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Traduire le monde : Êtes-vous international?

Un article sur l’adjectif international
André Racicot (L’Actualité langagière, volume 4, numéro 3, 2007, page 31) La question peut sembler saugrenue, mais elle se pose pourtant. Sous l’influence de l’anglais, semble-t-il, le mot international est employé un peu à tort et à travers. Bref, le sens en a été infléchi, du moins par rapport à ce que disent les dictionnaires. Commençons par quelques expressions correctes : une conférence internationale; une organisation internationale; le droit international; les relations internationales; le développement international. Dans tous ces cas, le mot en question a bien le sens que lui attribuent les dictionnaires. Par exemple le Robert : « Qui a lieu, qui se fait de nation à nation, entre plusieurs nations; qui concerne les rapports des nations entre elles. » On remarquera que les ministères qui se chargent des relations avec les autres pays s’appellent généralement ministère des Affaires étrangères, et non internationales. Le Québec a pourtant un ministère des Relations internationales, mais cette appellation s’explique par le fait qu’il n’est pas un État souverain. Certes, le Mexique a un secrétariat aux Relations extérieures, mais cet exemple a plutôt valeur d’exception. Jusqu’ici, tout va bien. Abordons maintenant la question de la politique internationale. Il s’agit des relations politiques entre les divers États de la planète. Pourtant, on ne dit pas que le Canada ou la France a une politique internationale, mais plutôt une politique étrangère. Voilà qui nous amène sur une piste intéressante. Le mot étranger peut donc remplacer international lorsque ce dernier ne convient pas. Il est indispensable d’avoir un mot de substitution pour international. Bon nombre d’expressions dans lesquelles il est utilisé sont franchement douteuses : Une aérogare distincte est affectée aux vols internationaux. Les arrivées de voyageurs internationaux sont scrutées par les services de sécurité. L’Université McGill accueille de nombreux étudiants internationaux. L’enlèvement international d’enfants. On voit tout de suite l’ombre de l’anglais se profiler derrière ces expressions. International flights, international arrivals, international students, international abductions of children. Pourtant, la définition anglaise d’international dans le Canadian Oxford ressemble étrangement à celle du français : « Existing, involving or carried on between two or more nations ». Bien sûr on pourra arguer que la langue de Shakespeare est plus souple que celle de Molière quant à l’adaptation du vocabulaire. Il n’en demeure pas moins que ces expressions, traduites directement en français, sans reformulation, m’apparaissent douteuses. J’ai eu le grand plaisir d’étudier à l’Université de Bonn. Certains auraient dit que je faisais partie des étudiants internationaux de cette institution. À mon avis c’est absurde. Je n’ai jamais été international de ma vie : j’étais tout simplement un étudiant étranger. À ce que je sache, le fait de détenir un passeport canadien ne me confère aucun statut d’ordre international. Par contre, il est courant dans les aéroports de parler des vols internationaux à un point tel que nous n’imaginons plus de dire tout simplement les vols vers l’étranger. Et pourtant n’est-ce pas ce dont il s’agit vraiment? Bien sûr, on pourrait dire à la rigueur qu’il s’agit de vols internationaux puisqu’ils se font entre plusieurs nations. Mais est-ce vraiment être puriste que de rechercher une expression plus juste, moins servile? Le recours au mot international peut aussi être le fruit d’une ellipse. La réaction internationale à une crise n’est au fond rien d’autre que la réaction de la communauté internationale. Certains crieront à l’adjectivite, tandis que d’autres y verront une tournure parfaitement acceptable. C’est un peu la même chose quand on parle de l’opinion internationale. Il est donc clair qu’un certain laxisme règne. Le sens d’international est étiré dans tous les sens et si certaines expressions peuvent être acceptées au nom de l’économie, il est des cas où le sens même du mot est carrément faussé. Des rectifications s’imposent alors et il ne faut surtout pas hésiter à remettre les pendules (internationales) à l’heure.
Source : Chroniques de langue (le français vu par des spécialistes de la langue)

Traduire le monde : Le développement démocratique?

