Il y a une centaine d’années, un enfant né sourd en Amérique du Nord aurait possiblement fréquenté l’une des nombreuses institutions destinées à l’éducation des « sourds et muets ». Cette institution aurait peut-être même été appelée un « asile ». Aujourd’hui, bien sûr, les termes tels que « sourd et muet » sont largement considérés comme offensants. Mais quels sont les bons termes à employer? Peut-on écrire « sourd », ou devrait-on toujours mettre la majuscule initiale et écrire « Sourd »? Le terme « déficient auditif » est-il acceptable, ou devrait-on plutôt dire « personne malentendante »? De nos jours, nous avons pleinement conscience de l’importance des dénominations et savons que, parfois, l’emploi d’une majuscule peut donner une signification différente à un mot. La peur de faire le mauvais choix peut occasionner un certain stress, surtout lorsque l’emploi d’un mot plutôt que d’un autre peut causer du tort à une personne ou l’offenser.
« Rien à propos de nous sans nous »
En règle générale, la seule bonne façon de déterminer le terme approprié pour désigner une personne est d’utiliser celui qu’elle a elle-même choisi pour se désigner. Le slogan « rien à propos de nous sans nous » s’applique aussi bien à la terminologie qu’aux politiquesNote de bas de page 1. Cependant, il n’est pas toujours possible de connaître les préférences de chaque individu ou de les satisfaire et nous devons, au besoin, nous tourner vers les organisations de consommateursNote de bas de page 2 qui connaissent bien les préférences de leurs membres.
Différence entre « sourd » et « Sourd »
L’une des organisations de consommateurs, l’Association des Sourds du Canada, établit une importante distinction entre les termes « sourd » et « Sourd ». Le terme avec la minuscule initiale indique simplement l’état audiologique d’une personne : elle est sourde. En ce qui concerne le terme avec la majuscule initiale, il désigne, selon l’Association, les personnes qui s’identifient à la culture Sourde et qui utilisent principalement la langue des signes pour communiquer. Le terme « langue des signes », quant à lui, désigne des langues à part entière telles que l’American Sign Language (ASL), la langue des signes québécoise (LSQ) et les langues des signes autochtones. Ces langues sont maintenant officiellement reconnues en tant que principales langues de communication des personnes Sourdes au CanadaNote de bas de page 3.
Dans ce contexte, le terme « Sourd » (avec la majuscule) désigne une appartenance à une culture, et non un état audiologique. La capacité d’entendre ou de parler d’une personne n’est pas ce qui importe ici. Être Sourd n’est pas une question d’audition. De nombreuses personnes Sourdes rejettent les notions de handicap et toute idée selon laquelle elles souffrent d’une perte. Au contraire, elles ont leur propre langue, une culture riche et un fort sentiment d’appartenance à leur communauté.
Termes à éviter et termes à privilégier : mode d’emploi
La terminologie à employer n’est pas toujours facile à établir. La situation de certaines personnes ne correspond pas à celle de groupes clairement définis. Ces dernières peuvent s’identifier à un groupe ou à un autre selon différents facteurs, notamment le niveau d’audition, l’âge au moment de la perte auditive, l’utilisation ou non d’aides techniques telles que des appareils auditifs ou des implants cochléaires, et la maîtrise d’une langue des signes. De nombreuses personnes ayant une perte auditive ne s’identifient à aucun groupe.
Voici quelques recommandations qui pourraient vous être utiles.
Termes à éviter
sourd-muet ou sourd et muet : Ce terme est depuis longtemps désuet au Canada et aux États-Unis, comme l’est tout terme qui associe la surdité à la capacité ou l’incapacité de s’exprimer oralement. Si vous devez faire référence à la parole, privilégiez la formulation « ne parle pas » (en aucun cas « ne peut pas parler »).
handicapé auditif : Le terme « handicapé » n’est plus approprié dans tout contexte où il est question d’une incapacité. Il évoque des stéréotypes dépassés.
déficient auditif : Ce terme est à éviter. Il est particulièrement offensant pour les personnes sourdes. Le concept de « déficience » sous-entend un manque par rapport à une norme.
