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Résultats 71 à 80 de 93 (page 8 de 10)

Mots de tête : « une table à mettre »

Un article sur l’expression mettre la table
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité langagière, volume 3, numéro 4, 2006, page 16) La table est mise pour les crapauds (Jacques Ferron, Escarmouches, 1975)Note de bas de page 1. La blague a de la barbe, je sais, mais au cas où votre mémoire en aurait aussi, il ne serait peut-être pas mauvais de la rafraîchir. La mère demande à son jeune fils d’aller mettre la table, et celui-ci, pour faire le malin, de répondre : « D’accord, mais je la mets où? ». Étymologiquement, il a raison, puisque autrefois on mettait réellement la table, c’est-à-dire qu’on installait des tréteaux sur lesquels on posait des planches en guise de table. Dans mon jeune temps, c’est à mes sœurs que revenait la tâche de mettre la table. Comme de l’« ôter », d’ailleurs. Les temps ont bien changé. Aujourd’hui, c’est presque à l’envi que tout le monde la met : « McClellan met la table pour les discussions sur la santé » (Le Droit, 22.01.03); « la Chine a mis la table pour les Jeux démocratiques de Pékin en 2008 » (Le Devoir, 30.08.04). Le grand bédéiste Jacques Ferrandez est aussi de corvée : « Avec les cinq albums de ses Carnets d’Orient, il a mis la table pour raconter la guerre d’indépendance algérienne » (Le Droit, 19.04.03). Même notre ancien « plus meilleur » premier ministre y prenait plaisir : « Jean Chrétien a mis la table pour un duel irrévocable » (Le Devoir, 05.06.02). Et cette table, on la met n’importe où : « les organisateurs avaient déjà mis la table dans une déclaration commune » (La Presse, 10.8.06), et pour tout et n’importe quoi : le déclenchement d’élections (Le Devoir, 17.10.00), une année qui s’annonce compliquée (Le Journal de Montréal, 21.12.00), un partage des actes professionnels (Le Devoir, 02.02.02), une guerre à finir entre les forces du Bien et du Mal (Le Droit, 03.07.03), la surenchère idéologique (Le Droit, 01.05.04), un mélodrame (Le Devoir, 11.09.04), un concert (La Presse, 24.07.06), en prévision d’expositions estivales (Le Droit, 21.05.05). Il arrive même que des adversaires, en instance de négociations, oublient un instant leurs différends pour s’aider mutuellement : « La SAQ et le syndicat mettent la table » (Le Devoir, 10.12.04). Accordez-vous donc, comme disait je ne sais plus qui, c’est tellement beau l’accordéon. Mais le plus étonnant, peut-être, c’est de voir que cela peut se faire même sans intervention humaine : « son parcours met la table pour le deuxième temps de la valse tragique » (Le Devoir, 25.03.02); « une vision des relations de travail qui met la table à une précarisation » (Le Devoir, 03.03.03); « un discours politique destiné à mettre la table pour les prochaines années » (Le Devoir, 13.06.03)… Cette sorte d’animisme me rappelle l’exemple inoubliable que je vous ai signalé il y a quelques années : « la plate-forme de l’opposition tire la sonnette d’alarme »Note de bas de page 2. Une vision ou un discours qui met la table, c’est à peu près dans les mêmes eaux. À cette étape-ci, vous devez vous demander d’où nous vient cette expression, et si elle figure dans les dictionnaires. Les locutions avec « table » ne sont pas rares : faire table rase, jouer cartes sur table, se mettre à table, etc., mais on ne trouve aucun signe de « mettre la table » au figuré, aussi bien dans les dictionnaires unilingues que bilingues. Lionel MeneyNote de bas de page 3 est le seul à relever cet usage. Mais alors que je m’attendais à ce qu’il évoque la possibilité d’un calque (« to set the table »), il se contente de signaler quelques équivalents « français » : tout est (fin) prêt, archiprêt, décidé, tout est en place, les conditions sont réunies, les dés sont jetés. Par déformation professionnelle, je n’ai pu m’empêcher d’aller vérifier si les dictionnaires n’auraient pas traduit une de ces expressions par « the table is set ». Chou blanc à tout coup. Mais le Robert-Collins traduit « tout est en place pour le drame » par « the scene is set for the tragedy », ce qui n’est pas loin de « the table is set ». Et en furetant du côté anglais, j’ai trouvé ceci : « the scene was set for their romance = toutes les conditions étaient réunies pour leur idylle ; this set the scene for the discussion = ceci a préparé le terrain pour les discussions ». Où l’on voit que « mettre la table » peut être synonyme de « paver la voie »Note de bas de page 4. Il est pour le moins curieux que les dictionnaires anglais ou bilingues ignorent la tournure « to set the table ». On a l’impression que les anglophones l’emploient à tour de bras. Sur la Toile, on en trouve plus de 250 000 exemples – pas tous au figuré, bien entendu. Un site intitulé ClichéSite.com indique que le terme viendrait du base-ball : « To set the table-a baseball cliché that means to put a runner on every base. Usually used in anticipation of a very good hitter coming to bat next ». L’image est parlante. Si les occurrences du tour français sont moins nombreuses, elles ne sont pas rares : « mettre la table » (46 300), « la table est mise » (23 700), « mis la table » (9 900), etc. Comme pour l’anglais, les emplois figurés sont largement minoritaires. Et il s’agit essentiellement de sites québécois ou canadiens. Comme ces paroles de la chanson Libérez-nous des libéraux du groupe Loco Locass : « Maintenant la table est mise pour quatre ans à pâtir, à pâlir à vue d’œil ». Mais j’ai quand même trouvé quelques exemples européens, signe que l’expression se répand sur le vieux continent : « La table est mise pour le Renaudot […] » (Livresse.com, 3.11.03). Et ce blogue d’une ministre de l’Environnement sous le gouvernement Juppé, Corinne Lepage : « C’est avec tous ceux qui nous rejoignent que je veux mettre la table pour obliger à ouvrir le débat » (21.03.06). Ou encore ce site d’un critique d’ATTAC : « La recette anti-libérale miracle d’ATTAC [est] une très ancienne recette qui a cuit et recuit dans la même gamelle depuis que Robespierre et Babeuf ont mis la table : le recours à l’État-Providence. » Il est amusant d’imaginer ces deux adversaires en train de mettre la table, ensemble surtout. Je vous ai presque menti tout à l’heure en disant que Meney était le seul à enregistrer cette tournure. Dans son Code des ticsNote de bas de page 5, Jean Paré se contente de la mentionner, sans explication, mais en la qualifiant, ironiquement, de « belle figure de style ». Quant au Québécois instantanéNote de bas de page 6, il lui donne un sens très pointu : « s’apprêter à discuter de tout ». Comme on le voit – et la kyrielle d’équivalents proposés par Lionel Meney l’indique assez –, le sens est encore quelque peu flou. Aussi, il ne faut pas s’étonner de rencontrer des méprises comme celle-ci : « Ce sont les deux organismes gouvernementaux et principaux bailleurs de fonds "qui ont mis la table" ("dressé un état des lieux", en québecquois [sic], ndlr) » (lefilmfrançais.com). Il s’agit du texte d’un critique de cinéma québécois, Jean-Pierre Tadros, que les responsables du site ont jugé utile d’expliquer à leurs lecteurs européens. Mais je serais fort étonné que ce soit ce que l’auteur avait en tête. Le Petit Larousse donne cette définition d’ « état des lieux », au figuré : « constatation d’une situation à un moment donné »; le Hachette-Oxford traduit par « appraisal » et le Larousse par « to take stock of the situation ». On le voit, on est plutôt à la fin du processus, alors que « mettre la table » se situe au début… J’ai relevé dans le Bouquet de Claude Duneton un exemple qui est à mi-chemin entre le sens propre et le sens figuré (j’espère que vous avez l’estomac bien accroché) : « mettre la table pour les asticots », au sens de mourir. Et dans un dictionnaire d’argot en ligne (languefrancaise.net/glossaire), on trouve une acception de la « table est mise » qui est loin du sens propre… Je vous laisse le plaisir d’en faire la découverte, car ce n’est pas publiable dans L’Actualité. Certes, « la table est mise » sent le cliché, mais il faut reconnaître que cela fait image, et peut être utile, à condition de ne pas en abuser (Joseph HanseNote de bas de page 7 et Roland Godiveau déconseillent l’emploi du cliché « se pencher sur », mais est-ce que ça vous dissuade de l’employer?). Et comme il n’est pas sûr que ce soit un calque, sans lui donner le bon Dieu sans confession, on pourrait tout au moins lui donner le bénéfice du doute. En attendant que les dictionnaires l’accueillent. Après tout, ils l’ont fait pour plein de termes considérés comme fautifs : « en charge de », la fameuse « tasse de thé », « manger son chapeau », « patate chaude »). Aussi, je ne pense pas qu’à ce banquet des invités inattendus il serait malvenu de « mettre la table »… Références Note de bas de page 1  Article paru dans la Revue socialiste, hiver 1963-1964. Retour à la référence de la note de bas de page 1 Note de bas de page 2  Voir « Vous avez dit animisme? », L’Actualité terminologique, vol. 36, nº 1, 2003. Retour à la référence de la note de bas de page 2 Note de bas de page 3  Lionel Meney, Dictionnaire québécois-français, Guérin, 2eéd., 2003. Retour à la référence de la note de bas de page 3 Note de bas de page 4  Voir Mots de tête, Éditions David, 2002, ou L’Actualité terminologique, vol. 35, nº 2, 2002. Retour à la référence de la note de bas de page 4 Note de bas de page 5  Jean Paré, Le code des tics, Boréal, 2005, p. 151. Retour à la référence de la note de bas de page 5 Note de bas de page 6  Benoît Melançon, Dictionnaire du québécois instantané, Fides, 2004. Retour à la référence de la note de bas de page 6 Note de bas de page 7  Joseph Hanse, Nouveau dictionnaire des difficultés de la langue française, Duculot, 1983; Roland Godiveau, 1000 difficultés courantes du français parlé, Duculot, 1978. Retour à la référence de la note de bas de page 7
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
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Mots de tête : « siéger à, dans ou sur? »

Un article sur l’expression
