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Le point sur la nouvelle orthographe

Un article sur la nouvelle orthographe et la position du Bureau de la traduction à l’égard de celle–ci
Fanny Vittecoq (L’Actualité langagière, volume 7, numéro 1, 2010, page 39) En 1990, alors rédactrice au journal étudiant de l’Université de Sherbrooke, j’ai interviewé le professeur Pierre MartelNote de bas de page 1 sur la réforme de l’orthographe. J’étais loin de m’imaginer que le sujet serait encore d’actualité vingt ans plus tard… Au Bureau de la traduction, la question refait surface fréquemment : peut-on écrire en nouvelle orthographe? Avant de vous présenter la position du Bureau à ce sujet, voici un survol de la situation.Qu’est-ce que la nouvelle orthographe? La nouvelle orthographe découle du rapport Les rectifications de l’orthographe du Conseil supérieur de la langue française de France, approuvé par l’Académie française et publié dans le Journal officiel de la République française en 1990. Un ensemble de règles grammaticales ont été modifiées, ce qui a permis de simplifier la langue française et de corriger certaines anomalies de l’orthographe. Le Réseau pour la nouvelle orthographe du français (RENOUVO) a publié en 2005 une liste de 2000 mots dans Le millepatte sur un nénufar – Vadémécum de l’orthographe recommandée. Depuis la publication en 2009 du Grand vadémécum de l’orthographe moderne recommandée : cinq millepattes sur un nénufar, la liste complète compte maintenant quelque 5000 mots, dont des termes techniques et rares. C’est cette liste que le RENOUVO recommande pour les langagiers, tout en précisant que celle de 2005 est encore valable. Les nouvelles règles orthographiques touchent le trait d’union et la soudure, le pluriel des noms composés et des noms étrangers, les accents et le tréma, les consonnes doubles, le participe passé de laisser suivi d’un infinitif et certaines anomalies.Un vent de « RENOUVO » La nouvelle orthographe n’a pas connu que des temps forts. Le tollé qu’elle a déclenché à ses débuts en 1990 a été suivi d’un silence d’une dizaine d’années. Mais alors qu’on la croyait éteinte, elle a trouvé un second souffle en 2002. Le RENOUVO, représenté au Canada par le Groupe québécois pour la modernisation de la norme du français (GQMNF), a soufflé très fort sur la braise pour la raviver. Ses efforts ont porté des fruits : la nouvelle orthographe – nom moins rébarbatif que réforme – a fait des progrès spectaculaires, particulièrement depuis 2007. De nombreux ouvrages de langue et correcteurs orthographiques reconnus, ainsi que des organisations et des instances importantes, acceptent maintenant les nouvelles graphies. La nouvelle orthographe a certes le vent dans les voiles, mais la course n’est pas complètement gagnée. Dans l’édition 2009 du Petit Robert, 61,3 % des nouvelles graphies étaient répertoriées, tandis que le Petit Larousse illustré en répertoriait seulement 38,8 %. De plus, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec ne souhaite pas l’imposer dans l’enseignement pour l’instant. Il l’admet cependant dans la correction des épreuves et en fait mention partiellement dans son programme. C’est un retard par rapport à la France, à la Belgique et à la Suisse, qui l’enseignent officiellement depuis plusieurs années. Même si la nouvelle orthographe fait couler beaucoup d’encre, elle est encore peu employée, notamment dans la presse écrite.Position du Bureau de la traduction Le Bureau de la traduction vient d’adopter une position officielle sur la nouvelle orthographe, qui s’adresse aux fonctionnaires fédéraux :Le Bureau de la traduction considère que la nouvelle orthographe et l’orthographe traditionnelle sont toutes deux correctes. Les fonctionnaires peuvent donc utiliser les nouvelles graphies, en entier ou en partie. Autrement dit, ils peuvent adopter une règle grammaticale en particulier ou encore plusieurs mots de la nouvelle orthographe. Les graphies des deux orthographes sont considérées comme des variantes orthographiques. Il est donc admis d’écrire par exemple connaitre (sans accent circonflexe) et goût dans un même texte. Toutefois, il est conseillé de faire preuve d’uniformité dans un texte. Si les mots connaitre et goût sont placés à proximité l’un de l’autre, il conviendrait d’écrire soit connaitre et gout, soit connaître et goût. Dans le même ordre d’idées, si l’on choisit d’adopter la règle des traits d’union entre tous les éléments d’un nombre, il va de soi qu’on appliquera cette règle pour tous les nombres dans le texte. Il en est de même pour un mot qui se répéterait dans le texte : on ne l’écrira pas de deux façons différentes. Enfin, en cette période de transition, si l’on choisit de rédiger un texte en nouvelle orthographe, on peut ajouter une note au début ou à la fin du texte indiquant que c’est le cas. Les correcteurs orthographiques, par exemple celui d’Antidote ou de Word, peuvent aider à rédiger un texte en nouvelle orthographe. Dans les paramètres du correcteur orthographique de Word (version 2005 ou ultérieure), il faut choisir l’option Orthographe rectifiée.Dans les outils et les publications du Bureau de la traduction Les terminologues ajouteront les nouvelles graphies comme des variantes orthographiques dans TERMIUM Plus®, la banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada, quand ils créeront de nouvelles fiches ou de nouveaux lexiques ou quand ils modifieront des fiches existantes. Les langagiers-analystes responsables des outils d’aide à la rédaction de TERMIUM Plus® en tiendront aussi compte dans leurs travaux.Mythes et réalités Mythe : Il faut dorénavant rédiger en nouvelle orthographe. Réalité : La position du Bureau de la traduction donne le choix aux fonctionnaires fédéraux de rédiger en nouvelle orthographe ou en orthographe traditionnelle. C’est une position différente de celle du RENOUVO et du GQMNF, qui la préconisent et qui militent en sa faveur. C’est pourquoi ils utilisent le terme orthographe recommandée. Ce n’est pas parce que le Bureau admet la nouvelle orthographe qu’il rejette l’orthographe traditionnelle. En effet, ce n’est pas demain que tout le monde écrira en nouvelle orthographe. La plupart des gens continueront probablement à écrire comme ils l’ont toujours fait. Ce sont les prochaines générations, les jeunes qui l’auront apprise au primaire, qui l’utiliseront. L’implantation des nouvelles graphies dans l’usage se fera graduellement, car c’est ainsi qu’une langue évolue. Il y aura une longue période de transition, de digraphisme, où les nouvelles graphies cohabiteront avec les graphies traditionnelles avant de les supplanter – peut-être –, en partie ou en entier. Mythe : La nouvelle orthographe vient détruire toute la beauté du français. Réalité : Les changements apportés par la nouvelle orthographe ne sont pas nombreux et les textes n’en seront pas défigurés. Certains qualifient même ironiquement la nouvelle orthographe de réformette. Dans une page d’un texte général rédigé en nouvelle orthographe, un seul mot en moyenne diffère de l’orthographe traditionnelle, en raison généralement d’un accent. On lit parfois des textes rédigés en nouvelle orthographe sans s’en rendre compte. Mythe : La nouvelle orthographe simplifie toutes les règles de la langue française. Réalité : La nouvelle orthographe simplifie la langue française sur beaucoup de points. Toutefois, certaines règles difficiles en français ne sont pas abordées, notamment l’accord des participes passés (à l’exception du verbe laisser suivi de l’infinitif). De plus, la nouvelle orthographe a créé quelques exceptions et incohérences. Par exemple, la liste des nouvelles graphies comprend bonhommie avec deux m comme bonhomme, mais le mot pomiculteur n’en fait pas partie (suivant cette logique, on devrait pouvoir écrire pommiculteur). Ou encore : dans la liste des nouvelles graphies, on trouve portemonnaie, portecrayon et porteclé aux côtés de porte-document, porte-serviette et porte-bagage.Ce texte a été rédigé en nouvelle orthographe… … et en orthographe traditionnelle, puisqu’aucun mot n’était touché par la nouvelle orthographe. C’est donc dire que, dans certains cas, la nouvelle orthographe ne touche même pas un mot par page. Vous pensez que la nouvelle orthographe est un sujet d’actualité? Eh bien, on n’a pas fini d’en entendre parler. La Belgique et la France se penchent actuellement sur différents problèmes du système orthographique et essaient de proposer des solutions qui pourraient servir de base à des rectifications futures. Parmi les sujets à l’étude, on compte l’accord du participe passé… Pour plus de renseignements au sujet de la nouvelle orthographe, consultez :la Recommandation linguistique du Bureau de la traduction; le site du RENOUVO (Réseau pour la nouvelle orthographe du français). Il comprend les règles de la nouvelle orthographe et les quelque 2000 mots touchés. l’article « Aimez-vous la nouvelle orthographe? » de Jacques Desrosiers paru en 2001 dans L’Actualité terminologique, vol. 34. Disponible en ligne dans les Chroniques de langue.RéférencesNote de bas de page 1 Le professeur de linguistique Pierre Martel a été président du Conseil supérieur de la langue française du Québec, a collaboré aux travaux internationaux sur la Réforme de l’orthographe et a été nommé Officier de l’Ordre des Palmes académiques par le gouvernement français en 1991. Il a également dirigé, avec Hélène Cajolet-Laganière, l’élaboration du dictionnaire Usito par le groupe de recherche FRANQUS.Retour à la référence de la note de bas de page 1
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
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Aimez-vous la nouvelle orthographe?

Un article sur la nouvelle orthographe de 2001.
