André Racicot
(L’Actualité terminologique, volume 33, numéro 2, 2000, page 23)
Si le navigateur italien Amerigo Vespucci était tranquillement resté à la maison, il aurait peut-être évité aux habitants du Nouveau Monde une controverse terminologique. Posons brutalement la question : qui a le droit de porter le nom d’Américain? Si nous interrogeons nos voisins du Sud, la réponse est évidente : eux seuls. Mais le sens premier du mot n’est-il pas « qui vient du continent appelé l’Amérique »? Dans ce cas, les Guatémaltèques, aussi bien que les Péruviens, sont des Américains. Les Canadiens itou. Mais alors pourquoi Alexis de Tocqueville a-t-il intitulé son fameux essai De la démocratie en Amérique?
Ce qui appelle une autre question : qu’est-ce que l’Amérique? Un pays ou un continent? Avant 1776, la réponse était évidente : un continent auquel notre ami de tantôt, Amerigo Vespucci, a donné son… prénom. Depuis l’indépendance américaine, la réponse est beaucoup moins claire. Nos voisins du Sud ont pris l’habitude de désigner leur pays sous le nom d’America, faisant fi de toute logique géographique et terminologique. C’est ce qui explique que le terme Amérique, pour désigner la première puissance au monde, fait recette dans plusieurs langues. Qu’on se rappelle le roman de Kafka, Amerika. On ne va quand même pas lui faire un procès…
Mais cette appellation ne fait pas l’affaire de tout le monde. Beaucoup de Sud-Américains préfèrent employer les expressions Estados Unidos pour le pays, et Estadounidense pour le nom des habitants, Americanos étant réservé aux habitants de tout le continent. Somos todos Americanos.
Bien des francophones sont du même avis. Alors sommes-nous donc condamnés à utiliser le mot Américain en faisant injure à la géographie? Pas nécessairement. On trouvera dans le Robert et le Larousse l’équivalent d’Estadounidense décliné en deux variantes : États-Unien et Étasunien. Définition : « qui vient des États-Unis ». L’entrée ne comporte pas de mise en garde quant à l’utilisation de ce mot.
Mais on voit rarement cet équivalent au Canada français. Pourtant les journalistes du Monde l’utilisent régulièrement. En Haïti, il semble que le mot comporte une nuance d’ironie; certains rédacteurs canadiens, d’ailleurs, l’emploient aussi sur un mode léger.
D’une manière ou d’une autre, il faut bien reconnaître qu’États-Unien (ou Étasunien) n’a pas la cote. En outre, le mot Américain a pris le sens « d’habitant des États-Unis » à l’époque où George Washington était président! Par conséquent, beaucoup diront que l’usage, le mauvais, a fait son œuvre et qu’il est bien tard pour renverser la vapeur.
If you can’t beat them, join them?
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