Je viens de kâniyâsihk, ce qui signifie « un lieu » en cri. Le lieu dont je parle se trouve en bordure du lac Ministikwan, en Saskatchewan, et c’est l’endroit où j’ai grandi et où je vis toujours. La forêt boréale y est d’une immense beauté : on y trouve de magnifiques lacs et plusieurs sanctuaires d’animaux et d’oiseaux.
En tant que chercheur, j’ai étudié les méthodes d’enseignement, les programmes de formation des enseignants et l’éducation écologique, dans l’espoir d’améliorer l’instruction dans ma communauté. Depuis plus de 15 ans, je travaille avec des écoles communautaires pour promouvoir une éducation enracinée dans la nature et dans la langue crie. Permettez-moi de vous parler un peu des programmes de revitalisation auxquels j’ai participé.
kâniyâsihk Culture Camps
Au lac Ministikwan, nous avons lancé un programme collectif qui devrait inspirer d’autres collectivités. En 2000, nous avons constaté qu’il y avait un fossé – une panne de communication – entre nos aînés et nos enfants. Très peu d’enfants parlaient notre dialecte autochtone, le cri des Plaines, à l’école et dans la communauté. Cela compliquait beaucoup la transmission du savoir de nos aînés.
Nous avons aussi remarqué que le contact avec la nature se perdait. Par exemple, la tradition annuelle de la récolte de plantes médicinales et d’aliments dans la nature, comme les fruits sauvages, était en train de tomber dans l’oubli. Notre culture et nos ressources étaient d’une telle richesse que nous n’avions pas remarqué cette coupure. Quand nous avons vu que les aînés et les gardiens du savoir n’arrivaient plus à rejoindre les jeunes générations, nous avons été nombreux à nous en inquiéter et à passer à l’action. En tant que membres de la communauté et de nos familles, nous avons décidé de créer un espace qui nous permettrait de diffuser le savoir et la langue, mais aussi d’apprendre des autres nations autochtones du monde. C’est ainsi que nous avons fondé kâniyâsihk Culture Camps (s’ouvre dans un nouvel onglet) (camps culturels kâniyâsihk; site en anglais seulement), un organisme sans but lucratif dédié au bien-être global de la communauté. Il s’agit d’un lieu de rassemblement où les aînés peuvent transmettre leur savoir et enseigner nos coutumes ancestrales aux jeunes. C’est également un lieu de communion avec la nature, où l’on peut pagayer sur le lac en été, faire du traîneau à chiens en hiver. On y renoue avec la culture crie en parlant la langue et en tissant des liens avec ses semblables. Plus de 16 ans après la fondation de l’organisme, nous sommes fiers de dire que kâniyâsihk Culture Camps est un franc succès.
École d’immersion crie
Forts du succès de kâniyâsihk Culture Camps, nous avons lancé un programme destiné aux jeunes de notre communauté : kâ-nêyâsihk mîkiwâhpa, une école d’immersion crie axée sur la nature.
Le déclencheur de ce projet fut un sondage réalisé dans la communauté au sujet de l’importance de la langue et de la culture. Il a montré que les gens trouvaient extrêmement important de préserver, de revitaliser et de normaliser notre langue. Nous avons alors voulu mesurer combien de temps les élèves parlaient le cri à l’école, puis examiner en profondeur les programmes d’enseignement. Nous avons découvert que ces programmes ne comprenaient aucun savoir autochtone. En fait, ils étaient très eurocentriques.
Il nous a paru évident qu’il fallait mettre sur pied un programme permettant de transmettre notre savoir ancestral, de préserver notre culture traditionnelle et de revitaliser la langue crie. Notre école d’immersion permet aux enseignants, qui parlent tous couramment le cri, de mettre à profit leurs connaissances et d’enseigner dans leur propre dialecte. C’est un lieu où l’on explique les points de vue des Premières Nations et où les élèves ont à cœur d’apprendre.
De l’inspiration pour l’avenir
J’espère que nous allons inspirer d’autres personnes à lancer des programmes de revitalisation culturelle de leur cru. Les programmes de ce type amènent les jeunes autochtones à acquérir les savoir-faire traditionnels, à découvrir leur culture autochtone et à parler leur langue ancestrale. Qui plus est, ils aident les jeunes générations à renouer avec les aînés, qui ont un riche savoir à leur léguer.
Connaissez-vous d’autres projets de revitalisation de cultures autochtones? J’aimerais que vous m’en parliez dans la section des commentaires.
Traduit par Marc-André Descôteaux, Portail linguistique du Canada