honoraire

  1. Le mot honoraire est du genre masculin. Bien que le pluriel soit d’usage pour ce mot, il faut se garder de condamner – comme on le fait souvent pour certains termes du vocabulaire juridique – l’emploi du singulier sous le prétexte que les dictionnaires et les ouvrages de difficultés consacrés à la langue usuelle affirment péremptoirement que le mot honoraires « ne se dit qu’au pluriel » ou qu’« il ne peut plus s’employer au singulier ». Le français juridique a des usages qui lui sont propres et que méconnaît souvent la langue courante.

    Grammaticalement parlant, la conception ancienne de la rémunération de l’avocat considère celle-ci comme un honoraire. « L’honoraire est le tribut spontané de la reconnaissance du client. Dans son chiffre et pour sa remise, l’honoraire doit être volontaire et spontané. » Aux temps anciens, l’avocat se contentait de ce que son client voulait bien lui donner. « Il eût été répréhensible de faire dépendre le ministère professionnel du versement d’un honoraire. »

    Cette rétribution de l’avocat conçue comme un « présent » que lui fait un client reconnaissant est, on le sait très bien, tombée en désuétude. La langue a évolué elle aussi, mais il convient de préciser qu’aujourd’hui comme hier le singulier et le pluriel peuvent s’employer dans un même texte en parlant des honoraires.

    Le singulier marque le caractère abstrait de la notion, le pluriel, son caractère concret. En France, la conception actuelle de l’honoraire se trouve énoncée dans la loi du 31 décembre 1957, qui vient consacrer le principe de l’honoraire comme juste rémunération du travail fourni. La loi du 31 décembre 1971 reprend ce principe, en rappelant le caractère conventionnel de l’honoraire. Il en est de même de l’article 16-1o du Règlement Intérieur du Barreau de Paris. On trouve même dans ce pays un juge de l’honoraire. Au Canada, le Code de déontologie professionnelle de l’Association du Barreau canadien en donne des exemples. « Il est interdit à un avocat d’accepter le moindre honoraire illicite. » « Il serait inacceptable qu’un avocat qui occupe pour une partie dans un dossier accepte, à l’insu et sans le consentement de son client, une commission, une procuration ou autre honoraire ou gratification. »

    Dans le vocabulaire de la comptabilité juridique, on oppose l’honoraire négatif à l’honoraire positif. « Les travaux réalisés par le Conseil de l’Ordre de Paris invitent l’avocat à prendre conscience du prix de revient (…), qui a pour mérite de rendre compte du travail fourni. Il ne peut, pour autant, suffire à évaluer l’honoraire dont, le plus souvent, il ne constitue que l’une des données. L’évaluation de l’honoraire est soumise à d’autres composantes, lesquelles ne pourront être connues qu’après l’achèvement de la mission. »

  2. La rémunération ou la rétribution que reçoit la personne non employée qui exerce une profession libérale ou une activité analogue s’appelle honoraires. Cette personne ne reçoit, elle ne touche ni appointements, ni cachet, ni paie, ni salaire, ni prime, ni gages. Ainsi, pour les services qu’il a rendus à son client, l’avocat (ou le notaire, l’expert-comptable, l’agent d’affaires ou d’administration d’une société) demande ou sollicite et obtient ou reçoit des honoraires. « Membre d’une profession libérale, l’avocat ne tire ses revenus que des honoraires qu’il reçoit de ses clients. » Ces honoraires ne peuvent être clandestins, frauduleux, malhonnêtes, prohibitifs, excessifs, immodérés, gonflés, disproportionnés, exorbitants ni déraisonnables, à peine de constituer un profit indu. Il peut même réduire ou restituer les honoraires, voir y renoncer, si son client est en difficulté financière grave ou qu’il est dépourvu de moyens. Il fixera des honoraires justes et raisonnables, lesquels seront calculés aux conditions fixées par la loi ou par la coutume locale.

    L’avocat demande ou exige des honoraires qui doivent être justifiés par les circonstances en cours. Lorsqu’il établit son état ou son compte (de frais et) d’honoraires (note d’honoraires se dit dans les professions libérales pour les services rémunérés à l’acte), il le fait dans le cadre strict d’un mode de fixation d’honoraires ou (en France) d’un barème indicatif d’honoraires comportant divers facteurs à considérer. Une jurisprudence canadienne constante établit à huit le nombre d’éléments dont il doit être tenu compte dans tous les cas. Ce sont a) le temps et l’effort consacrés à l’affaire, b) la difficulté et l’importance du dossier, c) la prestation de services habituels ou exigeant une compétence particulière, d) les honoraires généralement exigés dans le même genre d’affaires par des avocats de réputation égale dans la même localité et dans des circonstances comparables, e) dans les matières civiles, les montants et la valeur en cause, dans les matières criminelles, le danger et le risque courus par le client, f) les résultats et g) les honoraires prévus aux tarifs officiels ou toute entente pertinente conclue.

