde diplomatique, août 1999, p. 11. (Je soupçonne qu’il s’agit d’une traduction.)Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 Lorraine Millot, Libération, cité dans Le Devoir, 27.10.99.Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11 François Arcangeli, cité dans Le Figaro, 30.2.00.Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12 Pierre Bocev, Le Figaro, 23.3.00.Retour à la référence de la note de bas de page 12
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
Nombre de consultations : 948

Mots de tête : « supposé » + infinitif

Un article sur l’expression
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité terminologique, volume 29, numéro 3, 1996, page 9) (…) ce que les Français étaient supposés me lancer comme colles.(Daniel Latouche, Le Devoir, 29.4.95.) Employé avec un infinitif, « supposé est un léger anglicisme », écrit Hector Carbonneau dans son Vocabulaire généralNote de bas de page 1, le fameux BT-147. Un bon quart de siècle après avoir lu cette mise en garde, je me demande toujours ce qu’est un anglicisme « léger ». Moins lourd qu’« en charge de », par exemple? aussi léger qu’« anxieux de + infinitif »? Les grands pourfendeurs de l’anglicisme – notamment Gaston Dulong (1968), Victor Barbeau (1970) et Gilles Colpron – ne manqueront pas de nous rappeler qu’on n’est pas « censé » employer cette tournure. C’est ainsi que très tôt dans ma carrière j’ai appris à l’éviter. Certes, cela ne m’enchantait pas, mais je n’en ai pas perdu le boire et le manger. Mais voilà qu’un beau jour, à propos de je ne sais trop quoi, un collègue me fait observer que cette façon de dire est courante dans son coin de pays. Ses compatriotes diraient, comme nous : « J’étais supposé aller chez le docteur, aujourd’hui. » J’ai failli tomber faible, comme disent les gens de Lorraine. Son coin de pays, c’est Millau, petite ville au beau milieu de l’Hexagone. Je n’ignore pas que l’anglais se répand comme le chiendent, mais que dans les années 40 – bien avant l’invasion de la télé américaine – il ait pu s’infiltrer dans le parler quotidien des Millavois, ça me semblait un peu fort de café. C’est ce qui m’a décidé à écrire ce billet. Mais il fallait commencer par le commencement, c’est-à-dire trouver des exemples… Ce n’est pas pour me vanter, mais j’ai fait de belles trouvailles. En tout bien tout honneur, commençons par les traducteurs (j’emploie le masculin pour la rime) :Les politiciens sont supposés avoir certaines connaissances de l’histoireNote de bas de page 2.(…) attendre qu’ils fussent presque tous parvenus à l’endroit où ils étaient supposés se rendreNote de bas de page 3. Avant que vous ne sortiez votre argument mangé par les mites du traducteur-esclave-du-texte-de-départ, je vous répondrai par un exemple de nul autre que le grand Alexandre Vialatte :(…) le merle blanc, qui est supposé ne pas exister (…)Note de bas de page 4. À moins que vous ne préféreriez un ethnologue :Cela peut faire impression sur les filles, qui ne sont pas supposées savoir que le costume a été voléNote de bas de page 5. Ou un ancien coopérant :(…) le reportage que j’étais supposé réaliser (…)Note de bas de page 6. Ou un bon auteur, Louis Guilloux, qui m’a déjà fourni un exemple de faire sa part :Vous êtes supposé n’en rien savoirNote de bas de page 7. Le directeur du Nouvel Observateur, Jean Daniel, emploie la tournure deux fois :(…), doué lui-même comme j’étais supposé l’êtreNote de bas de page 8. Et Jean Rolin, dans un récit de voyage d’un humour fin comme l’ambre, l’emploie trois fois :(…) couinements supposés exprimer les conséquences de cette chaleur (…)Note de bas de page 9. Enfin, Guy Sorman, comme pour leur damer le pion à tous, nous fournit quatre exemples :(Les communautés) sont supposées s’organiser (…)Note de bas de page 10. Bien évidemment, la presse n’est pas en reste. De bons journalistes, du Monde notamment, emploient cette expression : Paul Fabra (28.3.89), Christiane Chombeau (31.3.89), Philippe Pons (18.3.92), Agathe Logeart (28.4.95), Erik Izraelewicz (26-27.5.96). Annick Cojean (26.4.95) trouve le moyen de la placer deux fois dans la même phrase :Ils n’étaient pas supposés naître, comme leurs parents n’étaient pas supposés vivre. Le tableau serait incomplet sans un exemple du grand écran :(Votre génération) n’était pas supposée l’être. (Nelly et M. Arnaud, film de Claude Sautet, 1995) Il va sans dire que les dictionnaires québécois connaissent cet usage. Le GlossaireNote de bas de page 11 le signale dès 1930. BélisleNote de bas de page 12 y voit un québécisme. Clas et SeutinNote de bas de page 13 donnent comme source un roman de l’historien Marcel Trudel, qui date de 1946. Dugas et SoucyNote de bas de page 14 s’appuient sur la tradition orale. Et le Dictionnaire québécois d’aujourd’huiNote de bas de page 15 tant décrié, qu’on accuse de ne pas donner d’indications d’usage au lecteur, comme pour faire mentir ses détracteurs, prend la peine de préciser que la locution « est critiquée en tant que calque de l’anglais ». D’après ces dates, on pourrait croire que c’est un usage plus ancien chez nous qu’en France. Mais jusqu’à plus ample informé, ce sont nos cousins qui ont commis cette « faute » les premiers. Lors de son séjour à Londres, Louis Hémon écrit à sa mère :(…) la princesse payant nos frais de voyage, nous serons supposés négliger toutes considérations qui (…)Note de bas de page 16.Sa lettre date de 1907! Tout ce monde aurait été infecté par l’anglovirus? Y compris la vingtaine de milliers de Millavois? C’est plutôt fort de chicorée (pour ne pas me répéter). C’est assez en tout cas pour douter du bien-fondé des condamnations dont cette locution a fait l’objet. Ce qui expliquerait peut-être le silence de plusieurs champions de la langue : où sont passés Gérard Dagenais, Irène de Buisseret, Robert Dubuc, Louis-Paul Béguin, Jean-Marie