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Mots de tête : « tous et chacun »

Un article sur l’expression tous et chacun
Frèdelin Leroux fils (L’Actualité terminologique, volume 17, numéro 4, 1984, page 11) Mourir épuisé par la lutte, c’est graver son nom sur l’espoir de tous et chacunNote de bas de page 1. Si je vous disais que cette phrase est d’un grand écrivain, y trouveriez-vous à redire? Mais si je vous glissais dans le creux de l’oreille qu’elle est d’un romancier québécois, à peu près inconnu, je me demande si vous ne commenceriez pas à la regarder de travers. Et, avec un peu de bonne (!) volonté, vous en viendriez peut-être même à lui trouver des airs de famille avec une certaine expression anglaise… Lors de mon passage aux Débats, Mlle de Buisseret m’avait mis en garde contre « tous et chacun », qualifiant ce tour de solécisme. Mais dans son Guide du traducteur, elle le classe parmi les « calques ou fausses Françaises ». Et pourtant, d’après ses explications, il s’agirait plutôt d’un archaïsme : « tous et chacun de nos concitoyens doivent faire leur part (cette tournure, qui existait en France aux siècles précédents, est aujourd’hui désuète)Note de bas de page 2 ». Pour Geneviève Gilliot, qui trouve que « l’un des deux suffitNote de bas de page 3 », c’est un pléonasme. Mais pour nos virtuoses de la tribune, c’est une expression quasi irremplaçable. Existe-t-il un homme politique québécois capable de faire un discours sans la glisser quelque part? de préférence dans sa préroraison? Que ce soit un pléonasme, je veux bien. Mais utile. À employer à bon escient. À ne pas mettre à toutes les sauces. D’accord. Mais à ne pas écarter systématiquement non plus. Solécisme? J’en doute. Calque de l’anglais? C’est peu probable. Archaïsme? On la rencontre chez des écrivains contemporains, et pas des moindres. À commencer par Romain Rolland, prix Nobel :Je ne sais quelle pression extérieure semblait pousser chacun et tous à parlerNote de bas de page 4… Cette citation est de Tagore, vraisemblablement traduite par Rolland. Celle-ci est de Rolland lui-même :Mais le guru Gandhi n’a lancé que cet unique appel, à chacun et à tousNote de bas de page 5… Les deux suivantes sont d’André Gide :(…) ce qui m’amène à me méfier de tous et de chacunNote de bas de page 6.Et quand on a bu à la santé de tous et de chacunNote de bas de page 7… (On aura remarqué la répétition de la préposition.) L’auteur bien connu de Parlez-vous franglais? l’emploie à deux reprises dans une étude sur Confucius. Étiemble cite d’abord la Grande Étude de Tseng Tse (dans sa propre traduction?) :Depuis le Fils du Ciel et jusqu’aux petits sires, tous et chacun doivent avoirNote de bas de page 8… Un peu plus loin, il écrit, en paraphrasant Confucius :(…) que le tien et le mien soient oubliés de tous et de chacunNote de bas de page 9… Plus près de nous, un grand journaliste, François de Closets :La santé pour tous et pour chacunNote de bas de page 10. Un homme politique, feu Pierre Mendès France :(…) choix conforme aux intérêts de tous et de chacunNote de bas de page 11. Un auteur de romans policiers, A.D.G., apporte une variante un peu particulière :Si vous me racontez des blagues, ça risque d’être votre fête à tous et chacun son tourNote de bas de page 12! Le regretté Romain Gary (alias Émile Ajar) l’écrit trois fois dans le même ouvrage :(…) s’était mis à expliquer à tous et chacunNote de bas de page 13…Les deux autres sont de la même facture. La plus ancienne de ces citations, celle de Romain Rolland, date de 1924. La plus récente, de 1974. Et je viens de relever deux nouveaux exemples dans le MondeNote de bas de page 14 des 4 et 5 février 1983. C’est dire que notre tournure est encore bien vivante. Et qu’elle l’est restée depuis bientôt deux siècles. En effet, d’après Ferdinand Brunot, c’est au temps de la Révolution qu’elle aurait fait son apparition :On sait comment chaque et chacun arrivent à avoir un sens voisin de tous. Tous d’une part, chacun pour son compte, d’où