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Pronoms indéfinis : certains, toutes, plusieurs, aucune…
Tout : un remède pour tout
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Pronoms relatifs : « que » ou « dont »?
Respecter la non-binarité de genre en français
Voyage singulier des Escoumins aux Saintes-Maries-de-la-Mer
Jacques Desrosiers (L’Actualité langagière, volume 3, numéro 1, 2006, page 19) On ne bute sur l’accord en nombre des noms de ville qu’avec les quelques noms qui contiennent l’article les – comme Les Éboulements, Les Escoumins, Les Baux-de-Provence ou Les Saintes-Maries-de-la-Mer. Même des noms pluriels comme Trois-Rivières se font suivre du singulier. Mais ceux avec l’article doivent-ils être considérés comme des singuliers ou des pluriels? Faut-il dire que Les Éboulements sont un joyau de la région de Charlevoix ou que Les Éboulements est un joyau de la région de Charlevoix? Comme ces noms désignent une seule entité, aux coordonnées uniques, ils sembleraient devoir être singuliers. Mais comme ils sont précédés de l’article les, ils se comportent sur le plan de la syntaxe comme s’ils désignaient plusieurs entités, ce qui met toute la construction de la phrase en jeu. Les noms de pays nous viennent à l’esprit, mais l’histoire des pays est particulière : le pluriel d’États-Unis ou de Pays-Bas est naturel parce que de tels noms renvoyaient à l’origine à une pluralité d’entités territoriales. Ce n’est pas le cas des noms de ville. Le nom des Escoumins vient de petits fruits. Celui des Boules, à Métis-sur-Mer, de grosses roches polies par les vagues du Saint-Laurent. Les Saintes-Maries-de-la-Mer, en Camargue dans le sud de la France, rappellent deux saintes chassées de Jérusalem après la mort de Jésus-Christ. Et ainsi de suite. L’EncyclobecNote de bas de page 1 de l’Institut national de la recherche scientifique, dans une page écrite par l’historien Christian Harvey, emploie le pluriel, ainsi que Québec-VacancesNote de bas de page 2 et, dans sa publicité, un gîte touristique situé sur la Côte-NordNote de bas de page 3 :Les Éboulements sont au début du XIXe siècle un des lieux de peuplement les plus importants de Charlevoix. Les Escoumins sont appréciés pour la diversité et les couleurs de la flore et la faune marine. Les Bergeronnes sont l’endroit privilégié pour l’observation de ces grands mammifères marins. Le pluriel respecte les règles fondamentales de l’accord, et il est d’ailleurs fréquent. Mais le singulier est populaire au Québec. Exemples provenant l’un du site de l’Association des plus beaux villages du QuébecNote de bas de page 4 et l’autre, à nouveau, de Québec-Vacances, preuve que l’usage hésite :Les Éboulements est un village agricole qui tire son nom d’un énorme glissement de terrain résultant d’un violent tremblement de terre survenu en février 1663. Les Escoumins est sans contredit l’une des plus belles destinations au Québec pour la plongée sous-marine. En France, le pluriel est nettement plus fréquent que le singulier, mais celui-ci se rencontre même dans des textes soignés, par exemple sur le site de TV5 :Les Éboulements est un admirable village que l’on retrouve dans la belle région de Charlevoix. On constate de l’hésitation aussi dans les guides de voyage. Singulier dans le Geoguide sur la Provence publié par GallimardNote de bas de page 5 :Les Baux est un lieu unique par sa beauté sauvage. Les Saintes-Maries-de-la-Mer, capitale de la Camargue, semble flotter entre mer et ciel. Pluriel presque systématique dans le RoutardNote de bas de page 6, avec variations sur le thème des victimes :Les Baux sont victimes de leur succès. Les Saintes-Maries-de-la-Mer sont un peu victimes de la célébrité de ce pèlerinage. De même que dans les guides MichelinNote de bas de page 7 :Une découverte de la Camargue peut se révéler décevante, surtout en été, lorsque les Saintes sont littéralement envahies. Mais une fois qu’on a accordé le verbe, il reste bien d’autres choses dans le contexte dont il faut s’occuper : les pronoms personnels et les déterminants possessifs notamment. C’est ici que les problèmes commencent. Que l’on adopte le singulier ou le pluriel, il est difficile en effet de garder la syntaxe cohérente. Les deux nombres obligent à des acrobaties. C’est là sans doute la raison pour laquelle l’usage, tout en donnant la préférence au pluriel, continue d’hésiter. Prenons le pluriel. Dans l’extrait de l’Encyclobec que j’ai cité, imaginons que le nom des Éboulements soit repris par le pronom ils dans la phrase suivante :Les Éboulements sont au début du XIXe siècle un des lieux de peuplement les plus importants de Charlevoix. Ils comptent pas moins de 1727 habitants en 1831. Mais ce ils est peu idiomatique, parce que l’entité qui compte 1727 habitants est unique. Et ce n’est d’ailleurs pas ce qu’a écrit l’auteur, qui a préféré varier le vocabulaire :La localité compte pas moins de 1727 habitants en 1831. Même stratagème dans le camp du singulier. Voyons la citation complète de TV5 :Les Éboulements est un admirable village que l’on retrouve dans la belle région de Charlevoix. Le village doit son nom à un affaissement de terrain provoqué par un tremblement de terre en février 1663… La petite municipalité Les Éboulements, qui compte un peu plus de mille personnes, est située à 120 kilomètres à l’est de la ville de Québec. Le rédacteur a refusé d’écrire : Il doit son nom… Il est situé…, où il serait maladroitement appuyé sur l’antécédent Éboulements. Comme Christian Harvey, il n’a pas voulu écrire non plus : Ils doivent… Ils sont situés… Et enfin il n’a sans doute pas eu envie de dire : Ils doivent leur nom. Le possessif leur en principe doit renvoyer à plusieurs possesseurs. Or il n’y en a qu’un. Quand on parle d’une ville, d’un village, d’une localité, son nom, son église, sa population sonnent plus juste que leur nom, leur église, leur population. C’est fort probablement pour éviter ce genre de situation que certains préfèrent le singulier. Ainsi dans le passage du Geoguide, verbe et déterminants renvoient tous à un singulier :Les Saintes-Maries-de-la-Mer, capitale de la Camargue, semble flotter entre mer et ciel. Son église fortifiée est visible à plus de 10 km à la ronde. Ses ruelles ombragées, ses maisons blanches… Ses plages… À un singulier… absent de la phrase. Seul le MichelinNote de bas de page 8 pousse l’uniformité très loin, ne lâchant presque jamais le pluriel ni les possessifs exigés par les règles :Les Stes-Maries-de-la-Mer et leur église-forteresse seront un point de départ idéal pour explorer la région. Mais Michelin lui aussi finit par rendre les armes ailleurs sur son site :La Camargue élève les taureaux qui brilleront dans les ferias et les arènes de Nîmes, d’Arles ou des Saintes-Maries-de-la-Mer. Cette dernière, qui est la capitale de la Camargue, n’est pas seulement un lieu de pèlerinage connu, mais aussi une