Le Rouleau des prépositions : présentation des données

Le parti que nous avons pris, dans la compilation de ce répertoire, est d’être, dans la limite de nos compétences, descriptif de l’usage actuel. Mais prétendre que tel est l’usage actuel suppose déjà une norme.

La norme

Cette norme, nous l’avons empruntée à des ouvrages énumérés dans la section Sources consultées. L’unanimité ne règne toutefois pas toujours entre ces sources. En voici quelques exemples.

Faut-il dire : adorer ø faire qqch. ou adorer de faire qqch.?

  • Selon le Nouveau Petit Robert : « (avec l’inf.) Elle adore faire la sieste. »
  • Girodet écrit : « [adorer] se construit avec l’infinitif seul ou bien avec l’infinitif précédé de de (tour plus recherché) : Il adore se promener seul dans la forêt. Il adore de se chauffer au soleil. »
  • D’après Hanse : « Devant un infinitif, il se construit aujourd’hui sans préposition (de est très rare) : Ils adoraient boire. »
  • Colin et Thomas, pour leur part, ne considèrent pas qu’il y a problème, car cette construction ne fait l’objet d’aucune mention. Ils en font toutefois une à aimer.

Dans ce cas-ci, nous nous sommes rallié à la majorité et avons considéré que le verbe se construit sans préposition. Nous avons donc omis du répertoire la construction avec la préposition de.

Faut-il dire : dîner avec un sandwich ou dîner d’un sandwich?

  • Dans le Grand Robert, nous pouvons lire : Dîner avec un sandwich; dans le Nouveau Petit Robert : Dîner d’un simple potage.
  • Dans le Quillet, l’utilisation de avec est condamnée.
  • Girodet et Colin réservent l’emploi de la préposition avec au cas où cette dernière est suivie du nom d’une personne, mais, pour indiquer ce que l’on mange au dîner, ils prescrivent l’emploi exclusif du de : Pierre dîne avec Jean d’un sandwich.
  • Hanse accepte les deux prépositions.

Nous avons donc pris le parti d’inclure la préposition avec dans le répertoire en précisant qu’il s’agit d’un emploi contesté.

  • Faut-il dire : s’engouer de ou s’engouer pour?
  • Selon le Grand Robert, seule la préposition de peut s’utiliser. Le Nouveau Petit Robert ne fait aucune remarque concernant la préposition pour.
  • Girodet nous dit que ce verbe se construit avec de et que la préposition pour est peu recommandée. Colin, pour sa part, ne donne qu’un exemple construit avec pour.

Devant un tel partage d’opinions, nous avons opté pour l’inscription des deux prépositions.

  • Faut-il dire : repartir à zéro ou de zéro? On trouve les deux usages selon les sources consultées. Nous les avons donc mentionnés dans le répertoire.
  • Peut-on dire : courir après qqch., qqn? L’emploi de cette préposition est déconseillé par Girodet, mais admis par Hanse. Comme l’expression s’utilise couramment au Québec, nous l’avons retenue.

La présentation proprement dite

Pour simplifier la consultation du répertoire, nous avons choisi de présenter les données sur quatre colonnes.

MOT-VEDETTE NATURE /
EMPLOI
PRÉPOSITIONS
UTILISABLES
EXEMPLES
D’UTILISATION
affairé adj. à affairé à faire qqch.
antérieurement adv. à antérieurement à qqch.
applaudir v. tr. pour applaudir qqn pour sa réussite
v. tr. ind. à applaudir à votre initiative
v. intr. à applaudir à tout rompre
  avec applaudir avec enthousiasme
  des applaudir des deux mains
v. pron. de s’applaudir de son choix
p. p. adj. par applaudi par tous ses supporters

Mot-vedette

Catégories des mots-vedettes

Nous avons vu à la section 5 de La préposition que toutes les catégories de mots, sauf les mots outils, peuvent commander une préposition. Faire le tour de la question, c’est-à-dire étudier l’emploi de la préposition avec toutes ces catégories, ne cadrait pas avec notre objectif de produire un ouvrage aux dimensions raisonnables. Nous avons donc délibérément écarté les noms – et les pronoms – de notre nomenclature, car ils représentent à eux seuls tout un monde. Nous nous sommes donc limité aux trois autres catégories : l’adjectif, le verbe et l’adverbe.