Un article sur le terme développement démocratique pour traduire democratic development
André Racicot (L’Actualité langagière, volume 3, numéro 1, 2006, page 29) Le terme democratic development se rencontre fréquemment dans les textes de relations internationales. Il est souvent rendu par développement démocratique, qui, de prime abord, paraît correct. Mais les langagiers apprennent à se méfier de ces expressions un peu trop inspirées de l’anglais, quand elles ne sont pas carrément des calques. C’est le cas de celle-ci. Qu’entend-on par développement démocratique? Il s’agit du processus par lequel d’anciens pays totalitaires rompent avec leur passé et adoptent des pratiques démocratiques. Cette définition concerne aussi bien les États d’Europe centrale et orientale en rupture de ban avec le communisme, que des pays africains ou latino-américains. Dans ces deux derniers cas, l’aide internationale était souvent subordonnée à une évolution vers la démocratie et au respect de la primauté du droit. Il s’agit de la rule of law, vous connaissez? Certains y vont joyeusement avec la règle de droit (encore un calque), qui est en fait une règle d’interprétation juridique. Rien à voir avec la primauté du droit (ou la suprématie ou la prééminence du droit). Un pays qui applique le principe de la primauté du droit est un État de droit. Les institutions politiques, les entreprises et les particuliers y respectent les lois votées par le Parlement ainsi que les jugements rendus par les tribunaux. C’est l’une des caractéristiques des pays démocratiques. Revenons au développement démocratique. En plus d’un calque, on pourrait y voir également un beau cas d’adjectivite, c’est-à-dire une utilisation abusive de l’adjectif. Nous avons donc deux bonnes raisons d’écarter la traduction servile développement démocratique. Si l’on en revient à la définition initiale, soit le passage à la démocratie, il n’est guère difficile de traduire l’expression de façon plus juste, dans le respect de la langue française. Les pays qui émergent d’une dictature font l’apprentissage de la démocratie; celle-ci connaît un essor, donc parlons d’essor de la démocratie. Pour les pays plus pauvres, on pourrait parler du développement dans la démocratie. On voit donc que le mot développement n’est pas nécessairement à proscrire, quand on parle de l’expansion d’une chose. Donc, pourquoi pas le développement de la démocratie? À bien y penser, lorsqu’un ancien État totalitaire implante la démocratie, que fait-il au juste, sinon se démocratiser? Est-ce que le soi-disant développement démocratique ne serait finalement rien d’autre que la démocratisation d’un pays? Parfois, un peu comme la lettre volée d’Edgar Allan Poe, la solution est tellement évidente que personne ne la voit. Faut-il mettre au rancart le terme développement démocratique? Pas nécessairement. Défini comme un développement qui est démocratique, il pourrait traduire l’expression broadly based development. En pareil cas, difficile de parler de calque syntaxique.
Source : Chroniques de langue (le français vu par des spécialistes de la langue)

Shale gas : gaz de schiste ou gaz de shale?