station balnéaire dynamique. Ne devrait-on pas écrire : ces dernières…? À chacun le choix du nombre cause des maux de tête. En désespoir de cause, certains recourent à des astuces fort discutables. Des partisans du singulier font sauter l’article les, rien de moins. La mouche est tuée avec un marteau-pilon. C’est ce qui se passe dans le guide de voyage d’Ulysse sur la ProvenceNote de bas de page 9 et sur le site d’une municipalitéNote de bas de page 10 :Saintes-Maries-de-la-Mer accueille aujourd’hui des familles et des adolescents en quête de vacances ensoleillées au bord de la mer. Bergeronnes charme par son histoire, sa nature, son calme et son accueil. L’article appartient pourtant au nom de la localité : on habite aux Éboulements, et non à Éboulements. D’autres, au contraire, éprouvent des scrupules à toucher à l’article. Ils nous décrivent l’église de Les Éboulements, ou nous invitent à Les Escoumins, comme si ces noms étaient pris dans une gelée. Peut-être dans certains textes à caractère juridique est-il obligatoire de laisser l’article intact, mais dans la langue usuelle à Les et de Les se contractent en aux et des. La solution la plus simple est de s’en tenir au pluriel, de manière à rester sur le terrain solide de la syntaxe, et d’étoffer en conséquence. Le singulier est trop susceptible d’amener des incohérences du genre :Venez faire de la plongée aux Escoumins, qui est situé sur le bord du Saint-Laurent. Un mot ne peut être pluriel à gauche et singulier à droite. Si on ne veut pas écrire : qui sont situés, alors, qu’on étoffe avec une apposition comme village situé sur le bord du Saint-Laurent. Étoffer est facile, comme le montre cet exemple simple tiré du guide Provence et Côte d’Azur du National GeographicNote de bas de page 11:L’étape suivante conduit aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Cette petite ville au charme historique… André Goosse, dans Le bon usage, est l’un des rares à traiter de la question. Dans la 13e éditionNote de bas de page 12, il écrit : « Les noms de localités qui contiennent l’article défini pluriel sont considérés comme des pluriels. » Dans la 14e éditionNote de bas de page 13, il a ajouté le mot « d’ordinaire ». C’est que le singulier se rencontre comme on l’a vu, et pas seulement sous de méchantes plumes. Mais même la nouvelle formulation, avec cette nuance respectueuse de l’usage, devrait inciter chacun à s’aligner sur le pluriel. L’idéal serait que plus aucune ville de la terre ne soit baptisée d’un nom pluriel. Mais le monde n’est pas gouverné par les toponymistes ni par les langagiers.RéférencesNote de bas de page 1 Encyclobec.ca.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Quebecvacance.com/archives/escapades.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Fjord-best.com/auclocher/activites.htm.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Beauxvillages.qc.ca.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 Édition 2005-2006, p. 218 et 196.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 Guide du Routard, Provence, 2004, p. 186 et 231.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Viamichelin.com.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 Viamichelin.com (il faut cliquer sur « Guides Michelin », puis « Tourisme », puis taper le nom de la ville).Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Provence-Côte d’Azur, 2003, p. 187.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 Bergeronnes.net.Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11 Édition 2005, p. 92.Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12 § 495, b.Retour à la référence de la note de bas de page 12Note de bas de page 13 À paraître, communication personnelle.Retour à la référence de la note de bas de page 13Petite montée de lait
Martine Racette (L’Actualité langagière, volume 7, numéro 3, 2010, page 14) Si je sais pertinemment que vous, grands amoureux de la langue française, ne faites pas l’erreur dont je veux vous entretenir dans ce court billet, il n’en demeure pas moins qu’on la relève souvent et qu’elle a le don de me hérisser. Je veux parler de la fâcheuse habitude qui a pris racine dans la langue parlée – du moins au Canada français – et qui consiste à escamoter le pronom relatif dont dans des constructions où son usage s’impose :On a eu l’appui qu’on avait besoin.(Marie-Thérèse Fortin, directrice artistique du Théâtre d’Aujourd’hui, à l’émission Tout le monde en parle, télévision de Radio-Canada, 11 avril 2010)Pour revenir sur l’état de déprime qu’on parlait tantôt…(Bertrand Raymond, chroniqueur sportif, à l’émission Christiane Charette, radio de Radio‑Canada, 30 avril 2010)Ce qu’on se rend compte après cette tragédie…(André Boisclair, à l’émission L’après-midi porte conseil, radio de Radio-Canada, 6 mai 2010) Le pronom que aurait sa place dans une construction transitive directe, du genre Pour revenir sur les sujets que nous avons abordés tout à l’heure, où aborder appelle un complément d’objet direct. Dans les constructions transitives indirectes, c’est dont qu’il faut employer : on a eu l’appui dont on avait besoin (on a besoin de quelque chose) et pour revenir sur l’état de déprime dont on parlait tantôt (on parle de quelque chose). Je ne sais trop à quoi attribuer cet écart trop répandu à mon goût, sinon peut-être au fait qu’on juge l’emploi de dont un peu pédant ou trop encombrant dans la langue parlée courante (et pas seulement au niveau familier). Mais une chose est sûre, cela m’énerve… et je ne suis pas reconnue pour être puriste. Le phénomène est d’autant plus curieux qu’à l’inverse, on n’hésite pas à abuser de dont dans d’autres circonstances. Et là, il n’y a pas que la langue parlée qui soit touchée… Encore récemment, d’ailleurs, le Bureau de la traductionAller à la remarque a nous mettait en garde contre le redoublement du pronom en cause dans des structures comme celles-ci : C’est de cet appui dont j’avais besoin. C’est de cela dont je voulais vous parler. Ici, c’est bel et bien que qu’il faut utiliser. En effet, dont signifie de qui, de quoi, duquel, de laquelle, desquels, desquelles; il contient déjà la préposition de. On évite la redondance en disant C’est de cet appui que j’avais besoin et C’est de cela que je voulais vous parler. La construction avec dont est possible dans les phrases qui commencent par C’est, mais elle est plus rare : C’est cet appui dont j’avais besoin et C’est cela dont je voulais vous parler. Le pronom dont, difficile à manier, entre dans bien d’autres constructions délicates. Jacques Desrosiers a fait le tour de la question dans sa chronique très fouillée du volume 36, numéro 4 (décembre 2003) de ce que l’on appelait encore L’Actualité terminologique. Je ne saurais trop vous en recommander la (re)lecture.RemarqueRemarque a C’était en novembre 2009. Voir le Rappel linguistique.Retour à la remarque aN’importe quel ou lequel?