Laurence? Simple oubli de leur part? Dans ses Particularités de l’usageNote de bas de page 17, on dirait presque que Jean Darbelnet a voulu réparer cet oubli : « On notera que censé est synonyme de supposé ». Mais il ne nous dit pas s’il peut s’employer avec l’infinitif. C’est pourtant la première question qui vient à l’esprit à la lecture de la définition de censé dans le Petit Robert : « Qui est supposé, regardé comme, réputé (suivi d’un verbe à l’infinitif) ». Pourquoi réputé pourrait s’employer avec un infinitif mais pas supposé? C’est un peu la question que P. Dupré – dès 1972 – se posait dans son Encyclopédie du bon françaisNote de bas de page 18. Il écrit que rien ne s’oppose en principe à cette alliance de supposé et d’un infinitif. « Pour ma part, ajoute-t-il, ce tour ne me choque pas et je construirais de même présumé (…), encore qu’aucun exemple de ces emplois ne figure dans le Littré. » Dix ans plus tard, Joseph HanseNote de bas de page 19 lui donnera raison : « On peut dire : Il est supposé avoir compris ». Et dire que j’ai failli ne pas le consulter! J’ai d’ailleurs l’impression que c’est ce qui est arrivé à ceux qui ont repris le flambeau récemment : Marie-Éva de VillersNote de bas de page 20 et Constance et Louis ForestNote de bas de page 21, qui viennent de mettre à jour le dictionnaire de Gilles Colpron. Il reste que malgré la caution de Dupré et de Hanse, si vous êtes comme moi, vous aurez du mal à adopter cette tournure. On ne désapprend pas facilement à éviter une « faute ». Mais rien ne vous oblige à le faire. Vous pourrez continuer à employer censé jusqu’à ce que la couche d’ozone ait disparu, personne ne vous le reprochera. Sans compter que vous ferez ainsi l’économie d’une syllabe. (Valéry serait content de vous, lui qui disait qu’« entre deux mots il faut choisir le moindre ».) Mais vous n’avez plus le droit d’ignorer que cela se dit. Et la prochaine fois que vous entendrez un député de l’opposition rappeler au gouvernement qu’il n’était pas supposé augmenter les impôts, avant de crier à l’anglicisme, demandez-vous s’il ne s’agirait pas plutôt d’un millavoisisme… Avec le téléphone arabe, les mots voyagent vite.RéférencesNote de bas de page 1 Hector Carbonneau, Vocabulaire général, Bulletin de terminologie nº 147, Secrétariat d’État, Bureau des traductions, Centre de terminologie, 1973, 7 volumes. Paru entre 1957 et 1960.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Arthur Koestler, L’ombre du dinosaure, Paris, Calman-Lévy, 1956, p. 239. Traduit par Denise Van Moppès.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Brendan Behan, Encore un verre avant de partir, Paris, Gallimard, 1970, p. 56. Traduit par Paul-Henri Claudel.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Alexandre Vialatte, Et c’est ainsi qu’Allah est grand, Paris, Presses Pocket, 1989, p. 55. Chronique parue dans les années 50.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Jean Monod, Les Barjots, Paris, Éditions 10/18, 1971, p. 210. Paru chez Julliard en 1968.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Jean Chatenet, Petits Blancs, vous serez tous mangés, Paris, Seuil, 1970, p. 153. Voir aussi p. 130.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Louis Guilloux, O.K., Joe!, Paris, Folio, 1992, p. 250. Voir aussi p. 176. Paru chez Gallimard en 1976.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Jean Daniel, Le refuge et la source, Paris, Grasset, 1977, p. 86. Voir aussi p. 106.Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Jean Rolin, La ligne de front, Paris, Payot, 1992, p. 219, Collection Voyageurs. Voir aussi p. 86 et 176.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 Guy Sorman, En attendant les barbares, Paris, Livre de poche, 1994, p. 71. Voir aussi p. 27, 86 et 136.Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11 Glossaire du parler français au Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, 1968. Paru en 1930.Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12 Louis-A. Bélisle, Dictionnaire nord-américain de la langue française, Montréal, Beauchemin, 1979. Paru en 1957.Retour à la référence de la note de bas de page 12Note de bas de page 13 André Clas et Émile Seutin, J’parle en tarmes, Montréal, Sodilis, 1989.Retour à la référence de la note de bas de page 13Note de bas de page 14 André Dugas et Bernard Soucy, Dictionnaire pratique des expressions québécoises, Montréal, Éditions Logiques, 1991.Retour à la référence de la note de bas de page 14Note de bas de page 15 Jean-Claude Boulanger, Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, Saint-Laurent (Québec), DicoRobert inc., 1992.Retour à la référence de la note de bas de page 15Note de bas de page 16 Louis Hémon, Lettres à sa famille, Montréal, Boréal Express, 1980, p. 128.Retour à la référence de la note de bas de page 16Note de bas de page 17 Jean Darbelnet, Dictionnaire des particularités de l’usage, Québec, Presses de l’Université du Québec, 1986.Retour à la référence de la note de bas de page 17Note de bas de page 18 P. Dupré, Encyclopédie du bon français dans l’usage contemporain : difficultés, subtilités, complexités, singularités, Paris, Éditions de Trévise, 1972, p. 2471.Retour à la référence de la note de bas de page 18Note de bas de page 19 Joseph Hanse, Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne, Paris-Gembloux, Duculot, 1983.Retour à la référence de la note de bas de page 19Note de bas de page 20 Marie-Éva de Villers, Multidictionnaire des difficultés de la langue française, 2e édition, Montréal, Québec/Amérique, 1992. Paru en 1988.Retour à la référence de la note de bas de page 20Note de bas de page 21 Constance Forest et Louis Forest, Le Colpron, Montréal, Beauchemin, 1994.Retour à la référence de la note de bas de page 21
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
Nombre de consultations : 947