Un article sur la traduction de shale gas par gaz de schiste
Mariette Grandchamp-Tupula (L’Actualité langagière, volume 8, numéro 2, 2011, page 13) Depuis de nombreuses années, les langagiers et géologues canadiens sont partagés entre les termes gaz de schiste et gaz de shale pour rendre l’anglais shale gas. Comme le sujet est plus que jamais d’actualité au Québec, il devient impérieux de déterminer un équivalent français qui rallie tous les intéressés, ne serait-ce que du point de vue juridique. Par définition, le terme anglais shale désigne une roche sédimentaire argileuse pouvant renfermer du gaz naturel, ce qui le distingue du schiste métamorphique (en anglais schist), qui a subi des transformations sous l’effet de la chaleur et ne renferme pas de ressources gazières. Quant au terme français schiste, il peut désigner une roche métamorphique ou une roche sédimentaire. Ce n’est que dans ce dernier type de schiste qu’il y a présence de gaz naturel. Le terme shale gas peut donc se rendre par gaz de schiste sans autre précision, le schiste sédimentaire étant le seul qui puisse renfermer du gaz. Inutile donc de se rabattre en français sur l’emprunt du terme shale, que certains considèrent d’ailleurs comme un affreux anglicisme. Voici donc, pour résumer, les équivalents recommandés par le Bureau de la traduction pour rendre le terme shale gas, de même que les principales déclinaisons terminologiques qui gravitent autour de ce terme :shale gas : gaz de schiste gas shale; gas-bearing shale : schiste gazéifère shale : schiste (tout court, lorsqu’il est implicite en contexte de ressources gazières qu’il s’agit d’une roche de type sédimentaire); schiste sédimentaire; schiste argileux (s’il est nécessaire de le distinguer du schiste de nature métamorphique) schist : schiste; schiste métamorphique (s’il est nécessaire de le distinguer d’avec le schiste de nature sédimentaire)Bibliographie sommaire Commission générale de terminologie et de néologie. Vocabulaire du pétrole et du gaz : Termes, expressions et définitions publiés au Journal officiel, 2007. Khalatbari, Azar. « La ruée vers le gaz de schiste », Sciences et Avenir, nº 767, janvier 2011. Le grand Larousse universel, 1991. Le grand Robert de la langue française, 2011. Office national de l’énergie. Glossaire sur L’avenir énergétique au Canada. Office québécois de la langue française. Rapport-synthèse : schiste et gaz de schiste, 2011. Vially, Roland. « Le gaz naturel : condamné ou relancé ? », Pour la Science, nº  69, décembre 2010.
Source : Chroniques de langue (le français vu par des spécialistes de la langue)

Retour sur le mot globalisation

Un article sur le mot globalisation
Martine Racette, trad. a. (L’Actualité terminologique, volume 34, numéro 2, 2001, page 28) Dans la foulée du Sommet des Amériques qui se tenait à Québec en avril dernier, j’ai jugé à-propos de revenir brièvement ici sur l’emploi du mot globalisation pour désigner le phénomène de la mondialisation. Dans un article intitulé « Le legs de McLuhan » (L’Actualité terminologique, vol. 30, nº 3), je me demandais si globalisation allait se tailler une place à côté de mondialisation dans le vocabulaire de l’économie et des marchés, et ce, en dépit du silence des lexicographes. Nous étions en 1997, et globalisation, pour indésirable qu’il était, avait la vie chevillée au corps, surtout dans la presse européenne – les journalistes canadiens semblant être plus prudents. Quatre ans plus tard, mondialisation et globalisation cohabitent encore, bien que dans l’usage dit « soigné », mondialisation ait surclassé son rival, de ce côté-ci de l’Atlantique du moins. Mais il y a du nouveau : fidèle moi-même au conseil que je donnais aux lecteurs à l’époque, j’ai gardé l’œil ouvert, et j’ai constaté que le Petit Robert, dans son édition mise à jour de juin 2000, fait une place à globalisation dans le sens qui nous intéresse, en ayant soin toutefois de préciser qu’il s’agit d’un anglicisme. L’adjectif global y figure aussi dans le sens de « mondial », avec la mention « de l’anglais global ». Le mot a donc un pied dans la porte, si je puis m’exprimer ainsi, et l’avenir nous dira si, malgré les mises en garde du Robert et de certains ouvrages de difficultés, il finira par être admis sans réserve, comme cela a été le cas pour d’autres anglicismes installés pour de bon dans la langue française. Notons pour terminer que le Petit  Larousse, qui suit pourtant de près l’évolution de l’usage, reste muet sur la question dans son édition de 2001.
Source : Chroniques de langue (le français vu par des spécialistes de la langue)