(L’Actualité terminologique, volume 3, numéro 7, 1970, page 1) N’importe quel et n’importe lequel ne s’emploient pas indifféremment. Ce n’est pas ici la règle du « blanc bonnet » ou « bonnet blanc » qui s’applique. Ainsi, on dira « n’importe quel livre l’intéresse », mais non « venez n’importe lequel jour qu’il vous plaira ». La première locution est adjectif indéfini et la seconde, pronom indéfini. La première est suivie d’un nom qu’elle qualifie; la seconde ne l’est pas, puisqu’elle remplace le nom qu’elle représente et qui figure dans une autre phrase. « Puis-je venir n’importe quel jour? –Oui, n’importe lequel. » Ce serait une faute de dire « Puis-je venir n’importe lequel jour? » et une autre de répondre « oui, n’importe quel. » Il faut noter que « n’importe » est invariable. « N’importe, comme il n’importe, est invariable : N’importe quelles semonces le laissent indifférent » (Dictionnaire des difficultés de la langue française – Adolphe V. Thomas).Dont : un pronom capricieux
Jacques Desrosiers (L’Actualité terminologique, volume 36, numéro 4, 2003, page 15) Le pronom dont est l’un des plus difficiles à manier. Il est si capricieux que la langue familière s’en passe allègrement, préférant par exemple c’est le dossier que j’ai besoin, ou parfois au contraire, peut-être pour faire chic, elle le double d’un de, comme le fait un personnage dans la traduction d’un roman de Philip RothNote de bas de page 1 lorsqu’il dit : ce n’est pas de ça dont je parle. On doit dire bien sûr : ce n’est pas de ça que je parle ou ce n’est pas ça dont je parle. Sinon c’est le pléonasme, et dont a horreur de la redondance. Les grammaires n’acceptent pas non plus d’ailleurs les phrases où dont est redoublé par un possessif, comme un livre dont je connais son auteur, un enfant dont je vois sa frimousse, ou par un pronom personnel, comme dans un gâteau dont il en a mangé la moitié. Dont est l’équivalent d’un complément introduit par de. Si je parle de cosmétiques dont la vente au Canada constituerait une contravention à la loi, dont est le complément de vente : son rôle dans la relative est de remplacer des cosmétiques. Cette construction très simple ne cause aucun problème non plus lorsque dont complète un verbe ou un adjectif, comme dans la façon dont il parle ou l’homme dont elle est folle. Une fois cela compris, la langue écrite n’est pas encore sortie de l’auberge. Car une règle interdit aussi à dont d’être le complément d’un nom précédé d’une préposition. Voilà pourquoi on ne peut dire : une personne dont je m’intéresse au sort, le collègue dont je comptais sur l’aide, le parc dont je me promène dans les allées. Mais ces exemples sont si criants qu’ils donnent l’impression que l’oreille suffit à la tâche. Le remède est connu, dites : c’est une personne au sort de laquelle je m’intéresse, c’est un collègue sur l’aide duquel je comptais. Mais pour beaucoup ces longues formes avec duquel, de laquelle, etc., sont une médecine de cheval. Mieux vaut souvent reformuler. Il y a des cas malaisés où il est plus difficile d’« entendre » l’erreur. On ne peut dire un produit dont je doute de l’efficacité, puisque efficacité est coincé entre de et dont, ni ce village dont je me souviens de la jolie plage. En revanche, ce village dont je me rappelle la jolie plage est impeccable. La règle interdit donc d’écrire : un auteur dont la lecture des œuvres ne peut se passer de commentaires, où dont est complément d’œuvres. C’est sur cette construction qu’on trébuche le plus souvent. Il n’y a pas d’ambiguïté sérieuse dans une telle phrase et la syntaxe est en principe correcte, puisqu’en remplaçant dont par l’antécédent on lirait : la lecture des œuvres de cet auteur ne peut se passer de commentaires. Mais, comme l’explique Lucien Léonard dans Savoir rédigerNote de bas de page 2, la règle a été établie pour éviter un « flottement » dans la phrase. Le lecteur doit-il comprendre : un auteur dont la lecture ou un auteur dont les œuvres? Il doit s’arrêter, faire attention, rectifier. Il y a un grain de sable dans l’engrenage. Dans un homme dont l’originalité des idées est remarquable, parle-t-on d’un homme original? Un homme dont l’originalité des… crée un flottement dans l’esprit du lecteur. Comme aujourd’hui la langue marche au pas de la logique et de la clarté, une telle règle est justifiable. Heureusement, des exceptions ont été prévues. Dont peut compléter un nom précédé d’une préposition s’il complète aussi dans la même phrase un autre nom non précédé d’une préposition. Voilà pourquoi on peut dire un écrivain dont l’œuvre est inséparable de la vie ou la femme dont les cheveux flottent sur les épaules. Dont peut être complément d’épaules, parce qu’il est aussi complément de cheveux qui lui n’est pas amené par une préposition. Dans des contextes où on risquerait l’ambiguïté il serait toujours correct d’écrire : la femme dont les cheveux flottent sur ses épaules, un écrivain dont l’œuvre est inséparable de sa vie. Tous les auteurs acceptent aussi que dont complète un nom composé tel que garde du corps ou une locution comme tenir à l’écart, venir à bout. Ainsi on peut parler du président dont les gardes du corps s’étaient enfuis. Le Trésor de la langue française cite la phrase de Germaine Guèvremont : Il avait commis la gaucherie de confondre Bernadette Salvail, dont la réputation de beauté s’étendait au-delà de la Grand’Rivière. Une journaliste écrit correctement : Une partie du petit peuple a répondu en votant pour le candidat dont les thèmes de campagne correspondaient à ses propres frustrationsNote de bas de page 3. S’il est donc permis d’écrire un homme dont la force d’esprit est remarquable, où dont est complément de la force, on doit rejeter un homme dont la force de l’esprit est remarquable, parce que dont complète de l’esprit. J’ai été étonné récemment de constater que le Grand Robert s’appuie encore sur la vieille édition du Bon usage de 1975 lorsqu’il fait la remarque : « Il faut dire : Cet enfant dont la régularité du travail est appréciée », tour qui va directement à l’encontre de la règle. Grevisse semblait en effet préférer l’article (du travail) au possessif du tour Cet enfant dont la régularité de son travail est appréciée, où son fait un pléonasme avec dontNote de bas de page 4. Mais ce faisant il contredisait la règle que lui-même formulait sur la présence d’une préposition. Car les deux tournures sont critiquables, la première parce que travail est précédé d’une préposition, l’autre parce que dont et le possessif sont redondants. En prenant en main le Bon usage dans les éditions subséquentes, André Goosse a donné un tour de vis à la règle. Reprenant l’exemple : La grève fuit jusqu’au Ploc’h, dont on aperçoit le toit des premières maisons,que Grevisse trouvait donc acceptable (1975, § 560 Rem. 2, N.B. b), il le considère comme étant « à ne pas imiter » (1993, § 695 c, 4), maisons étant déjà complément du nom. La masse des grammairiens vont dans le sens de Goosse, du moins implicitement, dans la mesure où presque aucun ne donne comme exemple le tour recommandé par le Grand Robert. Ils rappellent tous – Hanse, Colin, Dournon, le Grand Larousse, etc. – l’interdiction faite à dont de compléter un nom amené par une préposition. L’un des rares ouvrages à ma connaissance à accepter de plain-pied la tournure controversée est Le français au bureau, qui donne comme modèle : Voilà un ouvrage dont la qualité des illustrations est remarquable, sans mentionner l’entorse à la règleNote de bas de page 5. Et il y a l’iconoclaste Marc Wilmet qui lance comme un pavé dans sa Grammaire critique du françaisNote de bas de page 6 l’exemple : Pierre, dont c’est le vingtième anniversaire