Traduire le monde : L’Iraq ou l’Irak?

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André Racicot
(L’Actualité terminologique, volume 36, numéro 2, 2003, page 20)

L’Iraq devrait rester au cœur de l’actualité pendant les prochains mois, sinon les prochaines années. Entre-temps, la presse regorge d’articles sur l’ancienne Mésopotamie, et la question lancinante qui constitue le titre de cette chronique refait surface. Le lecteur un tant soit peu informé aura sûrement remarqué que la plupart des journaux et des magazines penchent pour la graphie avec k. La question paraît donc tranchée.

Pourtant un simple coup d’œil au Petit Larousse sème le doute : Iraq s’écrit bel et bien avec un q, contrairement à ce qui se lit dans son voisin d’en face, le Robert des noms propres. Le doute s’insinue. En bon scribe babylonien, je poursuis ma recherche et découvre que les Nations Unies aussi emploient Iraq.

Il y a certainement une raison à cela. Les arabophones nous éclairent rapidement sur le sujet : le q utilisé dans les langues occidentales symbolise une prononciation particulière de l’arabe, qui ressemble à un k prononcé dans le haut de la gorge. Ce n’est donc pas un k pur, comme en français ou en anglais. Ces deux langues ne possédant pas de lettre distincte pour l’exprimer, elles le transcrivent avec un q. Ce qui explique sans doute la graphie Iraq que nos amis anglophones emploient couramment.

Ne devrait-on pas faire la même chose en français? Je pense que si. D’ailleurs de très nombreux toponymes arabes comportant la même prononciation s’écrivent avec le q. Qatar en est un bel exemple, et il y en a d’autres moins connus. Évidemment, la prononciation réelle d’Iraq ou de Qatar ne s’entend pas dans les langues occidentales. Mais le q symbolise la prononciation d’origine. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la lettre q n’est pas suivie d’un u dans Qatar. C’est pourquoi, à mon avis, Iraq devrait s’écrire avec un q. Si les autres toponymes arabes sont translittérés avec cette lettre en français et en anglais, je ne vois pas pourquoi Iraq devrait faire exception.

Cependant, beaucoup de langagiers ne partagent pas ce point de vue, et il faut reconnaître qu’un certain nombre d’arguments semblent leur donner raison. Le premier étant le caractère extrêmement répandu de la graphie Irak. Le second est que Le Monde et Le Monde diplomatique, deux publications dont la langue est de qualité virtuellement irréprochable, utilisent aussi Irak. Ce sont là deux arguments de poids. D’autres aussi pourraient militer en faveur de la graphie avec k, notamment le fait que certains toponymes bien connus ne sont pas translittérés, mais traduits. Dans ce cas, le respect intégral de la prononciation d’origine n’est plus un critère. Le toponyme traduit s’écrit en fonction des règles de la langue d’arrivée. C’est le cas de Damas, Le Caire (traduction d’al-Qahira), Alexandrieetc. Par exemple, on s’imagine mal écrire Le Qaire. De deux choses l’une : ou bien on traduit par Le Caire, ou bien on garde le toponyme arabe avec le q. Pour en revenir à Irak, on pourrait le considérer comme une simple traduction, de sorte que la translittération fidèle ne serait plus de rigueur.

On voit donc qu’il est difficile de trancher. Pour l’instant, je continue de préconiser la graphie qui m’apparaît la plus rigoureuse : Iraq. Souhaitons tout simplement que le mot Iraq ne devienne pas une véritable tour de Babylone…

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