bijuridisme / dualisme / dualité / juridisme

Le mot bijuridisme est un néologisme objet d’un débat : Le concept a-t-il une valeur positive? Ne doit-il s’employer que péjorativement? Bijuridisme signifie-t-il cœxistence de deux systèmes juridiques dans un même État?

  1. Lorsqu’il s’agit de décrire la réalité juridique d’un pays où cœxistent deux systèmes juridiques, des auteurs, amenés par leur sujet à traiter également de bilinguisme et de biculturalisme, parlent du bijuridisme de l’État concerné. Le bijuridisme du Canada. « Nous ne pensons pas avoir découvert la solution miracle aux difficultés soulevées par la rédaction de lois dans ces pays où se posent non seulement des problèmes de bilinguisme et de biculturalisme, mais aussi de bijuridisme. »

    L’examen de la documentation révèle d’ailleurs l’existence de séries de mots où bijuridisme est associé à bilinguisme ou à biculturalisme : « Dans le discours juridique, vocabulaire et syntaxe sont indissociables, et les nombreuses études inspirées par ce problème seront sans doute une invitation pour les chercheurs canadiens à adapter les observations faites en contexte unilingue à leur situation de bijuridisme et de bilinguisme. ».

    La connotation positive se justifierait par une extension de sens, la base du mot exprimant une situation de fait, l’existence d’un système juridique. « Au Canada, le bijuridisme correspond aux deux systèmes juridiques en présence, soit la common law et le droit civil. »

    Au regard du droit français, la question du bijuridisme porte sur la cœxistence du droit national et des droits locaux des départements et des territoires d’outre-mer. « Aucune place ne peut être faite en France à un système qui se réclamerait d’un quelconque bijuridisme en vertu du principe de l’indivisibilité de la République. »

  2. Les auteurs qui estiment à bon droit que l’emploi de bijuridisme avec une valeur positive correspond à une incorrection de langage appuient leur raisonnement sur les sens du mot juridisme en français.

    Juridisme est un mot récent, apparu vers les années 1950. À ce jour, à l’instar de plusieurs vocables formés à l’aide du suffixe -isme, il n’a qu’une charge péjorative. Les dictionnaires généraux ne l’enregistrent pas tous, mais il est défini généralement comme a) l’attachement trop étroit à la règle juridique ou l’attitude de quelqu’un qui s’en tient à la lettre des textes juridiques, du droit; b) la tendance à considérer toutes les questions sous le seul angle juridique; c) la tendance à juger selon les prescriptions du droit positif, sans égard à l’équité, le formalisme de l’esprit qui incline à faire prévaloir rigoureusement l’application des textes sur des mesures dictées par la justice et l’équité. Le juridisme serait surtout la tendance à accorder une importance démesurée à la procédure. Faire preuve de juridisme, de procédurite. Faire preuve d’un juridisme désuet. Juridisme excessif, rigoureux. Marqué de juridisme. Faire du juridisme. Pratiquer le juridisme. Verser dans un vain juridisme. « Les excès du raisonnement juridique sont taxés de juridisme. »

    Le préfixe bi- étant neutre, sa présence n’affecte en rien la connotation péjorative attachée au mot.

    Panjuridisme signifie que le droit est partout. « Il y a, dans le droit dogmatique, écrivait Carbonnier, à la fois un idéal et un postulat de panjuridisme. »

  3. Si l’expression bijuridisme canadien ne peut désigner la cœxistence de deux systèmes juridiques au Canada, quelle est l’expression correcte? Des solutions qui ont été proposées, deux retiennent l’attention : dualité juridique et dualisme juridique. S’il s’agit de décrire un système qui pose la cœxistence de deux régimes différents, il faut parler de dualisme. Cependant, l’expression dualité juridique n’est pas incorrecte : elle marque le trait distinctif ou le caractère particulier de ce système. L’exemple suivant illustre la nuance : « La Cour suprême serait peut-être l’endroit par excellence où se reflèterait le dualisme canadien. Nous avons déjà une dualité de systèmes juridiques, qui sont bien antérieurs à la Confédération et qui remontent à 1774 et 1791. ».

Avis de droit d’auteur pour le Juridictionnaire

© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton
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