Choix des mots-vedettes

Le choix des verbes inclus dans le répertoire est basé principalement sur l’ouvrage de Sctrick. Les adjectifs et les adverbes sont ceux que le lecteur rencontre dans tout dictionnaire de langue générale. Les mots argotiques ou à usage limité n’ont pas été retenus.

Si un mot – adjectif, verbe ou adverbe – formé d’un préfixe (exemples : re- ou in-) ne figure pas dans la liste, le lecteur est invité à consulter l’entrée qui correspond à son radical. Par exemple, inapplicable et reparler ne sont pas consignés, mais applicable et parler le sont.

Présentation des mots-vedettes

Les homographes

Les mots homographes qui n’ont pas la même étymologie, donc pas le même sens, ont été numérotés, suivant en cela la tradition dictionnairique.

C’est ainsi que le lecteur verra :

  1. causer

    au sens de : « être la cause de; »

  2. causer

    au sens de : « s’entretenir familièrement; »

Les verbes pronominaux

Leur présentation varie selon qu’il s’agit d’un verbe essentiellement ou occasionnellement pronominal. Dans le premier cas, le verbe sera accompagné du pronom se entre parenthèses : « colleter (se) » ou « abstenir (s’) ». Dans le second cas, le pronom ne figure pas dans la première colonne. L’utilisation du verbe comme verbe pronominal n’étant qu’occasionnelle, il en sera fait mention dans la deuxième colonne :

MOT-VEDETTE NATURE /
EMPLOI
PRÉPOSITIONS
UTILISABLES
EXEMPLES
D’UTILISATION
caractériser v. pron. par se caractériser par son intelligence

Nature / emploi du mot-vedette

La nature du mot vedette (adjectif, adverbe ou verbe) est indiquée dans la deuxième colonne. Dans le cas d’un verbe, nous y avons indiqué soit sa nature (si le verbe n’a qu’un emploi), soit son emploi particulier (quand le verbe a plus d’un emploi). Cette addition, pour banale qu’elle puisse paraître à première vue, n’est pas une opération sans risque. En effet, le lecteur pourrait être tenté de contester la classification, et il n’aurait pas nécessairement tort, car même « les grammairiens ont parfois de la peine à s’entendre sur cette répartition37 ». Nous en voulons pour preuve le verbe abdiquer.

Selon le Nouveau Petit Robert, abdiquer est un verbe transitif, même en construction absolue : tous ces héros abdiquent (se déclarer vaincus) et abdiquer en faveur de son fils. Selon Le Petit Larousse (2000), abdiquer est un verbe tantôt transitif, au sens de « renoncer au pouvoir; », et il accepte un emploi absolu : Le roi a abdiqué; tantôt intransitif, au sens de « renoncer à agir, abandonner, se déclarer vaincu; » : abdiquer devant les difficultés. La classification varie donc selon la source consultée.

À cela vient s’ajouter une autre difficulté, celle de l’interprétation de la construction absolue. Dans le Nouveau Petit Robert, l’emploi ainsi qualifié (ABSOLT) désigne l’usage du verbe sans le complément attendu. C’est pourquoi, dans Le roi a abdiqué, le verbe est considéré comme transitif, car il y a un complément direct attendu mais non écrit, à savoir le trône. Il en serait de même dans Le Petit Larousse (2000). Dans le Dictionnaire Quillet de la langue française, par contre, le verbe est dit intransitif dans cet emploi : Charles Quint abdiqua. Le classer intransitif rejoint la tendance actuelle en grammaire, qui veut que le verbe soit classé en fonction de son emploi réel, c’est-à-dire en fonction de la présence ou non du complément sur lequel l’action exprimée par le verbe passe. Autrement dit, la transitivité ou l’intransitivité d’un verbe ne serait pas une caractéristique intrinsèque du verbe, mais une caractéristique de son emploi. C’est ainsi que, par exemple, le verbe pleurer est, selon les emplois, tantôt intransitif, tantôt transitif, même si l’idée exprimée suppose un complément d’objet direct.