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité terminologique, volume 36, numéro 2, 2003, page 15) Je suis sur un comité. Syntaxe barbare.(Pierre Daviault, Langage et traductionNote de bas de page 1) Il vous est sûrement déjà arrivé, ne serait-ce qu’une fois dans votre carrière, de sourire en lisant dans un communiqué ou une note de service – une de vos traductions, peut-être, retouchée par un client? – qu’un tel était ou siégeait sur un comité… Et si le siégeant accusait une surcharge pondérale (comme ne disait pas ma mère), rien que d’imaginer un peu le pauvre comité, vous en avez peut-être fait des gorges chaudes… Car vous êtes de ceux qui savent que « siéger sur » est un calque de l’anglais. Cela vous vient sans doute d’avoir beaucoup fréquenté certains auteurs, comme BarbeauNote de bas de page 2, Clas et HorguelinNote de bas de page 3, ColpronNote de bas de page 4, CourbonNote de bas de page 5, DagenaisNote de bas de page 6, DarbelnetNote de bas de page 7, DubucNote de bas de page 8, ou Marie-Éva de VillersNote de bas de page 9. Ou Daviault, encore, qui a peut-être piqué son exemple au vieux CarbonneauNote de bas de page 10. Devant un tel consensus en béton, je n’ai pas particulièrement envie de tenter de réhabiliter ce calque (même la brebis galeuse du monde lexicographique, le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, lui colle l’étiquette peu flatteuse de « très familier »). Ce qui m’intéresse, ce sont les solutions que ces auteurs vous proposent pour l’éviter. Et comme votre mémoire est une faculté qui oublie, vous ne verrez sûrement pas d’objection à ce que je me permette de vous la rafraîchir un peu. Si vous me demandiez, par exemple, si je « siège » au comité de lecture de L’Actualité terminologique, je vous répondrais sans doute que j’en fais partie, ou que j’en suis membre… Ce sont les deux formules qui me viendraient d’abord à l’esprit. Il faudrait que je me sente particulièrement imbu de moi-même ce jour-là pour répondre que j’y « siège ». Car je ne peux m’empêcher de trouver que « siéger à » fait un peu prétentieux, trop solennel à mon goût. Et DarbelnetAller à la remarque a est du même avis – il signale que c’est par souci de se valoriser qu’on le dit de plus en plus. Nonobstant cette réserve, on trouve « siéger à » dans les dictionnaires, la plupart des unilingues, notamment. Quant aux bilingues, ils sont moins nombreux à l’enregistrer, et presque uniquement dans la partie français-anglais (Larousse, Robert-Collins, Hachette-Oxford). Plusieurs de nos linguistes proposent aussi « siéger à » pour éviter le calque. À ces trois solutions de rechange, on pourrait ajouter « être d’un comité » (Harrap’s, Dictionnaire canadien) ou, dans certains cas, « être élu à un comité » (MeneyNote de bas de page 11). Avec ce quarteron de solutions, on voit difficilement qui pourrait encore se laisser prendre au piège. Mais il existe une autre façon de rendre la même idée, qui ne semble pas connue des dictionnaires (ni des défenseurs de la langue). J’étais tellement sûr qu’elle s’y trouvait, que j’ai à peu près négligé de la noter. Résultat, je n’ai pour tout potage que deux petites fiches à vous proposer. Mon premier exemple est d’un historien :L’aristocratie industrielle accepte de siéger dans des conseils d’administrationNote de bas de page 12. L’autre, d’un professeur de droit :On peut s’étonner de ce que les consommateurs ne siègent pas dans un organisme dont le but est d’assurer la sincérité de la publicitéNote de bas de page 13. C’est malheureusement tout. Mais heureusement qu’il y a Internet. On y trouve un très grand nombre de documents officiels : lois, décrets, etc., qui confirment que cet usage est très courant. Comme ce décret du 27 mars 1979 :Dans le cas où un salarié de l’entreprise est désigné pour siéger dans une commission, un conseil ou un comité administratif… Ou ce bulletin du ministère de l’Éducation :Arrêté du 1er juillet 1998 modifiéAller à la remarque b portant désignation d’experts susceptibles de siéger dans les jurys de concours… Ou cet avis du Conseil supérieur de la magistrature (21.7.99) :Les juges consulaires peuvent être appelés à siéger dans les cours d’appel… Ou ce document du Sénat français :Les membres du Sénat appelés à siéger dans des organismes variés… Ou bien cet extrait d’une séance du Sénat (28.3.00) :D’où seront issus les scientifiques qui devront siéger dans cette commission-là. Ou le Journal officiel (21.10.01) encore :Liste des personnes pouvant siéger dans les organes compétents en matière de dopage. Plusieurs sites africains (rwandais, sénégalais) en donnent des exemples; je retiens celui-ci, d’un journal ivoirien :Soro Guillaume et Blé Goudé ne pourront pas siéger dans ce comité. On pourrait continuer ainsi pendant des pages et des pages, avec les milliers de sources que donne Internet : Préfecture du Tarn, Légifrance, Commission d’appel nationale (Ordre des médecins), Fédération Nord-Pas-de-Calais, etc., etc. C’est une véritable pléthore. Comment expliquer le silence des dictionnaires? C’est à se demander si les lexicographes ne se sont pas endormis sur le rôti… Ou certains d’entre eux, en tout cas. Le Robert, par exemple, aussi bien le petit que le grand, ne donne rien à « siéger ». Mais dans le grand, si par accident vos yeux tombaient sur « séant », vous vous dresseriez peut-être sur le vôtre en lisant : « qui peut siéger dans une assemblée ». Et si vous alliez voir à « séance », vous trouveriez une expression, vieillie peut-être, mais intéressante : « avoir séance, fait de siéger (dans une assemblée) ». Enfin, grâce aux renvois, votre ténacité serait récompensée à « plaideur » par un exemple du philosophe Alain : « siéger dans un procès ». Encouragé par ces trouvailles, vous pourriez aller voir du côté du Grand Larousse de la langue française. Toujours rien à « siéger », mais à « séant », à peu près la même formule que son concurrent : « (adj.) vx. Qui siège ou a le droit de siéger dans une assemblée ». Même chose à « séant » dans le Trésor de la langue française, mais cette fois vous aurez la satisfaction de trouver à « siéger » plusieurs exemples avec « dans », dont un de 1856 de J.-J. Ampère, qui se plaint de devoir « siéger dans [un] vilain jury ». Et un autre, qui date de cent ans plus tard : « Un médecin ayant siégé dans un concours pour un hôpital… » Un coup parti, comme disait un ami chasseur à moi, vous pourriez faire un crochet du côté du Dictionnaire encyclopédique Quillet (1970), qui donne à « siéger » cet exemple : « Ce juge siège dans cette affaire. » Et sur votre lancée, pourquoi ne pas rendre visite à un autre grand négligé, le Logos de Bordas (1976)? Vous n’en reviendriez pas tout à fait bredouille, puisqu’il enregistre « siéger dans un tribunal ». Chez nous, c’est une tournure qu’on ne voit pour ainsi dire jamais. Et pourtant, elle ne nous est pas tout à fait inconnue. Dans la première édition de son répertoire d’anglicismes (1970), Gilles Colpron propose plusieurs façons d’éviter le calque, dont « siéger dans ». Dans la deuxième, rebaptisée Dictionnaire des anglicismes – aurait-il appris que « siéger dans » ne se dit pas? –, il propose simplement « il a été dans le comité ». Puis, dans les deux dernières, il n’y en a plus la moindre trace. Ce qui semble indiquer que la tournure avec « dans » susciterait une certaine méfiance. C’est d’ailleurs cette impression qui m’a poussé à écrire cet article. Récemment, en préparant un jeu-questionnaire sur la langue, j’ai constaté qu’une collègue semblait croire que « siéger dans » était un tour fautif. Je me suis dit que si quelqu’un d’aussi ferré qu’elle le pensait, elle ne devait pas être la seule. Et que le temps n’était peut-être pas loin où un champion de la langue qui nous veut du bien viendrait nous dire qu’il vaut mieux éviter « siéger dans ». C’est pourquoi j’ai pris les devants. Enfin, il y a une autre raison à cette petite « défense et illustration ». Je trouve utile de pouvoir garder l’idée de « siéger » pour les textes un peu relevés (juridiques, notamment), tout en évitant le désagréable hiatus créé par la rencontre de « à » et « un » : « je siège à un comité ». Ce n’est pas l’argument du siècle, me direz-vous. Sans doute, mais à cheval donné, on ne regarde pas la bride. D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi vous vous plaindriez, puisque cela ajoute une corde de plus à votre arc. P.-S. : Un linguiste, Maurice RouleauNote de bas de page 14, vient de consacrer un ouvrage aux prépositions (c’est un peu notre bête noire), où figure cet exemple : « juge qui siège dans une affaire ».RemarquesRemarque a Il propose une autre tournure, moins commode il faut dire : « participer aux travaux du comité ».Retour à la remarque aRemarque b C’est le « as amended » des anglophones. Où l’on voit l’inutilité de « as »…Retour à la remarque bRéférencesNote de bas de page 1 Langage et traduction, Ottawa, Imprimeur de la reine, 1963, p. 279.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Victor Barbeau, Grammaire et Linguistique, Cahiers de l’Académie canadienne-française, Montréal, 1968, p. 154.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 André Clas et Paul Horguelin, Le français, langue des affaires, Montréal, McGraw-Hill, 1969, p. 218.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Constance Forest et Denise Boudreau, Le Colpron, Montréal, Beauchemin, 1999.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Jean-Marie Courbon, Guide du français des affaires, Montréal, Didier, 1984, p. 96.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Gérard Dagenais, Dictionnaire des difficultés de la langue française au Canada, Montréal, Éditions Pedagogia, 1967.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Jean Darbelnet, Les maux de nos mots, Québec, Presses de l’Université Laval, 1982.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Robert Dubuc, Objectif : 200, Montréal, Leméac, 1971.Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Multidictionnaire des difficultés de la langue française, Montréal, Québec/Amérique, 2eéd., 1992.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 Hector Carbonneau, Vocabulaire général, fascicule 6, Ottawa, Secrétariat d’État, 1972 (paru à la fin des années 50).Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11 Lionel Meney, Dictionnaire québécois-français, Montréal, Guérin, 1999.Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12 Jean-Pierre Rioux, La révolution industrielle, Seuil, coll. Points/Histoire, 1971, p. 216.Retour à la référence de la note de bas de page 12Note de bas de page 13 Gérard Cas, La défense des consommateurs, P.U.F., coll. Que sais-je?, 1975, p. 119.Retour à la référence de la note de bas de page 13Note de bas de page 14 Maurice Rouleau, Est-ce à, de, en, par, pour, sur ou avec?, Brossard (Québec), Linguatech, 2002.Retour à la référence de la note de bas de page 14
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