de la mort… Peut-être ces exemples sont-ils un peu spéciaux. La qualité des illustrations n’est pas une locution figée, mais j’ai remarqué que certaines « expressions » d’un emploi très fréquent s’accommodent facilement de dont dans l’usage courant. La fréquence du tour dont la qualité du travail par exemple est frappante :…lui dont la qualité du travail n’a jamais été remise en cause (Le Soleil, 20 septembre 2002)…quelqu’un de grande expérience dont la qualité du travail et l’intégrité n’ont jamais été mises en cause (La Presse, 29 avril 2002)…la confiance renouvelée des élèves envers les intervenants scolaires, dont la qualité du travail a permis la prise en charge rapide et appropriée d’une situation délicate (La Voix de l’Est, 7 décembre 2001) Ce n’est pas une curiosité locale : Sam Mendès (« American Beauty ») est un artisan inspiré, perfectionniste, dont la qualité du travail, plutôt que l’invention, paye et émeut (Le Soir, journal belge, 2 septembre 2002). Un chroniqueur parle de Bombardier dont la qualité des créances… Je ne dis pas que ces phrases sont correctes, mais il est possible que certaines expressions passe-partout soient senties comme figées par certains locuteurs. Quant à l’exemple de Wilmet, si tant est que l’oreille peut s’y faire, on y lit d’abord : Pierre dont c’est le vingtième anniversaire… Le flottement est assez sérieux. Pendant quelques secondes, le lecteur doit se demander si Pierre est vivant ou mort. Le tour a un vague air de parenté avec une exception que Goosse a prévue : le cas des « pseudo-complémentsNote de bas de page 7 ». Dans le bureau de Louise, le mot important est bureau auquel le complément de Louise est subordonné. Dans une partie du texte, le mot texte n’est pas logiquement subordonné à partie, il est l’élément principal. Du texte n’est pas un véritable complément du nom. Il en va de même de nombreux collectifs, comme une bande de moineaux, et d’indications de mesure ou de proportion comme la plupart des invités, le reste de l’année, etc. Parfois d’ailleurs, mais pas toujours, l’accord du verbe signale la présence d’un pseudo-complément, comme dans la phrase : La moitié des pièces étaient perdues. C’est pourquoi l’emploi de dont est correct dans : un homme dont une partie de la richesse est attribuable à la bulle techno, où richesse est le véritable sujet de la phrase. L’exception ne vaut pas que pour le sujet, comme le montre ce vieil exemple de René Georgin : un pied de vigne dont il s’appliquait à supprimer une bonne partie des grappes de fleurs, où dont complète grappes et non partie (ni fleurs)Note de bas de page 8. Dans ce genre de phrases, entre peut-être aussi en ligne de compte le fait qu’il est presque impossible que le lecteur comprenne : un homme dont une partie, ou un pied de vigne dont il s’appliquait à supprimer une bonne partie, de sorte qu’il n’y a aucun flottement. Nous sommes donc quand même assez loin de feu Pierre. Les difficultés d’emploi de dont viennent en partie du fait qu’il interrompt la phrase, aussi est-il important que le résultat n’oblige pas le lecteur à revenir en arrière pour mettre les bouts ensemble. Dès que le lecteur voit dont dans une phrase, il cherche le mot qu’il complète et l’« essaie » sur les noms qui suivent. Il s’en faut d’ailleurs souvent de peu qu’on tombe dans la confusion. On le voit dans un autre type de phrases où n’intervient aucune préposition. Mauger prend l’exemple : cet enfant dont le directeur est le père, qui est irréprochable sur le plan de la syntaxeNote de bas de page 9. Mais le lecteur rattache d’abord dont à directeur, et comme il n’y a pas beaucoup de gens qui sont « directeurs d’un enfant », il doit chercher plus loin. Il n’y aurait aucune hésitation dans cet enfant dont le directeur de l’entreprise est le père, où dont se rapporte simplement à père. Une journaliste créait le même genre de confusion momentanée en expliquant récemment que l’action du roman Waiting for the Barbarians, du prix Nobel J. M. Coetzee, se passe dans une région où grouillent des tribus dont la métropole craint l’envahissementNote de bas de page 10; le lecteur doit d’abord rejeter l’idée de la métropole des tribus. Voici, en guise de conclusion, une série de phrases où on essaiera de voir si l’emploi de dont est correct ou non. Les réponses suivent.NOTESCe sont les dossiers « chauds » dont les employés du BDG devraient être au courant. Le patron de la division américaine du Financial Times passe chez le géant Internet Yahoo!, dont il devient directeur des activités internationales. Mener une recherche sur toutes les transactions dont la date du dossier est ultérieure à celle apparaissant dans le champ « A ». Lorsqu’un utilisateur dont le niveau de sécurité est « approbation de compte » effectue une sélection à partir de l’écran DQ001… Cette femme dont la mort de son fils avait dérangé l’esprit. Le plan de 2002-2003 reflète les priorités importantes de la direction générale et du ministère, dont les plans d’activités et de gestion du changement sont substantiels. Le type même du père dont la passion excessive l’entraîne à tout sacrifier pour ses deux filles. …les leaders de cette ville se sont pris en main, ont retroussé leurs manches et se sont battus pour la faire revivre. Ce sont des leaders de cette trempe dont nous avons besoin. Des entreprises dont la part de leur actif et de leurs revenus libellés en dollars américains est en constante progression. C’est une organisation dont mon admiration pour les dirigeants est sans bornes. Les étudiants inscrits dont l’intérêt pour la recherche se porte sur la génétique. C’est un employé dont il est superflu de vanter les qualités. Le Canada, dont la moyenne d’âge des citoyens augmente. Le premier ministre de l’État central convoque des conférences fédérales-provinciales dont il a la responsabilité de préparer le programme. Le kangourou dont nous avons assisté à la naissance.Réponses et commentaires :Être au courant est une locution verbale et dont n’a aucun lien avec les employés du BDG. Correct. En principe, fautif, directeur des activités internationales n’étant pas une expression figée. Le monsieur dirigera les activités internationales et non Yahoo!; dont est complément d’activités qui est précédé d’une préposition. Mais certains, dans l’administration publique ou du secteur des ressources humaines, sentiront peut-être ces appellations d’emploi comme des expressions figées. Incorrect bien sûr, puisque dont se rapporte à dossier qui est précédé d’une préposition. Date reste le sujet véritable de la relative. Niveau de sécurité est indécomposable, comme la réputation de beauté de Bernadette Salvail. Cette phrase de Julien Green est tout à fait correcte. Dont est complément d’esprit, mais non de fils qui est déterminé par son. C’est ce que Georgin, en bon grammairien de gauche, appelait « le principe de la division du travailNote de bas de page 11 » : dont s’occupe d’esprit, son s’occupe de fils. Grevisse en 1975 jugeait cette phrase pléonastique (sans la condamner), tandis qu’aux yeux de Goosse elle est parfaitement construite, puisque dont se rapporte seulement à esprit. Il faut remarquer toutefois qu’en vertu de l’exception qui permet à dont de compléter un nom précédé d’une préposition s’il complète en même temps un autre nom non précédé d’une préposition, on pourrait avoir : cette femme dont la mort du fils avait dérangé l’esprit, sur le modèle de la femme dont les cheveux flottent sur les épaules. Goosse précise en effet que l’exception vaut indifféremment pour le sujet ou le complément. Mais dans les exemples donnés par les ouvrages le nom qui n’est pas précédé de la préposition est la plupart du temps