Mots de tête : Un imposteur dans la maison

Un article sur l’expression en est un de
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité langagière, volume 6, numéro 1, 2009, page 13) Son histoire en est une d’audace, de bravoure, de ténacité et de tendresse. (Jean O’Neil, Géographie d’amoursNote de bas de page 1) Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Irène de Buisseret n’aimait pas la tournure « en est un de », cet imposteur dans la maison, comme elle l’appelle. Ne mâchant pas ses mots, elle l’accuse d’être « un Américain mâtiné de Britannique qui a mis un masque à la française pour cacher sa physionomie anglo-saxonneNote de bas de page 2 »… J’ai longtemps cru qu’elle avait été la première à attacher le grelot à cet anglicisme, mais trois ans auparavant un terminologue proposait une traduction de « one of » qui indique assez clairement qu’il avait lui aussi démasqué l’imposteur : « L’atmosphère du yoga est de calme et de paixNote de bas de page 3 ». Deux ans après Irène de Buisseret, un lexique de l’Assemblée nationale du Québec parle de barbarismeNote de bas de page 4. Cinq ans plus tard, la grammairienne de l’Université de Montréal, Madeleine SauvéNote de bas de page 5, lui consacre un article assez exhaustif. Quant à notre bible des anglicismes, ce n’est qu’avec la troisième édition (1994) que les auteurs du Colpron s’aviseront de condamner ce tour. Lionel MeneyNote de bas de page 6 le relève lui aussi, et en donne six exemples. Deux sites le dénoncent comme calque, les « Clefs du français pratique » de TERMIUM® et le « Français au micro » de Radio-Canada (dont l’auteur est Guy Bertrand). Les exemples de Madeleine Sauvé datent de la deuxième moitié des années 70. Nous l’employons évidemment depuis plus longtemps, mais je n’en ai trouvé que trois qui remontent au-delà; un premier, de 1935 : « La motion n’en était pas une de défianceNote de bas de page 7 », un autre des années 50 : « Notre héritage en est un de misèreNote de bas de page 8 », et un dernier, de 1962 : « Mon impression en est une de surface seulementNote de bas de page 9 ». La tournure est tellement fréquente (au-delà de 100 000 occurrences sur Internet), qu’on ne s’étonne pas de la rencontrer chez à peu près tous nos journalistes (Le Droit, Le Devoir, La Presse ou L’Actualité). Mais on la voit aussi sous la plume de gens soucieux de bien écrire, comme Guy Frégault, historien et membre fondateur de l’Académie canadienne-française : « Le quartier en était un d’ouvriers et de petits bourgeoisNote de bas de page 10 »; ou Pierre Vadeboncoeur : « Leur activité en était une de pur relaisNote de bas de page 11 »; ou encore, Jean-Marc Léger : « La question n’en est pas une de générosité ni de maturitéNote de bas de page 12 ». On la trouve même chez des spécialistes de la langue, comme Robert Dubuc (qu’on ne saurait qualifier de laxiste) : « La situation dans ces médias en est une de bilinguisme marquéNote de bas de page 13 », ou Philippe Barbaud : « Une attitude éclairée qui doit en être une de réalisme et de respectNote de bas de page 14 ». Vous me direz que même nos linguistes ne sont pas à l’abri des fautes… Il est vrai qu’ils baignent dans le même milieu « anglifiant » que nous. Mme de Buisseret se retournerait-elle dans sa tombe si elle savait que d’anciens compatriotes affectionnent cette façon de dire? Un ingénieur, qui était chez nous depuis à peine dix ans : « Le futur barrage de Manic 3 en sera un de terreNote de bas de page 15 »; un auteur d’origine irakienne : « [la mission] en est une de tailleNote de bas de page 16 ». Après plus de vingt ans de « québécisation », celui-ci est peut-être plus excusable, car nous avions eu amplement le temps de le contaminer. Tout comme ces deux journalistes français, qui sont des nôtres depuis longtemps; feu Michel Vastel : « cette semaine de la mi-janvier en fut une de hauts et de bas » (Le Droit, 3.3.01), et Pierre Foglia, qui l’aime bien : « La foule du vélo en est une de badauds » (La Presse, 5.7.06). Hélas, nous ne nous contentons pas de contaminer les Français qui viennent s’établir chez nous, semble-t-il, mais nous nous permettrions même de citer de travers de purs Hexagonaux… Il y a vingt ans déjà, Nathalie Petrowski mettait ces mots dans la bouche de Renaud : « Le sentiment général en est un de flop » (Le Devoir, 21.1.89). Plus récemment, Antoine Robitaille en faisait autant avec deux auteurs, un historien et philosophe, Marcel Gauchet : « La présente crise en est une de décomposition et non d’organisation totalitaire » (Le Devoir, 1.6.02), et un anthropologue et sociologue, David Le Breton : « Notre société en est une d’anonymat » (Le Devoir, 6.7.02). On peut se demander si c’est bien ce qu’ils ont dit, ou si ce ne serait pas plutôt le journaliste qui aurait refait la phrase après coup. Mais on peut difficilement soupçonner la rédaction d’un journal de se permettre de récrire le texte d’un collaborateur : « Le contexte européen, qui en est essentiellement un de pluralité culturelle » (Sébastien Socqué, professeur à l’Université de Paris IV Sorbonne, Le Devoir, 2.3.06). Il faut se rendre à l’évidence, les Français l’emploient. En voici d’autres exemples : l’ancien directeur de la prestigieuse collection « Série noire », Robert Soulat : « Pierre Dulude a cependant tenu à préciser que l’ordre qu’il a établi n’en est pas un de préférence » (Il faut lire, 15.3.82, p. 16). Un auteur qui se passe de présentation, Jean GiraudouxNote de bas de page 17 : « Il peut en être un d’exceptionnel intérêt ». Mon dernier exemple, d’un académicienNote de bas de page 18, est une légère variante : « Cette impression d’absence, comment ne se serait-elle pas transformée chez ces esprits primitifs en une de possibilité dangereuse et menaçante? ». Ce tour, tout aussi curieux à première vue, serait-il plus acceptable que le nôtre? Mais pour ceux qui seraient encore allergiques à cette tournure, amusons-nous à récrire en « québécois » quelques phrases bien françaises, question de voir comment éviter ce tour critiqué. Une première : « Ma nuit en fut une d’insomnie et de rêves délicieux ». En réalité, Théodore de BanvilleNote de bas de page 19 a écrit : « Ma nuit fut une nuit d’insomnie… ». Une deuxième : « Notre lutte n’en est pas une d’idées »; c’est SartreNote de bas de page 20 qui écrit : « Notre lutte n’est pas d’idées; c’est une lutte… ». Une troisième : « La réunion devait en être une d’information ». Jean GuéhennoNote de bas de page 21 avait écrit : « La réunion devait être d’information ». (Je ne sais pas pour vous, mais ce raccourci me surprend toujours un peu, on dirait qu’il manque quelque chose.) Une dernière : « Le problème essentiel en est un de distribution ». Saint-ExupéryNote de bas de page 22 a plutôt écrit : « est celui de la distribution ». J’ai tenté ci-dessus de reprendre les façons proposées pour éviter ce tour. Dans l’exemple de de Banville, on répète le nom. Dans celui de Sartre et de Guéhenno, on supprime tout simplement la tournure « fautive ». Et dans le cas de Saint-Exupéry, on a recours au pronom démonstratif. Mais on pourrait aussi étoffer, comme ici (exemple qui rappelle celui de Vadeboncoeur) : « Le geste pourrait être de pur conformisme académique » (Michel Delon, Le Monde, 4.3.88). On pourrait difficilement dire « pourrait être de conformisme », il me semble. Et encore moins : « La loi sur la presse est de formalisme ». De fait, Philippe Boucher a écrit : « est toute de formalisme » (Le Monde, 20.12.86). N’auriez-vous pas été tentés d’écrire « en est un(e) de »? À la toute fin de son article, Madeleine Sauvé donne un truc pour se convaincre du « caractère insolite de la structure en est un ». Il suffit de mettre la phrase au pluriel. Mais alors que faire de l’exemple suivant : « La dévotion, qui, dans certaines âmes, est une marque de force, dans d’autres en est une de foiblesse »? Il n’est pas question d’écrire « en sont des de faiblesse »… Et pourtant, cette phrase, de structure insolite, n’est pas québécoise… Vous l’aurez deviné par le mot « foiblesse »…. Elle est de MontesquieuNote de bas de page 23. Certes, Madeleine Sauvé a raison d’écrire que la suppression de la tournure « en est un » donne plus de concision à la phrase et ajoute à la justesse de l’expression. Mais comme les Français se sont mis à l’employer, ne comptez pas sur moi pour la condamner.RéférencesNote de bas de page 1 Libre Expression, 1993, p. 112.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Irène de Buisseret, Guide du traducteur, 1972, p. 24-25; Deux langues, six idiomes, p. 17-18.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Bruno Couture, « Dans les cuisines de la traduction », Translatio, mai 1969, p. 5.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Lexique du journal des Débats, Assemblée nationale du Québec, 8e éd., 1976 (1974), p. 51.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Observations grammaticales et terminologiques, fiche 133, Université de Montréal, déc. 1979.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Dictionnaire québécois-français, Guérin, 2e éd., 2003.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Maurice Ollivier, L’Avenir constitutionnel du Canada, Éditions Albert Lévesque, 1935, p. 88.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Antoine Rivard, ministre sous Duplessis; Jean-François Nadeau, Le Devoir, 27.1.05.Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Georgette Lamoureux, Visages de la Havane, Beauchemin, 1962, p. 14.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 « Combats pour la langue française », Cahiers de l’Académie canadienne-française, vol. 15, 1978, p. 113.Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11 To Be Or Not To Be, L’Hexagone, 1980, p. 114 (lettre au Devoir en date d’avril 1978).Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12 Lettre à La Presse, 1.6.93.Retour à la référence de la note de bas de page 12Note de bas de page 13 C’est-à-dire, vol. XIV, nº 5, 1983, p. 3.Retour à la référence de la note de bas de page 13Note de bas de page 14 Le français sans façon, Hurtubise HMH, 1987, p. 54 (chronique parue le 8.12.84).Retour à la référence de la note de bas de page 14Note de bas de page 15 Michel Alexandre, 10 ans chez les Nègres Blancs, Éditions du Jour, 1976, p. 12.Retour à la référence de la note de bas de page 15Note de bas de page 16 Naïm Kattan, Le Devoir, 3.9.77.Retour à la référence de la note de bas de page 16Note de bas de page 17 Pleins pouvoirs, Gallimard, 1939, p. 58.Retour à la référence de la note de bas de page 17Note de bas de page 18 Paul Claudel, Oeuvres en prose, Gallimard, « La Pléiade », 1965, p. 1537 (article paru dans Le Figaro littéraire, 29.11.52).Retour à la référence de la note de bas de page 18Note de bas de page 19 Mes souvenirs, G. Charpentier, 1882, p. 41.Retour à la référence de la note de bas de page 19Note de bas de page 20 Situations III, Gallimard, 1946, p. 225.Retour à la référence de la note de bas de page 20Note de bas de page 21 Journal des années noires, Livre de poche, 1966, p. 121 (Gallimard, 1947).Retour à la référence de la note de bas de page 21Note de bas de page 22 Un sens à la vie, Gallimard, 1963, p. 229 (paru en 1956).Retour à la référence de la note de bas de page 22Note de bas de page 23 Lettres persanes, Livre de poche, 1968, p. 427.Retour à la référence de la note de bas de page 23
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
Nombre de consultations : 941