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Mots de tête : « en autant de »

Un article sur l’expression en autant de
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité terminologique, volume 28, numéro 1, 1995, page 18) À trois reprises en autant d’années.(J.-R. Sansfaçon, Le Devoir, 10.4.92) Est-ce que vous collectionnez les fiches de Radio-Canada? Mais pourquoi baissez-vous le nez? Vous n’avez pas à vous en cacher, ce n’est pas un vice, après tout. De nos jours, on collectionne tout. On peut même sans craindre la réprobation sociale s’adonner à la copocléphilie… Mais j’espère que vous n’êtes pas simplement collectionneur, et qu’il vous arrive aussi de consulter ces fiches, ne serait-ce qu’à l’occasion. Si oui, vous n’ignorez sans doute pas que d’après la fiche 99, la phrase en exergue est fautive : c’est un anglicisme de construction, un calque de « in as many ». C’est une tournure qui ne serait pas immédiatement intelligible en français… Ce qui manque à cette condamnation, c’est la force du nombre. Elle est tout fin seule. Certes, Robert Dubuc la reprend dans son recueil de fautes à corriger, Objectif : 200Note de bas de page 1, mais comme il faisait partie du Comité de linguistique de Radio-Canada, on peut supposer que la fiche est de lui. La seule autre personne à condamner cet usage, c’est notre collègue Huguette GuayNote de bas de page 2, qui s’en tient en gros à la mise en garde du Comité. On se demande où sont passés les grands pourfendeurs d’anglicismes, les Clas, ColpronAller à la remarque a, Dagenais, Darbelnet, de Buisseret et autres de Villers… Muets comme autant de carpes. Plus je vois cette tournure, moins je la trouve haïssable… Prenons l’exemple ci-dessus. Si Sansfaçon avait écrit « à trois reprises en trois ans », vous ne trouvez pas que ça ferait un tantinet plat, que la phrase serait moins bien équilibrée? Vous n’êtes pas d’accord? Bon. Je n’insiste pas. Il se peut que notre phobie de la répétition qui date de la petite école nous fasse tomber de la poêle en la braise. Mais je continue de croire qu’en autant de ajoute un petit quelque chose… En tout cas, anglicisme ou pas, c’est une habitude bien ancrée chez nous (pour ne pas dire un tic). Notamment chez les journalistes : Adrien Cantin (Le Droit), Robert Lévesque et Daniel Latouche (Le Devoir), Nathalie Petrowski (La Presse). Et chez les écrivains aussi. Par exemple, cet auteur franco-ontarien, dont je vous recommande vivement le très beau récit, La Chambre à mourir :C’est la troisième fois en autant de jours que la grand-mère soulève la questionNote de bas de page 3. Nous employons aussi d’autant de :Trois médecins répondaient aux questions d’autant de « personnalités du monde du spectacle ».(R. Duguay, La Presse, 28.5.93) Et diverses variantes, comme à autant de :(…) partagé en dix territoires qu’il a confiés à autant de fédérations régionales.(L. Laplante, Le Droit, 21.9.91) Et sur autant de :(…) huit comités fédéraux-provinciaux sur [sic] autant de grands sujets…(G. Lesage, Le Devoir, 28.3.92) Même les Français connaissent cette tournure, comme en témoigne Roland Dorgelès (membre de l’Académie Goncourt) dans son reportage sur l’Allemagne et la Russie :J’ai relevé les prix dans vingt usines et sur autant de chantiersNote de bas de page 4. Si la construction avait demandé la préposition en au lieu de sur, Dorgelès l’aurait-il employée quand même? (On aimerait bien pouvoir lui poser la question…) Nos cousins connaissent aussi dans autant de :(…) un lit (…) dont les quatre pieds étaient posés dans autant de vases remplis d’eau (probablement pour en écarter les insectes)Note de bas de page 5. Il s’agit d’un académicien du début du 19e siècle, ce cher Étienne de Jouy, qui m’a déjà fourni un exemple d’en d’autres mots. C’est une variante que nous connaissons également :(…) des élections se tiendront afin d’élire 24 conseils d’administration dans autant d’établissements de santé… (Murray Maltais, Le Droit, 7.2.92) Un autre académicien, lexicographe de son métier, et que vous devriez connaître un peu mieux, l’emploie aussi. Voici comment il définit le jeu de trou-madame :Sorte de jeu, qui se joue avec treize petites boules, qu’on fait couler dans autant de trousNote de bas de page 6… Vous l’aurez deviné, il s’agit d’Émile Littré. Et enfin, le HarrapNote de bas de page 7 vint, serais-je tenté de dire. Dans la première édition (1939), on trouve l’exemple suivant : four accidents in as many days – quatre accidents en quatre jours. Il s’est écoulé quarante ans entre cette édition et la seconde (le supplément de 1962 n’ajoute rien), et on a conservé le même exemple, mais les rédacteurs semblent avoir attrapé le virus québécois, puisqu’ils ont remplacé « quatre » : quatre accidents en autant de jours. Pour ne pas être en reste, semble-t-il, les maisons Larousse et Hachette ont décidé d’emboîter le pas. Le Larousse bilingue (1993) donne nous avons visité six villes en autant de jours, et le tout nouveau Hachette-Oxford (1994), cinq examens en autant de jours. Dans les trois cas, ces exemples ne figurent que dans la partie anglais-français. Avant de conclure, il serait malhonnête de ne pas mentionner que le Comité de linguistique de Radio-Canada a modifié sa position depuis la parution de sa fiche en 1964. La première fiche dit que lorsqu’un nombre cardinal est associé à un autre nombre, il est fautif de le remplacer par d’/en autant de. Mais la seconde, parue en 1985, apporte des nuances. S’il s’agit de deux nombres cardinaux, remplacer le second par cette locution n’est pas « agrammatical», bien que « déconseillé »; mais remplacer un nombre cardinal est toujours « nettement fautif » s’il est associé à un nombre ordinal (l’exemple de Maurice Henrie). Cet avis est corroboré par les sources françaises que j’ai citées : dans chaque cas, la locution (que ce soit avec dans, sur ou en) est associée à un nombre cardinal. Dans le cas d’un nombre ordinal, il s’agirait donc d’un usage spécifiquement québécois? C’est plus que vraisemblable. Mais devons-nous nous abstenir de l’employer pour autant? À vous de faire votre propre examen de conscience. Quant à moi, je n’ai pas encore fait mon lit. Mais dans le cas d’un nombre cardinal, je crois bien que je n’aurai plus de scrupule. Après tout, si Étienne de Jouy, Littré, Dorgelès, le Harrap, le Larousse et le Hachette le font, pourquoi ne le ferais-je pas? Il ne faut pas bouder son plaisir… C’est malsain, comme chacun sait.RemarquesRemarque a Au moment de mettre sous presse, je découvre que Constance et Louis Forest l’ont ajouté dans la dernière édition du dictionnaire de ColpronNote de bas de page 8.Retour à la remarque aRéférencesNote de bas de page 1 Robert Dubuc, Objectif : 200, Ottawa, Leméac/Radio-Canada, 1971, p. 14.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Huguette Guay, L’Actualité terminologique, vol. 15, nº 10, décembre 1982.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Maurice Henrie, La Chambre à mourir, Québec, L’instant même, 1988, p. 43.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Roland Dorgelès, Vive la liberté!, Paris, Albin Michel, 1937, p. 36.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Étienne de Jouy, L’Hermite en province, tome 1, Paris, Pillet, 1819, p. 51.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, abrégé par Beaujean, Éditions universitaires, 1963.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Harrap’s New Standard French and English Dictionary, vol. 4, 1980 (article « many »).Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Constance et Louis Forest, Le Colpron, Beauchemin, 1994.Retour à la référence de la note de bas de page 8
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Mots de tête : « loose cannon »

Un article sur l’expression loose cannon
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité terminologique, volume 31, numéro 4, 1998, page 15) He’s not a loose cannon, but he’s not politicallycareful the way most politicians are(Globe and Mail, 20.4.85) On imagine sans peine les dégâts qu’un loose cannon pouvait causer sur le pont d’un bâtiment de guerre. Victor Hugo l’évoque à sa manière : « Un canon qui casse son amarre devient brusquement on ne sait quelle bête surnaturelle. » Mais ce qu’on s’explique moins facilement, c’est que les anglophones aient mis plus de cent ans pour passer du sens propre au sens figuré. Sauf erreur, ce phénomène a dû disparaître avec la fin de la marine de guerre à voile. Dans les années 1850, par là. Et pourtant, ce n’est qu’en 1985 que j’ai noté l’expression pour la première fois. De leur côté, les dictionnaires n’ont pas eu l’air pressés de l’enregistrer. Jusqu’à plus ample informé, le premier à le faire est le Webster’s Ninth New Collegiate Dictionary, paru en 1989, qui date l’expression de 1982. Il sera suivi en 1991 d’un dictionnaire bilingue, le petit Harrap’s, et deux ans plus tard, du Harrap’s Chambers. En 1995 et en 1997, le Collins Cobuild English Dictionary et le Canadian Dictionary of the English Language emboîteront le pas. S’ils donnent tous à peu près le même sens, le Cobuild propose une explication plus élaborée : « If you say that someone is a loose cannon, you mean that they behave in an independent, headstrong way and nobody can predict what they are going to do. » Ce qui correspond bien à la traduction du Harrap’s : « he’s a loose cannon  –on ne sait pas trop ce qu’il va faire ». Le même exemple est repris dans l’édition de 1996. Étonnamment, le Hachette Oxford et le Larousse bilingue, parus en 1994 et 1995, l’ignorent. Même le « super senior » de Robert et Collins (1996) est muet. Il faudra attendre la cinquième édition –elle sort tout juste des presses –, qui propose comme équivalent… « franc-tireur ». C’est tout. Pas d’exemple ni d’explication. Vous conviendrez avec moi que c’est un peu court. Et je ne suis pas sûr que ce soit très juste. Car le terme anglais est péjoratif, comme le confirme la définition du nouveau Canadian Oxford Dictionary (1998) : « a reckless person or thing causing unintentional and misdirected damage » (c’est moi qui souligne). On ne retrouve pas cette nuance en français : d’après le Petit Robert, le franc-tireur est « celui qui mène une action indépendante, isolée, n’observe pas la discipline d’un groupe ». Mais sans nécessairement faire courir de risques au groupe. Certes, il y a un certain recoupement, de sorte que dans le bon contexte la traduction pourrait faire l’affaire. Par ailleurs, le Larousse bilingue traduit « franc-tireur » par maverick. Ce qui fait bien ressortir la différence