le sujet de la phrase, ou alors il vient le premier comme dans ceux dont on lit la pensée dans les yeux. Il semble y avoir une règle plus complexe cachée là-dessous. Lourd mais correct. Dont est uniquement complément de plans. Portrait du père Goriot par Léonard dans Savoir rédiger. Redondance. L’antécédent père est rappelé deux fois dans la relative : par dont et par l’. Il fallait dire : du père que sa passion excessive entraîne. Cas subtil. Tiré d’un éditorial du Soleil à propos de Murdochville. La phrase est correcte, mais il aurait suffi de mettre de leaders pour tomber dans la faute. À moins de dire : Ce sont de leaders de cette trempe que nous avons besoin. Les deux possessifs sont de trop. Actif et revenus sont des pseudo-compléments que dont peut compléter. Des entreprises dont la part de l’actif et des revenus. Les bornes ont des limites! Dont complète dirigeants qui est tiré par une grosse préposition. Ressemble à l’exemple précédent, mais dont complète intérêt et non recherche. Correct. Dont complément de qualités. Correct. Incorrect (et facile!). Dont complète le programme. Même construction que l’exemple 12. Correct. Incorrect, à cause de la préposition à.Dupré, dans l’Encyclopédie du bon françaisNote de bas de page 12, aimait le dernier exemple. Pour éviter les constructions lourdes avec auquel, de laquelle, etc., il demandait aux grammairiens de changer la règle, du moins dans le cas de la préposition à, trouvant clairs et logiques ce genre de tours. C’est peut-être une règle qui n’a pas encore achevé son évolution. Mais elle reste assez étroitement surveillée. Dont a d’autres emplois dont je n’ai pas parlé, notamment au sens de « au sujet duquel », ceux avec des expressions numérales, en plus de tous les tours elliptiques, jusqu’à l’énigmatique dont acte, qui sert à clore les discussions.Notes pour les réponses et commentaires :RéférencesNote de bas de page 1 Patrimoine, trad. par Mirèse Alcaret et Maurice Rambaud, Gallimard, 1991, Folio, p. 57.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 Tome 1, Bordas, 1978, p. 207.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3 Lysiane Gagnon, La Presse, 30 avril 2002.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4 Le bon usage, 10eéd., Duculot, 1975, § 560.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5 5eéd., Les publications du Québec, 2000, p. 337.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6 2eéd., Duculot, 1998, § 335.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7 Le bon usage, 13eéd., Duculot, 1993, § 342 b.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8 La prose d’aujourd’hui, Éditions André Bonne, 1956, p. 85.Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9 Grammaire pratique du français d’aujourd’hui, Hachette, 1968, p. 167.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10 Lysiane Gagnon, La Presse, 7 octobre 2003.Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11 Consultations de grammaire, de vocabulaire et de style, Éditions sociales françaises, 1964, p. 78.Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12 Tome 1, Éditions de Trévise, 1972.Retour à la référence de la note de bas de page 12« Comme il l’a été mentionné » : un intrigant pronom personnel
Jacques Desrosiers (L’Actualité langagière, volume 10, numéro 2, été 2013) Q. Que pensez-vous du « l’ » dans les tournures du genre : « Comme il l’a été mentionné précédemment, … »? R. Quelqu’un à qui j’ai soumis votre exemple a tout de suite décrit ce pronom personnel comme un « imposteur ». Je ne crois pas non plus qu’il soit acceptable, mais le démontrer est une autre affaire. On peut retracer les transformations successives de la phrase qui font apparaître le pronom. Théoriquement, on commence avec une phrase active comme la suivante, semblable à celle que vous donnez vous-même dans la suite de votre courriel L’agent d’immigration a mentionné que le demandeur d’asile avait menti. Puis on la tourne au passif, en faisant sauter le complément d’agent Il a été mentionné (par l’agent d’immigration) que le demandeur d’asile avait menti. C’est cette phrase qu’on doit examiner avant de franchir l’étape suivante et de remplacer la conjonctive (que le demandeur d’asile avait menti) par le pronom. En principe, la présence de comme ne change rien à l’affaire : puisqu’il introduit simplement une proposition, il n’a pas d’incidence sur la légitimité du pronom. Il faut commencer par déterminer quelle est la vraie nature de la conjonctive. Or cette question fait débat depuis longtemps chez les linguistes, qui y ont donné des réponses variées, souvent irréconciliables. Elles peuvent se ramener à quatre grandes théories. D’abord, celle de Ferdinand BrunotNote de bas de page 1 qui soutenait que les verbes impersonnels sont suivis de compléments d’objet direct. Prenons la phrase Il faut du pain. Il faut quoi ? — Du pain. Il faut que nous partions. Il faut quoi ? — Que nous partions. Compléments d’objet direct. L’idée est séduisante parce qu’elle permet d’expliquer pourquoi on passe si facilement de Il faut que nous partions à Il le faut. Sauf que les objections sont fort nombreuses. Il a fallu des efforts. Il a fallu quoi ? — Des efforts. Mais on écrit les efforts qu’il a fallu et non fallus. Dans cette perspective purement syntaxique, Brunot voit un complément direct jusque dans un tour comme Il est utile que vous le fassiez. Et avec les passifs, le problème reste entier. C’est pourquoi plusieurs linguistesNote de bas de page 2 se sont tournés au fil du temps vers une autre explication : que le demandeur avait menti, selon eux, n’est pas un complément du verbe, mais un « terme complétif du sujet », une sorte de complément de il. Ce dernier, ne désignant rien, doit être complété plus loin dans la phrase. Ils se sont par là rapprochés de la théorie traditionnelle, que rejetait Brunot et qui veut que ces phrases comportent en fait deux sujets : un sujet grammatical (il) et un sujet réel (que le demandeur avait menti). La phrase se trouve à dire : (le fait) que le demandeur avait menti a été mentionné. Ici, c’est la logique qui prime. La conjonctive est le véritable sujet de la phrase. Cette théorie est à la fois la plus ancienne et la plus récente, puisque c’est encore celle que défend André Goosse dans l’édition courante du Bon usage. En quatrième lieu, la Grammaire méthodique du françaisNote de bas de page 3 a proposé un moyen terme entre ce point de vue et celui de Brunot. Quand on transforme en passive une phrase ordinaire comme l’ouragan a détruit la maison, son complément direct devient sujet (la maison a été détruite par l’ouragan). Notre phrase Il a été mentionné que le demandeur d’asile avait menti résulte aussi de la transformation d’une phrase active — sauf que la place du sujet est occupée par le pronom il et que l’objet direct (l’agent a mentionné que le demandeur d’asile avait menti) n’a pas bougé. Je ne vais pas trancher entre ces théories, bien que celle des deux sujets me semble la plus simple. Elle s’accorde mieux avec notre intuition qu’il y a incompatibilité entre passif et objet direct. Elle permet d’harmoniser la mécanique des passifs impersonnels avec celle des passifs ordinaires : dans les deux cas le complément direct de l’active devient sujet, mais dans le cas des impersonnels, sujet réel. On peut ainsi plus facilement expliquer pourquoi le pronom est irrégulier. On ne serait pas plus avancé en adoptant, par opportunisme, l’une des autres théories, dont aucune d’ailleurs ne va jusqu’à accepter la pronominalisation. La raison est qu’une tournure comme Il l’est mentionné est un objet hybride, qui oublie que le verbe reste un passif. En faisant rentrer