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- On dit le droit des fiducies ("Law of Trusts") comme on dit le droit des contrats, le droit des successions, le droit des testaments ou le droit des biens. En mettant le mot fiducie au pluriel, on considère les fiducies dans leur diversité au lieu d’appréhender l’institution de la fiducie sous l’éclairage d’un principe unificateur qui permet de dégager de la variété de la matière une notion uniforme.
- En common law, la fiducie (du mot anglais "trust" signifiant confiance) est issue du système de l’equity. Espèce de tenure de propriété, elle entretient des ressemblances avec le baillement, le dépôt (dépôt 1, dépôt 2), le mandat et le contrat; on évitera de confondre ces institutions du droit anglais.
- Dans son essence, on peut définir la fiducie comme une obligation qu’impose le fiduciant ou la fiduciante ("trustor"), encore appelé le constituant, la constituante ("settlor"), à une personne de confiance, le ou la fiduciaire ("trustee") – qu’on évitera d’appeler disposant ou disposante –, de détenir (d’administrer ou d’utiliser) des biens à titre de propriétaire soit dans l’intérêt supérieur d’un ou de plusieurs bénéficiaires de fiducie ("beneficiaries" ou "cestui que trust"), soit au bénéfice d’une fin reconnue par la loi, savoir le but, les fins ou la finalité de la fiducie. D’où, on le devine, diverses formes de fiducie.
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C’est la division du titre de propriété qui distingue la fiducie du mandat ("agency"). Le fiduciaire ne reçoit que le titre en common law du bien que lui cède le fiduciant, mais il demeure le véritable propriétaire en common law du bien de la fiducie. Quant au bénéficiaire de la fiducie, il reçoit un titre en equity, et donc un intérêt dit propriétal, ce qui lui assure un rang, une préséance ou une priorité sur d’autres personnes, par exemple sur des créanciers qui revendiqueraient des droits sur le bien.
Il ne faut pas confondre non plus fiducie et baillement. Au contraire du baillement, lequel relève de la common law et non de l’equity et ne concerne que des biens personnels, la fiducie englobe tant les biens personnels que les biens réels.
Autre distinction à faire : celle de l’exécuteur testamentaire et du fiduciaire, le premier pouvant devenir le second à la suite de l’administration de la succession. Bien qu’il puisse avoir des obligations fiduciales ou un pouvoir fiducial, il est plutôt mandataire. Ne pas confondre non plus le fiduciaire avec le créancier hypothécaire. En matière de faillite, on appelle à tort [fiduciaire] le syndic de faillite, qu’on ne confondra pas non plus avec le séquestre ("receiver").
- Le néologisme fiducial (et, par voie de conséquence, son dérivé quasi(-)fiducial), à la forme adjective (sans le trait d’union) et substantive (avec le trait d’union), a été créé par les normalisateurs canadiens de la common law en français pour que, comme l’anglais, le français ait deux équivalents distincts : fiduciaire et fiducial pour "trustee" et "fiduciary" respectivement. Quoique l’emploi de fiduciaire pour rendre "fiduciary" soit naturellement encore d’usage dans la jurisprudence, il conviendra de suivre la recommandation des normalisateurs toutes les fois qu’il y aura lieu de faire la distinction entre le "trustee" (le fiduciaire) et le "fiduciary" (le fiducial). Devoir, pouvoir, lien, rapport fiducial, quasi fiducial. Obligation, relation fiduciale, quasi fiduciale. Capacté fiduciale, quasi fiduciale. Agir à titre fiducial, quasi fiducial. Agir en qualité de fiducial, de quasi-fiducial.
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Ainsi, les actants de la fiducie participent à une opération juridique triangulaire dans laquelle le fiduciant, qui est propriétaire du bien et cessionnaire de l’intérêt qu’il détient dans celui-ci, fait cession au fiduciaire – personne physique ou personne morale, la compagnie ou la société de fiducie dans ce dernier cas –, lequel acquiert en fiducie le bien avec mission expresse de l’administrer au profit d’un tiers, le bénéficiaire.
Dans cet acte de démembrement du droit de propriété, la common law prévoit qu’une personne peut être à la fois fiduciant et fiduciaire (elle déclare détenir désormais un bien pour le bénéfice d’une autre personne) et fiduciaire et bénéficiaire (par le jeu d’une disposition testamentaire).