entre loose cannon et « franc-tireur ». Le maverick est un « independent individual who does not go along with a group or party ». Chez le maverick et le franc-tireur, ce comportement est voulu. Ce qui ne me paraît pas être le cas du loose cannon. C’est à son corps défendant qu’on le qualifie de la sorte. Il rejetterait ce qualificatif que ça ne m’étonnerait pas. Quoi qu’il en soit, comme c’est tout ce que les dictionnaires nous proposent, il faudra chercher ailleurs. J’ai rencontré dans un ouvrage de 1937 une expression qui me paraît bien rendre l’idée du canon qui a rompu son amarre :Un régime dictatorial, c’est une voiture sans freinsNote de bas de page 1. C’est presque la même idée que comporte l’exemple suivant :[…] au moment où une voiture folle arrive sur vousNote de bas de page 2. Chez nous, on retrouve aussi cette idée de folie. Le Devoir coiffe un article du titre : « Pour stopper le train fou », alors que l’auteur parle de « train affolé » :Il n’y a pas 36 façons d’arrêter le train affolé de la « ronde du Canada »Note de bas de page 3. La directrice de ce journal, quant à elle, semble préférer « tireur fou » :Pour l’excommunier, ses adversaires ont préféré le peindre en tireur fou qui sèmerait le chaos en chambreNote de bas de page 4. Deux ans plus tard, elle utilisera la même image, disant d’un ministre qu’il joue au « tireur fouNote de bas de page 5 ». À tout prendre, un « tireur fou » est à peu près aussi dangereux qu’un loose cannon. Mais dans le même contexte, Lise Bissonnette parlera aussi de « danger public » :Ce ministre est un danger publicNote de bas de page 6. Pour des gens qu’on suppose à l’affût des derniers mots à la mode, nos journalistes ont mis pas mal de temps à s’approprier l’expression anglaise. Lysiane Gagnon serait la première à l’employer :[…] le parti gagne ce qu’on appelle un « loose cannon », un allié aussi […] potentiellement explosif qu’un canon sans attaches sur le pont d’un navireNote de bas de page 7. Mais c’est surtout à la suite d’une déclaration de l’ambassadeur canadien à Paris que l’expression connaîtra la gloire. Nathalie Petrowski ouvre le feu, pour ainsi dire :M. Séguin, qui, selon l’ambassadeur Bouchard, n’a pas de chèvre mais un canon fou dans son placardNote de bas de page 8. Deux jours plus tard, une éditorialiste du même journal emploie le terme anglais :En véritable loose cannon de l’anti-médecine, [elle] tire avec une rage paranoïaque sur tout ce qui soigneNote de bas de page 9. Pour sa part, Le Devoir se fera un peu tirer l’oreille, se contentant de récupérer ce loose cannon sous la plume d’un lecteur :Pardonnez-moi, mais vous valez mieux que cette littérature de « loose cannon »Note de bas de page 10. Ou d’un habitué de la page des idées :L’ambassadeur du Canada à Paris et le premier ministre canadien […] avaient traité Philippe Séguin et Jacques Chirac de loose cannons de la politique françaiseNote de bas de page 11. Enfin, une collaboratrice du Devoir parlait tout récemment d’un « canon sans amarres »Note de bas de page 12. Notre éphémère première ministre, Kim Campbell, a déjà été considérée comme un loose cannon, comme vous le rappellera cette citation :Il paraît qu’elle est comme ça, Kim. Totalement imprévisible. Un démon éjecté de sa boîte […], un fusil chargé dans la main d’un enfantNote de bas de page 13. Il y a environ un an, un chroniqueur du Devoir, dont le franc-parler ne plaît pas toujours aux lecteurs, se faisait prendre à partie par un étudiant en philosophie : il se voyait traité de « canon fou » et d’« atome libreNote de bas de page 14 ». Tiens, tiens, me suis-je dit, voilà du neuf… Malheureusement, « atome libre » ne se trouve dans aucun dictionnaire. Mais à peine six mois plus tard, je tombais sur une expression semblable :L’électron libre et errant comprend très rapidement que la phraséologie révolutionnaire est un exercice de rhétoriqueNote de bas de page 15. Contrairement à sa mère l’atome, si je puis dire, l’électron libre n’est pas inconnu des dictionnaires. Mais on ne le trouve que dans les plus récents, dont le Hachette de 1997 :électron libre –(fam.) membre d’une organisation aux réactions imprévisibles. C’est très près du sens anglais. Sauf que le Petit Larousse de 1998 –pour jouer au franc-tireur, sans doute –donne une définition qui nous en éloigne : « personne qui, par son indépendance et sa liberté de parole, se démarque du groupe auquel il appartient ». Ne dirait-on pas plutôt une définition de « franc-tireur »? On voit bien le côté volontaire du terme français par opposition au côté irréfléchi du loose cannon. Mais peut-être que je cherche inutilement la petite bête et que le loose cannon, sous des dehors candides, sait très bien ce qu’il fait, alors que l’« électron libre », grisé par sa propre liberté, se laisse parfois aller à des gestes irréfléchis. Aux yeux des autres, en tout cas, il demeure imprévisible. C’est là que le français et l’anglais se rejoignent. Personnellement, malgré son absence des dictionnaires, j’ai un faible pour « canon fou ». Je trouve l’image particulièrement parlante. Certes, il s’agit d’un demi-calque, mais doit-on le rejeter pour autant? On parle bien d’une roue folle :L’Histoire, lancée tout à coup comme une roue folle […]Note de bas de page 16. Enfin, que vous optiez plutôt pour « franc-tireur » ou « électron libre », ou pour un autre équivalent que vous tenez caché dans votre manche, je ne vous en voudrai pas. Quant à moi, j’ai surtout hâte de voir quel dictionnaire sera le premier à nous proposer une traduction d’« électron libre ». Et quel sera cet équivalent. C’est à suivre.RéférencesNote de bas de page 1 Roland Dorgelès, Vive la liberté!, Albin Michel, 1937, p. 299.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Joëlle Stolz, Le Monde, 17.4.83.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Guy Laforest, Le Devoir, 22.7.92.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Lise Bissonnette, Le Devoir, 6.10.93.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Idem, 17.5.95.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Idem, 17.11.93.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Lysiane Gagnon, La Presse, 30.3.93.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Nathalie Petrowski, La Presse, 26.1.95.Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Agnès Gruda, La Presse, 28.1.95.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 Pierre Vadeboncoeur, lettre au Devoir, 18.2.95.Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11 Denis Monière, Le Devoir, 19.5.95.Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12 Louise Sexton, Le Devoir, 25.8.98.Retour à la référence de la note de bas de page 12Note de bas de page 13 Nathalie Petrowski, La Presse, 29.6.93.Retour à la référence de la note de bas de page 13Note de bas de page 14 Olivier Kemeid, Le Devoir, 18-19.10.97.Retour à la référence de la note de bas de page 14Note de bas de page 15 Luis Tornés Aguililla, Le Devoir, 30.5.98.Retour à la référence de la note de bas de page 15Note de bas de page 16 Bertrand Poirot-Delpech, Le Monde, 6.12.89.Retour à la référence de la note de bas de page 16
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Mots de tête : Dévoiler à tout vent

Un article sur l’expression dévoilement
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité langagière, volume 5, numéro 1, 2008, page 19) De cela, le rapport dévoilé cette semaine ne souffle mot(Marie-Andrée Chouinard, Le Devoir, 8.12.07). Depuis au moins huit lustres, onNote de bas de page 1 nous met en garde contre l’emploi de « dévoilement », d’un monument, d’une statue, au sens de son inauguration. Certes, vient un moment au cours de la cérémonie où l’on procède au dévoilement proprement dit, mais aucun ouvrage ne cautionne l’usage condamné par Dulong, Barbeau et Colpron. Et certains dictionnaires donnent même une explication pour nous aider à faire la différence : « dévoiler une statue que l’on inaugure ». Ce n’est pourtant là qu’un péché véniel. Que nous commettons peut-être sous l’influence de l’anglais, « unveiling » désignant aussi bien la cérémonie que le geste lui-même, mais les Français en font autant, alors on peut se demander quel démon les y pousse. On en trouve de nombreux exemples sur Internet, notamment sur le site du Sénat français : « Intervention de M. Christian Poncelet, Président du Sénat, à l’occasion du dévoilement de la plaque commémorative à l’effigie du Président Edgar Faure, dans l’hémicycle, mercredi 21 février 2007 ». J’ai rencontré cet usage sous la plume de plusieurs bons auteurs : « une vingtaine d’hivernants assistent au dévoilement de la plaque »Note de bas de page 2; « quant à la statue de Ney, par Rude, dévoilée en 1853Note de bas de page 3 ». Aussi, malgré les mises en garde, et le silence des dictionnaires, je ne crois pas qu’il y ait lieu de continuer de condamner cet emploi, que je qualifierais de métonymique (on prend la partie pour le tout). D’ailleurs, depuis l’édition de 1998, le Colpron a retiré ce terme de sa liste d’anglicismes. Mais il y a un autre emploi de « dévoiler » qui est nettement plus agaçant. C’est cette habitude de lui donner le sens d’annoncer, de rendre public. Dans le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, paru en 1992, on trouve cet exemple : « On va dévoiler les noms des gagnants, les annoncer publiquementNote de bas de page 4 ». Le DQA l’enregistre sans explication, comme s’il s’agissait d’un emploi « normal ». Quelques années plus tard, Lionel MeneyNote de bas de page 5 le relève à son tour – et reprend même l’exemple du DQA –, mais il signale qu’en « français standard » ce verbe n’a que le sens de révéler quelque chose de caché, de secret. Il est étonnant qu’il n’ait pas fait le lien avec l’anglais « unveil » qui, lui, a le sens d’annoncer. L’anglais serait-il en cause encore une fois ? C’est un usage plutôt récent. Mes premiers exemples ont à peine plus de quinze ans : « le gouvernement conservateur avait dévoilé cet onéreux programme quelques mois avant les élections », « le Rapport Delors fut dévoilé en avril 1989Note de bas de page 6 ». Quant à ceux que j’ai glanés dans Le Devoir – une trentaine –, ils ont tout juste cinq ans. On y apprend que les théâtres dévoilent leurs saisons (Hervé Guay, 24.4.02); que le gouvernement dévoile un règlement (Robert Dutrisac, 14.6.02); qu’une équipe de recherche dévoile son étude (Alain-Robert Nadeau, 12.6.02); que la Maison-Blanche a dévoilé le profil de son nouveau ministère de la Sécurité intérieure (Serge Truffaut, 