Langues autochtones : tracer la voie

Publié le 5 septembre 2023

Une version en langue algonquine est également disponible.

On peut dire sans risque d’erreur que l’identité d’une personne est une combinaison de sa langue et de sa culture. La langue que parle une personne la rattache à l’histoire de son peuple et lui donne une compréhension de ses ancêtres. Elle trace aussi la voie des générations futures.

Le Canada est un pays qui jouit d’un pluralisme linguistique et culturel. Notre histoire, le fondement de la nation que nous formons aujourd’hui, repose sur les premières langues parlées depuis des dizaines de milliers d’années sur ce territoire : les langues autochtones. Autrefois florissantes d’un océan à l’autre, les langues autochtones ont été considérablement étiolées; on en compte maintenant environ 70Note de bas de page 1. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), toutes les langues autochtones, y compris l’algonquin, ma langue maternelle, sont menacées à divers degrés. Je fais de mon mieux pour améliorer mon anishinabemowin, mais j’ai le cœur serré chaque fois que je pense au nombre de locutrices et de locuteurs de l’algonquin qui continue de décliner.

Ma langue, comme toutes les langues autochtones, a profondément souffert de mesures gouvernementales fondées sur des politiques d’assimilation. Essentiellement, ces mesures ont entraîné un remplacement linguistique rapide, phénomène par lequel une ou plusieurs langues sont remplacées par une autre langue qui devient dominante. Au fil du temps, les langues autochtones ont été remplacées par l’anglais et le français, deux langues qui sont protégées par la loi et bien financées.

Aujourd’hui, on assiste à un scénario semblable, bien que le contexte ait changé. En effet, on reconnaît maintenant que la langue française risque d’être éclipsée, comme les langues autochtones l’ont été. De fait, le gouvernement a adopté des modifications visant à moderniser et à renforcer la Loi sur les langues officielles (projet de loi C-13). Il s’efforce de protéger et de promouvoir davantage la langue française en reconnaissant son statut de langue minoritaire au Canada et en Amérique du Nord.

Comme fonctionnaires, il nous incombe de protéger les langues, que ce soit en vertu de la Loi sur les langues officielles ou, plus récemment, de la Loi sur les langues autochtones. Pour s’acquitter de cette responsabilité, il faut d’abord comprendre que toutes les langues peuvent coexister et prospérer dans un même milieu, qu’il s’agisse de la société dans son ensemble, de lieux géographiques précis ou de la fonction publique.

La Loi sur les langues officielles impose aux fonctionnaires le respect d’exigences très précises qui régissent tant le fonctionnement interne de la fonction publique que ses interactions avec le public. Ainsi, des mécanismes organisationnels permettent aux fonctionnaires d’utiliser la langue officielle de leur choix. De même, le public peut accéder aux services fédéraux dans la langue officielle de son choix, là où l’emploi de cette langue fait l’objet d’une demande importante (selon les critères énoncés dans la Loi sur les langues officielles).

Mais comme je l’ai dit, nous vivons dans un pays où les langues sont nombreuses, et nous tirons fierté d’offrir au public le meilleur service possible. Dans cet esprit, le bilinguisme officiel doit être perçu non comme une fin en soi, mais comme un commencement.

Rien ne nous empêche d’adopter des pratiques qui vont au-delà des exigences de la Loi sur les langues officielles, qui reconnaissent l’importance des autres langues et, par le fait même, contribuent à les renforcer. Nous avons les moyens et les pouvoirs nécessaires pour adopter des approches éclairées en matière de préservation des langues.

Par exemple, certaines personnes seront peut-être surprises d’apprendre qu’au Nunavut, la majorité de la population a l’inuktitut comme langue maternelle. À mon avis, il serait logique que les services et programmes publics que nous offrons dans cette région soient adaptés aux gens qui y habitent, c’est-à-dire qu’ils soient accessibles en inuktitut. Pour ce faire, il faudrait accorder la priorité aux langues autochtones dans certains milieux de travail fédéraux, tout en nous assurant de respecter nos obligations légales en matière de langues officielles.

Je ne pense pas qu’il faille choisir entre l’anglais, le français et les langues autochtones. Au contraire, je suis convaincue que nous pouvons protéger toutes ces langues en même temps.

Ce billet a été rédigé dans le cadre de l’activité de la plume d’or, qui vise à donner aux membres de la haute direction de la fonction publique fédérale l’occasion de s’exprimer sur un aspect des langues officielles qui leur tient à cœur ou de parler de leur expérience linguistique personnelle. Consultez la page La plume d’or : une activité du blogue Nos langues (s’ouvre dans un nouvel onglet) pour en apprendre davantage sur cette tradition annuelle et lire les billets écrits par d’autres détenteurs et détentrices de la plume d’or au fil des ans.

Avertissement

Les opinions exprimées dans les billets et dans les commentaires publiés sur le blogue Nos langues sont celles des personnes qui les ont rédigés. Elles ne reflètent pas nécessairement celles du Portail linguistique du Canada.

En savoir plus sur Gina Wilson

Gina Wilson

Gina Wilson

Gina Wilson est sous-ministre de Services aux Autochtones Canada depuis juillet 2022. Nommée sous-ministre de Femmes et Égalité des genres Canada en 2017, elle a été le fer de lance de la création de ce nouveau ministère, en plus de veiller à ce que l’Analyse comparative entre les sexes Plus soit mise en œuvre dans l’ensemble du gouvernement et d’être la première présidente du Cercle des femmes autochtones de l’administration fédérale. Elle a également été sous-ministre de Sécurité publique Canada, et a occupé des postes de sous-ministre déléguée à Emploi et Développement social Canada et à Patrimoine canadien.

Titulaire d’un baccalauréat en sciences sociales de l’Université d’Ottawa, Gina Wilson est une professionnelle qui s’est toujours investie dans sa communauté. Elle possède une vaste expérience dans les domaines de la justice sociale et de la sécurité, du leadership, de l’analyse des politiques, de la planification stratégique, de la recherche et des relations avec les Autochtones.

Gina a reçu le prix Indspire en 2020 pour son leadership, son appui aux fonctionnaires autochtones et son travail de toute une vie sur les enjeux autochtones.

 

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Commentaires

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Soumis par Mélanie Guay le 5 septembre 2023 à 15 h 14

Quel honneur de vous voir publier ce billet à titre de détentrice de la plume d'or du blogue Nos langues! Votre texte, disponible en trois langues, est un bel exemple que toutes les langues peuvent cohabiter. Migwetch Gina Wilson!

Soumis par Guylaine Leclerc le 6 septembre 2023 à 9 h 38

Vous avez tellement raison lorsque vous dites que nous devons aller au-delà de la Loi sur les langues officielles! Cette loi, devrait établir le minimum à atteindre plutôt que le maximum. Ainsi, il serait possible de donner à toutes les langues une place de choix et une vrai chance de prospérer. Plus nous favoriserons l'utilisation et la multiplication des langues, mieux nous nous en porterons toutes et tous.

Soumis par jocelyne chénier le 7 septembre 2023 à 14 h 18

Très intéressant cet article. Il faut définitivement apprendre à vivre ensemble en respectant la langue de chacun. Pas toujours facile mais, il faut faire l'effort.
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