Évitez également toute formulation qui pourrait laisser entendre qu’une condition est nécessairement une épreuve, une maladie, un défi ou une anomalie. Par exemple, évitez les expressions « souffre de », « est atteint ou atteinte de » ou « est victime de ».
Termes à employer
Même si les termes qui suivent sont acceptables, on doit les utiliser en tenant compte du contexte. Certains préfèrent une formulation qui met l’accent sur la personne plutôt que sur son incapacité (par exemple, « les personnes vivant avec une surdité »), alors que d’autres préfèrent une formulation centrée sur leur identité (par exemple, « les personnes sourdes »). Si le contexte ne vous permet pas d’établir la préférence d’une personne ou d’un groupe de personnes, la formulation centrée sur l’identité est probablement le choix le plus sûr.
Bon nombre des termes présentés ci-dessous sont des adjectifs qu’il ne faut pas employer comme substantifs pour désigner une personne (par exemple : ne pas dire « le malentendant »).
Selon l’Association des Sourds du Canada, seul le terme « Sourd » prend la majuscule initiale. Tous les autres termes s’écrivent avec la minuscule initiale.
Sourd (avec la majuscule) : Il s’agit d’un terme approprié pour désigner les personnes qui s’identifient à la communauté Sourde.
sourd (avec la minuscule) : Ce terme permet de décrire l’état audiologique de personnes dont la perte auditive est importante. Les personnes sourdes communiquent de différentes façons; le terme « sourd » est donc un terme général.
sourd et aveugle : Ce terme permet de décrire les personnes qui ont à la fois une perte auditive et une basse vision. On trouve également la forme « sourd-aveugle » avec un trait d’union.
personne devenue sourde : C’est le terme que préfèrent certaines personnes qui ont perdu l’ouïe, généralement à l’âge adulte. Ce terme permet de souligner un profil unique résultant de la perte de l’audition chez un individu qui a déjà été capable d’entendre.
malentendant : Il s’agit également d’un terme général, jugé tout à fait correct, comme le confirme le nom d’une organisation nationale clé : l’Association des malentendants canadiens. Ce terme permet de décrire les personnes dont la perte auditive s’étend de légère à importante. Les personnes malentendantes utilisent souvent leur voix pour communiquer et peuvent avoir une audition résiduelle qui peut être améliorée grâce à des aides techniques.
perte auditive : Ce terme est un substantif acceptable pour décrire un phénomène audiologique. Il s’agit du terme adéquat pour décrire un état de façon générale (par exemple, « la perte auditive est de plus en plus courante »). L’expression « une personne ayant une perte auditive » est également acceptable.
personne Sourde, devenue sourde ou malentendante : Cette formulation est la plus largement acceptée et celle à employer pour inclure tous les groupes possibles dans une seule et même expression. Selon l’Association des Sourds du Canada, il est important de mettre la majuscule initiale à l’adjectif « Sourd » lorsqu’il qualifie des personnes qui s’identifient à la communauté Sourde.
Dernière mise en garde
J’ai recommandé ces termes en me basant sur ceux qu’utilisent les principales organisations de consommateurs au Canada. Cependant, suivre ces recommandations ne garantit pas que personne ne sera offensé, dérouté ou contrarié. En effet, des personnes peuvent avoir des préférences qui diffèrent de la terminologie largement acceptée ou avoir certains termes préconisés en aversion. La terminologie généralement admise évolue, et même les organisations qui expriment les besoins et les préoccupations de leurs membres n’utilisent pas une terminologie parfaitement harmonisée.
En général, c’est lorsqu’on fait des suppositions ou qu’on tombe dans les stéréotypes qu’on risque d’insulter le plus les gens, et non lorsqu’on emploie des termes en particulier. Si vous devez écrire à propos des personnes ayant une perte auditive, consultez des organisations réputées, posez des questions et ne faites aucune supposition quant aux capacités ou incapacités des gens.
Adapté de l’anglais par Marie-Claude Picard
Sources consultées
- Terminologie, Association canadienne des Sourds du Canada
- Le pouvoir des mots et des images : Conseils généraux pour mieux représenter les personnes handicapées, Emploi et Développement social Canada