14.6.02); que le président Lula a dévoilé les débuts de sa campagne (Gil Courtemanche, 1.2.03); qu’on dévoile à date fixe les lauréats du prix Fémina et du Renaudot (Caroline Montpetit, 22.10.03). Pour sa part, le chroniqueur Michel David l’emploie une demi-douzaine de fois. Et les occurrences avec « dévoilement » sont à peine moins nombreuses : Sylvain Cormier (1.10.02), Chantal Hébert (17.3.03), Christian Rioux (16.12.05), Manon Cornellier (15.1.03), Hélène Buzetti (27.1.03). Il semble que nos cousins aient adopté ce sens à peu près en même temps que nous. Cet exemple de 1994, tiré d’un ouvrage sérieux, un Que sais-je?, montre bien que la ligne de démarcation est fine entre « annoncer » et « dévoiler » : « que chaque mardi après-midi, en début de séance, un membre du gouvernement vienne faire une communication. Le thème en est dévoilé la veilleNote de bas de page 7 ». Pourquoi l’auteur n’a-t-il pas écrit simplement que le thème était annoncé la veille? Est-ce qu’on le garde secret jusqu’à la dernière minute, dans le but de tenir l’opposition en haleine, ou de la déstabiliser? Comme chez nous, les exemples abondent dans la presse française : « un rapport de police dévoilé au début de l’année » (Frédérique Amaoua, Libération, 27.5.98); « le Figaro en dévoile les grandes lignes » (Marie-Amélie Lombard, Le Figaro, 17.2.00); « l’ONU a dévoilé un ambitieux plan de modernisation du bâtiment principal » (Reuters, 2.10.02); « Bush dévoile aujourd’hui un vaste et coûteux plan de relance »(Pascal Reynard, Agence France-Presse, 7.1.03); « [le libraire] Sauramps dévoile un projet d’implantation sur le site Odysseum » (La Marseillaise, 30.9.06). Même les choses les plus banales font l’objet d’un dévoilement : « selon les intentions de semis dévoilées hier » (Isabelle Tourne, Agence France-Presse, 31.3.07). Enfin, et cela n’étonnera personne, j’en ai relevé un cas dans une traduction : « Le maire de New York vient de dévoiler la politique fiscale de la capitale économique du pays le plus riche du mondeNote de bas de page 8 ». S’il est légitime de parler de dévoiler les violations d’un accord (« Les commissions d’enquête sont chargées de surveiller l’application de l’accord et d’en dévoiler les éventuelles violationsNote de bas de page 9 »), voire de dire d’une biographie qu’elle dévoile la carrière d’un savant, surtout si celle-ci est mal connue (« Daniel Bermone lui [Eiffel] rend justice dans une biographie attachante qui dévoile la carrière féconde de ce grand savant » (Anne Muratori-Philip, Le Figaro, 27.6.02), on est carrément devant un cas limite ici : « Il y a quelques mois, les journaux dévoilaient sous le titre Aggravation des violences urbaines les zones des villes pudiquement qualifiées de sensibles » (Le Figaro, 26.5.05). Est-ce le « pudiquement » qui a soufflé à Claude Duneton cet emploi de « dévoiler »? Possible. Mais il faut dire que ça n’a rien de choquant. Et à moins d’être à l’affût d’exemples de ce genre, celui-ci serait passé inaperçu. On peut dire que les dictionnaires sont muets, mais on y trouve quand même des signes d’une évolution. Dans la partie français-anglais du Hachette-Oxford, on lit qu’une entreprise a « dévoilé » son nouveau modèle. Est-ce parce qu’il y a effectivement un dévoilement? Le Harrap’s traduit pourtant autrement : « unveil (new car at a show) – présenter ». Pour sa part, le Robert-Collins parle de « dévoiler un projet », sans indiquer s’il est secret ou non. Le Harrap’s met tout dans le même sac : « unveil (secret, details, plans) – dévoiler ». Doit-on deviner qu’il s’agit de « plans » secrets? Sinon, est-il plus fautif de dire d’un chercheur qu’il « dévoile » les conclusions de son étude? Elles nous étaient inconnues, au même titre que les projets ou détails du Harrap’s. D’ailleurs, on peut se demander si ce n’est pas Littré qui aurait mis le ver dans le fruit, avec cette définition de « dévoilement » : « action de porter à la connaissance »… Le gouvernement qui « dévoile » son programme fait-il autre chose? Les dictionnaires finiront-ils par entériner cette extension de sens? On peut présumer que oui. Comme ce fut le cas d’une autre expression dont j’ai parlé il y a près de vingt ans, « par le biais de » (L’Actualité terminologique, vol. 19, no 1, janvier 1986)Note de bas de page 10. Au sens neutre d’« au moyen de », on la trouve aujourd’hui dans le Harrap’s (« par le biais de qn = through sb ») et le Robert-Collins : « réserver par le biais d’une agence », « communiquer par le biais du fax » (est-ce différent de communiquer par fax?). Je craignais à l’époque que le sens de « moyen détourné » ne se perde, et je me demande si ce n’est pas en train de se produire (le Harrap’s est muet). Je ne me souviens pas d’avoir rencontré cet emploi récemment. J’ai pourtant relevé une vingtaine d’exemples du nouveau sens. Qu’en sera-t-il de « dévoiler »? Si dans quinze ans nous l’employons toujours dans son sens actuel, serons-nous obligés de préciser au lecteur qu’il s’agit de quelque chose de caché, de secret? Comprendrons-nous encore qu’une femme qui s’est dévoilée, c’est une femme qui ne porte plus le voile et non pas une femme qui nous a révélé ses projets? Je plaisante, évidemment, mais comme le voile est dans le vent ces temps-ci…RéférencesNote de bas de page 1 Gaston Dulong, Dictionnaire correctif du français, Presses de l’Université Laval, 1968; Victor Barbeau, Le français du Canada, Garneau, 1970; Gilles Colpron, Les anglicismes au Québec, Beauhemin, 1970.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Jean-Paul Kauffmann, L’arche des Kerguelen, Livre de poche, p. 216 (Flammarion, 1993).Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Jean Rolin, Clôture, Folio, p. 22 (P.O.L., 2002).Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Jean-Claude Boulanger, Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, Dicorobert inc., 1992.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Meney, Dictionnaire québécois-français, 2e éd., Guérin, 2003.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Georges Mathews, L’Accord, Éditions Le Jour, 1990, p. 107 et 151.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Michel Ameller, L’Assemblée nationale, P.U.F., coll. Que sais-je?, 1994, p. 86.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Noam Chomsky, Responsabilités des intellectuels, Agone Éditeur, 1998, p. 162 (traduit par Frédéric Cotton).Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 A. Demichel, Encyclopaedia Universalis, vol. 11 (article « Minorités »), 1974, p. 76.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 Voir aussi F. Leroux, Mots de tête, Éditions David, 2002, p. 68.Retour à la référence de la note de bas de page 10
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Mots de tête : Un « barbare » au Palais-Bourbon

Un article sur les adverbes présumément et supposément
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité langagière, volume 3, numéro 1, 2006, page 15) […] produire certains biens qui sont présumément désirés par tous (Pierre Lemieux, Le Devoir, 20.12.84). Si le Guide du traducteurNote de bas de page 1 n’a jamais été votre livre de chevet, vous ignorez peut-être que présumément, avec d’autres « monstres sauvages » comme supposément, est un adverbe « barbare ». Irène de Buisseret le range dans la catégorie des barbarismes, mais comme elle en déplore la surabondance dans les textes des traducteurs, on peut présumer qu’elle serait assez d’accord avec ceux qui y voient un calque de l’anglais « presumably ». C’est le cas notamment de Lionel MeneyNote de bas de page 2 et de Marie-Éva de VillersNote de bas de page 3, qui proposent de le remplacer par apparemment, probablement ou vraisemblablement. Dans TERMIUM®, sur le site des Clefs du français pratique, où le terme est également considéré comme un calque, on trouve d’autres équivalents : qu’on présume, semble-t-il, comme on le suppose, en toute probabilité, sans doute. Contrairement à supposémentNote de bas de page 4, dont le Trésor de la langue française donne au moins un exemple (de Julien Green), présumément n’a trouvé asile dans aucun dictionnaire français. Et il est à peine plus facile de le trouver dans les glossaires ou dictionnaires québécois; sauf erreur, il ne figure que dans le Dictionnaire québécois d’aujourd’huiNote de bas de page 5. L’auteur s’abstient de parler d’anglicisme ou de québécisme, mais il donne plusieurs équivalents : selon toute probabilité, censément, supposément. (Un dictionnaire bilingueNote de bas de page 6, dont on attend toujours la mise à jour, donne un autre équivalent, à « presumably » : de toute évidence.) Il y a plus de trente ans, une linguiste notait déjà que le terme était « très répandu dans la langue journalistique »Note de bas de page 7, et qu’il n’était pas attesté dans le français général. Les quatre exemples qu’elle donne, tous de La Presse, datent de la même année que le guide d’Irène de Buisseret. Ils sont à peu près sur ce modèle-ci : « deux femmes, présumément complices, ont subi des blessures » (14.12.72). De mon côté, j’en ai relevé quatre fois plus, aussi bien dans Le Droit ou Le Devoir que dans La Presse. Je me contenterai d’un exemple de chacun : « la Commission des groupes ethniques fut présumément constituée dans les années 80 » (Jean-V. Dufresne, Le Devoir, 13.9.89); « un programme complet et, présumément, rentable » (Adrien Cantin, Le Droit, 20.3.90); « un réseau de traficants [sic] dont les profits étaient présumément blanchis par des Québécois » (entrefilet, La Presse, 20.12.90). Si le terme est effectivement fréquent dans la presse, il l’est nettement moins ailleurs. Je n’en ai trouvé que trois exemples. (Je crains que les lecteurs ne m’accusent d’avoir « dormi au gaz », comme disent les gens.) Mon premier est d’un professeur de pédagogie : « en démocratie, la loi, c’est moi qui la fais et moi qui la défais, sur la base, présumément, de la connaissance que j’en ai »Note de bas de page 8. Mon deuxième, d’un ex-député péquiste : « dans leur égarement, les libéraux sont présumément sincères»Note de bas de page 9. Et mon dernier, d’un grand vulgarisateur : « les promoteurs ont réussi à vendre à des gens présumément avisés un dossier qui était de qualité douteuse »Note de bas de page 10. Mais si, malgré cette maigre récolte, je me permets de venir vous enquiquiner avec ce problème de langage (qui n’en est peut-être pas un pour vous), c’est qu’on commence à le voir dans la presse française. Témoin cette dépêche de l’Agence France-Presse : « un policier