Mots de tête : Arguez, arguez, il en restera peut-être quelque chose

Un article sur le verbe arguer
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité langagière, volume 2, numéro 1, 2005, page 15) Les Américains arguent que le pays n’est pas prêt pour des élections (Pierre Foglia, La Presse, 24.01.04). Il n’est sans doute pas facile de faire un dictionnaire bilingue dont les deux parties correspondent parfaitement. Et ce n’est peut-être pas souhaitable, après tout. Ce qui ne m’empêche pas de pester chaque fois que je tombe sur une bizarrerie. Comme le cas d’arguer. (N’ayez crainte, je ne vais pas vous imposer un laïus sur sa prononciation, ou la nécessité de lui mettre un tréma.) Il est étonnant que les dictionnaires ne traduisent jamais to argue par arguer. Invariablement, on nous propose affirmer, maintenir, prétendre ou soutenir : « she argues that war is always pointless – elle affirme/soutient que la guerre ne sert jamais à rien » (Larousse). Que ce soit le Harrap’s, le Hachette-Oxford ou le Robert-Collins, c’est blanc bonnet et bonnet blanc. Les quatre mêmes verbes reviennent à tour de rôle. Et il n’en va pas autrement du MeertensNote de bas de page 1, qui se contente d’ajouter à ce quatuor deux équivalents, faire valoir et avancer. Vous n’êtes guère plus avancé, si j’ose dire, mais, au moins, cela vous fait deux nouvelles cordes à votre arc. Je ne sais pas si vous avez déjà eu la curiosité de faire une contre-vérification dans la partie français-anglais, mais je vous invite à le faire. Vous serez à la fois étonné et déçu, car aucun de ces verbes n’est traduit par to argueAller à la remarque a. Et pendant que vous y êtes, donnez-vous donc la peine de vérifier les traductions d’arguer. Comme vous le verrez, arguer que n’aurait que le sens de « prétexter » : « il argue qu’on ne l’avait pas prévenu – his excuse is that he was not informed » (Harrap’s) ; « il argua qu’il n’avait rien entendu – he protested that he had heard nothing » (Robert-Collins). Et pourtant, il s’emploie dans un autre sens : Albert arguait doucement que le goût que j’avais pour la lecture méritait d’être encouragé (Gide). Parmi les rares dictionnaires à donner arguer que, le Grand Larousse de la langue française est le seul (sauf erreur) dont la citation ne sert pas à illustrer l’idée de prétexte ou d’excuse, comme le fait le Grand Robert, par exemple. On dirait que les bilingues se sont alignés sur le Robert. J’ai retrouvé cette même démarche zigzagante chez la traductrice d’un ouvrage américain, The Disuniting of AmericaNote de bas de page 2. Dès la première occurrence d’arguer, « un autre commentateur s’opposa à l’emploi du terme esclaves, arguant que ce mot dépersonnalisait l’oppression d’un peuple », je me suis évidemment précipité sur l’original… Pour y trouver « on the ground that ». À la deuxième occurrence, « on peut arguer que la science », pas plus de chance, il y avait « one argument for ». Et lorsqu’en feuilletant l’anglais je suis tombé sur « to argue that », je me doutais qu’arguer que ne serait pas au rendez-vous : « il dit que », tout simplement. Ce sont certes de bonnes traductions, mais on ne peut s’empêcher de deviner une sorte de méfiance, voire une crainte de traduire l’un par l’autre. Chez nous, arguer que s’emploie depuis assez longtemps. Et pourtant, aucun ouvrage québécois ne semble être au courant de l’usage que nous en faisons. D’ailleurs, il ne s’en trouve même pas pour le condamner! Mon exemple le plus ancien remonte à 1937 : « Que si l’on argue que c’est contre la loi, je réponds qu’avant la loi il y a le droit de la nature »Note de bas de page 3 (discours du cardinal Rodrigue Villeneuve). Mais c’est surtout depuis quinze-vingt ans que nous en faisons un usage quasi immodéré. Les universitaires l’emploient : Louis BalthazarNote de bas de page 4, professeur de science politique, et Gilles Bourque et Jules Duchastel, professeurs de sociologie : « On peut arguer qu’il est inconséquent de faire sécession »Note de bas de page 5. Je l’ai rencontré deux fois sous la plume d’un bon romancier, d’origine haïtienne : « Il arguait que les Grecs méprisaient la mémoire écrite »Note de bas de page 6. Pour ce qui est des journalistes, j’ai l’impression qu’il serait plus rapide d’énumérer ceux qui ne l’emploient pas que les autres. Mentionnons tout de même Chantal Hébert, Caroline Montpetit, Serge Truffaut et Michel Venne du Devoir, sans oublier le directeur du journal, Bernard Descôteaux ; Pierre Foglia, Lysiane Gagnon et Nathalie Petrowski de la Presse; Pierre Bourgault du Journal de Montréal, et j’en passe. Mais pour faire bonne mesure, citons un historien : Les Patriotes exigent la démission de Montelet comme député, arguant que la nomination d’un si jeune homme […]Note de bas de page 7. D’ailleurs, nous ne sommes pas seuls à employer arguer que sans idée de prétexte ou d’excuse. Les exemples « hexagonaux » sont à peu près aussi nombreux. Un professeur de Paris-VII-Denis-Diderot écrit : « Certains peuvent arguer que l’essence n’a pas augmenté »Note de bas de page 8. Un journaliste, spécialiste de la Yougoslavie : « Les adversaires de la guerre arguent que cet exode est la conséquence des bombardements »Note de bas de page 9. Un docteur en droit : « Les responsables québécois considèrent qu’actifs et passifs doivent être calculés sur des bases différentes, arguant que… »Note de bas de page 10. Deux journalistes du Monde diplomatique : « Plusieurs juristes ont envoyé un dossier au tribunal pénal international arguant que les dirigeants