Une version en langue algonquine est également disponible.
On peut dire sans risque d’erreur que l’identité d’une personne est une combinaison de sa langue et de sa culture. La langue que parle une personne la rattache à l’histoire de son peuple et lui donne une compréhension de ses ancêtres. Elle trace aussi la voie des générations futures.
Le Canada est un pays qui jouit d’un pluralisme linguistique et culturel. Notre histoire, le fondement de la nation que nous formons aujourd’hui, repose sur les premières langues parlées depuis des dizaines de milliers d’années sur ce territoire : les langues autochtones. Autrefois florissantes d’un océan à l’autre, les langues autochtones ont été considérablement étiolées; on en compte maintenant environ 70Note de bas de page 1. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), toutes les langues autochtones, y compris l’algonquin, ma langue maternelle, sont menacées à divers degrés. Je fais de mon mieux pour améliorer mon anishinabemowin, mais j’ai le cœur serré chaque fois que je pense au nombre de locutrices et de locuteurs de l’algonquin qui continue de décliner.
Ma langue, comme toutes les langues autochtones, a profondément souffert de mesures gouvernementales fondées sur des politiques d’assimilation. Essentiellement, ces mesures ont entraîné un remplacement linguistique rapide, phénomène par lequel une ou plusieurs langues sont remplacées par une autre langue qui devient dominante. Au fil du temps, les langues autochtones ont été remplacées par l’anglais et le français, deux langues qui sont protégées par la loi et bien financées.
Aujourd’hui, on assiste à un scénario semblable, bien que le contexte ait changé. En effet, on reconnaît maintenant que la langue française risque d’être éclipsée, comme les langues autochtones l’ont été. De fait, le gouvernement a adopté des modifications visant à moderniser et à renforcer la Loi sur les langues officielles (projet de loi C-13). Il s’efforce de protéger et de promouvoir davantage la langue française en reconnaissant son statut de langue minoritaire au Canada et en Amérique du Nord.
Comme fonctionnaires, il nous incombe de protéger les langues, que ce soit en vertu de la Loi sur les langues officielles ou, plus récemment, de la Loi sur les langues autochtones. Pour s’acquitter de cette responsabilité, il faut d’abord comprendre que toutes les langues peuvent coexister et prospérer dans un même milieu, qu’il s’agisse de la société dans son ensemble, de lieux géographiques précis ou de la fonction publique.
La Loi sur les langues officielles impose aux fonctionnaires le respect d’exigences très précises qui régissent tant le fonctionnement interne de la fonction publique que ses interactions avec le public. Ainsi, des mécanismes organisationnels permettent aux fonctionnaires d’utiliser la langue officielle de leur choix. De même, le public peut accéder aux services fédéraux dans la langue officielle de son choix, là où l’emploi de cette langue fait l’objet d’une demande importante (selon les critères énoncés dans la Loi sur les langues officielles).
Mais comme je l’ai dit, nous vivons dans un pays où les langues sont nombreuses, et nous tirons fierté d’offrir au public le meilleur service possible. Dans cet esprit, le bilinguisme officiel doit être perçu non comme une fin en soi, mais comme un commencement.
Rien ne nous empêche d’adopter des pratiques qui vont au-delà des exigences de la Loi sur les langues officielles, qui reconnaissent l’importance des autres langues et, par le fait même, contribuent à les renforcer. Nous avons les moyens et les pouvoirs nécessaires pour adopter des approches éclairées en matière de préservation des langues.
Par exemple, certaines personnes seront peut-être surprises d’apprendre qu’au Nunavut, la majorité de la population a l’inuktitut comme langue maternelle. À mon avis, il serait logique que les services et programmes publics que nous offrons dans cette région soient adaptés aux gens qui y habitent, c’est-à-dire qu’ils soient accessibles en inuktitut. Pour ce faire, il faudrait accorder la priorité aux langues autochtones dans certains milieux de travail fédéraux, tout en nous assurant de respecter nos obligations légales en matière de langues officielles.
Je ne pense pas qu’il faille choisir entre l’anglais, le français et les langues autochtones. Au contraire, je suis convaincue que nous pouvons protéger toutes ces langues en même temps.
Ce billet a été rédigé dans le cadre de l’activité de la plume d’or, qui vise à donner aux membres de la haute direction de la fonction publique fédérale l’occasion de s’exprimer sur un aspect des langues officielles qui leur tient à cœur ou de parler de leur expérience linguistique personnelle. Consultez la page La plume d’or : une activité du blogue Nos langues (s’ouvre dans un nouvel onglet) pour en apprendre davantage sur cette tradition annuelle et lire les billets écrits par d’autres détenteurs et détentrices de la plume d’or au fil des ans.