l’expression tous et chacun. On la trouve dans les cahiers [de doléances du bailliage de Reims] en fonction d’adjectif numéral : « la prospérité du royaume et celle de « tous et chacun » les sujets de votre Majesté »Note de bas de page 15. La citation remonte à 1789. Enfin, il y a au moins un dictionnaire qui enregistre cette locution, le Harrap. Dans la partie français-anglais, on la trouve à chacun : « pour chacun et pour tous – for each and everyone ». Et dans la partie anglais-français, à sundry : « for all and sundry – pour chacun et pour tous ». En aussi bonne compagnie, y a-t-il lieu de se faire scrupule de l’employer? Ce serait se priver d’un effet non négligeable. Faites-en l’essai, plutôt. Retirez-vous dans votre gueuloir (comme faisait Flaubert), lisez ces phrases à haute voix, ensuite supprimez l’un ou l’autre élément, et prononcez de nouveau à haute voix. Vous ne trouvez pas qu’il manque quelque chose? C.Q.F.D.RéférencesNote de bas de page 1 Gilles Raymond, Pour sortir de nos cages, Édition : Les Gens d’En Bas, Montréal, 1979, p. 8.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Irène de Buisseret, Guide du traducteur, A.T.I.O., Ottawa, 1972, p. 35.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Geneviève Gilliot, Ce que parler veut dire, Leméac, Montréal, 1974, p. 40.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Romain Rolland, Mahatma Gandhi, Stock, 1924, p. 124. (Le texte de Tagore date de 1921.)Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Ibid., p. 126.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 André Gide, Voyage au Congo, Gallimard, coll. « Idées », 1981, p. 29. (Paru en 1927.)Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 ~, Retour de l’U.R.S.S., Gallimard, coll. « Idées », 1978, p. 56. (Paru en 1936.)Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 René Étiemble, Confucius, Gallimard, coll. « Idées », 1966, p. 156. (Paru en 1956.)Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Ibid., p. 146.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 François de Closets, En danger de progrès, Gallimard, coll. « Idées », 1972, p. 289.Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11 Pierre Mendès France et Gabriel Ardant, Science économique et lucidité politique, Gallimard, coll. « Idées », 1973, p. 198.Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12 A.D.G., Berry Story, Gallimard, « Série noire », 1973, p. 73.Retour à la référence de la note de bas de page 12Note de bas de page 13 Romain Gary (Émile Ajar), Gros-Câlin, Mercure de France (1974), coll. « Folio », 1977, p. 55. (Voir aussi p. 105 et 131.)Retour à la référence de la note de bas de page 13Note de bas de page 14 Jean Viguié, Le Monde, 4 et 5 février 1983.Retour à la référence de la note de bas de page 14Note de bas de page 15 Ferdinand Brunot, Histoire de la langue française, tome X, 1re partie, Librairie Armand Colin, 1968, p. 493-494.Retour à la référence de la note de bas de page 15
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
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Plus important,…

Un article sur l’expression plus important en début de phrase,
Jacques Desrosiers (L’Actualité terminologique, volume 32, numéro 3, 1999, page 25) Normalement les adjectifs se rapportent à un nom ou à un pronom, mais on rencontre assez souvent de ces phrases commençant par un adjectif au comparatif, suivi d’une virgule ou des deux points, qui ne se rapporte à rien dans la phrase : Plus important, les transactions ne se feront plus à la Bourse de Vancouver. Plus remarquable : les troupes canadiennes ont atteint la ville de… Plus grave encore, le produit pourrait être responsable de mortelles overdoses. La tournure n’est pas tout à fait nouvelle. André Goosse, qui semble la cautionner, citait déjà cet exemple d’E. Le Roy Ladurie dans l’édition de 1988 du Bon usage : « Plus précis encore, les petits enfants de la ville, à l’heure du massacre final… brandissent les brandons » (Carnaval de Romans). La