Jacques Desrosiers (L’Actualité terminologique, volume 34, numéro 4, 2001, page 13) Les éditions Flammarion publiaient en l’an 2000, parallèlement à l’exposition « Tu parles!? Le français dans tous ses états, présentée à Bruxelles, Lyon, Dakar et Québec, un recueil de textes d’éminents linguistes de la francophonie – André Goosse, Marina Yagello, Henriette Walter et de nombreux autresNote de bas de page 1. En parcourant l’ouvrage, j’ai été stupéfié de voir qu’en dépit de ses prestigieux collaborateurs, il était parsemé de coquilles. Marc Wilmet y parlait de ressources capables de pallier à faible cout…, Julia Kristeva évoquait des fraicheurs de géraniums, et ici et là les contributions étaient ternies par des reconnait, des parait-il, et d’autres erreurs criantes comme les maitres du monde… entraine le raffinement du gout… les ambigüités… de surcroit… les Canadiens français se sont laissé envahir par un sentiment d’insécurité…, etc. C’est parce que les coquilles touchaient surtout les accents que j’ai fini par aller voir s’il n’y avait pas quelque part une note à propos de l’orthographe. Et comme de fait : Le présent ouvrage applique les rectifications de l’orthographe, étudiées par le Conseil supérieur de la langue française (1990) et approuvées par l’Académie française… Ainsi il s’agissait des fameuses « rectifications » qui, après avoir été approuvées il y a onze ans, ne furent jamais adoptées officiellement. De toute évidence, elles n’avaient pas été mises au rancart comme l’avaient soutenu certains : la braise n’était pas éteinte. Leur publication avait provoqué à l’époque toute une polémique. Rappelons la chronologie de cette saga. Cela commence en France en 1989, anniversaire de la proclamation des droits de l’homme :  7 février 1989 : Dix linguistes publient à la une du journal Le Monde un appel en faveur d’une « modernisation de l’écriture du français »Note de bas de page 2. Les arguments sont solides : expansion phénoménale de l’écrit imprimé et électronique, fossé grandissant entre l’écrit et le parlé, norme impraticable. Ils font valoir que plus du quart des fautes relevées dans les copies des élèves touchent les accents circonflexes. La même année, Nina Catach, la grande spécialiste de l’orthographe, expose les « délires de l’orthographe »Note de bas de page 3. Dans un autre ouvrage, des instituteurs décrivent l’orthographe française comme un monument d’absurditésNote de bas de page 4. Tous font valoir que de nombreux pays ont réaménagé leur orthographe au cours du siècle : Allemagne, Russie, Pays-Bas, Portugal, Italie, Brésil, Grèce, et d’autres. Octobre : Le premier ministre de la France installe le Conseil supérieur de la langue française, assemblée de linguistes, historiens, écrivains, cinéastes, journalistes, recteurs d’universités, éditeurs, qu’il charge de veiller sur la langue, et en particulier de préparer des rectifications sur cinq points : trait d’union, pluriel des noms composés, accent circonflexe, participe passé des verbes pronominaux, et diverses anomalies. Un comité d’experts s’attelle à la tâche. 3 mai 1990 : Les travaux du comité sont approuvés à l’unanimité par l’Académie française, puis par le Conseil international de la langue française, le Conseil de la langue française du Québec et celui de la Communauté française de Belgique, présidé par feu Joseph Hanse. Juin : Le Conseil supérieur remet son rapport au premier ministre, qui l’approuve à son tour. De juin à décembre : C’est le tollé. Les recommandations font si peur que de toutes parts des opposants les accueillent avec une violence verbale sans précédent : profanation de la langue! mort de la culture française! On a dit que certains semblaient prêts à mourir pour un accent circonflexe. La confusion était si grande que plusieurs criaient au scandale à cause de l’abandon des lettres grecques, à la manière italienne (fisonomia, farmacia) et espagnole (crisantemo), alors qu’il n’en était même pas question dans le rapport. Décembre : Les rectifications sont publiées au Journal officiel de la République française. 17 janvier 1991 : L’Académie, pour calmer les esprits, déclare, mais pas à l’unanimité cette fois parce que certains académiciens prétendent maintenant qu’ils étaient absents à la séance de mai, que la réforme n’est pas obligatoire : les anciennes graphies restent admises, mais on ne doit pas pénaliser les nouvelles. S’instaure donc le digraphisme : on pourra écrire au choix oignon ou ognon. Mais au milieu du tintamarre déclenché dans la presse, le message n’est pas passé à ce moment-là (et encore aujourd’hui cela n’est pas clair pour tout le monde). Notons qu’il n’y avait rien là de bien révolutionnaire puisque les doubles graphies existent déjà, sans que personne y trouve à redire, pour environ 3 000 mots, comme clé et clef, soûl et saoul, phantasme etfantasmeNote de bas de page 5. Malgré l’ardeur des opposants à anéantir le projet, l’Académie française n’a pas fait un demi-tour complet parce que les partisans étaient fort nombreux aussi. Les enseignants en particulier réclamaient une réforme depuis longtemps. On jugeait que le temps était venu de régler des problèmes d’hésitation dans l’usage dus aux anomalies de notre orthographe : règlement mais réglementation; imbécile avec un l mais imbécillité; bonhomme mais bonhomie; charrette mais chariot; patronner mais patronage; porte-monnaie mais portefeuille; soixante et un mais soixante-deux; faon prononcé fan; des accents aigus qui se prononcent graves, des graves qui ne se prononcent pas, des traits d’union qui n’obéissent à aucune règle, des exceptions en tout genre et en grand nombre que peu parviennent jamais à maîtriser. Les plaintes remontent loin. Littré lui-même souhaitait en finir avec l’incohérence des accents dans règlement et réglementation. Nina Catach a bien résumé cette impatience :Cette surcharge vieillotte de lettres comme le c de distinct, aspect, respect, succinct, instinct, etc., le p de dompteur, le m d’automne et de damner, l’opposition très lourde à gérer des finales en -ant et -ent, entre -cable et -quable, qu et cqu, -tiel et -ciel, l’usage des consonnes doubles (typique de l’orthographe manuscrite), des y, etc., tout cela parait bien poussiéreux, et mériterait de nouveau un Ronsard ou un Voltaire pour s’y opposerNote de bas de page 6. Beaucoup se sont opposés en réalité à toute espèce de réforme. L’orthographe en a subi pourtant plusieurs : huit de 1694 à 1932. En fait, depuis 500 ans, la moitié des mots français ont changé d’orthographe. Voyons en quoi consistaient les recommandations de 1990. Elles sont clairement résumées dans une petite brochure que diffuse l’APARO, l’Association pour l’application des recommandations orthographiques, qui se charge en Belgique de promouvoir les rectifications dans l’administration gouvernementale, l’enseignement, la presse, l’édition, et que dirige aujourd’hui Michèle Lenoble-PinsonNote de bas de page 7. L’Association a son pendant en France, l’AIERO (Association pour l’information et la recherche sur les orthographes et les systèmes d’écriture), et en Suisse, l’ANO (Association pour la nouvelle orthographe). On verra qu’en général les rectifications tranchent dans le sens de la simplification. D’une part, huit règles générales :Accent grave. Devant une syllabe contenant un e muet, on écrit è plutôt que é : évènement et allègement s’écrivent donc comme avènement. Il en va de même pour tous les verbes formés sur le modèle de céder : cèdera comme sèmera, lèvera. De même : règlementer, règlementaire, dérèglementation, crèmerie, sècheresse, etc. Si l’accent aigu persiste dans l’usage, c’est tout simplement parce que ces mots – une trentaine – ont échappé à des règles d’accentuation fixées par l’Académie au cours des derniers siècles. Accent grave. Règle semblable pour les verbes en -eler et -eter comme dételer, épousseter, pour lesquels l’accent grave est généralisé : il détèle pendant qu’elle époussète; ils étiquètent les produits. Même chose pour les noms correspondants : nivèlement, amoncèlement, ensorcèlement, etc. Accent circonflexe. Plus d’accent circonflexe sur i et u : ile, ilot (vous rappelez-vous où était l’accent?), traitre, bruler, brulure (comme morsure), traine (comme haine), assidument (comme résolument), plait (comme fait), voute (comme doute). Pluriel des noms composés. Règle d’une grande simplicité, les noms composés formés d’un verbe et d’un complément (porte-parole) ou d’une préposition et d’un nom (sans-abri) s’accordent comme des noms ordinaires : le deuxième mot prend le pluriel seulement quand le nom est au pluriel. Inutile de compter les cheveux ou les avions : un sèche-cheveu, des sèche-cheveux; un porte-avion, des porte-avions; un porte-jarretelle, des porte-jarretelles; un casse-pied et des casse-cous; un sans-abri, des sans-abris; un après-midi, des après-midis. Et au pluriel ils prennent toujours la marque du pluriel : des porte-bonheurs, des coupe-papiers. Mais on pourra continuer d’admirer les trompe-l’œil et, monothéisme oblige, de s’agenouiller sur des prie-Dieu – ce qui montre à quel point les rectifications n’ont rien d’hérétique. On continue d’écrire des aides-comptables et des gardes-malades parce qu’aide et garde y sont des noms (des gardes de malades). Nombres. Tous les numéraux composés, sauf les noms, s’écrivent avec un trait d’union : vingt-et-un (ce que bien du monde faisait depuis longtemps…), mais aussi cent-un, deux-cents dollars, un million deux-cent-mille. Laissé. Laissé est invariable devant un infinitif, comme faire. Avant : elle s’est laissée aller mais elle s’est laissé séduire. Après : elle s’est laissé aller et elle s’est laissé séduire. C’est le seul participe passé touché par les rectifications. On a jugé qu’une intervention plus massive impliquerait d’autres modifications touchant la grammaire. Mots étrangers. Ils font leur pluriel comme les mots français : caméramans, graffitis, jazzmans, matchs, scénarios, solos, spaghettis. Finale en -ole : corole, girole, barcarole (comme bestiole, camisole), etc., sauf colle, folle, molle.À ces règles s’ajoutent, d’autre part, des listes restreintes de noms composés désormais soudés, comme passepartout, millefeuille, millepatte, potpourri, quotepart, chauvesouris, sagefemme, hautparleur, terreplein, tirebouchon, bassecour, pêlemêle, apriori, exlibris, exvoto, statuquo, chichekebab, lockout, weekend, pingpong, baseball, cowboy (le Petit Larousse et le Petit Robert mettent encore base-ball et cow-boy), etc. On rétablit des accents conformes à la prononciation : asséner, réfréner, mémorandum, véto, diésel, vadémécum, artéfact, facsimilé, désidérata, linoléum, sénior, allégro, péso, sombréro, etc. On corrige des anomalies : combattif (comme combattant), dissout-dissoute (et non dissous-dissoute), exéma (comme exagérer), persiffler, relai, quincailler (plutôt que quincaillier), marguiller, assoir (comme voir). Le tréma se place sur la voyelle qui doit être prononcée : aigüe, exigüité, gageüre. Au total, on ne ratisse pas large : 1 400 mots, dont seulement 800 mots fréquents, soit un mot sur deux pages de texte, si bien que face à ceux qui appréhendaient l’apocalypse, d’autres ont parlé de « réformette ». On lit parfois des textes écrits en nouvelle orthographe sans s’en rendre compte. Certaines des règles sont d’ailleurs déjà passablement entrées dans l’usage au cours des années 90, le pluriel des noms étrangers par exemple. Les critiques n’ont pas toujours été cohérentes. Nénufar a fait couler beaucoup d’encre : moins poétique, disait-on, que nénuphar, graphie qui repose pourtant sur une erreur d’étymologie puisque le mot vient du persan et non du grecNote de bas de page 8. Le mot avait déjà perdu son ph dans les années 1600 pour le retrouver trois cents ans plus tard par suite d’une confusion. Proust l’écrivait avec un f. Une bonne partie de l’opposition reposait sur l’illusion d’une permanence de l’orthographe, comme si nous écrivions le même français depuis des siècles, alors que non seulement les classiques sont réécrits, mais des ouvrages aussi