réception juridique

  1. Lorsqu’ils emploient le mot réception en parlant, par exemple, d’un système de droit ou d’un droit quelconque, les juristes évoquent l’ensemble des moyens dont dispose un État pour manifester expressément son acceptation de ce système ou de ces règles de droit pour permettre son entrée dans ce qu’on appelle l’ordre juridique national ou interne.

    Par exemple, s’il est question de la réception du droit communautaire par les droits nationaux, il y aura lieu de comprendre par le mot réception l’ensemble des moyens dont disposent les autorités étatiques membres des Communautés européennes pour concrétiser leur acceptation du droit communautaire et permettre leur adhésion à l’ordre juridique interne.

    Chaque fois qu’il se produit importation – même forcée – d’un système juridique extérieur, on peut parler de réception, forme d’introduction d’un droit étranger dans un droit national ou interne, aboutissant, règle générale, à une superposition de droits. L’exemple parfait étant, s’agissant des systèmes juridiques africains, la réception des systèmes de droit des pays colonisateurs par les colonies. Territoire partagé entre Britanniques et Français après la défaite allemande de 1918, le Cameroun devient un terrain d’élection de la réception de droits étrangers. Le colonisateur transplante littéralement son propre droit dans ses colonies à une date précise, qui est la date de réception du droit externe. Elle marque le point de départ d’un développement relativement autonome du système juridique de la colonie.

  2. Cette réception s’opère, naturellement, sous des conditions. Ainsi, la primauté et l’effet direct constituent les deux conditions de la réception du droit communautaire par les droits nationaux. L’objet de la réception peut consister en des normes, en des règles, en des notions, en des théories, en des thèses, en des doctrines.

    Règle générale, la réception juridique emprunte trois voies pour pénétrer dans le droit interne d’un État. La voie législative est le chemin privilégié pour assurer la pérennité de l’entrée dans l’espace juridique interne. La voie normative consiste en l’établissement d’une norme interne qui permet l’application de la norme externe. La voie juridictionnelle est préférée lorsque le juge interne constate le bien-fondé de l’application de la norme externe en tant que telle.

    Il convient d’ajouter que la réception s’effectue aussi par la voie de l’emprunt, cas des États indépendants. Un pays empruntera au droit externe certaines institutions; on verra dans cet emprunt une forme de réception.

  3. La réception est souvent l’œuvre des guerres d’expansion. L’influence du conquérant s’exerce notamment au sein du système de droit de la nation vaincue : la réception du système juridique du vainqueur se fait alors tout naturellement. Il en est de même dans tous les cas d’occupation de longue durée d’un pays par une force étrangère. Au fur et à mesure que s’implante la force armée extérieure, la réception de son droit se produit par la diffusion. Il y a à ce moment de l’histoire du pays réception de normes, de règles, de principes fondamentaux, de règles de procédure, d’une terminologie juridique qui conduit dans sa foulée irrésistible à une réception d’ordres juridiques et jurilinguistiques. Des principes de common law, par exemple, viendront nourrir des droits africains et des institutions juridiques de droit civil français s’intégreront parmi celles d’autres droits africains, allant même, parfois, jusqu’à les supplanter.

    La réception pourra également s’effectuer par adaptation des institutions transférées. Le Code civil du Congo présente une parenté certaine avec le Code civil français par suite d’une réception adaptée.

  4. Des juristes estiment que la réception des droits exclut les influences coloniales puisqu’elle serait le fait d’États indépendants. Lorsqu’un État accède à l’indépendance, il fait rarement table rase du système juridique que lui lègue le colonisateur. On part alors d’une réception globale dans la continuité et elle est immédiatement contemporaine à la déclaration d’indépendance.

    Avec le temps, le droit de l’État indépendant est modifié sans que disparaisse pour autant le phénomène de réception. Les réceptions sont dorénavant partielles et elles se présentent tant dans la continuité qu’au cœur du changement politique. Réception partielle dans la continuité, réception partielle dans le changement. La réception peut être constante. « La réception constante de la définition du droit administratif jusqu’à nos jours témoigne de l’emprise de ses orientations originelles. »

  5. La doctrine, les autorités publiques et les juges sont considérés comme les intercesseurs de la réception. Dans le cas du comportement des États issus du système colonial avec le transfert massif du système de droit des anciens, dont la France et le Royaume Uni constituent le type même des États colonisateurs, la notion contraire serait la réception mimétique.
  6. La réception juridique évoque l’adaptation générale par un État nouvellement créé ou devenu récemment indépendant (d’un pays en (voie de) développement par exemple) d’un code, d’un ensemble de règles de droit, de notions et de concepts. À cet égard, plus qu’une notion, la réception est un phénomène. Elle renvoie à une refonte complète ou partielle d’un système de droit par le jeu de l’influence exercée par un autre État (souvent l’État colonial). Réception par la Turquie du Code civil suisse en 1926.

    Il reste que la réception est une importation des principes juridiques, la réforme, ni plus ni moins, du droit public ou privé d’un pays. De ce fait, elle constitue l’intégration d’une norme étrangère dans un contexte entièrement différent.

  7. La réception juridique est également un mouvement en ce sens que son processus d’intégration est progressif, graduel. Elle ne s’opère pas d’un coup, du jour au lendemain, mais elle se manifeste sur une longue période de temps. Elle ne triomphe pas immédiatement ni sans difficultés de tous ordres (politiques, pratiques, sociaux, économiques, coutumiers, jurisprudentiels), mais elle s’accomplit dans le cadre d’une tradition évolutive et par l’action résolue des classes dirigeantes et politiques.
  8. Elle se produit aussi par l’action de phénomènes de pénétration des courants réformistes du droit moderne animés par des juristes activistes et éclairés. Elle se fait institutionnellement et se réalise pratiquement, tout en marquant une rupture avec un droit ancien, avec des coutumes, avec des traditions, avec des usages bien ancrés.
  9. Bref, la réception est une notion réciproque qui s’apprécie dans un double sens. Il convient d’envisager les changements qu’elle produit dans le droit récepteur et d’apprécier les modifications qu’elle entraîne sur le droit reçu. Elle est contrastée quand des difficultés surgissent dans l’assimilation de certaines règles de droit, mais que d’autres règles de droit pénètrent plus facilement dans la société réceptrice. Ce sont alors et surtout les réserves jurisprudentielles et les interrogations doctrinales qui viennent freiner la réception harmonieuse du droit nouveau (et non du [nouveau droit]).
  10. Il importe d’éviter de considérer cette notion de réception comme étant synonyme d’acculturation juridique. Contrairement au phénomène de l’acculturation, elle n’a pas pour origine un sentiment d’obligation ou de domination d’une puissance sur le pays récepteur. Elle est volontaire et, à un autre égard, elle a un caractère plus neutre que l’acculturation, qui dénote un caractère engagé : qu’il s’agisse d’évoquer la réception du système de common law en Inde par le système de droit civil dans les Caraïbes, du droit bouddhiste en Asie du Sud-Est, des systèmes occidentaux par le système de droit japonais, du droit anglais au Québec, de l’implantation de systèmes étrangers, tel le système juridique espagnol par les systèmes indigènes en Amérique, du système juridique en Israël et du système de la common law par le système législatif français en Louisiane et au Costa Rica.

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© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton
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