chef (du ~ de)

  1. Dérivé du latin caput ou tête, le mot chef désigne, notamment, un élément distinct d’un ensemble, un point particulier dans une action en justice, dans un litige, relié avec d’autres questions à trancher ou d’autres prétentions à accueillir relevant d’une même procédure (d’où les termes chef (motif) d’accusation, d’inculpation, chef de demande, chef de responsabilité (civile, délictuelle, pénale ou criminelle), chef de dommage, de préjudice, de dommages-intérêts, chef d’indemnisation, chef d’argumentation, chef de compétence, chef d’inconstitutionnalité), soit une disposition 1 distincte d’un jugement (première instance) ou d’un arrêt 1 ou pourvoi (appel, cassation ou cour suprême) rattachée ou intégrée à une partie déterminée de la demande en justice, soit encore un objectif (chefs de bienfaisance ou d’activités caritatives).

    « Le juge est tenu de statuer sur chacun des chefs de demande. » Se pourvoir en appel, en cassation contre un ou plusieurs chefs d’une décision judiciaire. Tenir un procès sur le chef de (suivi du nom de l’infraction ou de l’acte criminel). En cas de succombance, perdre un procès, être débouté sur tous les chefs de la demande. « Il a été condamné sous l’un des divers chefs d’abandon de famille. » Être débouté du chef de (suivi du nom de l’infraction). « Elle a été déboutée du chef de violation d’exclusivité. »

    Être condamné du chef d’une infraction. « Peut être déchu de la nationalité (…) l’individu qui a été condamné du chef d’une infraction passible d’une peine comminée égale ou supérieure à dix ans. » « On condamne facilement du chef d’infraction intentionnelle le prévenu qui alléguera les précautions qu’il a déployées, puisqu’on en déduira qu’il avait conscience de la situation infractionnelle. » « La Cour a refusé de condamner du chef de fraude (fraude 2, fraude 3) les vendeurs de terminaux non agréés. »

  2. La locution prépositive et adverbiale du chef de signifie, tout d’abord, en provenance de, sur l’initiative de, aux ou par les droits de, en vertu des droits du titulaire, par transmission de ses droits. Elle marque en ce sens l’origine de la situation juridique et délimite le cadre dans lequel opèrent les faits juridiques. « La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province. » « Le paragraphe (2) ne s’applique pas à la Couronne du chef de la province. » Réclamations non réglées contre la Couronne du chef du Nouveau-Brunswick.

    Pour ce genre d’exemples, la locution du chef de peut être remplacée dans l’esprit, pour assurer plus de certitude à la compréhension de l’énoncé, par les mots comme exerçant les droits de (du Canada ou d’une province, de la province, du Nouveau-Brunswick).

    Il convient de s’empresser d’ajouter que la locution du chef de est critiquée dans cet emploi par certains jurilinguistes : on lui préfère aux droits de. Toutefois, elle est si parfaitement ancrée dans l’usage au Canada qu’on s’en inquiète guère et qu’on la retient malgré tout.

    Avoir qqch. du chef de qqn. Avoir tant de biens, tant d’argent, tant de dettes du chef d’un parent, d’un conjoint. J’ai tant de biens de mon chef. L’idée de provenance domine ici.

  3. La locution du chef de signifie aussi en son propre nom, à titre personnel (et non par représentation), de son côté, par soi-même (par exemple en parlant d’un héritage et de biens). Elle est fort répandue en ce sens en droit matrimonial, en droit successoral, dans le droit du mandat et dans le droit des biens. Biens advenus à l’enfant naturel du chef de son père ou de sa mère. Avoir, acquérir un droit de son chef, du chef d’un tiers. « Si celui qui avait transigé sur un droit qu’il avait de son chef acquiert ensuite un droit semblable du chef d’une autre personne, il n’est point, quant au droit nouvellement acquis, lié par la transaction antérieure. »
  4. Dans le droit du mandat, le mandataire qui ne se présente pas en cette qualité est censé avoir traité de son chef et non du chef de son mandant, dont il était le fondé de pouvoir.