ayant présumément frappé à coups de pied et de poing un jeune homme » (13.11.05). Il n’en fallait pas plus pour me pousser à aller fureter sur Internet. On est très loin des 700 000 occurrences de supposément, mais on en trouve quand même environ 40 000. Certes, il s’agit de sites canado-québécoisAller à la remarque a à 99,9 %, mais on peut supposer qu’il doit y avoir quelques centaines d’exemples qui viennent d’ailleurs. Et qui sont moins récents que je m’y attendais  – le site des droits de l’homme de l’ONU : « cette décision ne concerne pas le caractère présumément discriminatoire de la lettre de l’employeur » (12.8.88); une décision du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie : « une cassette vidéo présumément saisie à Inda-Bau » (19.1.98); Amnistie internationale : « faire traduire en justice les membres du Congrès présumément impliqués dans le scandale » (31.7.01); l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme : « M. Lekovic avait subi diverses pressions et menaces de la part de policiers présumément impliqués dans des crimes de guerre » (22.9.05). Et il n’y a pas que les sites d’organisations internationales qui l’hébergent : « l’ensemble d’organisations qui se déplaçaient présumément dans leur secteur d’influence » (Indymedia Paris); « l’incroyable et malhonnête justification présumément théologique des reproductions » (L’Atelier des deux saints Jean); « l’autre sujet est l’aide apportée présumément à certains des auteurs des attentats » (El Correo de la Diaspora argentine). Les Haïtiens semblent avoir un faible pour les mêmes adverbes « barbares » que nous. Comme ce fut le cas pour supposément, le journal Haïti Progrès me fournit plusieurs exemples : «  un groupe d’hommes lourdement armés et commandés présumément par l’ex-militaire haïtien André Billy » (4.12.02); « la commission a fait sa part de scandale au moins pour une somme présumément détournée par la mairesse adjointe » (2.2.05). Un collaborateur de Libération, Philippe Garnier, l’emploie : « il faut dire que c’était le genre d’homme qui prenait les gants pour s’arrêter de boire, et à qui il manquait un bout d’oreille, mordu et présumément avalé lors d’une rixe de rue ». Et je termine cette litanie, qui pourrait se poursuivre encore longtemps, avec un rapport déposé à l’Assemblée nationale française : « la question posée portait sur la possibilité pour les Nations Unies de présenter une réclamation concernant un acte dommageable présumément commis par des terroristes » (présenté par le député Didier Quentin le 19 mars 2003). Mais je sens que malgré ces exemples, il y a quelque chose qui vous chicote : c’est la formation de l’adverbe, peut-être? Comme son complice supposément, il serait formé sur le participe passé. Alors que d’après les grammairiens (Grevisse, Hanse), l’adverbe se forme plutôt à partir de l’adjectif; ainsi, avec présumable, cela devrait donner présumablement. Vous ai-je vu sursauter? Ce fut aussi ma réaction la première fois que je l’ai rencontré, dans le Trésor. Et pourtant, l’adverbe existe depuis… 1836 : « Présumablement les voyageurs répandaient la nouvelle de ce qui s’y passait », écrit Léon Gozlan, dans son roman Le notaire de Chantilly. Mais il a beau être bien formé, il ne semble pas avoir eu une descendance nombreuse. Un dictionnaire bilingue de la fin du 19e siècle, le Clifton-GrimauxNote de bas de page 11, l’enregistre, et puis après, plus rien. C’est du moins ce que je croyais, jusqu’à ce que j’aille naviguer sur la Toile… On y trouve 6 480 occurrences! S’il est vrai que présumément est mal formé, il n’est pas le premier à l’avoir été à partir du participe passé adjectif. C’est aussi le cas de prétendument, par exemple (il faut dire que prétendu est le seul adjectif disponible). Mais ce qui est amusant, c’est qu’à sa création au 18e siècle, il a été taxé de barbarisme par un lexicographe de l’époque, Jean-François Féraud… Enfin, je me dis que si notre « barbare » est parvenu à s’immiscer dans l’auguste enceinte de l’Assemblée nationale, le jour où l’Académie française entreprendra l’étude de présumer (elle vient de terminer onglette), elle pourrait bien être tentée de l’admettre. Avec une mise en garde, à la rigueur. Ce serait le début d’une sorte de consécration. Remarques Remarque a  Ancienne réviseure aux Débats de la Chambre des communes, Irène de Buisseret serait-elle étonnée de voir que le hansard, le journal des débats, l’emploie plus souvent qu’à son tour? Retour à la remarque a Références Note de bas de page 1  Guide du traducteur, 1972, p. 48 (Deux langues, six idiomes, 1975, p. 35). Retour à la référence de la note de bas de page 1 Note de bas de page 2  Dictionnaire québécois-français, Guérin, 1999. Retour à la référence de la note de bas de page 2 Note de bas de page 3  Multidictionnaire de la langue française, Québec/Amérique, 2003. Retour à la référence de la note de bas de page 3 Note de bas de page 4  Voir L’Actualité terminologique, vol. 1, nº 1, 2004, p. 11. Retour à la référence de la note de bas de page 4 Note de bas de page 5  Jean-Claude Boulanger, Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, Dicorobert, 1992. Retour à la référence de la note de bas de page 5 Note de bas de page 6  P. Daviault, J.-P. Vinay et Henry Alexander, Dictionnaire canadien, McClelland and Stewart, 1962. Retour à la référence de la note de bas de page 6 Note de bas de page 7  Geneviève Offroy, Travaux de linguistique québécoise, Presses de l’Université Laval, 1975, p. 290. Retour à la référence de la note de bas de page 7 Note de bas de page 8  Richard Joly, Notre démocratie d’ignorants instruits, Leméac, 1981, p. 115. Retour à la référence de la note de bas de page 8 Note de bas de page 9  Pierre de Bellefeuille, L’ennemi intime, L’Hexagone, 1992, p. 26. Retour à la référence de la note de bas de page 9 Note de bas de page 10  Laurent Laplante, Pour en finir avec l’olympisme, Boréal, 1996, p. 173. Retour à la référence de la note de bas de page 10 Note de bas de page 11  E.-C. Clifton et A. Grimaux, A New Dictionary of the French and English Languages, Garnier, 1883. Retour à la référence de la note de bas de page 11
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Traduire le monde : Venise du Nord et autres surnoms

Un article sur les surnoms de villes et de pays
André Racicot (L’Actualité langagière, volume 6, numéro 2, 2009, page 23) Vous seriez étonnés de voir le nombre de villes qui s’attribuent le nom de Venise du Nord. Parmi les lauréates, mentionnons Amsterdam, Bruges, Saint-Pétersbourg et Stockholm. Je suis sûr qu’il y en a d’autres, car lorsque je donne mes cours aux traducteurs, je constate que le sujet demeure controversé. Mais, heureusement, on ne compte qu’une seule Venise de l’Orient : Bangkok. Venise, que l’on pourrait surnommer la cité de la lagune, portait jadis le nom de Sérénissime République, mais aussi de cité des doges, en hommage à ceux qui la gouvernaient. Comme on le voit, les surnoms remontent à la nuit des temps. Pensez à Paris, la Ville lumière, à Rome, la Ville éternelle et à Jérusalem, la Ville sainte, aussi appelée Cité de David. Les villes du Nouveau Monde ont aussi hérité de surnoms. Les amateurs de sport sont familiers avec la ville de l’automobile (Detroit, du moins jusqu’à nouvel ordre), la ville des vents (Chicago), la ville des fèves au lard (Boston, Beantown en anglais), la ville des anges (Los Angeles), la ville de l’acier (Pittsburgh), la ville de l’amour fraternel (Philadelphie, fondée par la Société des amis, c’est-à-dire les quakers). Pour des raisons évidentes, les Américains appellent San Francisco Shaky Town. Mais Boston a sans doute hérité du plus beau surnom, l’Athènes de l’Amérique, en raison de ses prestigieuses institutions d’enseignement : Harvard, le MIT, la John Kennedy School of Government, et j’en passe. Plus près de nous, qui ne connaît pas la Ville-Reine (Toronto)? Mais sait-on que Vancouver est surnommée le jardin du Pacifique? Les plus âgés se rappelleront que Montréal a longtemps été désignée comme la ville aux cent clochers, titre qu’elle partage avec Prague et Rouen. Parfois, le trait dominant est la couleur : la ville dorée (Prague), la ville rose (Toulouse), la ville rouge (Marrakech), la ville bleue (Jodhpur). Mais la palme revient à la ville blanche : La Paz, Casablanca, Alger, Lisbonne, Cadix, Arequipa (Pérou), Belgrade. Les cités ont également la cote. Pensons à la cité des papes (Avignon), qui a effectivement accueilli la papauté de 1309 à 1376. Quant à la cité de la joie (Calcutta), elle a donné son nom à un livre célèbre de Dominique Lapierre et Larry Collins. Si l’on remonte à l’Antiquité, la colonisation grecque a laissé des traces à Marseille, qui porte encore le nom de cité phocéenne. Une curiosité : quelle ville est surnommée la cité du lys? Je vous laisse quelques instants pour deviner… Québec? Non, pas du tout! Pensez à la capitale de la Renaissance, la magnifique Florence, dont le lys est le symbole, peut-être parce que les Médicis ont jadis investi la cour de France, mais cela reste à vérifier. Bien entendu, les pays ont aussi leurs pseudonymes. Il est parfois inspiré par la forme : l’Hexagone pour la France et la Botte pour l’Italie. La politique peut aussi être source d’inspiration. Ainsi, les Français appelaient l’Allemagne l’ennemi héréditaire, à une autre époque bien sûr, tandis que l’Angleterre était la perfide Albion. L’Empire ottoman, avant d’être ramené aux dimensions de la Turquie actuelle, était désigné sous le nom d’homme malade de l’Europe. Il occupait alors une partie des Balkans, que certains ont surnommés la poudrière de l’Europe. La ville principale de l’empire, Istanbul, était appelée la Sublime Porte, parce qu’elle donnait accès à la mer Noire, et aussi à l’Asie. Les empires ne le cédaient en rien aux cités. Tout d’abord l’Empire britannique, celui où le soleil ne se couchait jamais, disait-on. Mais que dire du céleste empire ou encore de l’Empire du milieu? Tout le monde aura reconnu la Chine. Un autre empire a aussi connu son heure de gloire, sous la férule du pays du soleil levant, le Japon. Si les empires accumulaient les richesses, ils ne détestaient pas non plus enfiler les perles : la perle du Danube, Budapest, la perle de l’Orient, Alexandrie, la perle de la Méditerranée, Malte, et la perle du désert, Tombouctou. Quant au titre de perle des Antilles, il est réclamé par Haïti, la Martinique et la Guadeloupe. À quand un surnom pour le Canada? Certains le désignent déjà comme le pays des érables. Pas mal, non?