de l’OTAN avaient perpétré des violations sérieuses du droit international »Note de bas de page 11. Les traductrices semblent avoir un faible pour arguer que. Outre celle déjà citée, deux autres l’emploient, dans deux romans du même auteur : « l’avocat de Hardiman avait argué que son client souffrait depuis l’enfance d’une déficience nerveuse »Note de bas de page 12. L’autre citation est trop longue pour être reprise iciNote de bas de page 13, mais le tour y est employé dans le même sens. Je saute quelques exemples de L’Express et de l’Agence France-Presse, pour terminer avec deux auteurs. Un romancier d’origine camerounaise : « Il pouvait d’ailleurs arguer que Zam se plantait complètement quand il se figurait que la chose avait un effet sur le public »Note de bas de page 14. Et un romancier-traducteur-éditeur, François Maspero : « On peut arguer qu’aucun régime n’aurait réussi, face à la persistance du blocus américain, à éviter un basculement dans le chaos »Note de bas de page 15. Je pourrais donner un tout dernier exemple, qui date de plus de deux siècles, mais on m’objectera qu’il s’agit d’arguer de. Je vous laisse juger : On ne peut arguer de là que l’identité de la régence et de la royauté force à rendre celle-là héréditaire comme celle-ciNote de bas de page 16. Si l’on supprime « de là », ce qui ne change rien au sens, on obtient arguer que… C’est le sens du dictionnaire de l’Académie : « arguer que, avancer comme argument ». Enfin, on trouve dans le Trésor de la langue française un exemple qui date de 1962. Il pourrait s’agir d’une traduction, mais je ne suis pas parvenu à identifier l’auteur, un certain Goldschmidt (L’Aventure atomique) : Churchill s’efforça de faire revenir le gouvernement américain sur sa décision, en arguant que la collaboration devait exister dans la recherche atomique. J’allais oublier de signaler qu’on voit aussi, et de plus en plus, arguer employé « en incise ou présentant le discours direct » (dixit le Trésor). Aussi bien chez nous qu’en France. Le Trésor en donne un exemple de 1933, tiré de La jument verte de Marcel Aymé : « Zèphe est trop rusé pour perdre d’un coup le bénéfice de la lettre, arguait le vétérinaire ». Et voici un exemple d’emploi en incise : « Cette propension au mensonge, argue-t-il, se retrouve dans les errances extraconjugales » (Laurent Zecchini, Le Monde, 18.08.98). Nous faisons de même : « Il faudrait que le Canada puisse y répondre, arguait le Winnipeg Free Press » (Jean Dion, Le Devoir, 16.11.02); «  L’histoire, argue-t-il, doit aussi… » (Antoine Robitaille, Le Devoir, 31.08.98). En attendant que les lexicographes s’avisent de cette évolution, je me demande si vous n’accepteriez pas de faire votre part (expression toujours inconnue des dictionnaires). Si vous êtes nombreux à « arguer que », il en restera peut-être quelque chose. Remarques Remarque a  Une exception, le Hachette-Oxford rend faire valoir par to argue. Retour à la remarque a Références Note de bas de page 1  René Meertens, Guide anglais-français de la traduction, Chiron éditeur, 2004. Retour à la référence de la note de bas de page 1 Note de bas de page 2  Arthur M. Schlesinger Jr., La désunion de l’Amérique, Liana Levi, 1993, p. 63 et 72. Traduit par Françoise Burgess. Retour à la référence de la note de bas de page 2 Note de bas de page 3  Pierre Elliott Trudeau, La grève de l’amiante, Éditions du Jour, 1970, p. 24. Paru en 1956. Retour à la référence de la note de bas de page 3 Note de bas de page 4  L. Balthazar, Bilan du nationalisme au Québec, Montréal, L’Hexagone, 1986, p. 185. Retour à la référence de la note de bas de page 4 Note de bas de page 5  Le Devoir, 27.06.96. Retour à la référence de la note de bas de page 5 Note de bas de page 6  Émile Ollivier, Mille Eaux, Gallimard, 1999, p. 120. Voir aussi p. 151. Retour à la référence de la note de bas de page 6 Note de bas de page 7  Georges Aubin, introduction au Journal de voyage en Europe (1837-1838) de Louis-Hippolyte La Fontaine, Sillery (Québec), Septentrion, 1999, p. 8. Retour à la référence de la note de bas de page 7 Note de bas de page 8  Catherine Coquery-Vidrovitch, Le Monde diplomatique, janvier 1999. Retour à la référence de la note de bas de page 8 Note de bas de page 9  Laurent Joffrin, Yougoslavie : suicide d’une nation, Éditions Mille et une nuits, 1999, p. 85-86. Retour à la référence de la note de bas de page 9 Note de bas de page 10  Françoise Épinette, La question nationale au Québec, Que sais-je?, 1998, p. 117. Retour à la référence de la note de bas de page 10 Note de bas de page 11  Serge Halimi et Dominique Vidal, L’opinion, ça se travaille, Agone éditeur, 2000, p. 78. Retour à la référence de la note de bas de page 11 Note de bas de page 12  Dennis Lehane, Ténèbres, prenez-moi la main, Rivages/noir, 2002, p. 290. Traduit par Isabelle Maillet. Retour à la référence de la note de bas de page 12 Note de bas de page 13  Id., Un dernier verre avant la guerre, Rivages/noir, 2001, p. 138. Traduit par Marie de Pracontal. Retour à la référence de la note de bas de page 13 Note de bas de page 14  Mongo Beti, Trop de soleil tue l’amour, Julliard, 1999, p. 142. Retour à la référence de la note de bas de page 14 Note de bas de page 15  François Maspero, Le Monde, 08.07.99. Retour à la référence de la note de bas de page 15 Note de bas de page 16  Mirabeau, Discours, Folio, p. 382. Prononcé le 22 mars 1791. Retour à la référence de la note de bas de page 16
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
Nombre de consultations : 900