Le legs de McLuhan

Un article sur l’utilisation dans les médias de global et de globalisation au sens de mondial et mondialisation malgré l’absence de ce sens dans les ouvrages normatifs
Martine Racette (L’Actualité terminologique, volume 30, numéro 3, 1997, page 17) Vous vous souvenez de McLuhan et de son village dit global? Vous aviez peine, alors, à réprimer un grand frisson chaque fois que le qualificatif vous passait sous les yeux. Car, en langagiers avisés, vous aviez flairé le faux ami dans ce nouveau venu dont la ressemblance avec le global de global village vous semblait suspecte. Renseignement pris, tout était rentré dans l’ordre : les dictionnaires et les ouvrages de langue et de difficultés n’attestant pas le mot global dans le sens de mondial ou de planétaire (ni de globalisation dans le sens de mondialisation), vous pouviez respirer à votre aise. Puis, au fil du temps et de vos lectures, vous vous êtes rendu compte que la presse écrite, en particulier, ne paraissait pas trop regardante. Par exemple : Dans L’Express, le 19 octobre 1990 : « Les problèmes dits globaux (la diminution de la couche d’ozone et le réchauffement du climat) suscitent une surenchère d’initiatives et de conférences. » Dans Le Monde, le 12 mai 1992 : « Non qu’on y [dans L’ordre mondial relâché, de Zaki Laïdi] conteste la réalité du mouvement de globalisation économique. Mais parce que l’on en montre clairement les limites : si grand village il y a, il est loin de s’étendre à toute la planète. » Dans Le Devoir, le 29 juillet 1992 : « Mais les Canadiens doivent avoir leur mot à dire, alors qu’ils sont, à leur tour, pris dans le tourbillon de la globalisation et de la restructuration qui affecte tous les grands marchés, aussi bien en Europe qu’en Amérique et en Asie. » Vous aviez alors cru à un accident de parcours et à la disparition imminente des vilains, les redresseurs de torts ayant tôt fait de leur substituer les bons termes. D’ailleurs, les lexicographes (et l’usage généralisé, il faut bien le dire) vous donnent raison encore aujourd’hui. Pas la moindre trace de l’acception douteuse ni à global ni à globalisation dans les grands dictionnaires et ouvrages les plus souvent consultés. Et mondialisation a nettement surclassé son rival. Pourtant, les deux indésirables semblent avoir la vie chevillée au corps. Voyons plutôt : Dans Le Nouvel Observateur, la semaine du 16 au 22 janvier 1997 : « Le syndicaliste Kwon Young […] a mobilisé toute une nation pour la première grande grève contre les effets pervers de la globalisation. » Dans Le Devoir, édition des samedi 14 et dimanche 15 juin 1997 : « [Le projet de fusion entre Boeing et McDonnell Douglas] représente, au contraire, le point culminant d’une stratégie délibérée qui bénéficie du soutien explicite du gouvernement américain, visant à monopoliser le secteur de la construction aéronautique civile avec l’élimination progressive du seul concurrent global, Airbus Industrie […]. » Dans le titre d’un colloque organisé conjointement par l’Université de Montréal et l’Université Concordia et tenu en mai 1997 : « Traduction et postcolonialité – Globalisation, pouvoir, hybridité culturelle ». Dans Le Point, le 5 avril 1997 : « Alors vers la globalisation du monde, avance, à l’avant-garde, le rouleau compresseur américain. » Il sera intéressant de suivre l’évolution de global et de globalisation. Finiront-ils par se tailler une place à côté de planétaire et de mondialisation? Un exemple de cohabitation relevé le 25 juin 1997 dans Le Devoir nous laisse pour le moins perplexes : « Cette histoire, c’est peut-être bien le retour du protectionnisme de bien avant le libre-échange, la mondialisation et tout ce qui va avec globalisation. » Est-ce dire alors qu’il faudra s’incliner devant l’usage en dépit du double emploi? Ou les deux acceptions non attestées vivoteront-elles quelque peu avant de sombrer définitivement dans l’oubli? L’avenir le dira. Dans l’intervalle, gardons l’œil ouvert.
Source : Chroniques de langue (le français vu par des spécialistes de la langue)

« Imposer une sentence »