    L’avocat ne [facture] pas son client, il ne procède pas à une [facturation] des honoraires, la facture et ses dérivés étant des termes que l’on emploie en matière commerciale : il faut éviter leur emploi quand on parle de professions libérales. L’avocat envoie à son client une note d’honoraires, qu’il établit. Il demande des honoraires pour les services et les prestations qu’il rend. « L’avocat doit supporter des frais généraux qui constituent une part essentielle (entre 40 à 60 %) de l’honoraire qu’il facture à ses clients » (= qu’il demande). « Le client a toujours la possibilité de s’enquérir à l’avance, dès le premier rendez-vous, du montant des honoraires qui lui seront démandés. »

    Ses honoraires sont distincts de ses frais et de ses débours ("disbursement") (et de ses déboursés) ("out of pocket expense"). Ce seront des honoraires de consultation, de conseil, de rédaction d’actes sous seing privé, de représentation, de plaidoirie. Ils pourront même être contestés en justice, le client ayant légalement le droit dans certaines provinces canadiennes de faire réviser en justice tout accord fixant d’avance le montant ou le chiffre des honoraires. Dans certains cas, le client pourra contester judiciairement le paiement des honoraires et refuser de les payer, l’avocat ayant manifesté, selon lui, un comportement fautif. De son côté, l’avocat pourra lui réclamer en justice le paiement de ses honoraires dans le cadre d’une procédure de recouvrement des frais et honoraires.

    Il y aura ventilation ou répartition des honoraires dans le cas où l’avocat agit pour plusieurs clients ou les représente. Le partage des honoraires a lieu quand un deuxième avocat vient l’assister dans son travail.

    L’avocat ne doit pas dissimuler le montant de ses honoraires, ce qui entacherait la relation de confiance (et non, par imitation de l’anglais, le [rapport fiduciaire]) qu’il établit avec son client, lequel réglera ou paiera ses honoraires. Ceux-ci seront versés en argent ou, le plus souvent, payés par chèque. Enfin, l’avocat pourra convenir avec lui de percevoir des honoraires conditionnels ou aléatoires à certaines conditions et si le prévoit la loi de l’autorité législative où il exerce sa profession; plusieurs provinces canadiennes, par exemple, permettent la fixation de tels honoraires, d’autres l’interdisent encore. Interdiction des pactes d’honoraires (pactes de quota litis). Les lexicographes mettent généralement entre guillemets l’expression "de quota litis", qui qualifie le pacte interdit ou illégal (et donc frappé de nullité, par lequel l’avocat et son client conviennent que les honoraires de l’avocat correspondront à un pourcentage de la somme gagnée au procès ou seront égaux à celle-ci. En Amérique du Nord, cette pratique est admise sous l’appellation d’accord d’honoraires conditionnels ("contingency fee agreement"). En France, les avocats peuvent recevoir des honoraires de résultat en application de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971. L’avocat peut être rémunéré au forfait ou au temps passé, sur la base d’un taux horaire qui dépend, entre autres, de la complexité de l’affaire et de la spécialité de l’avocat. Dans les deux cas, il est possible d’ajouter un honoraire de résultat, calculé en fonction du gain obtenu ou de la rapidité avec laquelle il l’a été. La loi prohibe la fixation d’honoraires faite en fonction uniquement du résultat judiciaire. Les honoraires sont fixés d’un commun accord dans une convention (convention 1convention 2) d’honoraires. « Le montant des honoraires est fixé librement et peut faire l’objet d’un contrat écrit dès le premier entretien : ’la convention d’honoraires’. » Ils pourront être taxés.

  3. En France, on distingue les émoluments (la distinction du singulier et du pluriel faite pour le mot honoraires s’applique aussi à ce mot) que reçoit l’officier ministériel ou l’avocat pour son travail de postulation et d’établissement d’actes de procédure de ses droits et honoraires. Au Canada, cette distinction n’a pas cours, émolument se disant surtout, en ce sens, de la rémunération versée à des officiers ministériels ou à des auxiliaires de justice tels que les shérifs adjoints et les prévôts adjoints.

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