récents que Madame Bovary voient leur orthographe modernisée : « La littérature que nous aimons, a-t-on écrit, est, formellement, une belle forgerie de la fin du XIXe siècle, lorsque la maison Hachette décida de diffuser les grands textes en retravaillant l’ensemble de l’orthographe, des accents, de la ponctuation »Note de bas de page 9. Même l’orthographe d’auteurs proches de nous comme Camus est « modernisée » par les éditeursNote de bas de page 10. Sans doute l’une des faiblesses de l’entreprise a-t-elle été de multiplier les exceptions au fil des allers-retours que faisait le rapport entre le comité d’experts et l’Académie. On était prêt à écrire atèle, mais non apèle ou jète, car on considérait appelle et jette comme trop bien stabilisés dans l’usage. L’accent circonflexe était conservé sur dû, mûr, sûr, mais seulement au masculin singulier, ainsi que dans d’autres cas d’homographie comme jeûne et croît, alors que les signataires du 7 février étaient prêts à se défaire non seulement de ces accents, car après tout nous n’écrivons pas d’une façon spéciale je suis selon qu’il s’agit du verbe être ou de suivre, le contexte suffisant à nous éclairer, mais aussi du â, du ê et du ô. Certains noms composés restaient invariables, comme réveille-matin parce que matin y est adverbe. Au bout du compte, on se retrouvait avec une nouvelle norme et de nouvelles exceptions. Peut-être aussi a-t-on été trop prudent pour les participes passés. Les règles sont si compliquées. Combien se rappellent d’instinct s’il faut écrire ils se sont approprié ou ils se sont appropriésNote de bas de page 11? Les rectifications ont-elles été pour autant un échec? Il serait plus juste de parler, comme l’a fait Marie-Éva de Villers, d’un « insuccès relatif »Note de bas de page 12. Bien sûr, la presse les a ignorées. Et aucun dictionnaire n’ose à ma connaissance écrire voute. Mais la nouvelle orthographe a été adoptée par des personnes et des groupesNote de bas de page 13. Jusqu’à sa mort, en 1997, Nina Catach n’a écrit qu’en nouvelle orthographe (voir la citation d’elle que j’ai détachée plus haut). Les rectifications figurent en annexe du Hanse, du Bon usage, du Précis de grammaire française de Grevisse. Un bon nombre de nouvelles graphies, tels évènement ou cèleri, sont admises dans les dictionnaires courants. Partout où le Petit Robert dit : « on écrirait mieux… » (allez voir par exemple à interpeller), il se trouve à faire entrer discrètement dans l’usage certaines rectifications de 1990. Les rectifications sont enseignées en Belgique, où des publications, comme la Revue générale, vieille de 135 ans, ont adopté la nouvelle orthographe dès 1991. Plus du tiers des recommandations sont enregistrées dans la 9e édition du Dictionnaire de l’AcadémieNote de bas de page 14, avec priorité accordée aux nouvelles graphies sur les anciennes, comme dans le cas de dérèglementation ou de cèdera (mais a priori est encore en deux mots, coupe-papier invariable). Comme celle-ci est en principe l’entité qui fixe la norme, ces nouvelles graphies finiront bien par s’imposer. L’initiative la plus originale a été celle du quotidien suisse Le Matin, de Lausanne, qui le mardi 18 mars 1997 a publié une édition entièrement en orthographe nouvelle, ce qui a touché 10 mots par page du journal. Bien sûr, une certaine anarchie règne maintenant dans les dictionnaires. Le cas des noms composés est frappant. Prenons le singulier d’essuie-main(s). Le Dictionnaire de l’Académie française admet seulement un essuie-main. Le Hanse de même. Mais le Petit Larousse et le Multidictionnaire donnent seulement un essuie-mains. Quant au Petit Robert, il enregistre les deux. Prenons maintenant le pluriel de coupe-vent : invariable dans le Petit Larousse, mais cette fois le Multi comme le Petit Robert acceptent des coupe-vent et des coupe-vents. Dans le cas de coupe-papier, c’est le Petit Larousse qui admet autant des coupe-papier que des coupe-papiers, tandis que le Petit Robert le déclare invariable. De façon générale, le Petit Robert est quand même plus ouvert aux rectifications que le Petit Larousse. On voit bien que les préférences des lexicographes entrent en ligne de compte, et que la simplification souhaitée par le Conseil supérieur de la langue française et l’Académie était fondée (c’est le moins qu’on puisse dire). Jean-Paul Colin dans son Dictionnaire des difficultés du français a beau écrire à propos du pluriel des noms composés que « le bon sens et l’usage jouent ici un grand rôle », en réalité on se retrouve le plus souvent, selon le mot de Nina Catach, avec des distinctions byzantines. On en trouvera une illustration éclatante à l’entrée garde- du Trésor de la langue française, où l’on étale les incohérences et les listes capricieuses des dictionnaires au sujet de l’accord de mots comme garde-malade et garde-fou. L’Académie avait demandé dans sa déclaration du 17 janvier 1991 que les rectifications soient soumises à « l’épreuve du temps ». André Goosse a souligné que l’orthographe n’est pas une affaire d’usage, qu’elle n’évolue pas : c’est la langue, la syntaxe, la prononciation que l’usage change, tandis que l’orthographe, qui n’est que l’habit de la langue, procède par décrets, à la suite de « l’intervention explicite de décideurs »Note de bas de page 15. Tant qu’évènement n’est pas enregistré dans le dictionnaire avec son accent grave, c’est une faute. On voit bien cependant que des changements s’introduisent à la pièce. Mais c’est bien ce que fait toujours l’usage, mot par mot, lentement; il n’est pas impossible que les rectifications de 1990 s’implantent ainsi, petit à petit, et peut-être incomplètement. La présidente de l’Association québécoise des professeurs de français, Huguette Lachapelle, tout en reconnaissant que « la réforme avance très lentement », croit que « l’usage finira par forcer les changements »Note de bas de page 16. Il va sans dire que ceux-ci sont plus populaires auprès des jeunes et des étudiants qu’auprès de la génération vieillissante, qui n’a pas tellement envie d’abandonner l’orthographe qu’elle a toujours employée; mais c’est justement pourquoi l’Académie proposait le digraphisme. En France, des enseignants ont indiqué que leurs élèves appréciaient les changements proposés pour les numéraux, la disparition de l’accent circonflexe sur i et u, le pluriel des noms composés formés d’un complément directNote de bas de page 17. Mais ces batailles peuvent durer longtemps. Voltaire voulait qu’on écrive raide comme on le prononce, et non roide, graphie que la comtesse de Ségur conservait encore cent ans plus tard. Il y a eu une rude bataille autour de ce mot au XIXe siècle. Voltaire a gagné, outre-tombe. Le recueil « Tu parles!? est censé appliquer toutes les recommandations de 1990. Mais j’y relève deux cent quarante mains, les quatre mille termes, îlots francophones, l’île Maurice. Même les rectifications admises par l’usage et par certains dictionnaires sont trop diffuses actuellement pour être faciles à appliquer. Dans l’état actuel des choses, le mieux à faire, à mon avis, serait d’admettre officiellement les nouvelles graphies enregistrées dans le Dictionnaire de l’Académie française, soit le tiers des recommandations de 1990, sans condamner les anciennes, et de suivre de près les tolérances des dictionnaires. Cela contribuerait à éclaircir la situation. Ne resterait ensuite qu’un travail d’intendance, par exemple adapter les correcteurs orthographiques pour qu’ils offrent l’option de choisir par défaut les nouvelles graphies admises.RéférencesNote de bas de page 1 « Tu parles!? Le français dans tous ses états, sous la direction de Bernard Cerquiglini, Jean-Claude Corbeil, Jean-Marie Klinkenberg et Benoît Peeters, Paris, Flammarion, 2000.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 « Un appel de linguistes sur l’orthographe : "Moderniser l’écriture du français" », Le Monde, 7-2-1989, p. 1.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Les délires de l’orthographe en forme de dictioNaire, préface de Philippe de Saint-Robert, Paris, Plon, 1989.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Jacques Leconte et Philippe CIBOIS, Que vive l’orthografe!, Paris, Seuil, 1989.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Calcul fait par le Conseil international de la langue française dans les dictionnaires courants. Voir André Goosse, La « nouvelle » orthographe : exposé et commentaires, Duculot, Paris-Louvain-la-Neuve, 1991, p. 33-34.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 « L’écriture du français, son histoire », Circuit, nº 40 (1993), p. 3. Extraits d’« Histoire, société, recherche et réforme », paru dans Liaisons-HESO 19, Recherche et réforme (1992). L’HESO est un laboratoire du CNRS qui étudie l’histoire et la structure des orthographes et systèmes d’écriture.Retour à la référence de la note de bas de page 6 On peut obtenir des copies papier de la brochure en s’adressant à l’APARO (http://www.fltr.ucl.ac.be/FLTR/ROM/ess.html).Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Henriette Walter, « Les mots pour le dire », Libération, 24-2-2001, p. 6. Voir aussi Le bon usage, 13eéd., § 89.Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Michel-Antoine Burnier, « Le français à la lettre », L’Express, 9-3-1995, p. 118. Revue duDictionnaire historique de l’orthographe française, sous la direction de Nina Catach.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 André Goosse, La « nouvelle » orthographe, p. 33.Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11 On se bat sur tous les fronts. Il existe même en France une association Napalm : « Non A l’accord du Participe passé Avec Le complément d’objet direct Même quand il est placé avant l’auxiliaire ».Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12 Dans Correspondance (pour l’amélioration du français en milieu collégial), vol. 4, nº 1 (sept. 1998), p. 5-7. Repris dans les chroniques linguistiques de l’École des hautes études commerciales, à www.hec.ca.~x067/chroniques linguistiques/index/html.Retour à la référence de la note de bas de page 12Note de bas de page 13 Jocelyne Lepage, « Rectifications orthographiques : pas de panique! », La Presse, 30-4-2000.Retour à la référence de la note de bas de page 13Note de bas de page 14 Deux tomes sont parus, de A jusqu’à mappemonde. Consultable en ligne à http://zeus.inalf.fr/academie9.htm.Retour à la référence de la note de bas de page 14Note de bas de page 15La « nouvelle » orthographe, p. 16.Retour à la référence de la note de bas de page 15Note de bas de page 16 Citée par Hugo Dumas, « La réforme de l’orthographe, c’est pas pour demain », La Presse, 26-7-2000, p. B6.Retour à la référence de la note de bas de page 16Note de bas de page 17 Robert Massart, « Enseigner la nouvelle orthographe? », paru dans La Lettre de l’APARO. Repris à http://users.skynet.be/Landroit/massart.html.Retour à la référence de la note de bas de page 17
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Nouvelle orthographe : un sujet bien d’actualité

Un article sur l’histoire des rectifications orthographiques de 1694 à 2010