de force un objet direct dans ce noyau verbal passif, on place le lecteur devant une phrase plus ou moins compréhensible, qui lui apprend que quelque chose est mentionné, tout en faisant « passer » cette action de mentionner sur une autre chose — qui est en fait la même chose. C’est ce que fait tout verbe transitif, y compris mentionner : il décrit une action qui « passe » (transit en latin) sur un objet. Choisir de voir un objet direct dans la conjonctive ne fait pas de il est mentionné, comme par un coup de baguette magique, un actif pouvant se comporter, par exemple, comme j’ai dit. Voilà pourquoi on peut transformer J’ai dit que en Je l’ai dit, mais pas Il est mentionné que en Il l’est mentionné. Le seul linguiste que j’ai vu rappeler explicitement que le tour est anormal est Claude MullerNote de bas de page 4, qui signale l’impossibilité de transformer une phrase comme Il m’est arrivé la chose suivante en Il me l’est arrivée. Rien de tout cela n’impressionne Google, qui déverse des tonnes de résultats où le pronom accompagne toutes sortes de verbes (il l’est dit, expliqué, rappelé, il l’a été dit, etc.). Pourquoi est-il aussi populaire? Deux pistes de réponses, l’une sémantique, l’autre phonétique. Si le problème se pose plus particulièrement en présence de comme, c’est qu’on n’écrirait jamais tout court : Il a été mentionné — phrase incomplète et vide de sens. Il faut bien que quelque chose soit mentionné. Avec comme, l’ellipse vient naturellement parce que comme indique que cette chose est précisée ailleurs dans la phrase. Il se peut que certains ajoutent le pronom parce qu’ils n’aiment pas les ellipses en général (les grammairiens les appelleraient des « ellipsophobes »). Le pronom est pourtant parfaitement inutile et n’ajoute rien au sens. Comparez Comme il a été mentionné, le demandeur avait menti. Comme il l’a été mentionné, le demandeur avait menti. Mais plus vraisemblablement l’explication est du côté de la phonétique. L’ajout de l’ a peut-être à voir avec ce qu’on appelle en termes savants une « épenthèse » : ces sons qu’on intercale dans un mot ou une phrase pour des raisons purement phonétiques, comme le t de demande-t-il, ou le l de ça l’arrive parfois. Le premier est correct, le second condamné, mais les deux ont en commun d’être là seulement pour l’oreille. Il est possible que les amateurs du pronom l’empruntent, par imitation, à des tournures voisines comme Cela a été mentionné ou Cela a été dit. Mais ce sont justement ces tournures qu’ils devraient employer s’ils n’aiment pas l’ellipse : Comme cela a été mentionné précédemment,… Chose certaine, vous ne voudrez sûrement pas combiner les deux en écrivant : Cela l’a été mentionné ou Cela l’a été dit, où la même chose est à la fois sujet et complément. Absurde, n’est-ce pas? Eh bien, cherchez dans Google, et celle-là aussi vous la trouverezNote de bas de page 5. Notes et références Note de bas de page 1 La pensée et la langue, Masson, 1922, p. 289 et s. Retour à la référence de la note de bas de page 1 Note de bas de page 2 Dont G. et R. Le Bidois (Syntaxe du français moderne, t. 1, 2e éd., Picard, 1967, § 319-320), Maurice Grevisse anciennement (Le bon usage, 11e éd., Duculot, 1980, § 278) et Hervé Béchade plus récemment (Syntaxe du français moderne et contemporain, 2e éd., PUF, 1989, p. 99-100). Retour à la référence de la note de bas de page 2 Note de bas de page 3 De M. Rigel, J.-C. Pellat et R. Rioul, PUF, 2004, p. 449-450. Retour à la référence de la note de bas de page 3 Note de bas de page 4 « Diathèses et voix en français : une répartition des rôles », 2005, p. 4. Retour à la référence de la note de bas de page 4 Note de bas de page 5 J’ai noté, après la date de tombée de cet article, les deux tours suivants à l’entrée indiquer du Trésor de la langue française : Comme il est indiqué (quelque part dans le texte). Comme il a été indiqué plus haut, les produits des études et recherches sont versés dans les recettes de l’école (Industr. fr. brasserie, 1955, p. 30). Retour à la référence de la note de bas de page 5CE livre ou LE livre
(L’Actualité terminologique, volume 2, numéro 3, 1969, page 4) Peut-on dire indifféremment : « J’ai enfin déniché ce livre ou le livre que vous cherchez depuis si longtemps? » Voyons donc quelle est la fonction de « ce » d’après les grammaires. DAUZAT : Le démonstratif situe l’être ou l’objet dans l’espace et dans le temps. Il indique l’être ou l’objet en question – dont on a parlé, dont on vient de parler – plus ou moins éloigné dans le temps ou l’espace. En ce temps-là… ces temps-ci. Un loup n’avait que les os et la peau… Ce loup rencontre… Le démonstratif met en valeur le nom qu’il détermine, étant selon le cas admiratif (Ce Pascal, comme il est profond!), péjoratif (Il en a fait du mal, ce misérable), ironique (Voyez ce gamin), exclamatif et familier (Ce Gaston!…). LAROUSSE : Le démonstratif correspond primitivement à un geste qui désigne l’objet ou l’être dont on parle. Il souligne un geste (Passez-moi ce livre). Il désigne soit les circonstances qui entourent le moment présent ou le moment dont on parle, soit l’objet ou l’être que l’on vient de mentionner, qui sert de matière au discours (En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples…). Il désigne quelque chose qu’on a déjà mentionné, ou plus rarement que l’on va déterminer (Cette justice doit lui être rendue qu’il s’est dévoué jusqu’à la dernière minute pour rétablir la situation). Il prend souvent un sens emphatique et sentimental (Qu’il est gentil, ce petit!). Il est péjoratif, à l’occasion (Ce grand imbécile). GREVISSE : Le démonstratif possède, outre sa valeur démonstrative, diverses valeurs figurées. Il indique que le nom désigne un être ou une chose qu’on vient de nommer ou dont on va parler : Écoutez ce récit avant que je réponde : J’ai lu dans quelque endroit (La Fontaine). Il s’emploie comme démonstratif prochain pour indiquer le lieu où l’on est, le temps où l’on vit, les circonstances actuelles : Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr (V. Hugo). – Le vin sera bon cette année. Il s’emploie au lieu de l’article pour mieux attirer l’attention (emphase, respect, nuance péjorative) : Et Caïn répondit : je vois cet œil encore! (V. Hugo) … Ces messieurs de la paroisse me trouvent toujours quand ils ont besoin de moi (Fr. Mauriac). Il sert parfois à traduire la surprise, l’indignation, etc. : Tu demandes pourquoi je viens? CETTE demande! QUILLET : Le démonstratif rappelle ce dont on vient de parler ou annonce ce qui suit : Ces paroles me semblent judicieuses. Retenez bien ces conseils. Il fait valoir, en bonne ou mauvaise part, l’être ou l’objet dont on parle : Mon père, ce héros au sourire si doux (V. Hugo). La guerre, ce fléau. Résumé des emplois de l’adjectif démonstratif :situe dans l’espace (immédiat ou éloigné); situe dans le temps (passé, présent et à venir); situe dans des circonstances; evêt un caractère : admiratif, péjoratif, ironique, emphatique, sentimental, étonné, indigné.Conclusion. Dans la phrase « J’ai enfin déniché ce livre ou le livre que vous cherchez depuis si longtemps », le « ce » souligne le fait qu’il s’agit d’un livre dont il a été beaucoup question entre dénicheur et chercheur et auquel ce dernier tient beaucoup. Règle expresse. On peut employer « ce » ou « le » quand on peut ou pourrait, d’un geste réel ou imaginaire, indiquer l’être ou l’objet dont on a parlé, parle ou parlera. Ainsi donc, s’exprime correctement l’orateur politique qui dit : « Le gouvernement de cette province … » En bref, si l’on peut ajouter « ci » ou « là » au nom, ce peut s’employer. On emploie le dans les autres cas.Défi grammatical : difficultés en vrac