Informal : Informel

Un article sur la traduction de informal par informel
(L’Actualité terminologique, volume 1, numéro 10, 1968, page 4) Les contraires s’attirent. Informal-informel (« Consignes formelles et informelles … » – emploi relevé dans Protection civile et Sécurité industrielle). Une lectrice avide d’enrichir son vocabulaire et de se faciliter la traduction a demandé s’il fallait vraiment s’autoriser de l’exemple de la publication de France pour toujours traduire informal ainsi. Elle savait fort bien que non et voulait se faire indiquer la recette ou le principe à retenir pour employer à bon escient l’équivalent « informel ». Le principe? Il est à la portée de tous les esprits. Il s’énonce ainsi : informal se traduit par « informel » quand ce dernier est le contraire de « formel ». Compliqué? Voici des exemples qui rendent le principe d’une cristalline limpidité. Ainsi, ayant à traduire informal dinner, on ne dira pas « dîner informel » puisque formal dinner n’est pas un « dîner formel » mais un « dîner prié » (cf. Harrap). De même, s’agissant d’informal step, la métamorphose en français n’est pas « démarche informelle », mais « démarche officieuse », parce que le contraire, formal step, est « démarche officielle ». On voit donc que la clé d’informel, c’est formel qui la tient.
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
Nombre de consultations : 786

