Traduire le monde : les noms de capitales

André Racicot
(L’Actualité langagière, volume 3, numéro 4, 2006, page 34)

Quelle est la traduction française de Kinshasa? Il n’y en a pas. De même, le langagier chercherait en vain à traduire d’autres noms de capitales, comme Doha, Budapest ou Tokyo. Pourtant, on pourrait s’attendre à ce que le nom de villes aussi importantes soit traduit. Après tout, n’est-ce pas ainsi que les choses se passent?

Un bref survol des noms de villes des quatre coins de la planète peut laisser croire que les plus importants ont été traduits en français. Cet examen superficiel est pourtant trompeur. À bien y penser, beaucoup de toponymes majeurs n’ont jamais été traduits. Pensons à toutes les villes japonaises, la très grande majorité des villes anglaises et américaines, à celles des pays scandinaves, de l’Afghanistan, de l’Indonésie, etc. Ainsi en est-il des noms de capitales.

Un cas intéressant de ville importante : Madrid, qui ne se traduit pas. C’est plutôt une exception en Europe, où on trouve un cortège de noms de capitales traduits : Londres, Lisbonne, Moscou, La Haye, Belgrade, Berne, Pragueetc. Lorsque nous changeons de continent, toutefois, la situation est passablement différente. Prenons l’immense continent asiatique. Les noms ne comportant pas de traduction française y abondent : Islamabad, New Delhi, Almaty, Pyongyang, Colombo, Ankaraetc. Cette situation s’explique facilement par le fait que la proximité avec la langue française est pour ainsi dire nulle, sans compter la présence faible ou inexistante des Français dans cette région, sauf pour l’Indochine. Certaines exceptions sont cependant à noter : Téhéran, Oulan-Bator, Tel-Aviv.

Qu’en est-il de l’Afrique? La situation est sensiblement la même. On notera en passant les deux toponymes Le CapAller à la remarque a et Le Caire, qui ressortent du lot, tels deux flambeaux. Certains se souviendront de Tananarive, à Madagascar, remplacée par Antananarivo. L’ensemble des noms de capitales du continent noir ne se traduit pas. Qu’on en juge : Kampala, Windhoek, Tunis, Tripoli, Nairobietc. La situation n’est guère différente en Océanie.

Dans les Amériques, comme on dit maintenant, les noms de capitales gardent le plus souvent leur graphie originale, à l’exception de Saint-Domingue et de La Havane. Les plus vieux se rappelleront peut-être d’Assomption, redevenue Asunción.

Et il y a le vaste monde des noms translittérés, dont la graphie peut varier en anglais et en français, car il s’agit ici d’une transcription phonétique du nom de la langue originale. Bakou, Bichkek, Tachkent en sont de bons exemples. L’anglais écrira : Baku, Bishkek, Tashkent. Il arrive parfois que cette transcription soit imparfaite et ne respecte pas la phonétique de la langue d’arrivée. La capitale de l’Arménie constitue un bel exemple à ce sujet : Erevan en français, mais Yerevan en anglais. Pour des raisons mystérieuses, la mouillure de la voyelle initiale n’est pas reproduite dans notre langue. On observe d’ailleurs le même phénomène avec le nom de la ville russe de Iekaterinbourg, qui s’écrit parfois Ekaterinbourg.

Pourquoi cette translittération? Après tout, personne ne songerait à écrire Wachignetonne… On voit tout de suite que ce phénomène concerne d’abord et avant tout les langues qui s’écrivent en caractères autres que ceux que nous utilisons.

Quelles conclusions faut-il tirer de tout cela? On pourrait penser que le français serait d’entrée de jeu plus porté à traduire les noms de capitales des pays de langue latine, comme Rome et Lisbonne. Ce n’est pas le cas. Voisine de palier ibérique de Lisbonne, Madrid ne se laisse pas séduire par les sirènes de notre langue. Ainsi en est-il de la plupart des capitales sud-américaines. Voilà qui est d’autant plus surprenant que le nombre de toponymes de l’Espagne traduits en français est aussi impressionnant que celui de l’Italie.

Autre conclusion : la quasi-totalité des noms des capitales africaines évitent eux aussi la francisation. En ce qui concerne l’Asie, on a souvent affaire à des cas de translittération, à cause des alphabets différents, qui appellent une transcription des noms. Nous passons sous silence le cas de Pékin/Beijing, où l’ancienne traduction fait la vie dure à une transcription pinyin uniformisée dans les langues s’écrivant en caractères latins.

Encore une fois, nous voyons que les méandres capricieux de l’usage sillonnent notre langue; il est donc particulièrement risqué de tenter de définir une méthode universelle, où les exceptions risquent de l’emporter sur la règle principale.

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