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Mots de tête : « en d’autres mots »

Un article sur l’expression en d’autres mots
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité terminologique, volume 22, numéro 5, 1989, page 16) À voir le sort que les dictionnaires réservent à certaines expressions, on peut se demander si elles n’ont pas la gale. Elles ont beau emprunter les plus belles plumes, elles ne parviennent pas à séduire les lexicographes. Bref, elles n’ont pas la cote d’amour. En d’autres mots fait partie de ces mal aimées. À mon arrivée au Bureau de la traduction, mon réviseur me signala qu’il fallait l’éviter. On devait dire « en d’autres termes » ou « autrement dit ». Ce n’est que plus tard que je découvris la source probable de cet interdit, un vieux bulletin de terminologie du Bureau (BT-53, Notions grammaticales et vocabulaire), qui date de 1957. J’avais du mal à me résigner à ne pas employer cette tournure. Après tout, elle figurait dans le Harrap, depuis au moins 1947, et dans les deux parties en plus. Et comble d’ironie, on la trouvait aussi dans un autre bulletin du Bureau, le Carbonneau (BT-147), mais entre parenthèses il faut dire (comme si on l’y avait mise à regret). Au fil des années, je finis par trouver des exemples chez des auteurs français : deux sinologues, Pierre Ryckmans et Simon LeysAller à la remarque a, et un bon historien, Philippe Erlanger. Je fis donc paraître un billet dans 2001 (ex-publication du Secrétariat d’État) en janvier 1978. Je croyais, naïvement, que cela suffirait pour ouvrir à cette locution les portes des dictionnaires, mais il n’en fut rien. Dix ans plus tard, elle n’y est toujours pas. Et qui plus est, même chez nous, on continue de s’en méfier. Il y a cinq ou six mois, par exemple, un client nous demandait de revoir une traduction dont il n’était pas satisfait. Entre autres « fautes », il avait souligné en d’autres mots. Quelques mois plus tard, un collègue me demandait mon avis sur cette expression, un traducteur lui ayant signalé qu’elle était inconnue des Français. Ce qui semble confirmé par un ouvrage récent, le Guide du français des affairesNote de bas de page 1, pour qui il s’agit d’une « usance québécoise ». Je tenterai donc, comme diraient les horlogers, de remettre les pendules à l’heure. Bien que notre tournure ne soit pas encore admise au dictionnaire, elle a quand même fait du chemin depuis 1978. Deux défenseurs de la langue l’emploient. René de Chantal, dont vous connaissez peut-être les Chroniques de français :« En d’autres mots, par son insistance…Note de bas de page 2 », et Philippe Barbaud, linguiste et professeur à l’UQAM : « En d’autres mots, notre parler habituel…Note de bas de page 3 ». Le premier est d’origine européenne, si je ne m’abuse, et le second est québécois.Les exemples suivants sont tirés de deux traductions, de l’anglais d’abord : « En d’autres mots, il faut qu’il soit contre…Note de bas de page 4 », de l’italien ensuite : « En d’autres mots, il était con », « En d’autres mots, à moins que…Note de bas de page 5 ». Ces deux dernières citations devraient convaincre les incrédules qu’il peut difficilement s’agir d’un calque de l’anglais. Voici maintenant quatre exemples de bons auteurs, peu susceptibles d’avoir été influencés par l’anglais :Alain Fantapié, directeur de Médias et Langage : « En d’autres mots, une nouvelle loi…Note de bas de page 6 ». Pascal Bruckner, romancier et philosophe : « (…) en d’autres mots si les individus résistent…Note de bas de page 7 ». J.H. Herbots, professeur de droit à l’Université catholique de Louvain : « (…) il devrait en d’autres mots pouvoir en faire une traduction libreNote de bas de page 8. » et Armand Lanoux, romancier, membre de l’Académie Goncourt :« En d’autres mots, c’est toujours…Note de bas de page 9. »Si les dictionnaires français continuent d’ignorer cette expression, il n’en est pas ainsi des bilingues. Outre le Harrap, le Robert-Collins la donne, mais dans la partie français-anglais seulement. On la trouve également dans le Dictionnaire des vrais amisNote de bas de page 10. Au total, cela fait pas moins de quinze sources, dont la plupart sont tout ce qu’il y a de plus fiables. Devant autant d’exemples, je ne vois vraiment pas ce qui pourrait vous faire hésiter à l’employer. Son peu d’ancienneté, peut-être? Qu’à cela ne tienne, voici deux exemples qui auront tôt fait de lever vos scrupules :« (…) en d’autres mots, que ce sont des scènes d’opéra que l’on demande aujourd’hui dans la tragédieNote de bas de page 11 ».En d’autres mots, que Rubens l’emportait sur Raphaël…Note de bas de page 12 Ces citations proviennent d’un ouvrage malheureusement oublié aujourd’hui, L’Hermite de la Chaussée-d’Antin, paru en 1813. Il ne nous reste plus qu’à attendre – patiemment – les prochaines éditions du Petit Larousse et du Petit Robert. Si, par impossible, les rédacteurs de ces maisons s’obstinaient à faire la sourde oreille, nous aurons alors la preuve qu’ils ne lisent pas L’Actualité terminologique. Il faudra sans doute songer à les abonner.RemarquesRemarque a Simon Leys est le pseudonyme de Ryckmans, ce que j’ignorais à l’époque.Retour à la remarque aRéférencesNote de bas de page 1 Jean-Marie Courbon, Guide du français des affaires, Didier, 1984, p. 8.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 René de Chantal. « Joachim du Bellay et Victor Barbeau », Cahiers de l’Académie canadienne-française, vol. 15, Fides, 1978, p. 29.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Philippe Barbaud, Le Français sans façon, Hurtubise HMH, 1987, p. 45.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 John Steinbeck, Un Américain à New-York et à Paris, Julliard, 1956, p. 45. (Traduit par Jean-François Rozan.)Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Cesare Pavese, Avant que le coq chante, Folio, 1978, p. 57 et 73. (Paru chez Gallimard en 1953. Traduit par Nino Frank.)Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Alain Fantapié, Médias et Langage, Paris, nº 16, oct.-nov. 1982, p. 1.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Pascal Bruckner, Le Sanglot de l’homme blanc, Seuil, coll. Points-Actuel, 1986, p. 138.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 J.H. Herbots, Les Cahiers de droit. Université Laval, vol. 28, nº 4, déc. 1987, p. 841.Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Armand Lanoux, préface aux Récits de l’eau et des rives de Maupassant, Bibliothèque de culture littéraire, s.1., s.d., p. 18.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 Jean-Pierre Causse, Dictionnaire des vrais amis, British Institute in Paris, Université de Londres, 1978, p. 83.Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11 Étienne de Jouy, L’Hermite de la Chaussée-d’Antin, tome 2, Paris, Pillet, 1813, p. 18.Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12 Ibid., tome 3, p. 318.Retour à la référence de la note de bas de page 12
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Mots de tête : « you can’t have your cake and eat it too »

Un article sur la traduction de l’expression you can’t have your cake and eat it too
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité terminologique, volume 18, numéro 7, 1985, page 10) Les locutions sont le reflet des mœurs, a dit un moraliste dont le nom m’échappeAller à la remarque a. Si cela est vrai, vous conviendrez avec moi que les Britanniques en ont d’assez curieuses. Quel autre peuple aurait eu l’idée de réduire les bonnes choses de la vie aux cakes and ale? Autre pays, autres mœurs… Parmi les expressions où entre le mot cake, il en est une que tout traducteur a dû rencontrer au moins une fois dans sa carrière : « You can’t have your cake and eat it (too)Aller à la remarque b ». Si le sens est clair (« you can only choose one of two alternatives, not bothNote de bas de page 1 »), et assez facile à rendre, le choix du niveau de langue pose parfois un problème. Le ministre du Travail, par exemple, qui dirait à des ouvriers dont les revendications lui paraissent excessives, qu’ils ne peuvent « avoir à la fois le drap et l’argent », risquerait de parler dans le vide. (À moins de s’adresser à des ouvriers du textile.) C’est pourtant le premier équivalent, voire le seul, que proposent les quelques ouvrages qui connaissent le proverbe anglais : le Harrap, le Guide du traducteurNote de bas de page 2, As the French SayNote de bas de page 3. (Le Robert-Collins est muet). Jugeant le tour trop littéraire (il est tiré de la Farce de Maître Pathelin), Félix Boillot, dans son Second Vrai Ami du TraducteurNote de bas de page 4, lui préfère une expression « qui présente à peu près le même degré de familiarité » que l’anglais : « On ne peut pas être et avoir été ». Comme il ne donne pas de source, on peut supposer que la suggestion est de lui. Mais elle n’est pas nouvelle. Les auteurs du Nouveau Dictionnaire anglais-françaisNote de bas de page 5, paru une quarantaine d’années auparavant, y avaient déjà pensé. Boillot l’ignorait-il? Quoi qu’il en soit, ce n’est pas une formule qu’on peut mettre à toutes les sauces. J’aime mieux la seconde proposition de Mme de Buisseret, qui est beaucoup plus maniable : « On ne peut gagner sur les deux tableaux ». Avec ces trois solutions, on devrait pouvoir se tirer d’affaire dans la plupart des cas. Mais il y a d’autres possibilités, plus intéressantes encore, peut-être. Par exemple :On ne saurait vouloir les choses et leur contraireNote de bas de page 6. (Aussi souple que la précédente.) Ou bien (dans un contexte particulier) :On ne peut pas tout avoir et ne rien payerNote de bas de page 7. Ou encore :On ne saurait « vouloir la pomme et le paradisNote de bas de page 8 ». Ou enfin, un exemple qui ne serait pas déplacé dans la bouche du ministre de l’Agriculture :On ne peut « vendre le cochon et garder le lardNote de bas de page 9 ». C’est un lecteur des Nouvelles littéraires qui m’a fourni l’image du lard et du cochon. Ne la connaissant pas, je l’ai cherchée partout. En vain. J’allais renoncer et remettre mon article, quand je suis tombé sur un vieux recueil de locutions françaises « avec leurs équivalents anglais », qui confirmait mon « intuition » :On ne peut avoir le lard et le cochon – One cannot have one’s cake and eat it tooNote de bas de page 10. Pour continuer dans la même veine (« agricole », j’entends), on pourrait – à condition de mettre en veilleuse son anglophobie – traduire par une expression qui est également d’origine anglaise. Je l’ai lue plusieurs fois dans la presse française : sous la plume de l’ancien rédacteur en chef de L’Express, Olivier ToddNote de bas de page 11, et de deux journalistes du Monde, Pierre Drouin et Laurent Modiano, dont l’article porte le même titre, « Le beurre et l’argent du beurre ».On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre, comme disent les AnglaisNote de bas de page 12.Littéralement, Mme Thatcher veut le beurre et l’argent du beurreNote de bas de page 13! (C’est une tournure que je n’ai jamais rencontrée en anglais. Je serais reconnaissant qu’on me signale une source.) Comme dernière possibilité, il y a le calque pur et simple. De bons écrivains ne s’en sont pas privés :(…) ce qui équivaut, comme on dit ici, à garder son gâteau tout en le mangeantNote de bas de page 14.Il s’agit de faire mentir le proverbe anglais qu’on ne peut à la fois garder son gâteau et le mangerNote de bas de page 15. La première citation est d’un bon romancier, Vladimir Volkoff, et la seconde, d’un membre de l’Académie Goncourt, Jean Dutourd. Je ne raffolle ni de l’une ni de l’autre, mais en fait d’adaptation insolite, c’est le Harrap qui remporte la palme. En effet, dans la dernière édition de leur dictionnaire, René et Margaret Ledésert nous servent un équivalent des plus inattendus :On ne peut pas manger le gâteau à midi tout en le gardant pour le dîner. S’agit-il d’une vieille locution tombée dans l’oubli? Ou d’une traduction maison? Seul leur imprimeur le sait. Mais une chose est certaine, pour le Québécois (ou Canadien français) moyen, le dîner étant le repas du midi, c’est la quadrature du cercle. Après cela, il n’y a plus qu’à tirer l’échelle. Mais n’en faites rien. Amusez-vous plutôt à trouver d’autres équivalents.RemarquesRemarque a C’est peut-être moi…Retour à la remarque aRemarque b Il existe une variante, tout aussi connue : « you can’t eat your cake and have it (too) ».Retour à la remarque bRéférencesNote de bas de page 1 Jennifer Seidi et M. McMordie, English Idioms, Oxford University Press, 1978, p. 247.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Irène de Buisseret, Guide du traducteur, Ottawa, A.T.I.O., 1972, p. 339. (Dans Deux langues, six idiomes, p. 311.)Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 F.C. Whitaker, As the French Say, Longmans, 1969, nº 379.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Félix Boillot, Le Second Vrai Ami du traducteur, Paris, Éditions J. Oliven, 1956, p. 49.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 E. Clifton et A. Grimaux, Nouveau Dictionnaire anglais-français, Paris, Garnier, 1914.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Soldatus, Le Manège, Gonthier, coll. Médiations, 1971, p. 61.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Normand Beauchemin, compte rendu du Parler populaire du Québec de Gaston Dulong, Revue canadienne de linguistique, 26 : 2, p. 231.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Michel C. Auger, « Ottawa veut la pomme et le paradis », Le Droit 22.2.84.Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Raymond Lipa, lettre aux Nouvelles littéraires, 9.1.80.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 Armand-Georges Billaudeau, Recueil de locutions françaises avec leurs équivalents anglais, Paris, Boyveau et Chevillet, 1903, p. 281.Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11 Olivier Todd, L’Express, 24.1.81.Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12 Pierre Drouin, Le Monde, 25.6.83. (Voir aussi le Monde du 7.4.83.)Retour à la référence de la note de bas de page 12Note de bas de page 13 Laurent Modiano, Le Monde, 4.2.84.Retour à la référence de la note de bas de page 13Note de bas de page 14 Vladimir Volkoff, Le Retournement, Julliard, 1979, p. 9.Retour à la référence de la note de bas de page 14Note de bas de page 15 Jean Dutourd, Carnet d’un émigré, Livre de poche, 1979, p. 119.Retour à la référence de la note de bas de page 15