phrase laisse un peu à désirer : on hésite, on se demande si précis renvoie à enfants ou à toute la phrase. C’est que les noms attirent les adjectifs comme des aimants. Dans nos exemples, toutefois, il est clair qu’important, remarquable et grave s’appuient sur toute la phrase qui suit, un peu à la manière d’un adverbe comme heureusement dans : Heureusement, le patron n’était pas là. Depuis un an ou deux le tour se propage et chaque fois, malgré Goosse, on ne peut s’empêcher de tiquer : il a un côté pressé, quelque chose de bancal; on devine, derrière, une impatience plus ou moins justifiée devant tous les éléments qu’exigerait un français surveillé : Facteur plus important, les transactions ne se feront plus à la Bourse de Vancouver. Fait plus remarquable, les troupes canadiennes ont atteint la ville de… Là on sent que la phrase est plus solide, mieux assise. Ces appositions classiques sont d’ailleurs si simples et nous sont si familières (penser aussi à détail amusant, fait curieux, dernier point à signaler, autre aspect non négligeable, etc.) qu’on peut s’étonner que certains commencent à les trouver encombrantes. Le tour est courant en anglais : « More important, NATO’s leaders insisted that their forces fight a measured campaign… », lit-on dans un numéro récent de Maclean’s. Il est rendu littéralement dans cette traduction tirée d’un rapport publié par un organisme international au printemps dernier : « Mais seulement 100 000 réfugiés, moins de la moitié du nombre escompté, sont rentrés. Plus inquiétant encore, seuls 30 000 d’entre eux ont pu retourner dans des régions à présent dominées par un autre groupe ethnique. » La version anglaise, qui est sans aucun doute l’originale parce qu’elle contient un peu plus d’information…, dit : « But only 100,000 refugees, less than half the official target, went home. More worrying still, during this period only 30,000 people – refugees and internally displaced persons – returned to their old homes in areas which are now controlled by a different ethnic group. » S’agit-il d’un calque? Peut-être, mais le calque n’est pas un péché mortel, la langue en regorge. De plus, il n’explique pas tout, parce que le français le plus correct connaît déjà deux tours semblables, ceux avec les comparatifs mieux et pis, comme dans : Je trouve l’idée très intéressante; mieux, je suis prêt à vous financer, et dans cette phrase de Marguerite Yourcenar : « Pis encore, elle était peureuse » (Souvenirs pieux, cité par Goosse). Mieux et pis sont au départ des adverbes. Dans ces exemples, ils remplaceraient par ellipse qui mieux est et qui pis est, locutions figées qui proviennent elles-mêmes de ce qui est mieux (ou chose qui est mieux) et de ce qui est pis. Or, dans ces locutions, selon certains ouvrages, les deux adverbes sont employés adjectivement : et comme les adjectifs doivent se rapporter à un nom ou à un pronom, mieux dans un tour comme ce qui est mieux serait l’attribut de ce. Mais qu’en est-il quand mieux et pis sont employés seuls comme dans les deux exemples du paragraphe précédent? Restent-ils adverbes ou sont-ils adjectifs? La réponse varie dans les ouvrages. Si on les considère comme des adjectifs, je suppose qu’on dira qu’ils sont les attributs d’un pronom ce sous-entendu. Ensuite on pourrait appliquer la même logique aux autres adjectifs, pour conclure que plus important est construit de la même manière que mieux et pis : important y serait tout simplement l’attribut du ce sous-entendu de ce qui est plus important. Mais l’analyse est un peu tirée par les cheveux, et on reste mal à l’aise devant ces plus important, plus inquiétant, qui passent mal, qui donnent l’impression d’être suspendus en l’air au début de la phrase. On peut expliquer cette gêne de deux façons. D’abord, ces emplois de mieux et de pis sont des tours figés de la langue, ce qui n’est pas le cas des autres adjectifs au comparatif. Mais surtout, le fait qu’ils soient d’abord des adverbes leur facilite la tâche : isolés dans une incise au