Georges Farid (L’Actualité langagière, volume 7, numéro 1, 2010, page 12) Cet article est conforme à la nouvelle orthographe. Les rectifications orthographiques font beaucoup parler. Loin de faire l’unanimité, elles suscitent des opinions divergentes. Certains les approuvent, d’autres les décrient. Cet article ne vise pas à exposer dans le détail les rectifications orthographiques. L’auteur se propose plutôt de présenter les divergences d’opinions sur la question, qu’il s’agisse de quelques soubresauts des adversaires, de l’euphorie des partisans ou de l’engouement sporadique des médias, et il montre en quoi consistent les rectifications, avec leurs avantages et leurs inconvénients.Les rectifications orthographiques d’hier à aujourd’hui De 1694 à 1975, l’orthographe française a connu au moins sept phases d’ajustement. Les Rectifications de l’orthographe de 1990 sont les derniers changements enregistrés à ce jour. Ces rectifications touchent essentiellement à quatre domaines : le trait d’union et la soudure, le singulier et le pluriel des noms composés et des mots étrangers, les accents et le tréma, les consonnes doubles. De plus, quelques familles de mots ont été harmonisées, et le participe passé laissé suivi d’un infinitif est maintenant invariable. Retournons en arrière pour relater les faits marquants de l’histoire de la langue française depuis 1694. 1694 : L’Académie française publie la première édition de son Dictionnaire, qui comprend 18 000 mots. L’Académie concilie alors l’ancienne orthographe, fidèle à l’étymologie, et l’orthographe fondée sur la prononciation telle que proposée par les réformateurs de l’époque. 1740 : La troisième édition du Dictionnaire change la graphie de plus de 5000 mots. 1835 : La sixième édition du Dictionnaire modifie certaines orthographes : j’avois devient j’avais, aimoit devient aimait, croie devient craie, des enfans devient des enfants, etc. 1932-1935 : L’Académie française, dans la huitième édition de son Dictionnaire, change l’orthographe d’environ 500 mots, dont grand’mère remplacé par grand-mère. 1952 et 1965 : Le ministre français de l’Éducation nationale demande deux rapports BeslaisAller à la remarque a, qui se soldent par le néant : la proposition de réforme n’est pas adoptée. 1972 : On demande au Conseil international de la langue française un autre projet de réforme, fondé sur une étude de René Thimonnier. 1989 : Le premier ministre français, Michel Rocard, demande au Conseil supérieur de la langue française des aménagements orthographiques destinés à éliminer un certain nombre d’anomalies et de contradictions entre les dictionnaires. Décembre 1990 : Le rapport définitif du Conseil supérieur est publié en France au Journal officiel de la République française sous le titre Les rectifications de l’orthographeNote de bas de page 1. 1991 : En Belgique, André Goosse fonde l’Association pour l’application des recommandations orthographiques, afin de bien faire connaitre les rectifications. En France existait déjà l’Association pour l’information et la recherche sur les orthographes et les systèmes d’écriture, dont la fondatrice est Nina Catach. 2000 : En Suisse est fondée l’Association pour la nouvelle orthographe. 2001 : Les trois associations de la Belgique, de la France et de la Suisse créent le Réseau pour la nouvelle orthographe du français (RENOUVO) et conçoivent le Vadémécum de l’orthographe recommandée, dont le surtitre est Le millepatte sur un nénufar. Il sera supplanté, en juin 2009, par le Grand vadémécum de l’orthographe moderne recommandée. 2002 : Est fondé à Paris le Groupe de modernisation de la langue, qui a mis en place le site officiel www.orthographe-recommandee.info, lequel contient un résumé et les détails des rectifications orthographiques. 2004 : Au Québec, Annie Desnoyers, Karine Pouliot et Chantal Contant fondent le Groupe québécois pour la modernisation de la norme du français (GQMNF). L’objectif fondamental du GQMNF est de diffuser, au sein de la population, les changements dans la norme du français approuvés par des instances francophones compétentes. L’Office québécois de la langue française fait savoir qu’il applique déjà les nouvelles graphies dans le cas des néologismes et des emprunts figurant dans le Grand dictionnaire terminologique et qu’il donnera priorité aux nouvelles graphies dans la mesure où elles sont attestées dans les dictionnaires usuels. Le Dictionnaire Hachette et le Dictionnaire de l’Académie française indiquent déjà toutes les graphies rectifiées. Avril 2007 : À l’instar de la Belgique et de la Suisse, le ministère de l’Éducation nationale en France précise sa position sur la nouvelle orthographe dans son Bulletin officiel : « On s’inscrira dans le cadre de l’orthographe rectifiée. Les rectifications définies par l’Académie française ont été publiées au Journal officiel de la République française le 6 décembre 1990, édition des Documents administratifs. Elles se situent tout à fait dans la continuité du travail entrepris par l’Académie française depuis le XVIIe siècle, dans les huit éditions précédentes de son DictionnaireNote de bas de page 2. » 2008 : En Belgique, les écoles doivent enseigner la nouvelle orthographe. Des circulaires ministérielles indiquent que « les professeurs de français de tous niveaux sont invités à enseigner prioritairement les graphies rénovées » dès la rentrée scolaire 2008. Environ 200 000 exemplaires d’une publication gouvernementale de quatre pages sont distribués dans les écoles belges. 2009 : À la suite d’une pétition envoyée en ligne par le GQMNF aux usagers de la langue française, Le Nouveau Petit Robert de la langue française 2009 reconnait 61 % des graphies modernes. Par exemple pizzéria au lieu de pizzeria, des après-midis (avec s régulier au pluriel), un compte-goutte (sans s au singulier), millepatte (soudé et sans s au singulier, comme millefeuille), imbécilité (avec un seul l, comme imbécile), charriot (avec deux r, comme charrette)… Le Petit Larousse illustré 2009 ne mentionne que 39 % des graphies rectifiées, dans les entrées des mots eux-mêmes. Au début de ce dictionnaire, 11 pages sont consacrées aux nouvelles graphies, présentées sous forme de liste alphabétique.Pour ou contre les rectifications orthographiques Depuis la publication des Rectifications de l’orthographe, dans le Journal officiel de la République française du 6 décembre 1990, des esprits s’agitent, des scripteurs sont ahuris. Les pourfendeurs des rectifications orthographiques pensent que celles-ci ne sont qu’un nivèlement par le bas pour les paresseux et les incultes. Selon eux, il faut que la nouvelle génération apprenne, comme ce qui a été imposé aux générations précédentes, toutes les règles de la grammaire avec ses difficultés et exceptions, de même que le lexique, quelles que soient leurs bizarreries; cela forme l’esprit. Dans L’Express du 18 avril 2005, Anne Vidalie rappelle que les Français s’étripent sur le sujet de l’orthographe et que, dès le début de l’Académie française en 1635, une querelle a opposé les Anciens, qui ne voulaient pas la modifier parce que sa connaissance permet de « distinguer les honnêtes hommes des simples femmes et des enfants », et les Modernes. Les adversaires avancent que la forme graphique des mots est le reflet de l’histoire de la langue et des cultures successives. Beaucoup de mots ont une origine latine ou grecque ou autre… et vouloir rapprocher leur orthographe de la prononciation serait les disjoindre de leur origine, les déraciner de leur histoire. Ces opposants croient que les rectifications annoncent la transformation de l’orthographe, qui en viendra à se modeler sur l’oral. Ils notent également que les rectifications introduisent de nouvelles exceptions qui ne sont pas plus simples à retenir. Les partisans, quant à eux, soulignent l’importance de rendre plus logique la langue française, afin de simplifier son apprentissage et de favoriser sa maitrise par tous les francophones et les allophones. Comme le fait remarquer Hubert Joly, « en faisant la toilette des dictionnaires, les Rectifications orthographiques mettent fin à des incohérences qui étaient parfois des défis au bon sensNote de bas de page 3 ». Par ailleurs, même les partisans des Rectifications de l’orthographe, dont de nombreux enseignants, sont mécontents de la superficialité des rectifications, qui se sont essentiellement concentrées sur l’orthographe d’usage, alors qu’il aurait fallu, selon eux, simplifier l’orthographe grammaticale à l’instar de l’Académie française qui, en 1679, avait décrété que les participes présents seraient désormais invariables. En dehors de quelques cas particuliers comme je cèderai, il complètera… (depuis les rectifications) au lieu du traditionnel je céderai, il complétera…, la langue écrite suit ses besoins spécifiques, et les recommandations de 1990 ne gravitent pas autour d’une simplification vers la phonétique mais plus vers l’élimination des bizarreries orthographiques comme imbécillité (malgré imbécile), chariot (malgré charrette)… Charles Müller, créateur du site Orthonet, dit dans L’Express du 18 avril 2005 : « En simplifiant l’orthographe, on améliorerait l’image du français. Au moins pourrait-on donner un signe de bonne volonté en supprimant les sottises les plus évidentes, comme ce fameux événement qui doit son deuxième accent aigu au fait qu’un imprimeur, en 1736, s’est trouvé à court d’accents graves. » Franck Ramus, spécialiste de l’apprentissage du langage, souligne que « la complexité de l’orthographe française n’affecte pas que les dyslexiques, mais tous les enfants. En effet, sa maitrise demande dix ans d’efforts intensifs en France, contre six mois en Italie et en Finlande. C’est du temps perdu qui pourrait être consacré à des apprentissages plus utiles. Peut-être n’est-ce pas un hasard si la Finlande, où l’écriture est la plus régulière au monde, est aussi le pays dont les élèves affichent les meilleures performances scolairesNote de bas de page 4. » Nina Catach, réputée pour ses nombreuses recherches scientifiques en orthographe, souligne que le « niveau s’élève. On n’a pas touché aux règles, on les a renforcées. Les exceptions favorisent chez l’enfant le trouble et l’injustice à son égard, car on le pénalise lorsqu’il applique les règles (avènement / événement, lève / lèverai mais cède / céderai) […] Le raisonnement prendra la place de la mémoire, et l’enfant pourra vraiment être jugé là-dessusNote de bas de page 5. » Chantal Contant, spécialiste des rectifications orthographiques au sein du GQMNF, note que « la nouvelle orthographe prend sa source dans les régularités que ces règles modernes véhiculent, dans la cohérence que ces ajustements sages et limités apportent au système orthographiqueNote de bas de page 6 ». Les rectifications orthographiques à pas de tortue Bien que les rectifications orthographiques de 1990 aient trouvé une caution officielle, elles ont soulevé un tollé important dans les premières années, et ce n’est que plus de 15 ans plus tard qu’elles s’implantent en douce. Christine Petit relève des facteurs qui expliquent cette lenteur, en Belgique, en France, au Québec et en Suisse : « l’orthographe dans son aspect académique est perçue comme un rempart contre l’effritement de la soi-disant excellence du français; […] l’orthographe apparait comme un patrimoine dont la préservation assurerait sa part de responsabilité dans la viabilité internationale du français […]; l’orthographe […] est un gage de confiance en cette éprouvante époque de transformation rapide des technologies […]; l’orthographe […] de 1990 impose un nouvel effort d’apprentissage aux locuteurs qui l’appréhendent […] et embarrasse les intérêts des éditeurs tout comme les intérêts politiques…Note de bas de page 7 ». Toutefois, il est à noter que si cela était vrai en 2005, cela l’est moins en 2009, où les ministères de l’Éducation se sont prononcés en faveur de l’application de la nouvelle orthographe (surtout en Belgique, en Suisse et en France). Devant la pression du RENOUVO, plusieurs éditeurs se voient obligés d’inclure les rectifications dans leurs dictionnaires, grammaires et romans. Nous croyons que les Rectifications de l’orthographe cherchent non pas à bouleverser les acquis des scripteurs mais à gommer quelques incohérences révérées sans réserve par une certaine élite soucieuse de rendre la langue le moins accessible possible. Curieusement, la lutte est celle de l’élite contre l’élite. En effet, les réformes proposées antérieurement, jusqu’aux Rectifications, ne sont pas le produit inopiné de l’homme de la rue mais bien le résultat d’une question analysée en profondeur par des grammairiens, des écrivains, des journalistes, des linguistes, des érudits. Certes, les rectifications ont contribué à simplifier quelques règles, comme celle du participe passé laissé suivi d’un infinitif, qui dorénavant reste invariable, celle du pluriel de certains noms composés qui a été régularisé pour suivre la règle de pluralisation des noms