Au début de ma carrière, j’ai enseigné dans un centre d’alphabétisation. Je me souviens d’une rencontre qui m’a particulièrement marquée; celle d’un homme âgé et un peu timide. À sa première visite au centre, il m’a avoué à voix basse qu’il n’avait pas appris à lire et à écrire quand il était jeune.
Je lui ai montré des lettres sur un carton, et il a été capable de les nommer. Je lui ai présenté des sons, il pouvait les prononcer. Je lui ai demandé de lire des mots puis de courtes phrases, et il a réussi. « Mais, vous savez lire! », me suis-je exclamée avec fierté. Il a fait une pause, a souri et m’a répondu : « Oui, peut-être… mais je ne comprends pas. »
Cet homme est loin d’être le seul dans son cas : 48 % des adultes au Canada ont un niveau de lecture ne dépassant pas la 8e année, ce qui correspond à la 2e année du secondaire au Québec. C’est presque la moitié de la population.
Pensez-y un instant : quand l’information est trop compliquée à comprendre, près de la moitié de la population n’arrive pas à cerner ce que nous essayons de dire. Nous excluons alors tout un pan de la société, et c’est notre démocratie qui en souffre au bout du compte.
De la même façon, les mots et les phrases qu’on choisit peuvent aussi créer un sentiment d’exclusion lorsqu’il s’agit du genre.
Par exemple, comme mère d’une adolescente transgenre, je vois au quotidien à quel point l’utilisation du pronom « elle » apporte à ma fille une joie profonde, celle de sentir qu’elle peut être elle-même.
Ma formidable fille était, et continue d’être, la source d’inspiration qui me guide dans le travail de partenariat et la coprésidence du Groupe de travail interministériel sur l’écriture inclusive. Cette collaboration entre plus de 35 ministères et organismes fédéraux, provinciaux et territoriaux a mené à la création des Lignes directrices sur l’écriture inclusive mises en ligne à l’automne 2022.
Récemment, j’ai eu le plaisir de rencontrer Félix Vongchanh, agent des communications dans l’équipe des communications numériques et multimédias de Services partagés Canada. Félix est un membre actif de la communauté de pratique en langage clair. Ensemble, nous avons fait le pari de déconstruire un mythe! Oui, il est possible d’écrire de façon claire, simple et inclusive, et voici cinq conseils pour y arriver.
1. Tenez compte des caractéristiques de votre public cible
On croit souvent à tort qu’il faut utiliser en tout temps un langage clair, simple et inclusif. Or, il s’agit plutôt d’écrire de telle sorte que votre public cible sente qu’on s’adresse à lui et qu’il fait partie de la conversation. Si on s’adresse principalement à des femmes du domaine scientifique, par exemple, on peut très bien chercher à assurer une juste représentation des femmes et des hommes dans le texte et utiliser des mots et des phrases plus complexes. Un langage trop simple ou trop neutre pourrait même être mal accueilli par ce public.
2. Adressez-vous directement aux personnes qui vous lisent
Ce procédé est extrêmement efficace et simple à appliquer. Faire usage des pronoms « vous » et « tu » permet à la fois de ne pas avoir à utiliser la marque du genre et de réduire le nombre de mots. Sans compter que ce procédé rend la phrase encore plus engageante et dynamique. Par exemple, au lieu d’écrire « Les visiteurs intéressés à obtenir des renseignements sur cette exposition peuvent se présenter au comptoir d’admission. », vous pouvez tout simplement écrire : « Vous souhaitez obtenir des renseignements sur cette exposition? Rendez-vous au comptoir d’admission. » Et voilà!
3. Utilisez la voix active
Si vous voulez transmettre clairement et simplement un message, privilégiez la voix active. Les personnes qui vous lisent vous comprendront mieux et vous éviterez l’accord du participe passé au féminin et au masculin. Par exemple, plutôt que de dire « Vous êtes invités à présenter une demande à cette fin. », reformulez la phrase à la voix active : « Nous vous invitons à présenter une demande à cette fin. »
4. Favorisez la concision et supprimez les éléments non essentiels
« Chacun et chacune, tous et toutes… », est-ce bien nécessaire? Au lieu de « Bonjour à tous et à toutes! », pourquoi ne pas dire « Bonjour! », tout simplement? Comment pourriez-vous réduire le nombre de mots et contourner le genre du mot « lecteur » dans la phrase suivante? « Évitez de vous adresser à vos lecteurs en utilisant la voix passive. » Tout simplement en enlevant l’information superflue : « Évitez la voix passive. » Quatre mots. Et voilà! Tout le monde a compris, et c’est inclusif.
5. Utilisez la forme verbale et choisissez des temps et modes verbaux ne portant pas la marque du genre
Pour simplifier le texte, utilisez des verbes plutôt que des noms. « La mise en œuvre de ce programme a nécessité une réévaluation de la politique. » deviendrait : « Nous avons dû réévaluer la politique lorsque nous avons mis en œuvre ce programme. » Les modes infinitif et impératif sont particulièrement efficaces lorsqu’il s’agit de rendre un texte simple et inclusif. « Ensemble, nous pouvons toutes et tous changer les choses pour le mieux. » serait remplacé par « Ensemble, changeons les choses pour le mieux. »
Dans le cas d’une liste, utiliser l’infinitif permet aussi de contourner le genre et de simplifier le texte.
Formulation genrée | Solution neutre |
---|---|
Les gestionnaires doivent accomplir les tâches suivantes :
|
Les gestionnaires doivent accomplir les tâches suivantes :
|
Et voilà! Il n’est pas si difficile de rédiger de façon claire, simple et inclusive lorsqu’on connaît les principes et les procédés qui s’y rapportent. Dans ce billet, j’ai fait usage des conseils et procédés d’écriture simple et inclusive. Vous avez aimé? Vous voulez en apprendre davantage? Consultez les Lignes directrices sur l’écriture inclusive (s’ouvre dans un nouvel onglet) et l’Inclusionnaire (s’ouvre dans un nouvel onglet) publiés dans le Portail linguistique du Canada.