Un article sur l'expression imposer une sentence.
Serge Lortie (L’Actualité terminologique, volume 21, numéro 2, 1988, page 14) Le juge peut […] imposer une sentence hors de proportion avec l’infraction commise.(Lagarde – Droit pénal canadien. – p. 902.) L’expression « imposer une sentence », qui se rencontre couramment au Canada, comporte deux erreurs. S’agissant d’une expression de trois mots, on saurait difficilement faire mieux. Cela permet par ailleurs de prendre la mesure des difficultés dans lesquelles se débat notre langue juridique.« Imposer » Commençons par le problème le plus délicat : « imposer ». Le terme « imposer », j’ose l’affirmer, est en l’occurrence inexact en ce qu’il est contraire à l’usage dominant. Je peux en témoigner : aucun sujet ne déclenche de telles passions. Dans le domaine de la traduction juridique, toucher au verbe « imposer », c’est ébranler les fondements mêmes de la civilisation. Et pourtant, le dossier est accablant. Car il apparaît très clairement que ce terme, employé à l’égard d’une peine, constitue un archaïsme. Cette formule n’a plus cours qu’au Canada, sous l’influence de l’anglais. Observons qu’elle s’est même glissée dans le Code civil du Québec :Le paiement, avec les acquêts, d’une amende imposée en vertu de la loi donne lieu à récompense.Payment with the acquests of any fine imposed by law gives rise to compensation. (art. 512). En français standard, le terme « imposer » ne s’utilise jamais en ce sens. En près de dix années de recherche sur la question, je ne suis pas encore arrivé à trouver un seul exemple où un texte juridique émanant de France utiliserait le terme « imposer » en parlant d’une sanction. Je me sens donc autorisé à conclure que le terme considéré est sorti de l’usage. Prenons, à titre d’illustration, le Droit pénal général de Stefani, Levasseur et Bouloc. En 633 pages, on ne relève aucun cas d’emploi du verbe « imposer » en conjonction avec les termes « peine » ou « sanction ». Or, en ne retenant que les cas où un juriste canadien aurait de toute évidence utilisé « imposer », au moins 154 occasions d’y recourir s’y présentaient. Il arrive bien qu’on se serve d’« imposer », mais jamais à l’égard d’une peine. Du reste, l’usage en cause est à ce point fermement établi que même les non-juristes ne manquent pas de s’y plier.Don Mathieu relevait d’autres tribunaux et codes qui ne prévoyaient aucun interrogatoire, aucune plaidoirie pour la défense, aucune procédure d’appel, aucune date même pour l’exécution de la seule peine qu’ils prononçaient. Au condamné de l’éviter par sa prudence dans ses déplacements, par la protection de ses gardes du corps.Rinaldi. – Les jardins du consulat. – p. 151-152. Les dictionnaires donnent le terme qui nous intéresse comme un archaïsme. Or, même chez un auteur ancien comme Montesquieu, on ne parvient pas à relever l’exemple de son usage. Cela dit, j’admets volontiers que le fait de recourir à « imposer » ne représente qu’une dérogation mineure au bon usage. Mais il importe toutefois de comprendre que c’est précisément cette accumulation de fautes mineures qui teinte notre langue juridique de régionalisme. Il n’est pas inutile de le répéter : « imposer » est tombé en désuétude pour désigner l’application d’une peine. Pour se conformer au français standard, les principaux verbes à employer sont prononcer, infliger, condamner et appliquer. Il est également possible de recourir à punir, frapper, sanctionner, décider, soumettre et prendre.Attendu qu’il n’appartient pas au juge, en raisonnant par voie d’analogie, de suppléer au silence de la loi et de prononcer des peines en dehors des cas limitativement prévus par le législateur.Pradel et Varinard. – Les grands arrêts du droit criminel. – (Cour de cassation, Arrêt Blanc). – p. 42.Il falloit une loi pour infliger une peine capitale; pour condamner à une peine pécunière, il ne falloit quun plébiscite.Montesquieu. – De l’esprit des lois. – p. 276.Il est possible que le second juge applique une peine inférieure à celle prononcée par le premier.Stefani, Levasseur et Bouloc. – Droit pénal général. – p. 530.C’est pour éviter ce résultat choquant que la jurisprudence traite parfois le coauteur comme un complice et