Guidelines : lignes directrices

Un article sur la traduction de guidelines
(L’Actualité terminologique, volume 2, numéro 9, 1969, page 3) Directives (générales), indicateurs, jalons, orientations, principes ou recommandations? Autant d’« équivalents » glanés dans des traductions ou proposés par certains pour rendre le mot d’actualité qui nous occupe. Faut-il les retenir tous pour en user à bon escient à l’occasion ou en adopter un qui puisse d’instinct s’employer à toutes les sauces comme le sel et comme « fleur » pour flower? Pour préparer la réponse, éclairons la question, comme le dit l’Ecclésiastique (33 : 4). Nos lumières? Le sens de l’expression en anglais d’une part et quelques citations d’autre part. Consultons d’abord Webster III.A line by which one is guided. An indication or outline of future policy of conduct (as of a government). Notions à retenir : ligne qui guide ou sur laquelle on entend se guider. Passons aux définitions des « équivalents » français proposés, puisés dans les dictionnaires, afin de déterminer s’il y a équation de sens.directives (générales) : ensemble des indications générales, ligne de conduite à suivre, etc. qu’une autorité politique, militaire, religieuse donne à ses subordonnés : recevoir des directives.Observation. Les guidelines ne sont pas dictées à des subordonnés. Elles n’ont pas force impérative.indicateurs : terme d’ordre économique et statistique qui s’entend d’une série statistique clef dont les variations sont indicatrices du pouls de l’économie; la statistique de la construction automobile, par exemple, est un indicateur conjoncturel.Observation. Les guidelines n’indiquent pas la situation de l’économie. Elles visent l’avenir au lieu de porter sur le passé ou le présent.jalons : indications préliminaires, points de repère.Observation. Les guidelines ne revêtent pas un caractère préliminaire (qui précède la matière principale, qui sert à l’éclaircir – Petit Larousse). Elles ne constituent pas des points de repère (marques, indices qui servent à se retrouver – Petit Larousse). Les guidelines, une fois indiquées, demeurent tracées; elles présentent une continuité dans le temps.orientation (fig.) : direction (l’orientation de la politique); on imprime une direction à un mobile matériel ou abstrait.Observation. Les guidelines n’impriment pas une direction aux « décisionnaires » du monde économique, syndical, etc. Elles tracent une ligne qu’ils suivent à leur gré. L’effet, ici, n’est pas dans la cause.recommandations : avis, conseils.Observation : Les guidelines ne sont ni des avis (opinion sur une question) ni des conseils (indication de ce qui peut être utile à quelqu’un).principes : règles de conduite. (Règle. Prescription qui peut émaner de l’autorité, de la nature des choses, de la coutume; indique une manière d’agir qui est considérée comme seule exacte et autorisée. BÉNAC)Observation : Les guidelines ne revêtent un caractère ni autoritaire ni obligatoire. Le destinataire est libre de s’y conformer ou de s’en écarter.Si tous ces « équivalents », fauchés par leur définition, gisent maintenant sur le carreau, on n’est guère avancé. Avancé? La voie est dégagée pour les citations qui suivent et qui proposent en chœur l’équivalent tous terrains à retenir.On chercherait vainement une ligne directrice dans le Code qui régit les rapports des parties en présence : candidat à la copropriété et société de construction (Le Monde et la Vie, déc. 1966).La Direction de la Régie Renault avait progressivement dégagé les lignes directrices d’une politique sociale (Rapport annuel de gestion du Président Directeur général pour l’exercice 1955, p. 33).Les lignes directrices du premier rapport Masé (L’information agricole, oct. 64)Depuis cette date, un comité d’architectes contrôle tous les travaux de construction : pas un hôtel, pas une villa n’ont été construits sans l’accord des architectes, dont la ligne directrice est de conserver à la région (en Sardaigne) son caractère et sa sauvagerie (Costa Smeralda, Sciences et Voyages, mai 1968).L’éducation nationale est d’abord le fait du ministre de l’Éducation nationale. Ensuite, du gouvernement. Et quant au chef de l’État, là comme ailleurs, il peut avoir des lignes directrices générales, mais il n’a pas à intervenir pour imposer une politique (Le Monde, 10-16 juillet 1969).
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
Nombre de consultations : 732

Whichever is the later, the earlier, the lower, etc.

Un article sur la traduction d’expressions avec whichever
(L’Actualité terminologique, volume 3, numéro 1, 1970, page 3) Ce whichever, qui indique le plus souvent une alternative (antériorité ou postériorité, ou infériorité ou supériorité), ne posera plus de problème à celui qui portera sur une fiche la panoplie de solutions qu’offrent les lignes qui suivent et qui sont tirées pour la plupart de l’article paru dans le Bulletin de l’Association technologique de langue française d’Ottawa (vol. III, nº 1, janvier 1953, pp. 12-17). Les expressions citées sont reprises des textes invoqués dans l’article du bulletin, soit a) textes officiels (Société des Nations et Nations Unies), b) textes de France (Journal Officiel de la république française) et c) documents internationaux.Infériorité ou supérioritélower et lessdeux montants : et dans tous les cas le plus bas des deux; si (lorsque) ce dernier montant est le moins élevé; deux paiements : selon que la somme sera moins élevée dans le premier ou le second cas; prix de revient ou cours du jour : si ce cours est inférieur au prix de revient;deux réductions : soit la réduction la moins élevée des deux; deux droits de douane : ou, si le droit ci-contre est moins élevé, …higherdeux prix : le plus élevé (de deux prix qui suivent et distingués par ou) quatre prix : selon que l’un ou l’autre de ces prix est le plus élevé; prix déclaré ou valeur réelle : si elle (valeur) est supérieure au prix; deux longueurs : la plus petite des deux longueurs 3,05 m ou 10,67 m;Observation : quand il s’agit du superlatif, on relève dans des textes le tour : le plus élevé des montants suivants : (mention des montants).Antériorité ou postérioritéearlier (comes first)deux dates : en prenant la date la plus proche; deux délais : suivant que l’une ou l’autre circonstance se produira la première; événement et délai : comme ci-dessus;laterdeux délais (exprimés par deux dates) : ou, lorsqu’elle est postérieure, …; si (lorsque) elle lui est postérieure (à la première mentionnée); si (lorsque) cette date est postérieure au 1er septembre; si cet agrément est postérieur; deux éventualités : selon que l’une ou l’autre éventualité se présentera la première;longerdeux périodes : la plus longue de ces périodes étant prise en considération; la plus longue … étant retenue, à retenir.Expression courte relevée dans la chronique juridique de Monde & Vie (sept. 1969) :Question. – De quels abattements les enfants bénéficient-ils sur les biens dépendant de la succession de leurs parents?Réponse. – Lorsqu’un héritier a au moins 3 enfants vivant au moment du décès, il bénéficie d’une réduction de 100 % qui ne peut toutefois excéder 2 000 F par enfant pour les successions en ligne directe (C.G.I., art. 775).
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
Nombre de consultations : 715