Lorsque le fiduciant crée la fiducie au moyen d’un acte de fiducie (document de la fiducie, acte formaliste de fiducie, convention de fiducie, on dit aussi contrat de fiducie), il la constitue (acte constitutif de fiducie, constituer une fiducie), donnant naissance de ce fait à un lien, à un rapport fiducial ou à une relation fiduciale particulière entre le bénéficiaire et lui, car le bénéficiaire, tout en étant étranger à la convention de fiducie, demeure malgré tout le destinataire ultime de la cession ou de la donation effectuée.
Ces actants jouent des rôles précis dans l’opération. Le fiduciant cède ou met un ou plusieurs biens en fiducie (ces biens sujets ou assujettis à la fiducie pouvant être une part : part détenue en fiducie ou part fiducialement détenue, ou de l’argent : actif, capital de la fiducie, fonds de la fiducie, somme en fiducie), le fiduciaire tient le titre en common law (titre de propriété détenu fiducialement ou détenu en fiducie), l’administre (administration de la fiducie) et l’exécute (exécution de la fiducie) comme bon lui semble; il peut en disposer à son gré, sous réserve des conditions de l’acte de fiducie, des lois pertinentes (par exemple la Loi sur les fiduciaires) et des obligations imposées par la loi et par l’equity. On dit qu’il reçoit le bien en fiducie pour signifier qu’il doit le tenir au profit du bénéficiaire de la fiducie.
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Il existe trois grandes catégories de fiducies dans lesquelles rentrent différentes sortes de fiducies. Les fiducies expresses ("express trusts") sont celles que l’on crée délibérément par déclaration, donation, contrat ou testament en identifiant précisément le bénéficiaire pour réaliser un objectif particulier, par exemple pourvoir aux besoins de sa famille, éviter ou réduire des impôts ou réaliser une efficience commerciale. Les fiducies judiciaires sont constatées ou déclarées par les tribunaux en raison de certaines circonstances; elles se divisent en fiducies résultoires, traditionnellement appelées fiducies réversives ou fiducies par déduction ("resulting trusts"), lesquelles sont présumées exister (présomption de fiducie) par suite de la contribution à l’acquisition d’un bien par une personne autre que le détenteur du titre en common law, et les fiducies constructoires ou fiducies par interprétation ("constructive trust doctrine"), ces fiducies étant imposées par les tribunaux, notamment pour prévenir une injustice ou une iniquité. Les fiducies d’origine législative ("statutory trusts"), encore appelées fiducies légales ou fiducies constituées par la loi, sont, comme leur nom l’indique, créées par la loi.
Les fiducies peuvent être d’intérêt privé, d’intérêt public ou d’intérêt commercial. Elles sont constituées à des fins personnelles (fiducie personnelle au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu, fiducie finalitaire privée, fiducie testamentaire, fiducie alimentaire, fiducie au bénéfice exclusif d’un époux, fiducie au profit du conjoint, fiducie de famille, fiducie finalitaire non caritative), à des fins publiques (fiducie caritative, fiducie finalitaire créée en vue de réaliser une fin plutôt qu’au bénéfice d’un bénéficiaire, fiducie de promotion de la religion, fiducie pour l’avancement de l’éducation, fiducie de soulagement de la pauvreté, fiducie pour le bénéfice d’employés) ou à des fins commerciales (fiducie d’assurance, fiducie de vote corporatif, fiducie sans droit de regard, fiducie de fonds mutuels ou de fonds de rentes, fiducie de placement (à participation), fiducie de sûreté, fiducie en faveur des détenteurs de débentures ou d’obligations). Pour un bref aperçu de la néologie et de la normalisation en matière de fiducies finalitaires, ou à buts dans la terminologie traditionnelle, se reporter à l’article finalitaire, au point 2).
- Dans le contexte contemporain, la fiducie remplit surtout deux fonctions : elle sert tout aussi bien d’instrument de planification fiscale ou successorale (fiducie à capitalisation, à imposition accélérée, à imposition différée) que de recours là où les règles ordinaires de droit ne permettent pas de rendre justice (les recours personnels contre les fiduciaires dans l’action en recouvrement de profit et l’action en indemnisation, les recours personnels contre les tiers, les recours in rem, le remplacement du fiduciaire, l’annulation d’une opération fiduciale, le jugement déclaratoire et l’injonction).