à ce / à ceci / ceci / cela / de ceci
Il a été traité brièvement de la locution à ce à l’article CE : on ferait bien de s’y reporter, puis de compléter l’information par ce qui suit. Cette locution appartient au style juridique. Linguistiquement, elle reprend dans une formule ramassée le complément ou le groupe de mots servant de complément qui a été antérieurement exprimé. Du point de vue stylistique, elle permet de rendre l’énoncé plus incisif puisqu’elle supprime la répétition, l’excès verbal. « Lorsque le conseil municipal à ce régulièrement requis refuse ou néglige de donner avis, il peut être passé outre. » Dans le style des testaments, la locution à ce, ou ses variantes grammaticales à ceci et de ceci, est fort courante. « En foi de quoi, j’ai apposé ma signature à ceci mon dernier testament. » « Je nomme Pierre et Paul exécuteurs de ceci mon dernier testament. » Le pronom démonstratif neutre ceci annonce la chose la plus proche, présente ce qui va suivre : Je vais vous dire ceci (et non [cela]); cela dit, et non, logiquement, [ceci] dit. « Ceci est le dernier testament fait et consenti par moi. » « Le juge peut décider de fixer leur résidence soit chez une autre personne choisie de préférence dans leur parenté, soit, si cela s’avérait impossible [on ne dirait pas si [ceci] s’avérait impossible], dans un établissement d’enseignement. » « Le débiteur doit toujours rendre la même quantité et qualité des objets prêtés, et ne doit rendre que cela. » La locution à ce entre dans la formation de l’expression à ce connaissant pour caractériser la personne bien informée sur un sujet particulier (appelée le sachant dans l’ancienne langue du droit) que l’expert ou le technicien peut consulter et qui peut être entendue comme témoin dans un procès. Renseignements complémentaires céans cecice
En plus de servir à l’énoncé des adages du droit, souvent pour traduire des maximes latines (Ce qui abonde ne vicie pas. Ce qui est tranquille, il ne faut pas le troubler), le pronom ce entre dans la formation de plusieurs locutions, soit archaïques, soit affectées, que privilégient encore nos textes juridiques et administratifs. Les unes relèvent proprement du style juridique, les autres pourraient avantageusement être abandonnées au profit d’une langue plus simple et plus moderne. En voici quelques-unes : à ce (suivi d’un adjectif) « Par dérogation à toute loi à ce contraire (…) » « Toutes clauses et stipulations à ce dérogatoires (…) » ou suivi d’un participe adjectif) « La Cour est saisie d’une affaire par une partie contractante à ce habilitée suivant l’article 48 de la Convention. » « Quiconque sachant qu’il est dans l’impossibilité absolue de payer se fera servir des boissons dans des établissements à ce destinés est passible d’une amende. » Remarque : Pour la locution à ceci employée dans le style notarial, se reporter à l’article ceci. Ce (suivi du participe présent) « La Cour n’a pas, ce disant, exclu le domaine de la plausibilité. » Les locutions ce disant et ce faisant doivent être conservées : elles remplacent fort bien les mots en disant cela et en faisant cela. Toutefois, devant d’autres participes présents, le tour relève du style affecté. La locution elliptique ce que dessus est archaïque, mais elle s’est maintenue dans la langue juridique et administrative. « Tout ce que dessus sera fait de suite et sans divertir à autres actes », énonce le Code civil français en son article 976. De ce (suivi de l’infinitif) « Faute par lui de ce faire, il est de plein droit dessaisi. » Le tour et ce, encadré comme il se doit par des virgules, serait étranger au style juridique. On le trouve pourtant dans les codes. Il est vrai qu’il est souvent superflu, mais sa présence se justifie lorsque l’idée secondaire vient appuyer nécessairement l’idée principale de telle sorte que l’énoncé de la règle souffrirait qu’on en fît deux phrases. « Cependant, si leur inventaire sur place présente des difficultés, ils font l’objet de scellés fermés provisoires jusqu’au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs, et ce, en présence des personnes qui ont assisté à la perquisition suivant les modalités prévues à l’article 57. » « Les actions auxquelles les inscriptions peuvent donner lieu contre les créanciers seront intentées devant le tribunal compétent (compétent 1, compétent 2), par exploits faits à leur personne, ou au dernier des domiciles par eux élus sur les bordereaux d’inscription, et ce nonobstant le décès soit des créanciers, soit de ceux chez lesquels ils auront fait élection de domicile. » Le tour et ce, dont il ne faut pas abuser, peut servir à la production d’un effet stylistique de mise en vedette ou de soulignement. « La police peut, à son appréciation absolue, employer cette méthode contre qui elle veut et pour les raisons qu’elle veut, et ce, sans limite quant à l’endroit ni quant à la durée. » La locution ce nonobstant, que l’on trouve encore au Code civil français, variante de l’archaïsme nonobstant ce, gagnerait à être modernisée, d’autant plus que le mot nonobstant tend à disparaître de la langue du droit. Malgré ce s’emploie au début de la phrase pour dire malgré ce qui précède, malgré cela. « Élément du débat juridictionnel, le rapport d’enquête est soumis au principe du contradictoire (…) Malgré ce, son caractère exorbitant justifie que (…) l’enquête sociale ne puisse être utilisée par qui que ce soit, juge ou partie. » Le tour sur ce se place au début de la phrase ou au milieu d’une phrase et est précédé du verbe qu’il modifie. On dit aussi sur cela. « Sur ce, le président nomme deux scrutateurs aux fins de procéder aux scrutins. » « S’il devient failli, il cesse sur ce d’être membre du Conseil. » Suivi d’un participe passé, sur ce vient renforcer l’idée exprimée par le verbe. Ce tour se rencontre surtout en construction impersonnelle. « Il est ordonné au greffier sur ce requis de remettre l’instance au rôle. » L’adjectif démonstratif ce (et ses variantes grammaticales) s’emploie après l’énoncé de l’idée ou du mot à exprimer, complément du démonstratif. Dans l’exemple suivant : « L’absent est présumé vivant durant les sept années qui suivent sa disparition, à moins que son décès ne soit prouvé avant l’expiration de ce délai », l’idée de délai ayant été exprimée précédemment par les mots « durant les sept années qui suivent sa disparition », l’emploi de l’adjectif démonstratif se justifie grammaticalement. En revanche, on ne peut commencer une phrase à l’aide d’un adjectif démonstratif qui serait sans antécédent. L’anglais use abondamment de ce tour ("This decision (…)", "This Court (…)"); le français préfère en ces cas l’article défini, l’adjectif possessif ou encore, s’il s’agit d’un texte que l’on a devant soi, d’une affaire dont il est actuellement question ou d’une chose qu’on fait au moment même, l’adjectif présent 2 devant le nom : la présente loi; le présent acte, la présente affaire. Le plus souvent, l’idée de durée doit être énoncée : le dix du présent mois; le premier trimestre de la présente année. Il est alors synonyme d’actuel. Il faut donc éviter l’emploi du démonstratif ce, s’il qualifie un substantif qui ne renvoie pas à ce qui vient d’être dit. Renseignements complémentaires céans ceci stipulationtout (accord du pronom)