début de la phrase, ils ressemblent moins à des adjectifs qui se rapporteraient à un invisible pronom, qu’à des adverbes modifiant la phrase entière qui les suit et qui est leur véritable support. La nature adverbiale de mieux et de pis leur donne en quelque sorte le physique de l’emploi pour jouer ce rôle en tête de phrase. Ils retrouvent leur nature véritable, et même si on persiste à les considérer comme adjectifs dans cette construction, il reste que ce ne sont pas proprement des adjectifs, mais des adverbes employés comme adjectifs. Le seul véritable contre-exemple, à ma connaissance, est pire. Celui-là est un pur adjectif. Il est le comparatif de supériorité de l’adjectif mauvais, tandis que pis est le comparatif de supériorité de l’adverbe mal. Il ne peut d’ailleurs jamais, d’après les linguistes, qui sont catégoriques là-dessus, être employé comme adverbe. « Pire, qui joue surtout un rôle d’adjectif, peut servir de nom, mais jamais d’adverbe », écrit Jean-Paul Colin. Or pire et pis se livrent la concurrence en tête de phrase depuis longtemps. Simone de Beauvoir écrivait déjà dans les Mémoires d’une jeune fille rangée : « Ils me méprisaient; pire, ils m’ignoraient » (cité par Goosse). Marcel Aymé, dans Le vin de Paris : « Bien pire, je vois venir le jour qu’en haine de mon auréole elle maudira le nom de Celui qui me l’a donnée » (cité par Hanse). C’est un tour bien ancré dans l’usage. Or Hanse le juge fautif. Cette condamnation est étonnante, mais peu importe, ce qu’il est intéressant de noter est qu’il attribue la faute au fait qu’Aymé emploie un adjectif là où on attendrait un adverbe, c’est-à-dire pis. Hanse considère donc que mieux et pis restent des adverbes dans ces constructions. Doit-on alors penser que Beauvoir et Aymé ont employé pire au lieu de pis pour le plaisir d’employer un adjectif au lieu d’un adverbe? Bien sûr que non. Si Beauvoir avait voulu dire : « Mieux, ils m’ignoraient », elle n’aurait pas écrit : « Meilleur, ils m’ignoraient. » Ces écrivains préfèrent pire parce que, comme beaucoup de locuteurs, ils ressentent pis comme vieilli. J’ai l’impression que l’usage a enfreint la règle des linguistes et en est venu à employer pire comme adverbe dans cet emploi. Cette défaveur de pis – attribuée par Dupré à son homonymie saugrenue avec la tétine des bêtes laitières – est d’ailleurs générale. Comme adverbe, le mot ne reste vivant que dans quelques expressions comme tant pis, aller de mal en pis ou au pis aller, encore que même dans ces deux cas l’usage courant, du moins au Canada, préfère de loin aller de mal en pire et au pire aller. Pire est donc un cas très particulier. Il a finalement plus d’affinités avec des adverbes au comparatif, comme plus généralement, qu’avec des adjectifs comme plus important, plus grave, etc. Il est possible que ces tournures finissent par s’implanter, mais elles semblent encore irrégulières. Ceux qui ne peuvent vraiment plus supporter des incises comme facteur plus important, question plus sérieuse, ce qui est plus grave, etc., mais veulent quand même garder l’adjectif bien en vue au début de la phrase, peuvent recourir à une simple inversion, comme dans cette dépêche de l’AFP : « Encore plus inquiétante pour M. Colville est la présence d’un grand nombre de projectiles largués par l’OTAN et qui n’ont pas explosé » (18-6-1999). C’est ce que fait aussi le journaliste du Monde qui écrit : « Plus étonnant est que l’action de Pierre Bunel ait été portée à la connaissance des juges et de l’opinion publique » (4-11-1998), où l’adjectif étonnant se rapporte au mot sous-entendu fait (plus étonnant est le fait que l’action…). Un collègue plus pressé aurait écrit : « Plus étonnant, l’action de Pierre Bunel a été portée à la connaissance des juges. » Il faudra que l’usage soit beaucoup plus convaincant pour qu’on ne sente plus le manque d’étoffement dans ce genre de phrase.
Source : Chroniques de langue (la langue française vue par des langagiers)
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