le punit, comme tel, de la même peine que l’auteur.Stefani, Levasseur et Bouloc. – Droit pénal général. – p. 253.Enfin, quelquefois même, le droit positif traite comme délinquant et frappe d’une peine une personne qui n’a été pourtant ni l’auteur ni même seulement le complice d’une infraction commise par un autre.Stefani, Levasseur et Bouloc. – Droit pénal général. – p. 242.La loi du 24 juillet 1966 sanctionne d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 2 000 à 40 000 F […] la violation de la seconde interdiction qu’elle édicte […]Delmas-Marty. – Droit pénal des affaires. – p. 479.Il n’y aura pas de difficultés pratiques si le second juge s’est prononcé expressément sur la confusion ou la non confusion de la peine qu’il décidait.Stefani, Levasseur et Bouloc. – Droit pénal général. – p. 531.C’est pourquoi les positivistes et adeptes de la défense sociale préconisent de soumettre les demi-fous non pas à une peine, mais à une mesure de sûreté […].Stefani, Levasseur et Bouloc. – Droit pénal général. – p. 83. Remarquons à titre incident que la peine prononcée « s’exécute », « s’effectue », « s’accomplit » ou « se subit » plus souvent qu’elle ne se « purge », même si ce dernier terme reste non moins exact que les autres pour rendre l’expression to serve a sentence.Enfin, les statistiques de l’administration pénitentiaire présentent la situation de l’ensemble des personnes en train d’exécuter une condamnation pénale en milieu fermé ou en milieu ouvert.Rassat. – Pour une politique anti-criminelle du bon sens. – p. 91.Or, actuellement, les criminels condamnés à de longues peines après un procès en assises n’effectuent, en moyenne, que la moitié de la peine prononcée.Toubon. – Pour en finir avec la peur. – p. 90.faire accomplir au délinquant la totalité de la peine restant à courir au moment où il a été élargi.Rassat. – Pour une politique anti-criminelle du bon sens. – p. 44.Le criminel qui a subi sa peine a payé sa dette à la société.Soyer. – Justice en perdition. – p. 84.[…] lorsqu’il a purgé la peine ou bénéficié d’une remise ou d’une réduction de peine prévue par la loi dudit État étranger.Nations Unies. – Convention pour la répression de la traite des êtres humains […]. – Art. 10. Quant aux substantifs susceptibles d’être utilisés en la matière (là où on dirait invariablement ici « imposition »), ce sont « prononcé », « infliction », « application » et « condamnation à ».De même, une loi nouvelle […] qui prévoit le prononcé de sanctions pécuniaires par le ministre de l’Économie […] ne peut être appliquée à une infraction commise avant sa promulgation.Stefani, Levasseur et Bouloc. – Droit pénal général. – p. 168.Certes, l’application effective de la loi pénale, et l’infliction de la peine par elle prévue, supposent d’abord la recherche et la découverte du délinquant […].Stefani, Levasseur et Bouloc. – Droit pénal général. – p. 7.[…] lorsque la loi prévoit l’application d’une peine à une personne en raison de son appartenance à un groupeStefani, Levasseur et Bouloc. – Droit pénal général. – p. 270.La transaction avant jugement évite au délinquant la condamnation à des peines d’emprisonnement lorsque celles-ci sont encourues.Dupré. – La transaction en matière pénale. – p. 55. Il importe par ailleurs de souligner que le problème peut souvent se contourner en n’utilisant pas de verbe, ainsi qu’il ressort des exemples qui suivent :Lutter contre la délinquance par des peines plus sévères (plutôt que « en imposant des peines plus sévères »).Mais voici que tout à coup on prévoit, contre le récidiviste de l’alcool au volant, une peine automatique.Soyer. – Justice en perdition. – p. 100-101.À l’inverse, la peine du complice sera inférieure à celle de l’auteur, […]Stefani, Levasseur et Bouloc. – Droit pénal général. – p. 267.En cas d’homicide légitime […], il n’existe pas de crime et il n’y a lieu à aucune peine.Stefani, Levasseur et Bouloc. – Droit pénal général. – p. 313.Il n’y aura donc aucune sanction pénale et si des poursuites ont été intentées, elles doivent prendre fin dès que l’existence de ce fait justificatif a été établie.Stefani, Levasseur et Bouloc. – Droit pénal général. – p. 323.