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Mots de tête : « en charge de »

Un article sur l’expression en charge de
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité langagière, volume 8, numéro 1, 2011, page 8) Les multinationales ne sont en charge d’aucun destin.(René-Victor Pilhes, Playboy, juillet 1976) S’il est une expression sur laquelle les défenseurs et autres amoureux de la langue s’entendent – pour la condamner –, c’est bien « en charge de ». D’abord, parce qu’il n’y a pas à s’y tromper : elle ressemble comme deux gouttes d’eau à sa mère anglaise, et ensuite, parce qu’elle ne figure pas dans les dictionnaires. CondamnéeNote de bas de page 1 chez nous depuis 75 ans, cela fait plus d’un siècle que nous l’employons. Dans une très belle biographie d’Olivar Asselin, l’auteure cite un article du sénateur-journaliste Hector FabreAller à la remarque a, paru le 30 août 1876 : « M. Risule [sic] Asselin, marguiller [sic] en charge de la paroisse de St. HilarionNote de bas de page 2 ». Les « sic » sont de la biographe, qui emploie elle-même « en charge de », sans guillemets. Le marguillier en question, vous l’avez deviné, est le père d’Olivar. Une dizaine d’années plus tard, l’abbé Napoléon CaronNote de bas de page 3 parlera lui aussi d’un marguillier, celui « en charge de Sainte-Flore ». Il y a ensuite un trou de cinquante ans dans mes fiches. On se retrouve ainsi en 1941. En voyage en France, Paul PéladeauNote de bas de page 4, pour sortir de Paris, doit obtenir un sauf-conduit du « général en charge du Bureau central de la circulation ». C’est la guerre… Trois autres sources de la même époque : une romancière-traductrice, Hélène J. GagnonNote de bas de page 5 (1944), et deux romanciers, Harry BernardNote de bas de page 6 (1953) et Maurice de GoumoisNote de bas de page 7 (1954). Depuis, plus personne ne s’en prive. Ce qui donne maintes occasions aux défenseurs de la langue de monter au créneau, et autant d’heures de lecture aux amateurs de querelles langagières (dont je suis). Mais qu’en est-il du côté de l’Hexagone? Là-bas, on s’adonnera à ce vice plusieurs décennies après nous. Et le premier pécheur serait nul autre qu’un grand thomiste, le philosophe Étienne Gilson. Indirectement mêlé à une querelle franco-québécoise, il écrit en 1946 : « nous n’avons pas changé cette possession en dette pour les [c’est nous] avoir laissés seuls en charge de ces biens ». Certes, c’est un auteur québécois, Robert CharbonneauNote de bas de page 8, qui le cite, mais il n’y a pas lieu de croire qu’il lui aurait glissé cet anglicisme sous la plume… Tout comme nous, nos cousins mettront du temps à réagir à l’intrusion de cet « étranger dans la cité ». Presque quarante ans. C’est un ingénieur général des Mines qui s’avisera de donner l’alarme : « Cet emploi de en charge de semble se répandre dangereusement. RéagissonsNote de bas de page 9. » L’année suivante, un inspecteur général honoraire de Gaz de France monte à l’assaut à son tour et en fait un élément d’un Petit lexique du français des pédantsNote de bas de page 10. Et la même année, un grand chroniqueur économique du Monde ajoute son grain de sel : « On retrouve aujourd’hui cet inutile anglicisme qui est en voie de se substituer au plus simple "chargé de" […] jusque dans les documents administratifs et sur les cartes de visite des cadres dirigeants de grandes entreprises nationalisées guère plus soucieuses que les autres du beau langageNote de bas de page 11. » Enfin, toujours dans la revue DLF, une collaboratrice fait écho à l’exemple de Perret en le classant parmi les mots à la modeNote de bas de page 12. Mais ce n’est que vingt ans plus tard qu’on trouvera une condamnation « officielle », si je puis dire. Et c’est d’ailleurs la seule que j’ai trouvée. Elle est d’un ancien inspecteur général du ministère de l’Éducation nationaleNote de bas de page 13. Certes, le fait que les dictionnaires bilingues ne traduisent pas « to be in charge of » par notre tournure est une forme de censure, mais on ne voit pas de levée de boucliers comme chez nous, où au moins seize ouvrages condamnent ce calque. Mais restons en France. Où l’on verra que le mauvais exemple de Gilson a été suivi par de bons auteurs. Commençons par le grand déboulonneur de Mao, le sinologue Simon LeysNote de bas de page 14, dont l’exemple rappelle celui de Fabre : « Deux prêtres chinois sont en charge de cette église. » Chronologiquement, mon prochain exemple est celui en exergue, d’un écrivain quelque peu oublié aujourd’hui. (Vous aurez deviné que c’est un collègue qui me l’a fourni… le Playboy n’étant pas ma lecture de chevet.) L’exemple qui suit devrait me racheter à vos yeux, puisqu’il est d’un haut fonctionnaire responsable des affaires culturelles : « les forces politiques en charge du pouvoirNote de bas de page 15 ». Et le suivant est du grand folkloriste breton, Pierre-Jakez HéliasNote de bas de page 16 : « l’auteur, mis en charge des émissions en langue bretonne à la radio en 1946 ». Autre source de tout repos, un roman japonais inspiré de la vie de Confucius : « le Maître est promu garde des Sceaux, ce qui le met en charge de la justice et de la police de l’État de LuNote de bas de page 17 ». Je me contenterai de signaler trois autres auteurs, Pierre SansotNote de bas de page 18, Laure Murat (Passage de l’Odéon, 2003) et Anne Nivat (Chienne de guerre, 2000), qui l’emploie une douzaine de fois. Je pourrais citer encore plusieurs fauteurs : Jack Lang (1979), Jean-Francis Held (1980), Joseph Rovan (1987), deux grands journalistes du Monde, Philippe Boucher et Bruno Frappat (1987). Mais la cerise sur le gâteau, c’est l’exemple de Bertrand Poirot-Delpech. Il l’emploie – tenez-vous bien – dans son discours de réception à l’Académie : « c’est que vous vous sentez moins en charge de vos renommées personnelles » (Le Monde, févr. 1987). On aurait pu s’attendre à ce que ses nouveaux confrères lui signalent gentiment sa bourde, mais ça n’a pas dû être le cas, puisqu’il récidive quelques mois plus tard : « ce professeur de cheval se croit en charge d’un certain ordre » (Le Monde, août 1987). Si même un académicien peut se permettre un tel laxisme, sans qu’on le semonce, où allons-nous? Je vous le demande. Et que font les dictionnaires? me demandez-vous à votre tour. Les Québécois diraient qu’ils dorment au gaz (ou qu’ils se sont endormis sur le rôti, si vous préférez). Mais pas tous. On trouve cette curiosité dans le Hachette-Oxford de 1994 : « responsable (personne en charge) – (gén) person in charge ». Mais ce n’est que depuis deux ou trois ans que le Petit Robert l’enregistre, et avec l’étiquette « emploi critiqué ». Quant au Robert-Collins, dans sa toute dernière édition (2010), on en trouve deux exemples dans la partie français-anglais, sans mention aucune. En terminant, j’ai bien envie de vous poser une bizarre de question : Et si ce n’était pas un anglicisme? Je sais, je sais, la ressemblance ne permet pas le doute. Et tout le monde est d’accord. Mais comment expliquer alors que nous l’employions déjà à l’époque de la Nouvelle-France? Ayant eu la curiosité de consulter le Trésor de la langue française au Québec en ligne, quelle ne fut pas ma surprise de tomber sur ces deux exemples : « Je marguillier de la paroisse de notre dame de quebec, et en charge de l’Église succursale de la basse ville… » et « Je Marguillier en charge de l’Église de la basse ville…  ». Le premier est de 1727, et le second, de 1729… Nous étions déjà contaminés par l’anglais il y a presque trois cents ans? Ou s’agirait-il d’un emploi différent? Le sens d’« en fonction », « en exercice »? Si on peut entrer en charge (Académie), on doit pouvoir être en charge. Il s’agirait donc du marguillier « en exercice » de l’église et non pas du marguillier « en charge de » l’église? Vous me direz que c’est peut-être un peu tiré par les cheveux, mais ces exemples permettent en tout cas de relativiser l’importance du calque. Car on a pu simplement passer d’« en charge » à « en charge de », ce qui ne demande pas beaucoup d’imagination. Aujourd’hui, on va encore plus loin. On fait suivre la tournure d’un infinitif : « ceux qui sont en charge d’assurer la direction d’une société ». Non, non, ce n’est pas un exemple québécois. C’est nul autre que François Mitterrand qui s’exprime ainsi… en 1987. Combien d’années faudra-t-il aux dictionnaires pour enregistrer cet usage? On cherche encore en vain « en plus de » suivi d’un infinitif – auquel j’ai consacré un « Mots de tête » il y a un quart de siècle.RemarquesRemarque a Le même mécréant qui m’a fourni un exemple de « sous l’impression de ». Voir L’Actualité langagière de septembre 2010.Retour à la remarque aRéférencesNote de bas de page 1 Léon Lorrain, Les étrangers dans la cité, Presses du Mercure, 1936.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Hélène Pelletier-Baillargeon, Olivar Asselin et son temps, Fides, 1996.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Deux voyages sur le Saint-Maurice, Septentrion, 2000 (paru en 1889).Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 On disait en France, Les Éditions Variétés, 1941.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Blanc et noir, Éditions de l’Arbre, 1944.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Portages et routes d’eau en Haute-Mauricie, Éditions du Bien public, 1953.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 François Duvalet, Institut littéraire du Québec, 1954.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Robert Charbonneau, La France et nous, Éditions de l’Arbre, 1947.Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Raymond Cheradame, Défense de la langue française, avril-mai-juin 1984.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 Pierre Verret, Défense de la langue française, mars-avril 1985.Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11 Paul Fabra, Le Monde, 13.8.85.Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12 Francine Marouzé, Défense de la langue française, avril-mai-juin 2002.Retour à la référence de la note de bas de page 12Note de bas de page 13 Pascal-Raphaël Ambrogi, Particularités et finesses de la langue française, Chiflet & Cie, 2005.Retour à la référence de la note de bas de page 13Note de bas de page 14 Ombres chinoises, 10/18, 1974.Retour à la référence de la note de bas de page 14Note de bas de page 15 Jacques Rigaud, La culture pour vivre, Gallimard, 1975.Retour à la référence de la note de bas de page 15Note de bas de page 16 Lettres de Bretagne, Galilée, 1978.Retour à la référence de la note de bas de page 16Note de bas de page 17 Yasushi Inoué, Confucius, Stock, 1992 (traduit par Daniel Struve).Retour à la référence de la note de bas de page 17Note de bas de page 18 Bains d’enfance, Payot, 2003 (paru en 1994 sous le titre Pilleurs d’ombres).Retour à la référence de la note de bas de page 18
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