simples, celle du trait d’union qui s’impose dans l’emploi de tous les numéraux (sauf dans les fractions). Bien qu’il soit évident que les rectifications ont simplifié d’autres cas comme la soudure d’éléments savants (par exemple microonde), la francisation des emprunts au pluriel (par exemple leitmotivs, sandwichs au lieu du pluriel allemand leitmotive et du pluriel anglais sandwiches), il reste que, depuis 1990, les rectifications orthographiques s’affichent avec lenteur et dérangent aussi bien les enseignants que les médias et les éditeurs. Les étymologistes sont scandalisés de voir disparaitre l’empreinte des mots français avec leur histoire et leur ascendance.Quelques observations linguistiques Sans parti pris, nous constatons, dans la brève présentation du contenu des rectifications orthographiques, que, s’il est vrai que celles-ci se voulaient une belle entreprise de simplification et de régularisation par des spécialistes de la langue française dont l’érudition est incontestable, il n’en reste pas moins que les recommandations orthographiques ne sont pas exemptes de quelques faiblesses. En effet, l’uniformité n’est pas parfaite :L’accent circonflexe est maintenu, entre autres, sur les mots où il y a distinction de sens, comme mur ≠ mûr alors que le féminin de mûr n’a pas d’accent (mure), d’où l’asymétrie un abricot mûr, une tomate mure. Il en est de même avec sur ≠ sûr, où le féminin de sûr est sure. Malgré ces quelques cas, nous croyons que la disparition de l’accent circonflexe sur le i et le u (mais pas dans les terminaisons verbales du passé simple) réduira le nombre d’erreurs d’orthographe relatives à ce signe diacritique. Le trait d’union disparait dans boyscout, cassetout, passepartout, passepasse, passetemps, porteclé, portecrayon, portefaix, portefort, portemanteau, portemine, portemonnaie, porteplume, portevoix, vanupied, vatout… mais reste dans casse-cou, chef-d’œuvre, passe-montagne, porte-document, porte-cigarette… Selon les lexicographes, le trait d’union a l’avantage de mettre en lumière la composition d’un mot et d’aider à sa compréhension, mais a aussi l’inconvénient de laisser planer un doute sur chacun de ses composants dans la formation du pluriel. En ce sens, la soudure de certains mots facilite la tâche dans l’accord au pluriel. Chantal Contant explique le pourquoi de la soudure de porteclé, portecrayon, portemanteau, portemine, et de la non-soudure de porte-cigare, porte-couteau, porte-malheur, porte-menu : « il n’a pas été question de modifier d’un coup des milliers de mots de type verbe + nom, car le bouleversement aurait été trop grand. […] Si les rectifications n’ont pas touché au trait d’union de porte-avion, porte-jarretelle, porte-savon, etc., c’est parce que ceux-ci n’existaient que sous la forme avec trait d’union dans tous les dictionnairesNote de bas de page 8. » Malgré cette disparité, l’avantage est que ces termes, avec ou sans trait d’union, ont maintenant un pluriel régularisé. Les formes conjuguées des verbes en -eler ou -eter s’écrivent maintenant avec un accent grave et une consonne simple (au lieu de deux) devant une syllabe contenant un e muet; cependant, persistent des exceptions comme les verbes appeler, jeter et leurs composés. Pourquoi? « Parce qu’ils sont bien implantés dans l’usage » nous dit le Conseil supérieur de la langue française.Laisser-aller, paresse ou mauvaise foi? Aujourd’hui, nombre de professeurs d’université ne se préoccupent guère de mettre en application les rectifications orthographiques, puisque l’orthographe traditionnelle est encore admise. Ils pensent que cela ne concerne que les professeurs des sciences de l’éducation, dont la tâche est de former les nouvelles générations qui auront à apprendre cette nouvelle orthographe; aussi croient-ils qu’il est plus que suffisant d’avoir appris la « vraie » orthographe avec tous ses pièges et difficultés. Se confiner dans des formes orthographiques arbitrairement sélectionnées est l’apanage de ceux qui ne veulent pas suivre l’évolution de la langue. Michel Masson rappelle que « l’orthographe française est une invention relativement récente puisque sa conception coïncide avec la parution du premier dictionnaire de l’Académie française (1694) et, surtout, que cette orthographe s’est constituée ensuite par réformes successives […] de sorte que s’opposer à toute nouvelle réforme, c’est bafouer notre tradition, c’est mutiler la FranceNote de bas de page 9 ».Le rayonnement de la langue Nous ne sommes plus au stade des débats, mais bien de la mise en application. Nombre de personnes ne sont pas au courant de l’existence des rectifications orthographiques. Quant à ceux qui en ont connaissance, certains ne s’en préoccupent point, puisque l’ancienne orthographe cohabite avec la nouvelle orthographe recommandée sans aucune sanction. Nous comprenons que cette flexibilité a cours, indubitablement, pour laisser la nouvelle orthographe s’installer progressivement jusqu’au jour où l’ancienne sera supplantée. Dans tous les cas, il importe que professeurs et enseignants ne pénalisent pas indument les étudiants, puisque l’ancienne graphie aussi bien que la nouvelle sont admises. Les rectifications orthographiques, avec leurs points forts et leurs points faibles, ne peuvent être tenues comme réductrices de la qualité de la langue française. Ce ne sont pas quelque 5000 mots – répertoriés dans le Grand vadémécum de l’orthographe moderne recommandée – touchés par les rectifications, où interviennent six ou sept notions grammaticales, qui défigureront la langue. Accusons plutôt de la défigurer les personnes mêmes qui, au lieu de maitriser la langue écrite dans toutes ses nuances et règles, prétendent la défendre. Sous prétexte de la garder pure, elles en viennent à la fossiliser. Toute réforme orthographique est déstabilisante, et les Rectifications de l’orthographe de 1990 ne le sont pas moins. Pour plusieurs, elles semblent incohérentes et incomplètes. Les fervents des rectifications, notamment les instituteurs, auraient voulu voir plus de changements plutôt que des demi-mesures qui ne contribuent pas, selon eux, à simplifier véritablement l’apprentissage du français écrit. Il est nécessaire qu’ils sachent que les experts veulent d’abord et lentement supprimer les incohérences orthographiques sans ébranler les habitudes graphiques et visuelles des gens instruits, formés selon l’orthographe traditionnelle. Quant aux adversaires, instruits ou non, ils s’identifient à l’orthographe traditionnelle comme à l’habit aristocratique que la nouvelle orthographe souillera. Ils découvriront, malgré eux, qu’il est sage de rechercher les régularités orthographiques dans une perspective évolutive, surtout lorsqu’elles sont bien ancrées dans l’usage. Les pièges inutiles, délectation d’une élite qui a souffert dans l’apprentissage des incongruités orthographiques et qui veut faire souffrir en retour les générations suivantes, sont un gaspillage de temps que les Rectifications éliminent pour permettre un meilleur rayonnement de la langue écrite dans le monde francophone. Des linguistes, des pédagogues, des correcteurs, des instituteurs ont déjà remarqué que les Rectifications ne sont pas essentiellement simplificatrices mais que de nouvelles exceptions ont remplacé d’anciennes. Il va sans dire que, même avec les simplifications orthographiques, il y aura toujours des règles à mémoriser et des exceptions aux règles à retenir, mais dans les deux cas elles seront moins nombreuses qu’auparavant. Vouloir plaire à tout le monde est une entreprise quasi impossible : l’académicien, l’enseignant, le linguiste, le grammairien, le correcteur, le scripteur, chacun a ses attentes. Il y aura toujours des demandeurs de réforme et des ennemis de toute réforme… Et la langue évoluera malgré ou avec les acteurs en présence, comme elle l’a toujours fait depuis la naissance de l’écriture.RemarqueRemarque a La Commission Beslais visait à éliminer de l’orthographe les surcharges et les absurdités.Retour à la remarque aBibliographie, références informatiques et résumé des règles  Disponibles sur demande. Veuillez communiquer avec l’auteur à l’adresse suivante : georges.farid@uqo.ca.RéférencesNote de bas de page 1 Conseil supérieur de la langue française, « Les rectifications de l’orthographe ».Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, « Bulletin officiel hors-série n° 5 du 12 avril 2007 ».Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Hubert Joly, « Les rectifications orthographiques entrent enfin en vigueur » dans La banque des mots, revue semestrielle de terminologie française publiée par le Conseil international de la langue française, n° 77, 2009, p. 20.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Anne Vidalie, « Sa maîtrise demande dix ans d’efforts », L’Express, 18 avril 2005.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Nina Catach, L’orthographe en débat, Paris, Nathan, 1991, p. 77.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Chantal Contant, Grand vadémécum de l’orthographe moderne recommandée, Montréal, De Champlain S. F., 2009, p. 3.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Christine Petit, « Réforme de l’orthographe : les tribulations d’un siècle » dans Le point sur les rectifications de l’orthographe en 2005, le RENOUVO (Réseau pour la nouvelle orthographe du français), 2005, p. 53-55.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Chantal Contant, Grand vadémécum de l’orthographe moderne recommandée, Montréal, De Champlain S. F., 2009, p. 37-38.Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Michel Masson, L’orthographe : guide pratique de la réforme, Paris, Seuil, 1991.Retour à la référence de la note de bas de page 9
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Imbécile – Tu n’en connais pas l’étymologie? – Oui, mais…

Un article sur le fait que l’étymologie des mots n’est pas toujours respectée dans les recommandations de la nouvelle orthographe.
Maurice Rouleau (L’Actualité langagière, volume 7, numéro 3, 2010, page 15) La langue française n’est pas une femme facile : avant de leur dévoiler ses beautés multiples, elle exige de ses soupirants un grand effort, leur tend mille pièges, leur présente de faux amis, les plonge dans l’embarras orthographique, leur fait croire qu’on peut en prendre à son aise avec elle, alors qu’elle exige d’eux un aveugle respect. Mais ceux qui sont enfin acceptés parmi les amoureux élus ont droit à de grandes récompensesNote de bas de page 1. On peut difficilement mieux décrire cette triste réalité : la langue française n’est pas facile, ni à apprendre ni à maîtriser. Mais pourquoi faudrait-il qu’il en soit toujours ainsi? Ne pourrait-on pas chercher à la simplifier pour que son apprentissage soit moins rébarbatif et sa maîtrise mieux assurée? Poser la question, c’est y répondre. D’ailleurs, bien des tentatives ont été faites en ce sens; sans grand succès. La toute dernière, dite « nouvelle orthographe », est publiée par la linguiste Chantal Contant dans le Grand vadémécum de l’orthographe moderne recommandéeNote de bas de page 2. L’auteure y a même ajouté, en sous-titre, Cinq millepattes sur un nénufar. Elle voulait certainement par là exemplifier la réforme. Ce sous-titre me laisse perplexe. Pourquoi avoir mis non pas un, mais cinq millepattes sur le nénuphar? Ainsi formulé, le sous-titre nous porte à croire que seul le trait d’union de mille-pattes a disparu, alors qu’en fait le s final est parti, lui aussi, au singulier. On ne voulait certainement pas laisser entendre au lecteur que les changements apportés sont mineurs, mais il n’est pas interdit de le penser. Quant à nénufar, c’est : « le seul mot avec ph qui est touché par la rectification de la règle F2. Les quelques autres mots de la liste dont le f est préféré au ph sont des cas de “choix” entre deux formes existantes (règle 16)Note de bas de page 3 ». Pourquoi avoir choisi nénufar comme exemple si c’est un cas si unique qu’il faille le préciser? On ne voulait certainement pas insinuer que la réforme ne bousculerait presque