Without prejudice

Un article sur la traduction de l’expression without prejudice
(L’Actualité terminologique, volume 18, numéro 1, 1985, page 10) Article paru dans Le Mot, nº 9 (mai 1983), bulletin du Centre de traduction et de terminologie juridiques de l’école de droit du Centre universitaire de Moncton. Avec la permission de M. Snow, directeur du Centre. (N.D.L.R.) Selon Halsbury’s Laws of EnglandNote de bas de page 1, l’expression without prejudice date de la toute fin du dix-huitième siècle. The Oxford English DictionaryNote de bas de page 2 définit ce terme de la façon suivante :  … without prejudice, without detriment to any existing right or claim; esp. in Law, without damage to one’s own rights or claims. » Cette expression est également mentionnée dans la dernière édition du Black’s Law DictionaryNote de bas de page 3 et du Jowitt’s Dictionary of English LawNote de bas de page 4 avec, grosso modo, la même signification. Comme toujours avec les formules toutes faites, nous nous trouvons devant un problème de traduction. Le mot préjudice ne signifie pas la même chose en français et en anglais. D’après Pierre DaviaultNote de bas de page 5, « Ce mot [prejudice] a gardé en anglais toutes ses acceptions étymologiques. Il signifie donc préjugé (favorable ou défavorable), prévention, mais aussi dommage, tort. Le français a deux termes qui se partagent ces sens : préjudice, qui veut dire dommage, et préjugé qui désigne une opinion arrêtée sans examen. » Le RobertNote de bas de page 6 définit le mot préjudice, dans son deuxième sens, de la manière suivante : « Ce qui est nuisible pour, ce qui va contre (quelque chose)… Sans préjudice de… sans porter atteinte, sans renoncer à… sans préjudice de ses droits, de ses intérêts. » Le sens général de l’expression anglaise est très bien défini par la jurisprudence. Pour ce qui est de la traduction de ce terme, l’affaire Lanciault c. Forest, [1953] C.S. 1 (Québec) illustre très bien la concurrence existant entre divers termes en français. Dans ce jugement, trois expressions différentes ont servi à exprimer la même idée : sans préjudice des droits, sans aveu de responsabilité et sous toutes réserves. Ce manque d’uniformité existe également dans les dictionnaires juridiques et commerciaux. Après examen des dictionnaires et de la jurisprudence, nous proposons l’utilisation de l’expression sous toutes réserves. Quoique l’expression sans préjudice décrive bien la protection que l’on recherche, nous considérons que cette traduction constitue un anglicisme à proscrire; de fait, le terme sans préjudice doit généralement s’accompagner d’un déterminant, comme par exemple dans l’expression sans préjudice des droits. En droit, cette expression exprime plutôt un préjudice au sens physique, comme dans le domaine de la responsabilité civile délictuelle. Le mot préjudice ne porte pas nécessairement à confusion, mais nous croyons que l’expression sous toutes réserves a un sens plus spécifique. Henri Capitant, dans son Vocabulaire juridiqueNote de bas de page 7, dit ceci à l’article intitulé « Réserves » :I. (Dans un acte juridique). Énonciation insérée dans un acte juridique par une personne qui y participe, pour écarter les conséquences qui pourraient être déduites de sa participation pure et simple à l’acte. Ex. : faire un paiement comme y étant contraint et forcé et sous réserve de se pourvoir en justice pour obtenir l’annulation de l’acte et la restitution des fonds.II. (Dans un traité international). Clauses restrictives apportées par un État au moment de la signature ou de la ratification d’un traité. Sans aveu de responsabilité constitue une autre solution, qui a l’avantage de ne présenter aucune ambiguïté quant à sa signification. Cependant, nous suggérons que la mention de caractère without prejudice soit traduite par sous toutes réserves, étant donné que cette expression semble respecter davantage l’esprit de la langue française.RéférencesNote de bas de page 1 4eéd., volume 17.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Volume 8, Oxford, Clarendon Press, 1970.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 5eéd., Saint Paul, West Publishing Company, 1979.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Londres, Sweet and Maxwell Ltd., 1977.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Langage et traduction, Ottawa, Bureau fédéral de la traduction, 1976, page 302.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Robert, Paul, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 5e tome, Paris, Société du nouveau Littré, 1976.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Paris, Presses universitaires de France.Retour à la référence de la note de bas de page 7
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
Nombre de consultations : 702

escampette (prendre la poudre d’escampette)

Article sur l’expression « prendre la poudre d’escampette », ses synonymes et ses équivalents anglais
L’expression prendre la poudre d’escampette signifie « prendre la fuite » : Les enfants ont brisé une fenêtre avant de prendre la poudre d’escampette. Après ce fiasco, je n’avais qu’une envie : prendre la poudre d’escampette! Escampette est un diminutif dérivé du substantif escampe, lui-même tiré du verbe escamper. Ce dernier est un vieux mot qui signifie « déserter » (fuir le camp ou champ militaire). À l’origine, on utilisait donc prendre l’escampette comme synonyme de « prendre la fuite ». On ne sait pas précisément comment la poudre s’est ajoutée à l’expression, mais le sens est demeuré le même. Synonymes français Une abondance de mots et expressions rendent la même idée que l’expression prendre la poudre d’escampette en français : décamper déguerpir filer ficher le camp s’enfuir (sans demander son reste) prendre ses jambes à son cou Équivalents anglais Il existe une grande variété de verbes et d’expressions anglaises qui ont un sens comparable à prendre la poudre d’escampette : to flee to bolt to run away to run off to clear out to take flight to take off to abscond to decamp to scarper to make a [run, break, dash] for it to head for the hills Le présent article a été créé dans le cadre d’un partenariat avec madame Linda de Serres, docteure en psycholinguistique. Madame de Serres est professeure titulaire et chercheure au Département de lettres et communication sociale de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Elle s’intéresse notamment à la didactique des langues secondes et à l’alphabétisation des adultes.
Source : Clés de la rédaction (difficultés et règles de la langue française)
Nombre de consultations : 568

go (tout de go)

Article sur l’expression « tout de go »
L’expression tout de go veut dire « directement, sans préambule, à brûle-pourpoint, sans détour, sans cérémonie » : Julio m’a pris par surprise en me présentant sa candidature comme ça, tout de go. Elles n’ont pas mis de gants blancs : elles m’ont annoncé la nouvelle tout de go. Tout le monde était déjà là quand Maria est entrée tout de go. Il s’agirait d’une déformation de l’expression tout de gob. Le nom gob, dérivé de gober, n’est plus en usage aujourd’hui. Seul le verbe gober (« engloutir ») est encore employé. Sans surprise, avaler tout de gob, jadis courant, voulait dire « avaler d’un trait ». L’expression n’a donc rien à voir ni avec le jeu de go, qui vient de l’Asie orientale, ni avec le verbe anglais to go (aller). Équivalents anglais Tout de go peut notamment se rendre par les expressions anglaises suivantes : right up front outright just like that straight off the bat Le présent article a été créé dans le cadre d’un partenariat avec madame Linda de Serres, docteure en psycholinguistique. Madame de Serres est professeure titulaire et chercheure au Département de lettres et communication sociale de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Elle s’intéresse notamment à la didactique des langues secondes et à l’alphabétisation des adultes.
Source : Clés de la rédaction (difficultés et règles de la langue française)
Nombre de consultations : 47