Le pronom tout peut être sujet, complément ou attribut. Tous sont d’accord. (sujet) Elle doit toujours donner son opinion sur tout. (complément) Cette photo est tout pour elle. (attribut) Le pronom tout peut prendre la forme du singulier ou du pluriel. Singulier Le pronom tout au singulier ne s’emploie qu’au masculin. Il signifie « l’intégralité, la totalité, toutes les choses » : Tout va bien. Il pense à tout. Vous pouvez prendre un peu de tout. Ne prenez pas tout au sérieux. Tout vient à point. Il a un œil de lynx et il voit tout. Il faudra tout remettre en place. Pluriel Le pronom tout au pluriel signifie « l’ensemble des éléments d’un tout », « toutes les choses », « toutes les personnes » : Les études, les rapports, les documents : je les lirai tous. Les employées sont venues en grand nombre et toutes ont apprécié la conférence. Ils parlent tous en même temps. Les élèves ont tous été très sages. Devant un adjectif Le pronom tout peut être placé devant un adjectif au pluriel. Il signifie alors que chaque personne, objet ou animal est touché par le sens de l’adjectif : des ampoules qui sont toutes grillées (chaque ampoule est grillée) des parents tous fiers (chaque parent est fier) ils sont tous rouges (chaque individu ou objet est rouge) Renseignements complémentaires Pour plus de renseignements sur la règle générale de l’accord de tout, voir tout (accord de l’adjectif), tout (accord de l’adverbe) et tout (accord du nom).on/nous
La langue administrative étant fondée sur la responsabilité, le pronom on n’y occupe pas une place de choix parce qu’il est vague et indéterminé. On peut lui préférer le je ou le nous, ou le remplacer par un collectif : Le ministère, le service, l’équipe, etc., a décidé de… (plutôt que : On a décidé de…) Nous avons décidé de… On peut aussi lui substituer une formule impersonnelle ou passive (mais sans en abuser) : Il a été convenu, décidé que… (plutôt que : On a convenu, décidé que…) Les employés ont été informés que… (au lieu de : On a informé les employés que…) On évite d’employer le pronom on pour désigner des personnes antérieurement déterminées, car la clarté peut en souffrir. L’emploi de on et de nous comme sujets pour désigner les mêmes personnes dans un même texte est aussi à éviter, pour la même raison.nous de majesté/modestie
Le nous de majesté, ou le nous de modestie, s’emploie encore de nos jours, mais moins souvent qu’autrefois, par exemple par des auteurs qui parlent de leur ouvrage dans la préface d’un livre. Comme dans le cas du vous de politesse, le verbe se met au pluriel, mais l’adjectif ou le participe se met au singulier : Nous, premier ministre du Canada, sommes convaincu de la nécessité de revoir notre politique. Nous avons été fâchée de votre décision. Certains jugent cet emploi pédant. On parle même de « fausse modestie ».nul
Adjectif indéfini L’adjectif indéfini nul indique l’exclusion de façon plus marquée qu’aucun. Il s’accorde avec le nom qu’il accompagne et s’emploie parfois au pluriel : n’avoir nulle envie de faire quelque chose nuls frais nulle autre population nulles autres populations Employé après le nom ou comme attribut, nul se comporte comme un adjectif qualificatif : Ce film est nul. Cette clause est déclarée nulle et non avenue. Pronom indéfini Le pronom indéfini nul s’emploie comme sujet, mais il est alors considéré comme très littéraire : Nul n’est censé ignorer la loi. Nul n’en est revenu. Nulle ne l’aimera. Il peut être repris par un pronom personnel : Et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert. (Musset) Il peut également être rappelé par un adjectif possessif : Nul n’est prophète en son pays. Il est très rarement un complément : Tu ne peux empêcher nul de le voir. (A. Gide)pronom (accord du pronom avec le nom qui précède)
Les pronoms personnels s’accordent généralement avec leur antécédent : J’ai envoyé au ministère des Affaires étrangères une copie du document; je lui ai précisé que le dossier est urgent. L’antécédent est le nom qui précède et que remplace le pronom personnel. On peut également reformuler la phrase : J’ai envoyé au ministère des Affaires étrangères une copie du document; j’ai précisé à son personnel/ses fonctionnaires que le dossier est urgent. Syllepse Il est toutefois admis d’employer un pronom qui s’accorde avec un mot sous-entendu à l’esprit de l’auteur plutôt qu’avec son antécédent. L’accord se fait alors selon le sens et non selon les règles grammaticales. On appelle ce genre d’emploi une syllepse : J’ai envoyé au ministère des Affaires étrangères une copie du document; je leur ai précisé que le dossier est urgent. (leur = les personnes qui travaillent au ministère) Il articula chaque mot de son poème et leur donna une extrême importance. Je ne caresse jamais un chat, car je les déteste. Il a fait réunir le personnel pour leur proposer des solutions. Le chef (= une femme) a soulevé toute une controverse avec son document, et elle espère grandement que les employés sauront séparer le bon grain de l’ivraie. Rappelons toutefois que ce genre de construction peut semer la confusion et qu’il est préférable, pour la clarté de l’énoncé, d’accorder le pronom avec son antécédent, surtout dans la langue soutenue.quelqu’une
L’emploi de quelqu’une est attesté au sens de « une… entre plusieurs » (une personne ou une chose), mais son emploi est considéré comme rare, vieilli et littéraire. Il vaut mieux utiliser quelqu’un ou l’une ou une, ou reformuler la phrase : Tu peux prendre l’une des trois places disponibles. Quelqu’un vous indiquera la marche à suivre. Y a-t-il l’une de vos employées qui aimerait y participer? Parmi vos employées, y en a-t-il une qui aimerait y participer? Parmi vos employées, y a-t-il quelqu’un d’intéressé à y participer? (et non : quelqu’une) Au pluriel, on écrit avec un trait d’union quelques-uns et quelques-unes. Ces termes, suivis d’un partitif, signifient « un petit nombre indéterminé parmi plusieurs » : Quelques-unes des étudiantes n’avaient pas réussi le test. Si on veut utiliser quelqu’une, il doit être suivi d’un partitif : Tu peux prendre quelqu’une des trois places disponibles. Quelqu’une d’entre elles vous indiquera la marche à suivre. Y a-t-il quelqu’une de vos employées qui aimerait y participer? C’est malheureusement encore quelqu’une de ses folles inventions!pourquoi/pour quoi
Pour quoi signifie « pour quelle chose » : Il s’occupe de bien d’autres choses que ce pour quoi il est engagé. La construction la raison pour quoi a été supplantée par la raison pourquoi, quoique les deux formes soient attestées : Elle ignore toujours la véritable raison pourquoi elle a été renvoyée. Mais on dit le plus souvent la raison pour laquelle : Le sénateur n’a pas dit la raison pour laquelle il ne s’est pas présenté à la rentrée parlementaire. On peut aussi opter pour une autre formulation : Elle ignore toujours la véritable raison de son renvoi.mériter (se)
Se mériter a un sens passif et s’emploie pour une chose : La réussite se mérite par le travail et la persévérance. Tout autre emploi à la forme pronominale est considéré comme un régionalisme doublé d’un pléonasme : on ne peut mériter quelque chose pour personne d’autre que soi. On emploie plutôt mériter, gagner, remporter : Il a mérité un prix. (et non : Il s’est mérité un prix.)qui/lequel
Le pronom relatif qui s’applique généralement à des personnes, mais parfois aussi à des choses personnifiées et à des animaux domestiques. Employé comme complément prépositionnel, il est concurrencé par lequel : la chatte à qui je fais des caresses / la chatte à laquelle je fais des caresses les hommes avec qui je travaille / les hommes avec lesquels je travaille le patron pour qui je travaille / le patron pour lequel je travaille ceux contre qui je lutte / ceux contre lesquels je lutte la personne en qui j’ai confiance / la personne en laquelle j’ai confiance On peut souvent remplacer de qui par dont : la femme de qui je parle / la femme dont je parle Renseignements complémentaires Voir quoi/lequel, ce qui/qu’il et dont.
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