pas nos habitudes langagières, mais il n’est pas interdit, ici aussi, de le penser. Tout semble mis en œuvre pour nous faire comprendre que la réforme devrait être acceptée sans trop de résistance. Du moins, c’est une lecture possible. Mais est-ce la bonne? Fort probablement pas. Il est également dit à propos de nénufar que « ce n’est pas pour “écrire phonétiquement, écrire au son” qu’on lui (re)met un f aujourd’hui, mais pour le réconcilier avec ses origines, par respect de son étymologieNote de bas de page 4 » (c’est l’auteur qui souligne). Justifier ainsi la graphie d’un mot a de quoi réjouir tout traducteur médical, pour qui l’étymologie est fondamentale, aussi bien pour connaître la graphie d’un mot que pour en saisir le sens. J’étais presque « vendu à l’idée » que cette réforme allait dans la bonne direction. Mais avant de m’engager plus à fond, j’ai voulu y regarder de plus près et me faire une idée avant de devoir, peut-être, me faire à l’idée… Le coup d’œil que j’y jette n’est pas celui d’un linguiste, ni d’un étymologiste, ni surtout celui d’un puriste, mais bien celui d’un usager, d’un simple usager qui souhaite ardemment voir la langue française se simplifier. Il n’y a pas que le sous-titre du Grand vadémécum qui me laisse songeur, il y a aussi la formulation de l’objectif : éliminer les nombreuses « exceptions qui n’ont plus leur raison d’être ». L’absence de virgule avant le pronom relatif laisse clairement entendre que des exceptions survivront à cette réformeª. Celles qui ne posent pas problème! Or la difficulté d’apprentissage du français vient précisément de l’existence de ces trop nombreuses exceptions. Certaines disparaîtraient, mais pas toutes! Qui va décider que telle exception a toujours sa raison d’être et telle autre, pas? Sur quoi se basera-t-on? Devrons-nous encore faire face à des ukases? Si oui, qu’aurons-nous gagné? Examinons donc plus attentivement certaines rectifications proposées et attardons-nous au rôle qu’on fait jouer à l’étymologieb, pour nous assurer que, comme dans le cas de nénuphar, elle est prise au sérieux.Imbécillité On recommande d’écrire imbécilité, et non plus imbécillité. On veut harmoniser, et avec raison, la graphie des mots de cette famille : imbécillité (1355)c, imbécile (1496) et imbécilement. Quel rôle a donc joué l’étymologie dans cette rectification? L’histoire de la langue nous apprend des choses fort intéressantes. Imbécillité, qui vient du latin imbecillitas, a fait son apparition dans la langue en 1355 et n’a jamais existé sous une autre graphie. Cette dernière respecte donc l’étymologie. L’actuel imbécile, qui est apparu près d’un siècle et demi plus tard et qui vient de imbecillus, s’est écrit, lui aussi, avec deux l. C’est ainsi qu’il apparaissait dans la 4e édition du Dictionnaire de l’Académie. La « graphie imbécille (1508), courante au XVIIe s., se rencontre encore au début du XIXe siècle », nous dit Alain ReyNote de bas de page 5. Aujourd’hui, on ne l’écrit plus qu’avec un seul l, respectant en cela la modification que la 5e édition du Dictionnaire de l’Académie a apportée au mot, sans que l’on sache vraiment pourquoi. Il en fut de même pour imbécillement, auquel l’Académie a décidé, dans la même édition, d’enlever un l. Goncourt a créé imbécillifier, en 1875; Léon Bloy, imbécilliser, en 1888, pour signifier « rendre imbécil(l)e ». À remarquer que ces auteurs ont mis deux l. Serait-ce qu’ils ne savaient pas écrire? Ces deux verbes n’ont pas survécu à l’épreuve du temps, même s’ils comblent un vide dans la langue. Bref, l’étymologie voudrait que tous les mots de la famille s’écrivent avec deux l, mais on recommande d’en n’utiliser qu’un. Dans ce cas-ci, l’étymologie est bafouée.Bonhomie Selon la nouvelle orthographe, ce mot s’écrit avec deux m, car il vient de bonhomme. On veut donc, ici, respecter l’étymologie. En apparence seulement! En effet, dès son apparition dans le Dictionnaire de l’Académie (4e édition, 1762), ce mot ne prenait qu’un m, et il en a toujours été ainsi. Et en cela, il respectait vraiment l’étymologie : homme ne vient-il pas de homo, qui s’écrit avec un seul m? Littré, à la fin du XIXe siècle, connaissant très bien l’origine du mot homme, écrivait dans son dictionnaire : « L’Académie devrait écrire bonhommie par deux m comme on écrit bonhomme, ou écrire home et bonhome, comme l’étymologie l’indique, et comme on faisait dans l’ancienne langue. » On le voit bien, le recours à l’étymologie n’a pas le même sens pour tous. Pourquoi rectifier bonhomie, mais pas homicide et ses proches parents : hominien (1877), hominidé (1845), hominisé (1962), hominisation (1950), hominoïde (1955), qui tirent tous leur origine du latin homo? Faut-il en conclure que bonhomie est plus choquant, à l’œil, que homicide ou, inversement, que hommicide est plus choquant que bonhommie? Que faire du pluriel de bonhomme? Faut-il continuer à écrire bonshommes? On n’en dit rien. Il y a pourtant là un problème sur lequel les spécialistes auraient dû se pencher. En effet, selon le Robert, si bonhomme est adjectif, il fait au pluriel bonhommes, mais s’il est substantif, il fait bonshommes. Cette anomalie a sans doute échappé aux réformateurs.Persifler, persiflage, persifleur On recommande de mettre deux f à persifler ainsi qu’aux autres membres de la famille : persiflage et persifleur, car persifler vient de per-, préfixe à valeur intensive, et de siffler, qui prend deux f. Pourquoi, au XIIe siècle, avoir décidé d’écrire siffler avec deux f, quand, de fait, ce verbe vient du latin sifilare, qui lui n’en prend qu’un? Étymologiquement parlant, c’est la graphie de siffler qui pose problème, pas celle des autres mots qui en dérivent. Mais parce que, à un moment donné de son histoire, on lui a greffé un deuxième f, sans raison apparente, on sent aujourd’hui le besoin d’apporter une rectification supposément étymologique alors que, dans les faits, la vraie étymologie est bafouée.Résonnance On recommande d’écrire dorénavant ce mot avec un seul n. Recommandation pour le moins étonnante, car, dans le Larousse en ligne ou dans le Nouveau Petit Robert, ou NPR, (2010), ne figure que résonanced. Pourtant, avant 1935, ce mot ne s’était jamais écrit autrement qu’avec deux n. La famille était alors composée de résonner, résonnance et résonnant. Pourquoi, dans la 8e édition de son dictionnaire, l’Académie a-t-elle enlevé un n? Certainement pas par respect pour l’étymologie. Il faut savoir que le verbe, qui vient du latin resonare, s’est d’abord écrit resoner, puis resuner, et que ce n’est qu’en 1380 qu’on lui a ajouté un deuxième nNote de bas de page 6. Pour ce qui est de l’harmonisation des mots de la famille, si chère à la nouvelle orthographe (règle F1), harmonie qui existait avant 1935 et qu’on retrouve dans le Littré, on reste sur son appétit : résoNNer, résoNance, résoNant. L’autre façon de faire aurait été de recourir à l’étymologie et d’enlever un n à résonner. Ainsi l’harmonisation aurait été réussie : résoNer, résoNance et résoNant. Mais sans doute était-ce trop demander que de modifier un verbe. Pourtant, on n’a pas hésité à rectifier des familles entières (par exemple celles de grelottement et cachotterie), y compris les verbes, sans raison apparentee. Le choix qu’a fait la nouvelle orthographe crée un problème. Résonant, forme rectifiée, devra obligatoirement coexister avec résonnant, participe présent du verbe résonner. L’usager de la langue devra dorénavant, s’il ne veut pas faire d’erreur, oublier l’étymologie de l’adjectif résonantf, et ne pas oublier que, s’il est utilisé comme participe présent, il faut lui mettre deux n. Et dire qu’on veut simplifier la langue!Teocalli Ce mot d’origine mexicaine vient de teotl (dieu) et de calli (maison). On recommande d’ajouter un accent aigu et d’enlever un l, ce qui donne téocali. Malgré son apparition dans la langue française en 1846, ce mot ne figure pas encore dans le Dictionnaire de l’Académie. La recommandation d’ajouter un accent étonne, car les dictionnaires s’entendent sur sa présence, sauf le Larousse. Le Littré, qui date de la fin du XIXe siècle, l’écrivait déjà avec un accent; le Petit Robert, depuis sa première édition, en 1967, en fait autant. Pour ce qui est du double l, c’est le même scénario. Tous les dictionnaires l’écrivent avec deux l, sauf le Larousse, qui accepte les deux graphies. La nouvelle orthographe décide donc de suivre la recommandation de Nina Catach, membre du groupe d’experts à l’origine du projet des rectifications orthographiques : « choisir un seul l (comme dans Petit Larousse), malgré l’étymologieNote de bas de page 7 ». Le Grand vadémécum sent le besoin de faire appel à une autorité pour justifier le non-respect de l’étymologie. Pourquoi se rallier à celui qui fait bande à part? Pourtant rien ne l’y obligeait.Ballotter On recommande d’écrire ce verbe avec un seul t. L’explication fournieNote de bas de page 8 est fort simple : « Il y avait hésitation sur l’étymologie, et les deux graphies coexistent : dans ce cas, on fixe la graphie en -oter. Avis favorable des travaux des éditions Le Robertg. » Trouver la preuve de cette hésitation sur l’étymologie, dont parle le Grand vadémécum, est une véritable mission impossible. Il n’en est fait mention ni dans le Dictionnaire historique de la langue française ni d’ailleurs dans les dictionnaires de langue actuels. Une seule graphie est rencontrée : ballotter, et cela depuis 1694 (Dictionnaire de l’Académie, 1re édition). Et il en est de même dans le Littré. D’ailleurs même si l’équipe du Robert a formulé un avis favorable à la nouvelle graphie en 1991, elle ne consigne toujours, près de vingt ans plus tard, qu’une seule graphie : ballotter. Serait-ce un oubli?…Pomiculture / pomoculture Pomiculture et pomoculture, qui signifient respectivement « culture des pommiers » et « culture des arbres donnant des fruits à pépins » selon le NPR (2010), ne se trouvent pas dans le Littré, car ces mots sont apparus dans la langue en 1915 et en 1949, respectivement. Ce qui étonne, par contre, c’est l’absence de pomiculture dans la 8e édition (1935) du Dictionnaire de l’Académie et l’absence de pomoculture dans la 9e édition (1985). Le Grand vadémécum nous dit que ces deux mots ne sont pas touchés par la règle F1, car ils viennent du latin pomum (fruit). Pomologie n’est pas, lui non plus, touché par cette règle, car, ajoute le Grand vadémécum, « Il vient du latin pomum et non du nom pomme. » Voilà qui est beaucoup plus convaincant! Mais d’où vient vraiment le mot pomme? De pomum, nous dit le dictionnaire. Il y a alors vraiment de quoi en perdre son latin, au sens propre comme au sens figuré… Nous pourrons donc continuer à écrire pomme, qui s’est écrit pume (1080), puis pome (1155); pommeraie, qui s’est écrit pomeroie (XIIIe siècle); pommier, qui s’est écrit pumier (1080); pommeau, qui s’est écrit pomel, qui lui vient de l’ancien français pom; pommade, qui vient de l’italien pomata, qui lui vient de pomo (fruit). Et tout cela, parce que quelqu’un, sans doute bien intentionné, a décidé, voilà de cela bien des siècles, qu’il serait sans doute plus joli d’ajouter un deuxième m à pome. Et l’harmonisation dans tout cela? Et l’étymologie?Le drame de l’étymologie En décembre 2009, dans une lettre au Devoir intitulée « Le drame du nénufar », Chantal Contant s’épanchait sur le triste sort que l’histoire avait réservé au mot nénuphar. On l’avait affublé d’un ph. Quelle horreur! On avait osé bafouer son étymologie. Il fallait agir : nénuphar doit maintenant s’écrire nénufar! Et de toute urgence, car cet affront remonte à plus d’un demi-siècle, selon l’Académie; depuis le Moyen-Âge, selon le NPR. En déduire que l’étymologie représente, aux yeux des grands réformateurs de la langue, une valeur sûre pour rectifier la graphie de certains mots, il n’y a qu’un pas à faire, et il est vite franchi. Mais qu’en est-il vraiment? J’ai voulu vérifier, car, par déformation professionnelle, je ne tiens rien pour acquis. Force est de reconnaître que les intentions de départ étaient bonnes : simplifier la langue. Force est