  • intransitif :

    Marie pleure depuis ce matin.

  • transitif :

    Marie pleure son frère.

Compte tenu de ces difficultés, nous avons opté pour des exemples où le problème de la présence ou non du complément pour classer le verbe ne se pose pas. Nous indiquons v. tr. si le verbe en question est employé avec un c.o.d.; v. tr. ind. s’il est utilisé avec un c.o.i.; v. intr. s’il est employé sans c.o.d. ni c.o.i., mais avec un complément circonstanciel, ou complément de la phrase. Nous précisons aussi si le verbe est utilisé sous sa forme pronominale (v. pron.) ou sous forme de participe passé adjectif (p. p. adj.). Certains verbes ne se construisent que de façon impersonnelle. Nous l’indiquons alors par la mention : v. impers. Il arrive aussi que certains verbes admettent une construction impersonnelle – c’est le cas de bien des verbes intransitifs ou pronominaux (exemples : il manque des étudiants dans la classe; il se vend des armes dans bien des pays). Nous n’avons pas cru bon de fournir des exemples dans tous ces cas.

Si un verbe est accidentellement pronominal et qu’il commande les mêmes prépositions que lorsqu’il est employé comme verbe intransitif ou transitif (direct ou indirect), nous n’avons pas jugé nécessaire de le répéter. C’est ainsi qu’à astreindre le lecteur ne trouvera pas la mention v. pron., car, dans un tel emploi (s’astreindre à), la préposition est la même que pour l’entrée consignée à v. tr.

Si le verbe employé comme participe passé adjectif ne commande pas de prépositions différentes de celles indiquées pour les autres emplois de ce verbe, nous n’avons pas non plus jugé utile de le noter, pour ne pas allonger indûment le répertoire. C’est ainsi qu’à briser, brisé en mille morceaux n’est pas consigné, pas plus d’ailleurs que la forme pronominale se briser en mille morceaux. De plus, le complément d’agent d’un verbe transitif utilisé au passif, introduit par par ou de, n’a généralement pas fait l’objet d’une mention. Le lecteur devrait en prévoir l’utilisation.

Prépositions utilisables

Présentation

Les prépositions retenues sont présentées par ordre alphabétique pour chacune des indications de la deuxième colonne.

Choix des prépositions

La décision d’inscrire une préposition dans ce répertoire est une opération qui se veut objective, mais qui, dans bien des cas, paraîtra, et sera, fort probablement subjective. Elle se veut objective parce qu’elle est fondamentalement fonction de l’usage, et que ce n’est pas l’auteur qui établit l’usage. Cette décision sera subjective parce que c’est l’auteur en dernier ressort qui la prend. Les prépositions choisies sont celles qui nous venaient à l’esprit après nous être posé la question en titre, ou que nous rencontrions au hasard de nos lectures ou au moment de la consultation de certains ouvrages.

Nous avons donc, pour ainsi dire, appliqué la méthode introspective, nous demandant, chaque fois qu’il en était besoin, si l’utilisation de telle ou telle préposition était courante. En cas de doute, nous n’avons pas insisté, de crainte d’en arriver à nous imaginer, à tort, qu’elle s’utilisait. Nous avons préféré ne pas la consigner, selon le principe qu’une abstention vaut mieux qu’une erreur. Une telle façon de faire n’est pas sans conséquence. Nous avons certainement oublié quelques prépositions utilisables, et nous nous en excusons.

Le facteur qui nous a guidé dans le choix des prépositions utilisables, c’est le public visé, autrement dit tous ceux qui éprouvent des difficultés à savoir quelle préposition employer avec tel mot. Le répertoire s’adresse donc non seulement au francophone qui, à l’occasion, peut se demander si une préposition s’utilise dans tel cas, mais aussi à tous ceux qui travaillent à cheval sur deux systèmes linguistiques. Les besoins de celui qui traduit ou qui étudie le français comme langue seconde sont évidemment bien différents de ceux du francophone. L’inscription de certaines prépositions paraîtra donc tout à fait inutile à ce dernier, mais pourra être fort utile à un allophone. Ce sont d’ailleurs les besoins particuliers des allophones qui nous ont amené à inclure non seulement les mots devant se construire avec une préposition, mais aussi les mots pouvant se construire avec une préposition.

