impliquer

  1. L’évolution du droit enrichit la langue en établissant des usages et, parfois, en introduisant des acceptions auparavant proscrites. Les linguistes ont toujours dénoncé l’emploi du verbe impliquer au sens de "to be involved". D’après eux, par exemple, une voiture ne peut être [impliquée] dans un accident, d’abord parce que c’est un être inanimé, ensuite parce que cette façon d’exprimer une réalité serait anglaise. En outre, l’automobiliste ne peut être impliqué dans un accident que dans le seul cas où, participant à un complot, il a intentionnellement provoqué l’accident. Mais c’est oublier que cet emploi est tout à fait correct en droit, précisément dans le droit des accidents de la circulation.

    L’expression être impliqué à propos d’un véhicule à moteur, qui figurait déjà dans la Convention de La Haye du 4 mai 1971, est introduite en France par l’édiction de la loi no 85-677 du 7 juillet 1985 sur l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation. « Les dispositions du présent chapitre s’appliquent, même lorsqu’elles sont transportées, en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur. »

    Le choix du verbe impliquer à la forme passive a une signification bien précise en droit : tout véhicule, même celui qui n’est pas en mouvement (il peut être en arrêt à un feu rouge ou il peut être stationné le long d’une rue), peut être impliqué dans un accident de la circulation. Ce rattachement à la conception judiciaire de la causalité dans la responsabilité du fait des choses prend appui sur les interprétations jurisprudentielles les plus favorables aux victimes. Le mot impliqué a un sens très large dans cette perspective : c’est le fait qu’un véhicule à moteur est intervenu à quelque titre que ce soit ou à quelque moment que ce soit qui détermine l’application des règles qu’édicte le législateur. Par exemple, la loi s’applique, même si le véhicule est en stationnement et même s’il survient après un premier accident, la seule condition étant qu’il doit avoir participé d’une manière ou d’une autre aux dommages causés.

    Ainsi la jurisprudence a-t-elle été obligée d’admettre, sous l’éclairage des dispositions légales, qu’un véhicule est impliqué dans un accident dès qu’un lien peut être établi avec cet accident. L’automobile qui passe et distrait le conducteur d’une autre voiture, après avoir été l’occasion de la manœuvre de l’automobile qui a causé directement un accident, est impliquée dans cet accident.

    Si le véhicule peut être impliqué dans un accident, il en est de même, évidemment, des personnes : celles qui se trouvent sur les lieux de l’accident hors du ou des véhicules peuvent, à certaines conditions, être impliquées dans l’accident.

    L’usage du verbe impliquer dans cette acception s’est répandu au Canada sous cette influence et non à cause de l’influence de l’anglais. Au Nouveau-Brunswick, la Loi sur les véhicules à moteur comporte de nombreuses occurrences du verbe impliquer au participe passé. Se reporter à l’article accident, au point 3).

  2. Ce qui est dit ici à propos du véhicule terrestre à moteur dans le droit des accidents de la circulation automobile vaut également pour la collision de bateaux ou de navires en droit maritime. « Constitue un abordage fluvial la collision entre deux ou plusieurs bateaux de navigation intérieure. Si un navire est impliqué dans la collision, l’abordage est toujours maritime. »

    Le Code criminel du Canada ajoute même les aéronefs; il prévoit que commet une infraction quiconque omet d’arrêter son véhicule, son bateau ou son aéronef impliqué dans un accident.

  3. Impliquer une personne, c’est la mettre en cause dans une accusation, une procédure, une poursuite, un procès, soit d’une manière indirecte (en invoquant son nom, sa participation, en soulevant des soupçons à son endroit), soit d’une manière directe (en l’obligeant à être partie à une affaire, par exemple en tant qu’intervenante, mise en cause ou partie principale à l’action). La mise en cause est une procédure incidente qui vise à forcer un tiers à intervenir dans un procès. Être impliqué dans un procès, dans une procédure. Le sens est péjoratif dans la mesure où le sujet de l’action participe à l’événement contre son gré. Se reporter à l’article cause, au point 4) k., pour la question de la mise en cause.
  4. Le verbe impliquer peut aussi avoir pour complément direct une chose : il a le sens d’entraîner comme conséquence. Une notion en implique une autre, un énoncé implique une proposition implicite. « Le devoir de loyauté implique un respect entier des engagements pris ou imposés par la loi, des règles d’honneur et de probité, et une prise en charge des intérêts de la personne morale. » « L’égalité réelle implique que des personnes différentes doivent être traitées différemment. » « Ce principe ouvert à tous peut impliquer des exclusions. » « L’évolution du litige implique la révélation nouvelle d’un fait susceptible d’éclairer le litige d’un jour nouveau et inattendu et il implique l’existence d’un élément nouveau né du jugement ou survenu postérieurement. »
  5. Pour l’acception courante d’impliquer au sens de participer à quelque chose, longtemps critiquée et maintenant entrée dans l’usage et attestée par les dictionnaires généraux, voir Le Robert et le Trésor de la langue française.
  6. Au sens de viser, toucher, impliquer s’emploie en droit : « L’obligation pure et simple n’implique qu’un seul débiteur, qu’un seul créancier et qu’un seul objet tout en étant immédiatement exigible pour le tout. ». Être impliqué, c’est se trouver compromis dans une affaire louche, dans un situation fâcheuse, illégale (être impliqué dans un meurtre, personne impliquée dans la commission du fait dommageable). Dans le Code de discipline militaire, le législateur canadien prévoit qu’un officier peut, sans mandat, effectuer ou ordonner l’arrestation d’un officier de grade supérieur impliqué dans une situation de désordre. Personne impliquée dans la commission du fait dommageable. C’est là le sens péjoratif, en contrepartie duquel la participation du sujet peut être positive ou louable : c’est être engagé dans une cause, dans une action, jouer un rôle; acception positive, méliorative et nouvelle. Faire acte de présence, par exemple, c’est être présent, sans s’impliquer dans l’activité en cours. Être impliqué dans la promotion des droits de la personne.
  7. Il faut éviter d’employer l’adjectif ou le participe passé [impliqué] au sens anglais de concerné, intéressé (involved) : informer toutes les personnes [impliquées] (= concernées, intéressées).

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