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La fiducie a un objet (bénéficier à une ou à plusieurs personnes), une matière (les biens assujettis à la fiducie), elle comporte des modalités, des conditions, des dispositions (libellé des dispositions fiduciales), lesquelles peuvent être modifiées (modification de la fiducie), elle n’existe qu’à partir du moment où le bien est effectivement cédé au fiduciaire, elle est constatée par un écrit (acte (formaliste) de déclaration de fiducie, passation d’un acte de fiducie, faisant aussi l’objet d’une reconnaissance), et elle peut être constituée entre vifs, par exemple la disposition en fiducie par testament ou fiducie testamentaire (legs en fiducie, léguer des biens personnels ou réels en fiducie, fiducie entre vifs).
Elle est valide (validité de la fiducie), si elle respecte les règles des trois certitudes : certitude d’intention ou certitude quant à l’intention, certitude d’objet ou certitude quant à l’objet, certitude de matière ou certitude quant à la matière, si le fiduciant et le fiduciaire possèdent la capacité fiduciale requise (capacité de créer une fiducie), si elle est constituée régulièrement par déclaration, si elle respecte les règles d’interdiction des dévolutions perpétuelles, de l’inaliénabilité et de la capitalisation, et si, enfin, elle est conforme aux prévisions et aux prescriptions de la loi.
En cas de violation de la fiducie (le fiduciaire ne s’acquittant pas de son devoir de diligence fiduciale, manquant à une obligation fiduciale particulière ou n’observant pas une condition de la fiducie), celle-ci peut être annulée, révoquée (révocation de fiducie) ou résiliée (résiliation de fiducie). La question de la violation de la fiducie soulève celle de la légalité de la fiducie.
L’exécution de la fiducie entraîne des dépenses (dépenses de la fiducie); elle s’opère par le fait de l’administration ou de l’utilisation du bien cédé et son caractère est irrévocable, sauf les cas de révocabilité susmentionnés.
La fiducie a une durée. Il y a extinction ou, terme plus large, fin de la fiducie lorsqu’il est mis fin à la fiducie, lorsqu’elle prend fin, qu’elle s’éteint, autrement dit lorsque le but ou la finalité de la fiducie a été réalisé et que le bien tenu en fiducie a été remis régulièrement ou en bonne et due forme au bénéficiaire.
- Il est intéressant de remarquer que, du point de vue fiscal, la fiducie participe d’une fiction puisqu’elle est considérée comme une personne physique au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu. À cause de cet anthropomorphisme, fréquent phénomène dans le langage du droit, la voilà qui doit produire annuellement une déclaration de revenu dans laquelle sont effectués les calculs du revenu net, du revenu imposable et de l’impôt à payer. La Loi prévoit qu’elle est présumée être un particulier (la fiction donnant lieu à une présomption), bien que plusieurs déductions et crédits d’impôt ne lui soient pas accordés. Présomption de fiducie. Fiducie réputée. Guide et déclaration de revenus des fiducies.
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La fiducie peut être simple ou nue (le fiduciant n’ayant pour seul devoir de remettre au bénéficiaire le bien qu’il détient pour son compte et non [en son nom]) ou elle peut être complexe. Dans la fiducie discrétionnaire, que l’on oppose à la fiducie impérative, le fiduciant accorde au fiduciaire un large pouvoir d’appréciation concernant la distribution du revenu de la fiducie et même le choix des bénéficiaires. Elle peut être à titre gratuit (le fiduciant ne recevant pas de contrepartie), active (le fiduciant demandant au fiduciaire de prendre certaines mesures concrètes dans l’exécution de la fiducie concernant la vente du bien et la distribution du produit de cette vente) par opposition à passive, ou de covenant (encore appelée fiducie sur les droits créés par un engagement) et de droit. Enfin, elle peut être parfaite ou imparfaite, réputée ou par présomption, protectrice ou réparatoire, orale ou littérale, fixe ou mouvante, virtuelle ou éventuelle.
Pour avoir un aperçu complet de la riche diversité terminologique de la matière et, après ce survol de la phraséologie de la fiducie, trouver des explications complémentaires sur les catégories et les espèces de fiducies, sur les apports continuels de la néologie en la matière (confidentiaire, constructoire, résultoire), se reporter à JURITERM, la banque terminologique de la common law la plus actuelle sur le sujet.
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