Les prépositions complexes, ou locutions prépositives, sans être exclues du répertoire, ne sont pas légion, car ces locutions ont généralement un sens plein, par exemple : à l’aide de, à propos de, etc. Elles posent donc moins de problèmes que certaines prépositions simples comme à, avec, de.

Exemples d’utilisation

Les exemples fournis se veulent une illustration de l’emploi du mot-vedette avec la préposition indiquée. Il arrive qu’il y ait plus d’un emploi pour une préposition particulière, en raison notamment du caractère polysémique de cette préposition. Voici un aperçu des facteurs intervenus.

  • La variation de sens du mot-vedette. Par exemple, dans la conférence accroche sur plusieurs points et la plume accroche sur un papier fait main, le verbe signifie, dans le premier cas, « présenter des difficultés » et, dans le second, « être arrêté par qqch. ». Nous avons jugé qu’il était pertinent que le lecteur sache que la préposition sur s’utilise dans les deux cas.
  • La variation de la nature du complément. Dans gémir sur son lit et gémir sur son propre malheur, le complément n’est pas de même nature. Dans le premier cas, il désigne l’endroit où la personne gémit et, dans le second, l’objet de sa douleur.
  • Le caractère polysémique de la préposition. Dans la buse étrangle sa proie dans ses serres et étrangler qqn dans le sous-sol, la préposition indique, dans le premier cas, l’instrumentalité et, dans le second, le lieu.
  • La nature du sujet du verbe. Si le verbe accepte comme sujet un être ou un objet, nous pouvons en faire état en fournissant deux exemples d’utilisation : le climat influe sur la santé et influer sur l’opinion de qqn. L’emploi de la forme infinitive sous-entend que le sujet est une personne.
  • Le caractère régional de la construction. Quand certains emplois nous étaient familiers sans pour autant être reconnus comme corrects par les sources consultées, nous avons indiqué, entre parenthèses, qu’il s’agissait d’un néologisme, québecisme ou autre.

Liste des abréviations et des sigles

Abréviations et sigles Signification
ø absence de préposition
adj. adjectif
adv. adverbe
C complémenté
c.c. complément circonstanciel
c.o.d. complément d'objet direct
c.o.i. complément d'objet indirect
CPR ensemble prépositionnel
P préposition
p. p. adj. participe passé adjectif
PR syntagme prépositionnel
qqch. quelque chose
qqn quelqu'un
R régime
v. verbe
v. impers. verbe impersonnel
v. intr. verbe intransitif
v. pron. verbe pronominal
v. tr. verbe transitif direct
v. tr. ind. verbe transitif indirect

Sources consultées

  • Caput, J. et J.-P. Dictionnaire des verbes français, Paris, Larousse, 1988.
  • Colin, Jean-Paul. Dictionnaire des difficultés du français, Paris, Les usuels du Robert, Dictionnaires Le Robert, 1994.
  • Dictionnaire historique de la langue française, 2 tomes, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993.
  • Dictionnaire Quillet de la langue française, 20 vol., Paris, Librairie Aristide Quillet, s. d.
  • Girodet, Jean. Pièges et difficultés de la langue française, Paris, Bordas, 1988.
  • Grevisse, Maurice. Quelle préposition? 3e édition, Paris–Louvain-la-Neuve, Duculot, 1983.
  • Hanse, Joseph. Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne, 2e édition, Paris–Louvain-la-Neuve, Duculot, 1987.
  • Lasserre, E. Est-ce à ou de? Répertoire des verbes, adjectifs et locutions se construisant avec une préposition, 14e édition, Lausanne, Payot, 1980.
  • Le Grand Robert de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993.
  • Le Nouveau Petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1996.
  • Le Petit Larousse illustré, Paris, Larousse, 2000.
  • Sctrick, R. Encyclopédie de la conjugaison, Paris, Garnier, 1986.
  • Thomas, Adolphe V. Dictionnaire des difficultés de la langue française, Paris, Librairie Larousse, 1956.

Avis de droit d’auteur pour Le Rouleau des prépositions

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Liens connexes