aussi de reconnaître que le résultat n’est pas toujours à la hauteur des attentes. Leurré par l’emploi de l’étymologie pour justifier la correction de nénuphar, je m’attendais, dans ma candeur, à une approche plus logique, plus systématique du problème. J’attendais une solution qui éliminerait les anomalies. Tel n’est pas le cas. L’étymologie, on la respecte ou on la bafoue. Tout dépend du mot que l’on veut rectifier. Imbécillité, avec ses deux l, respectait l’étymologie : on lui en enlève un. Bonhomie, avec un seul m, respectait l’étymologie : on lui en ajoute un. Persifler, avec un seul f, respectait l’étymologie : on lui en ajoute un. Résonnance, avec deux n, ne respectait pas l’étymologie : on lui en enlève un, mais on ne rectifie pas son étymon résonner. Teocalli, avec deux l, respectait l’étymologie : on lui en enlève un. Ballotter, avec deux t, aurait apparemment une étymologie douteuse : on lui en enlève un. Pomiculture, avec un seul m, respecte l’étymologie : on le laisse inchangé, mais on n’ose intervenir pour rectifier pomme, qui a pourtant le même étymon. Les interventions pourraient paraître à certains aussi aléatoires que celles qui ont donné naissance aux anomalies que l’on veut corriger… Mais disons que c’est un pas, parfois gauche, dans la bonne direction. Des accrocs à l’étymologie, ça ne date pas d’hier, et ils sont nombreux. Le tableau ci-dessous en présente quelques-uns. Ces mots ont subi tantôt une « excision », tantôt une « greffe », sans que l’on puisse justifier l’intervention. Il faut savoir que, même si le français est né à l’oral comme langue du peuple, à l’écrit ce fut, voilà quelques siècles, la langue des scribes, qui y ont ajouté leur touche personnelle. Comme il n’y avait personne à l’époque pour s’y opposer, ces modifications se sont implantées. Comparaison du respect de l’étymologie par le français et l’anglaishMot françaisMot anglaisÉtymon (langue d’origine)agressionaggressionaggressio (lat.)aventureadventureadventura (lat.)carrouselcarouselcarrouselcarosello (ital.)carrousel (franç.)comitécommitteecommittere (lat.)cristalcrystalcrystallis (lat.)dictionnairedictionarydictionarium (lat.)ennemienemyenemi (franç.), de inimicus (lat.)flottilleflotillaflotilla (esp.)galeriegallerygalleria (ital.)girafegiraffegiraffa (ital.)huileoiloleum (lat.)mélancoliemelancholymelancholia (lat.)ornementornamentornamentum (lat.)projetprojectprojectare (lat.)rythmerhythmrhythmus (lat.)Bref, on voulait simplifier la langue. Objectif des plus louable! Il suffit de vouloir enseigner le français à un étranger pour se rendre compte des bizarreries, qui auraient intérêt à disparaître. Par exemple, vous dites, mais vous prédisez, ou encore, vous verrez, mais vous prévoirez, etc. L’effort fait pour simplifier la langue – tel que l’illustre le Grand vadémécum – est louable, mais certaines rectifications laissent l’usager fort perplexe. Compte tenu des nombreuses exceptions qui accompagnent les règles, on peut sans hésitation dire que les dictées de Pivot, que je croyais condamnées à disparaître, n’ont rien à craindre. Il restera suffisamment de difficultés dans la langue, des anciennes comme des nouvelles, pour piéger tout un chacun. Hélas! Et dire qu’on voulait simplifier la langue!…RemarquesJ’étais loin de penser que de nouvelles apparaîtraient. Bien d’autres aspects auraient pu être choisis. Mais j’ai dû me limiter. Datation, selon le Robert. En 1990, le Petit Robert considérait déjà résonnance comme vieilli. Grelotter, grelottement et grelottant deviennent greloter, grelotement et grelotant. Seul le NPR (2010) nous informe que la graphie greloter est admise. Cachotter, cachotterie, cachottier, seules graphies consignées dans le NPR (2010), deviennent cachoter, cachoterie et cachotier. On serait porté à croire que le Grand vadémécum fait du zèle : le verbe cachotter ne figure même plus dans le Dictionnaire de l’Académie (9e éd.), ni dans aucun dictionnaire de langue moderne. Alors pourquoi le rectifier? Du verbe résonner. On désigne par « travaux des éditions Le Robert » l’ouvrage suivant : Rey‑Debove, Josette, et Béatrice Le Beau-Bensa. La réforme de l’orthographe au banc d’essai du Robert, éd. Dictionnaires Le Robert, Paris, 1991. L’anglais s’en est permis, lui aussi, avec l’étymologie. Il suffit de penser à cotton (ital. cotone); example (lat. exemplum); literature (lat. litteratura); syllable (lat. syllaba); fillet (lat. filum), etc.RéférencesNote de bas de page 1 Jean Hamburger, Introduction au langage de la médecine, Flammarion Médecine-Sciences, Paris, 1982, p. 7.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Chantal Contant, Le Grand vadémécum de l’orthographe moderne recommandée. Cinq millepattes sur un nénufar, Éditions De Champlain, S.F., Montréal, 2009.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Ibidem, p. 40.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Ibidem, p. 40.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Dictionnaire historique de la langue française, sous la direction d’Alain Rey, Dictionnaires Le Robert, Paris, 1992, p. 997.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Ibidem, p. 1783.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Grand vadémécum, p. 232.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Ibidem, p. 59.Retour à la référence de la note de bas de page 8
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Réformer sans défigurer

Un article sur le livre de François de Closets, Zéro faute – L’orthographe, une passion française, paru en 2009 aux Éditions Mille et une nuits
André Senécal (L’Actualité langagière, volume 7, numéro 1, 2010, page 21)L’auteur nous présente une recension du livre de François de Closets, Zéro faute – L’orthographe, une passion française, paru en 2009 aux Éditions Mille et une nuits.On ne compte plus les livres sur l’orthographe ou sa réforme. Écrivains et grammairiens se sont succédé, qui pour célébrer, qui pour condamner cette orthographe considérée comme la plus difficile à apprendre. Aussi sommes-nous un peu méfiants de voir un journaliste scientifique n’appartenant pas au sérail naturel des « brillants causeurs » venir nous donner son opinion sur la question. D’entrée de jeu, François de Closets nous avoue que l’orthographe a toujours été sa bête noire. Force est de constater qu’après plus de vingt livres à son actif, les choses semblent s’être tassées. Du même souffle, il nous prévient qu’il préconise une réforme générale de l’orthographe et nous convie ni plus ni moins à la tumultueuse mais néanmoins passionnante histoire de l’orthographe française pour prouver son point de vue. Et de fait, appliquant un raisonnement cartésien implacable qui n’est pas étranger à sa fonction de journaliste scientifique, Closets nous présente les aberrations de notre orthographe dans une démarche historique fort instructive, stimulée par un style des plus alerte. S’il flirte dangereusement avec la notion de « logique » appliquée à la langue, ses démonstrations sont malgré tout fort convaincantes, surtout lorsqu’une bizarrerie lexicale demeure sans justification. La réforme cherche à mettre fin aux aberrations de l’orthographe pour en faciliter l’apprentissage. Certaines réformes ne semblent pas poser problème. Par exemple, en français, la règle prescrit qu’une voyelle surmontée d’un tréma se prononce séparément plutôt que de changer de son en se combinant à une autre voyelle, ce qu’on peut vérifier dans la paire de mots froide/humanoïde. Cependant, dans le féminin des adjectifs terminés par -gu, le tréma surmonte le -e marquant le féminin, mais c’est la voyelle précédente qui se prononce (aiguë, contiguë, exiguë, ambiguë). Une réforme de l’orthographe ramenant le tréma sur la voyelle réellement prononcée ne cassera pas trois pattes à un canard. Mais notre érudit journaliste ne s’en tient pas là : sans prôner ouvertement la phonétisation de l’écriture, il préconise, entre autres, la disparition des vestiges étymologiques des mots (par exemple ph et th venant du grec), sous prétexte que les consonnes qui ne se prononcent pas devraient être éliminées. Il part du principe que si cette déformation de l’orthographe n’oblitère pas le sens, elle n’aura aucun effet sur l’usage. Pourtant, il peut arriver qu’on puisse comprendre le sens d’un mot aperçu pour la première fois si, le cas échéant, il est possible de remonter à ses racines grecques ou latines. Réformer cette particularité pourrait en amener plus d’un à déchirer sa chemise en public. Qu’on soit pour ou contre une réforme généralisée de l’orthographe, les arguments de Closets sont sérieux et difficilement contestables d’un point de vue purement « logique ». Ne serait-ce que le mot même d’« orthographe », qui devrait s’écrire « orthographie », sur le modèle de géographie, photographie ou calligraphie. Est-ce que vous « orthographez » ou orthographiez? Incontestable, vous dis-je. Mais voilà! L’orthographe est une passion française qui a été sacralisée par une élite pour être transmise selon les canons de la rectitude langagière. Pourtant, après l’ordonnance (Closets parle de l’édit…) de Villers-Cotterêts, en 1539, qui établit le français comme langue officielle en France, une effervescence de réformes de l’orthographe se succèdent entre 1650 et 1835 selon les humeurs de l’usage. Ce n’est que vers le milieu du XIXe siècle que s’est figée l’orthographe telle qu’on la connaît aujourd’hui. Les écrivains tiennent le haut du pavé, et l’on s’en remet à leur jugement « éclairé » sur la question. Closets de constater : « Ce n’est pas le savoir, mais la notoriété qui confirme l’autorité. » La dictée devient la voie royale de l’apprentissage de l’orthographe. On excuse quelqu’un de ne pas avoir la « bosse des maths », mais on couvre d’opprobre celui qui ne parvient pas à maîtriser l’orthographe. La honte le guette, si ce n’est la culpabilité caractéristique de la morale judéo-chrétienne. D’ailleurs, ne commet-on pas une « faute » d’orthographe plutôt qu’une erreur? L’orthographe française est une des plus difficiles à maîtriser tant les exceptions (pas toujours justifiées…) sont nombreuses. Il y a d’un côté ceux qui ne veulent absolument pas que l’orthographe subisse l’outrage de quelque réforme que ce soit, de l’autre, ceux qui veulent phonétiser au point d’aligner l’orthographe française sur l’espagnole. Au milieu se trouvent ceux qui proposent une réforme raisonnable et limitée des aberrations les plus criantes. Parmi eux, les linguistes, dont on n’avait jamais sollicité l’avis jusqu’à présent, les écrivains occupant tout le terrain. Par ailleurs, si Maurice Druon vouait aux gémonies toute réforme de l’orthographe, le général de Gaulle, une lame plus que fine dans la maîtrise de la langue française, favorisait discrètement une « rectification ». La dernière réforme de l’orthographe a été publiée au Journal officiel de la République française en 1990. Elle touche plus de 2000 mots et se présente sous la forme de recommandations non obligatoires. À ce jour, plus de 60 % d’entre elles sont passées dans l’usage. François de Closets aborde aussi la « menace » que représenteraient les SMS, ces minimessages d’écrans d’appareils mobiles (téléphones cellulaires, par exemple), pour la dégradation de l’orthographe. Selon lui, il n’y a pas péril en la demeure, car ces minimessages servent à transmettre une parole à la volée et non un texte à proprement parler, des contraintes d’espace et de tarif expliquant cette façon d’écrire. D’ailleurs, les auteurs de ces messages reprennent une orthographe plus conforme aux règles lorsqu’ils rédigent normalement un texte. Au vu des nombreuses références et des personnages historiques et politiques cités, un index aurait été très utile. Closets nous présente de façon captivante les péripéties de l’orthographe française tout en prêchant pour sa paroisse. Mais il reconnaît, comme François Mitterrand, qu’il faut « donner du temps au temps ». Enfin, l’auteur conclut en nous invitant à « aimer notre langue comme il convient : avec passion pour le français, avec raison pour l’orthographe ».