    Dans le droit des successions, la moisson abonde de constats de la locution du chef de entrant dans la construction de nombreuses expressions. Venir à la succession, être appelé à la succession du chef de (son père). « Lorsqu’un successeur ne vient pas à la succession de son propre chef, mais est appelé par représentation, le partage s’opère, non par têtes mais par souches : plusieurs enfants succédant du chef de leur père ne recueilleront à eux tous que la part de celui-ci. » On vient à la succession, on y est appelé en son nom personnel ou à titre personnel (de son chef) doté de la qualité et des droits attachés à son degré avec le de cujus (le défunt) en vertu de sa vocation propre et non par représentation. Succéder soit de son chef, sans le secours de la représentation, soit par représentation. « Lorsque plusieurs descendants viennent à la succession, ils succèdent par égales portions et par tête, s’ils sont appelés de leur chef; ils succèdent par souche lorsqu’ils viennent tous ou en partie par représentation. » « Les créanciers personnels de celui qui s’abstient d’accepter une succession ou qui renonce à une succession au préjudice de leurs droits peuvent être autorisés en justice à accepter la succession du chef de leur débiteur, en ses lieu et place. »

    En droit matrimonial et dans sa branche consacrée au droit de la famille, la locution du chef de trouve un terrain fécond d’expression.

    La dette qui est entrée en communauté du chef du conjoint naît en sa personne (de son chef) et l’oblige personnellement. « Sous le régime de la société d’acquêts, chacun des époux est tenu, tant sur ses biens propres que sur ses acquêts, des dettes nées de son chef avant ou pendant le mariage. » « Les créanciers d’un époux ne peuvent demander de son chef la séparation de biens. »

  5. La locution de son chef signifie donc en son nom personnel, en sa qualité propre. « Lorsque le créancier se substitue à son débiteur qui néglige d’exercer ses droits et actions, alors le créancier agit du chef de son débiteur, seul titulaire de ces droits et actions. »

    Refuser de son chef (par exemple tout prélèvement ou don d’organe à son décès ou, avant sa mort, tout prélèvement posthume). Décider de son propre chef.

    Agir soi-même et de son chef. « Il appartient au syndicat, agissant lui-même et de son chef, d’accomplir tous actes d’acquisition ou d’aliénation des parties communes. »

    Droits nés (sur qqch.) du chef de (qqn). « Tous les droits nés sur les fonds ou sur les constructions pendant le bail du chef du preneur (privilèges, hypothèques, baux, servitudes) s’éteignent à l’expiration du bail. »

  6. La locution de ce chef signifie, en outre, pour cette raison. « À elle seule, cette référence à la personne suffit à exclure la prise en compte, de ce chef, de considérations touchant au patrimoine de la personne et non à la personne elle-même. » Obtenir des dommages-intérêts de tel chef (= au titre de l’accident survenu, pour cette raison).

    De son (propre) chef, c’est-à-dire selon son bon jugement, de sa propre initiative. Assumer la responsabilité de ce qu’on fait, c’est le faire de son propre chef (= étymologiquement, de sa tête, autrement dit de son propre mouvement, de par son autorité privée). J’ai fait telle chose de mon chef (= sans en avoir reçu l’ordre de quiconque). « Certains démembrements du droit de propriété peuvent faire l’objet de différentes conventions du chef du titulaire du démembrement. »

  7. La locution de son chef marquant l’idée de provenance a, pour variante, la locution dans son chef. « Le préjudice subi par l’un des époux à la suite d’un délit civil peut en entraîner un autre dans son chef, indirect celui-là, et notamment une privation de la compagnie conjugale. » « Les raisons qui pouvaient inciter les femmes mariées à prolonger le chômage ou à le renouveler existaient au même titre dans le chef de la concubine que dans celui de la femme mariée. » « Lorsque le décès de l’attributaire ne fait pas naître la qualité d’orphelin dans le chef du bénéficiaire, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit soit d’enfant propre à la mère, soit d’enfant recueilli, le conjoint survivant acquiert la qualité d’attributaire. »
  8. Une action n’est pas intentée [du chef d’]un dommage, mais en raison ou en réparation de ce dommage.

    De même, des dommages-intérêts ne sont pas dus [du chef d’] actes, mais en raison, du fait, par suite de ceux-ci.

    Toutefois, il est exact que le pouvoir de rapporter une décision ne fait pas naître une obligation dans le chef d’un juge.

  9. Il est impérieux de ne pas confondre les locutions du chef de et au premier chef, cette dernière signifiant, selon les contextes, en premier lieu, de prime abord, il est essentiel, il est capital, le plus important, le plus grave. « Au premier chef, la loi prodigue sa protection à la personne présumée absente. » « L’avocat a une double responsabilité à cet égard : au premier chef, il est tenu de respecter le principe de confidentialité (…). » « Il importe au premier chef que (…). » (= il est essentiel que). « Il est coupable au premier chef. » (= selon le point, le chapitre (= le chef) le plus grave, le plus important). Ces modifications se justifient par le fait qu’il s’agit de questions qui, au premier chef, concernent les mineurs. « Ces questions intéressent au premier chef le titulaire de l’autorité parentale. »

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