Elisapie : la femme au cœur de la tradition

Publié le 7 mars 2022

Porte-parole des Rendez-vous de la Francophonie 2022, qui se déroulent du 1er au 31 mars 2022 sous le thème « Ces traditions qui forgent les identités », l’auteure-compositrice-interprète, actrice, réalisatrice, productrice, présentatrice et activiste Elisapie Isaac a discuté de femmes et de traditions avec l’équipe du blogue Nos langues.

Des modèles de femmes fortes et capables

Elisapie a vu le jour à Salluit, un petit village du Nunavik, dans le Nord du Québec. Elle souligne qu’une vingtaine d’années avant sa naissance, son village était encore un campement nomade, où les hommes chassaient beaucoup et les femmes prenaient une place prépondérante dans l’éducation des enfants.

Elisapie a grandi auprès de femmes très fortes et indépendantes, des femmes marquantes ayant comme qualités la curiosité et l’ouverture envers les autres. Les femmes qui l’ont inspirée dans sa jeunesse désiraient apprendre des autres et s’intéressaient aux autres cultures. « Comme Autochtones, comme Inuit, la curiosité fait partie de notre ADN depuis toujours. Je trouve que cette curiosité est un bel exemple pour toutes les cultures du monde. »

Enfant rêveuse, Elisapie a un désir de s’exprimer qui l’habite encore aujourd’hui. Dès son adolescence, elle se joint à la radio communautaire régionale, où elle est entourée d’Aînées « cool » au sens de la communication bien aiguisé. Ces femmes capables lui offrent une solide formation et lui donnent la conviction profonde que les femmes peuvent absolument tout faire. Parmi ces communicatrices, Elisapie cite en exemple sa mère biologique, dont le sourire a toujours brillé à la caméra et qui aime faire le pont entre les gens.

Place de la femme dans les traditions inuites

Elisapie souligne que la femme occupe une énorme place dans les traditions inuites. Elle évoque ses cousines, qui s’adonnent à la couture traditionnelle, confectionnant de magnifiques mitaines. Pour Elisapie, cet art traditionnel fait plus que répondre à un besoin de survie – il représente un apprentissage d’une grande qualité, la patience. La lenteur est perçue comme un don. Aux filles et aux jeunes femmes trop empressées, on dit de ralentir pour ne pas se tromper, de prendre leur temps pour bien faire les choses. La clé, c’est le processus.

Ce processus mène à la confection d’articles d’une grande beauté, comme des manteaux et des mitaines. Elisapie constate avec plaisir l’intérêt renouvelé pour la mode inuite et ses mille et une possibilités. De nos jours, les femmes qui confectionnent des vêtements traditionnels disposent de plus de choix de matériaux et de couleurs. Les artisanes ont ainsi envie d’ajouter de nouveaux éléments à ce qu’elles fabriquent. Toujours une source de grande fierté, la tradition évolue.

Les travaux d’artisanat traditionnel créent également un espace d’échange pour les femmes. En effet, elles se réunissent pour échanger tout en faisant de la couture. Dans cet espace, personne ne dit quoi faire à qui que ce soit, mais il y a beaucoup d’entraide. Les femmes y écoutent les Aînées, à qui elles sont toujours libres de demander conseil, au besoin. Elisapie souligne l’importance de faire une grande place aux Aînés et Aînées, ces sages qui ont acquis l’expérience d’une vie.

Traditions en évolution, valeurs immuables

Si les traditions restent bien ancrées dans les communautés inuites, Elisapie constate qu’en 2022, elles sont en évolution. Les Inuit touchent et s’intéressent à tout. Ils apprécient la technologie et la modernité, et ils essaient de trouver des façons de combiner les coutumes traditionnelles aux nouvelles façons de faire. De nouvelles traditions se créent.

Cependant, certaines valeurs importantes restent toujours présentes, comme le sens de la communauté qu’Elisapie observe encore chez les siens. Les gens conservent leur volonté de s’entraider et ils demeurent très à l’écoute de leurs Aînés et Aînées. Au-delà de la tradition, souligne Elisapie, il faut vivre le moment présent pour être heureux et célébrer la vie. Car, si elle croit aux traditions, Elisapie croit aussi au bonheur, auquel tout le monde a droit.

Des noms porteurs de richesse

Parmi les traditions ancestrales, Elisapie en a adopté une bien spéciale, soit de donner à ses enfants le prénom d’Aînés défunts ou d’Aînées défuntes, qui se réincarnent ainsi en quelque sorte. Même s’ils grandissent à Montréal, les enfants d’Elisapie ont donc un solide lien d’appartenance avec la communauté de Salluit. Elisapie précise que cette tradition propre aux Inuit est encore très présente dans sa communauté. L’enfant qui grandit porte les qualités de son homonyme, et on se fait un devoir de les lui rappeler pour qu’il les incarne.

Il se crée un lien riche entre l’enfant et les proches de la personne dont il ou elle porte le nom. Un petit garçon qui porte le nom du grand-père d’une autre famille sera lui-même appelé « grand-père » par les membres de cette famille. Dans son village, Elisapie se fait appeler « grand-mère », « arrière-grand-mère », « ma tante » et « ma femme » par différentes personnes depuis toujours. « Il y a deux familles dont je porte le nom de la maman. Les grands-mères de cette famille m’appellent "Mom" depuis ma naissance. C’est vraiment très "cute"! »

Cette tradition lie les gens : donner à un ou une enfant le nom d’un Aîné défunt ou d’une Aînée défunte génère beaucoup de fierté dans les familles. Les enfants naissent déjà très riches en amour et en amitié, parce qu’ils sont liés à d’autres gens dès leur naissance. Leur nom s’accompagne également d’une responsabilité : celle de traiter avec amour les membres de la famille de leur homonyme.

Vous aimez Elisapie Isaac ou vous la découvrez aujourd’hui en nous lisant? Restez à l’affût! Pour souligner la Journée nationale des peuples autochtones, nous publierons en juin un billet dans lequel l’auteure-compositrice-interprète et réalisatrice nous confie comment les différentes langues qu’elle parle l’inspirent dans la composition de ses chansons.

Avertissement

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En savoir plus sur Sophie Martin

Sophie Martin

Sophie Martin

Traductrice de profession, Sophie Martin s’intéresse depuis toujours à l’histoire et aux langues. Il est donc très naturel qu’elle se passionne pour l’histoire des langues et l’étymologie! Cet intérêt l’a menée à entreprendre un baccalauréat en études médiévales et de la Renaissance à l’Université d’Ottawa il y a une dizaine d’années. N’ayant pas eu la chance de terminer ces palpitantes études, elle compte bien y consacrer quelques années de sa retraite, un jour…
 

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