Traduire le monde

André Racicot
(L’Actualité terminologique, volume 30, numéro 1, 1997, page 18)

Bienvenue à cette nouvelle chronique qui nous fera voyager partout dans le monde… sans décalage horaire et à bon prix.

Tout d’abord, un premier arrêt en Israël. Vous n’ignorez sûrement pas que ce pays du Proche-Orient est dirigé par un nouveau premier ministre dont le nom n’est pas sans causer des maux de tête aux rédacteurs. En effet, on voit toutes les graphies : Nétanyahou, Netanyahu. Et que dire du prénom? Benjamin ou Benyamin? C’est à en perdre son… hébreu.

D’abord situer le problème : graphie à l’anglaise contre graphie à la française? Non, pas vraiment. Il s’agit plutôt de transcrire un nom qui, à l’origine, ne s’écrit pas en caractères latins. En langage savant, on appelle cela de la translittération. Cette technique s’applique à d’autres langues, comme le russe, le grec, etc. Pensons à Yeltsin en anglais qui devient Eltsine en français.

Revenons au leader israélien. Son nom aurait dû suivre la tendance à l’anglicisation qui s’est imposée pour ses prédécesseurs : Peres, Rabin, Shamir. Mais voilà, il y a toujours une exception. Les journalistes ont tendance à écrire Nétanyahou, ce qui est très bien. On écrit en français le nom tel qu’il se prononce dans la langue originale. Là où le bât blesse, c’est lorsqu’ils choisissent Benjamin. Dans ce cas-ci, le prénom est une traduction. Comment expliquer la graphie Benjamin Nétanyahou, belle construction bancale traduction-translittération? Et depuis quand traduit-on les prénoms de chefs de gouvernement? Imaginez un peu : Guillaume Clinton, Jean Major, James Chirac, John Chrétien… Certes, on traduit le prénom des souverains et celui qu’adoptent les papes, mais c’est une tradition qui ne s’applique pas dans le cas qui nous intéresse.

De deux choses l’une, ou bien on écrit carrément le nom à l’anglaise, soit Benyamin Netanyahu, ou bien on translittère intégralement, ce qui donne Benyamin Nétanyahou. Je vous avoue bien franchement que c’est la solution que je préfère.

Les derniers bouleversements au Rwanda et au Zaïre nous rappellent douloureusement la dure réalité des conflits interethniques. Dure réalité également pour l’honnête traducteur aux prises avec ces noms exotiques et primesautiers qui semblent défier les règles traditionnelles du français. Je lisais récemment dans L’Express un article où l’on parlait des Hutu, sans s, comme ça, tout bonnement. Pourtant, le pluriel de Zoulou, lui, s’écrit bel et bien avec un s.

Comment expliquer cette entorse pour le moins étonnante? Les ethnologues voudraient que les noms d’ethnies soient écrits sans forme féminine ni pluriel. Ce qui oblige à faire des distinctions subtiles, car certains noms prennent déjà la marque du pluriel et du féminin. Pensons aux Kurdes, aux Bretons… Où doit-on tracer la ligne?

Et que fait-on avec les Sikh(s)? Épousent-ils des Sikhes ou des Sikhs ou encore des Sikh? Avouez que la réponse n’est pas simple.

En fin de compte, le plus simple est de tout franciser pour éviter les distinctions byzantines. D’ailleurs, vous savez tous ce qui est arrivé à Byzance.

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