Aux verbes-signaux, arrêtez-vous!

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Jacques Picotte
(L’Actualité terminologique, volume 22, numéro 6, 1989, page 5)

L’usage de certains verbes donne lieu à des erreurs ou à des écarts, attribuables dans la plupart des cas à l’influence de l’anglais. Ils forment une catégorie de ce que nous appelons les mots-signaux, soit les termes qui se présentent à l’esprit du rédacteur soucieux de correction linguistique comme des difficultés du français ou mieux, des avertisseurs d’impropriétés.

Considérer, réputé

La locution « comme étant » est parfois perçue comme un calque syntaxique de l’anglais as being. Le verbe considérer pourra être accompagné de son complément direct suivi de comme et de l’attribut (Il considère son cas comme désespéré) ou on pourra introduire directement avec ou sans comme l’attribut qui suit considéré ou réputé (Il considère comme erronée toute décision qui…; Il le considère coupable; Est réputé interlocutoire le jugement rendu…).

Émettre

Ce verbe signifie notamment « mettre en circulation un effet négociable ». On évitera de perpétuer l’erreur que commettent encore certains textes, et pour chaque substantif, on s’habituera à recourir au mot juste : prononcer une injonction, décerner ou lancer un mandat, prendre ou rendre un décret, donner (un) avis, lancer une assignation, délivrer ou remettre un permis, une licence ou un certificat.

Les Règles de procédure du Nouveau-Brunswick utilisent les mots émission et délivrance pour traduire issuance et delivery à propos de certains actes de procédure (v. règle 16.01 notamment). Les Règles de procédure civile de l’Ontario emploient plutôt les termes délivrance (issuance) et remise (delivery). Les termes délivrance et remise étant des quasi-synonymes, nos Règles ont choisi d’emprunter à l’anglais une acception que les dictionnaires français ne reconnaissent pas encore au mot émission. Le débat n’est sans doute pas clos.

En appeler

L’expression signifie « appeler d’un jugement devant une juridiction supérieure ». On ne dira donc pas « en appeler de la décision », car le pronom en remplace le complément la décision. Il faudrait dire par exemple : en appeler à la Cour d’appel, à la Cour suprême… On évitera ainsi une redondance.

Encourir

Ce verbe signifie « s’exposer à quelque chose de fâcheux » et s’emploie avec des mots comme sanction, peine, amende, blâme, reproche, punition ou mépris. On le voit, ce n’est pas un terme de finance. Des dépenses seront engagées, faites ou effectuées.

Impliquer

Ce verbe signifie notamment « être engagé dans une affaire fâcheuse, mettre en cause dans une accusation ». La nuance péjorative est importante et elle est tout aussi vraie pour le pronominal « s’impliquer ». Il est plus ou moins correct de dire : « Il est très impliqué dans l’exercice du droit », on dira plutôt : « Il est engagé dans l’exercice du droit ». Pour les choses, on évitera de parler d’une « voiture impliquée » dans un accident de la circulation; la langue technique des assurances emploie l’expression voiture accidentée, c’est-à-dire qui a subi un accident.

Référer

Comme transitif indirect, ce verbe ne s’emploie que dans la construction en référer à; en droit, cette locution verbale signifie en appeler : en référer au juge. Référer n’est jamais à la fois transitif direct et indirect. On ne peut donc « référer le tribunal à un élément de preuve » : on mentionne l’élément de preuve, on y fait allusion ou on renvoie le juge à un élément de preuve. On ne peut non plus « référer une cause à un tribunal » : on la défère à un tribunal, on en saisit le tribunal. Comme pronominal, se référer signifie recourir à : on peut ainsi se référer à un texte, à une définition, ou se référer à l’avis de quelqu’un.

Rencontrer

On ne peut « rencontrer des exigences », on satisfait, on répond ou on se conforme à des exigences ou à des échéances, on fait face à ses dépenses, on remplit ses obligations et on s’acquitte de ses dettes.

Soumettre, suggérer

On ne peut pas dire : « Les appelants soumettent que », ils prétendent, soutiennent, allèguent ou affirment quelque chose. Ils ne peuvent non plus « soumettre une opinion », ils émettent une opinion. De même, on ne peut pas dire : « Les appelants suggèrent que », ils déclarent ou affirment quelque chose, ou ils proposent quelque chose à la décision du tribunal.

NOTE

Article tiré de Le Juriste (bulletin de l’École de droit de l’Université de Moncton),  2, mai 1986. Reproduit avec permission.

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