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
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De la graphie du mot professionnèle

Un article sur le terme professionnèle proposé pour englober le masculin et le féminin.
(L’Actualité terminologique, volume 32, numéro 2, 1999, page 16) La présence de plus en plus marquée des femmes dans toutes les sphères de l’activité humaine est un fait de société avec lequel il faut désormais compter et qui soulève la question de la féminisation des textes et des titres de fonctions. Au sein même de la fonction publique fédérale, l’avènement de la Norme générale de classification a donné lieu à la féminisation de tous les titres de postes (voir à ce sujet l’entrevue avec M. Pierrot Lambert publiée dans le numéro 31,3 de L’Actualité terminologique). La féminisation, on le sait, est la source de nombreux débats. Songeons seulement à la polémique, largement médiatisée de part et d’autre de l’Atlantique, qu’a suscitée il n’y a pas si longtemps le vocable madame la ministre. Plus près de nous, la décision d’une composante de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) d’opter pour l’appellation Fédération des professionnèles (professionnèles englobant le masculin et le féminin) a également fait couler beaucoup d’encre au Québec ces derniers mois. Cette « audace linguistique », il va sans dire, ne reçoit pas l’assentiment général. L’Actualité terminologique vous présente le point de vue divergent de deux spécialistes : celui de Marie-Éva de Villers, directrice de la qualité de la communication à l’École des HEC, auteure du Multidictionnaire de la langue française et de La Grammaire en tableaux, et celui de Céline Labrosse, linguiste-chercheure au Centre de recherche et d’enseignement sur les femmes de l’Université McGill. Les articles que nous vous proposons sont reproduits avec l’aimable autorisation de La Presse.Un manque de respect Marie-Éva de VillersFaisant fi de l’opposition des membres du Syndicat des professeurs et professeures de l’Université du Québec à Montréal (SPUQ) qui lui est affilié, une fédération de la CSN vient d’adopter une désignation saugrenue, la Fédération des professionnèles. Dans son éditorial du 8 décembre, Pierre Gravel a dénoncé à juste titre ce néologisme douteux qui dénote un manque de respect et beaucoup de désinvolture aussi bien à l’égard des membres de la Fédération et particulièrement des professeurs de l’UQAM qui se sont clairement prononcés contre ce choix que de l’ensemble de la population. Dans un avis que m’a demandé le SPUQ afin d’étayer son opposition à l’adoption du nom professionnèle, voici ce que j’écrivais le 14 septembre 1998 : « On peut se demander s’il est opportun qu’une fédération de syndicats prenne l’initiative de créer un tel néologisme, à la forme très audacieuse de surcroît, pour ses besoins propres. Il est permis d’en douter et de craindre que cette décision soit très controversée, aussi bien auprès des membres du syndicat que de la population. Ce choix risqué pourrait nuire à la cause de la désexisation des textes. […] L’innovation préconisée à titre de dénomination, soit le mot professionnèle, est de nature à heurter la conscience linguistique des Québécois, même si ceux-ci se sont révélés particulièrement réceptifs en matière de féminisation des titres et d’adoption de néologismes. » Afin d’alléger son nom, la Fédération était à la recherche d’une appellation épicène. Fort bien, on ne peut que l’en féliciter. Le titre épicène est en effet économique, car il peut servir aussi bien de titre féminin que de titre masculin (ex. : un ou une architecte) et permet d’éviter le dédoublement – toujours très lourd – et la troncation, fastidieuse autant que déconseillée (ex. : salarié-e-s). J’avais alors proposé les désignations de spécialiste ou le néologisme membre de professions intellectuelles dont les formes sont épicènes. La désignation de la Fédération aurait pu se lire ainsi : « Fédération des membres de profession intellectuelle du Québec » ou encore « Fédération des spécialistes du Québec ». La Fédération aurait pu profiter de l’occasion pour corriger son nom en se débarrassant d’un anglicisme, le terme professionnel, pour désigner un membre d’une profession libérale et, par extension, d’une profession intellectuelle. Dans un avis de recommandation publié à la Gazette officielle du Québec, le 28 avril 1990, l’Office de la langue française souligne que « le terme professionnel utilisé pour désigner une personne dont les études supérieures lui permettent d’exercer, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une activité à caractère intellectuel ou technique est un anglicisme. […] On doit lui préférer le terme spécialiste. » Dans sa réplique à l’éditorial de M. Gravel, publiée le 14 décembre dans La Presse, Michel Tremblay, président de la nouvelle Fédération des professionnèles – CSN, semble indiquer que le choix du nom professionnèle permet d’éviter un anglicisme. La modification fantaisiste de l’orthographe d’un mot n’en fait pas une forme lexicale française. […] Selon son président, la Fédération de la CSN se dit fière d’avoir innové en adoptant cette désignation avant-gardiste. Si l’on suit cette logique, nous pourrions assister bientôt à la création généralisée de formes épicènes pour tous les titres qui ont le tort de comporter des formes différentes au masculin et au féminin. Comme les noms de métiers ou de fonctions ont très majoritairement des formes distinctes selon le genre, la quasi-totalité des désignations serait à revoir! La Presse, 19 décembre 1998 Le mot « professionnèle » va à contre-courant de la « grammatocratie »Céline Labrosse Le précédent créé par l’innovation « professionnèles » appelle quelques éclaircissements qui répondront, je l’espère, aux interrogations soulevées récemment en ces pages (Pierre Gravel, 8 décembre; Marie-Éva de Villers, 19 décembre), autant en ce qui a trait à l’aspect linguistique de la question qu’à la légitimité de membres d’une fédération de syndicats d’innover dans leur dénomination. Le président de la Fédération des professionnèles – CSN, Michel Tremblay, a rappelé le cheminement qu’a suivi la dénomination de cette fédération depuis sa création en 1964 (La Presse, 14 décembre 1998) et les multiples alternatives qui ont été envisagées au fil des ans pour substituer à la Fédération des professionnelles et professionnels salarié-e-s et des cadres du Québec (FPPSCQ) une appellation plus représentative de la composition variée de ses membres. Avant d’adopter leur nouvelle dénomination, les membres de la FPPSCQ ont pris connaissance de l’avis de l’Office de la langue française (OLF) mentionnant que le terme professionnel, professionnelle, dans l’une des acceptions en usage à la FPPSCQ, est un anglicisme. Or, daté du 28 avril 1990, cet avis apparaît aujourd’hui désuet; l’expansion qu’a suivie ce mot au cours des dernières années en fait la preuve. En effet, le nom professionnel, professionnelle, maintenant généralisé dans la fonction publique québécoise, a aussi fait son entrée dans la littérature francophone européenne. En outre, le Multidictionnaire des difficultés de la langue française, qui attribuait la marque « anglicisme », en 1988, au sens de « personne qui exerce une profession libérale », a fait disparaître cette réserve dans ses éditions subséquentes (1992, 1997). « Une professionnelle de la comptabilité » est devenu un énoncé tout à fait « français ». On s’étonnera donc de ce que l’auteure de ce multidictionnaire, Marie-Éva de Villers, dans l’avis qu’elle a remis à la FPPSCQ, condamne professionnel, professionnelle comme étant un anglicisme… alors que ce n’en est plus un dans son propre ouvrage! Ses suggestions d’appellations « plus françaises » (Fédération des spécialistes, Fédération des travailleuses et des travailleurs intellectuels et Fédération des membres de profession intellectuelle) n’ont par ailleurs retenu l’attention d’aucun des syndicats. C’est alors que la FPPSCQ a opté pour la voie de l’innovation langagière, en tenant compte des tendances en français moderne. La convergence vers des formes communes en genre pour certains types de finales est sans doute la plus marquante d’entre elles. Ainsi, les noms féminins en -esse (jugesse, capitainesse, poétesse, etc.), pourtant réguliers aux siècles antérieurs, sont-ils devenus peu à peu juge, capitaine, poète. C’est aujourd’hui le déterminant qui indique s’il s’agit d’une ou un juge, d’une ou un poète, etc. De la même façon, une multitude d’adjectifs homophones qui se dédoublaient en genre auparavant (unic, unique; perplex, perplexe; sal, salle; fix, fixe; sublim, sublime; etc.) ont-ils emprunté une forme commune au fil du temps : unique, perplexe, sale, fixe, sublime. Quelle simplification! Dans cette perspective, un procédé similaire pouvait être mis en œuvre afin que les homophones professionnelle, professionnel puissent à leur tour emprunter une forme commune, à l’instar d’ailleurs de plus de 35 % des noms français. Voilà qu’était créé un, une professionnèle sur le modèle de un, une fidèle. Cette graphie – nettement simplifiée – aurait vraisemblablement eu des chances de s’imposer aux siècles derniers, n’eût été de la philosophie élitiste prédominante à l’ère de l’invention du « bon » usage. Au 17e siècle, l’Académie française a en effet « choisi non pas l’usage nouveau et simple, que permettaient en particulier les accents », mais elle a préféré s’inspirer de la tradition orthographique savante afin de « distinguer les gens de lettres d’avec les ignorants et les simples femmes » (Commission Beslais, 1965). Ainsi, plutôt qu’une uniformisation des formes en -èle, avons-nous hérité de quatre graphies pour les noms de personnes et les adjectifs : rebelle; frêle; parallèle; naturel, naturelle. Les innovations langagières, dont fait partie professionnèle, sous-tendent qu’il appartient à la langue, et conséquemment à son orthographe conventionnée, de suivre l’évolution de la société. En ce sens, professionnèle s’inscrit à contre-courant de la « grammatocratie », cette ligne de pensée qui soutient au contraire que les communautés, pourtant continuellement en évolution, doivent se conformer à une grammaire immobiliste, rigide, voire sclérosée, où toute variation est perçue comme une menace à l’intégrité de la langue. On pourra assurément se surprendre qu’une fédération de syndicats intervienne de cette façon dans le domaine du langage. L’histoire sinueuse de l’orthographe française indique cependant qu’il pouvait difficilement en être autrement. D’une part, le gouvernement du Québec ne se reconnaît pas d’autorité en matière d’orthographe : avant toute mise en œuvre de modifications, il désire s’assurer qu’elles « seront aussi appliquées formellement en France » (Avis du Conseil de la langue française sur Les modifications de l’orthographe du français, 1991). D’autre part, en France, les spécialistes de la question concèdent unanimement que l’orthographe française a cessé d’évoluer – outre quelques points de détail – en 1835. Depuis cette date, plusieurs projets de réforme modérés et étapistes ont vu le jour, mais toutes les tentatives pour les implanter ont échoué. Depuis 1900, l’État français et l’Académie se renvoient la balle pour prendre des initiatives. En vain. Ce qui a amené une experte de l’orthographe à conclure que, désormais, le renouvellement de la langue française ne pourra se faire que par l’usage, par la base. « Prenons des initiatives », a alors écrit Nina Catach. Les mouvements de la base – le succès des titres féminins en offre le témoignage – implantent efficacement les nouvelles formes dans leur milieu, puis les propagent peu à peu dans leur communauté. Ainsi la langue française peut-elle espérer continuer à évoluer. Aujourd’hui, les professionnèles de la CSN ont donc toutes les raisons de se réjouir : leur audace, leur esprit d’innovation et leur regard visionnaire font de leur Fédération le premier groupe à apporter une modification orthographique significative depuis 1835, et la toute première centrale syndicale, dans l’histoire de la langue française, à innover dans cette voie. Le dynamisme et le leadership du Québec dans le domaine de la désexisation du langage se trouvent ici, et à nouveau, confirmés. La Presse, 9 janvier 1999
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
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