« Sentence » Venons-en maintenant au terme « sentence ». La situation est ici d’autant plus confuse que ce terme existe en français aussi bien qu’en anglais. Il a toutefois dans ces deux langues un sens différent. Le mot « sentence » désigne généralement en anglais la peine, alors qu’en français il signifie « condamnation ». Dans le premier cas, le mot sert donc à nommer la sanction que l’on inflige à la personne reconnue coupable des faits incriminés, alors que dans le second il désigne la décision judiciaire qui prononce cette sanction. On ne saurait donc « imposer une sentence », à moins de vouloir dire que l’État a décidé d’assujettir à une taxe les décisions de justice. Mentionnons que cet emploi inexact du terme « sentence » a été relevé par Gilles Colpron dans son Dictionnaire des anglicismes. Cette erreur a aussi été dénoncée par un éminent juriste du ministère fédéral de la Justice, dans la revue du Centre de référence de la documentation juridique de langue française en matière de Common Law (Claude Bisaillon. – Télé-Clef. – nº 4, 1986, p. 12). Quant au verbe « sentencer » (de l’anglais to sentence pour « condamner »), il n’existe évidemment pas en français. Il est cependant intéressant d’observer que la langue du XVIIIe siècle connaissait le verbe « sentencier » :Les preuves contre tous ces gens-là se trouvent complètes : ils furent contumancés et sentenciés.Saint-Simon. – Mémoires. – p. 284. L’édition de 1718 du Dictionnaire de l’Académie nous apprend que ce terme signifiait « condamner quelqu’un par sentence ». Il ajoute que le mot en question « ne se dit guère qu’en matière criminelle, et il n’a guère d’usage qu’au participe et aux temps qui en sont formés; […] il n’est en usage que parmi le peuple ». En guise de conclusion, la citation placée en tête de cet article aurait dû, pour respecter les principes que nous venons de dégager, être ainsi conçue : La peine que prononce le juge ne doit pas être hors de proportion avec l’infraction commise.Sources Colpron (Gilles). – Dictionnaire des anglicismes. – Montréal : Beauchemin, 1982. Delmas-Marty (Mireille). – Droit pénal des affaires. – Paris : Presses Universitaires de France, 1973. Dupré (Jean-François). – La transaction en matière pénale. – Paris : Librairies Techniques, 1977. Lagarde (Irénée).  – Droit pénal canadien. – Montréal : Wilson et Lafleur, 1962. Montesquieu. – œuvres complètes de Montesquieu. – Paris : L. De Bure, 1834. Nations Unies. – Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. Pradel (Jean); Varinard (André). – Les grands arrêts du droit criminel. – Tome 1. Paris : Sirey, 1984. Rassat (Michèle-Laure). – Pour une politique anti-criminelle du bon sens. – Paris : La Table Ronde, 1983. Rinaldi (Angelo). – Les jardins du consulat. – Paris : Gallimard, 1984. Saint-Simon. – Mémoires. – Tome 7. – Paris : Ramsay, 1978. Soyer (Jean-Claude). – Justice en perdition. – Paris : Plon, 1982. Stefani (Gaston); Levasseur (Georges); Bouloc (Bernard). – Droit pénal général. – 11eéd. – Paris : Dalloz, 1980. Toubon (Jacques). – Pour en finir avec la peur. – Paris : Laffont, 1984.
Source : Chroniques de langue (le français vu par des spécialistes de la langue)

Conflit d’horaire, conflit de vocabulaire

Un article sur l'expression conflit d'horaire.
Jacques Desrosiers (L’Actualité langagière, volume 4, numéro 2, 2007, page 31) Q. L’expression « conflit d’horaires » est-elle un anglicisme ou un calque? R. Elle en a tout l’air à première vue. On entr’aperçoit une grosse anguille cachée dessous : « conflicting schedules ». En plus l’expression est rarement utilisée en Europe. Ce n’est pas parce que les Européens gèrent mieux leur emploi du temps; mais ils décrivent la même situation avec d’autres mots. Chez nous, elle fait partie de l’usage quotidien. Le 2 avril dernier, le journal La Presse consacrait un grand dossier aux « conflits d’horaire » que cause aux Espagnols la conciliation travail-famille. Elle est courante dans le sport : un match qui devait avoir lieu à Toronto mais qui a été déplacé en raison d’un conflit d’horaire avec une course automobile de série Champ (Le Soleil, 04.03.2007). On la rencontre dans des textes importants de nature administrative, comme le Règlement de l’Assemblée nationale du Québec : une priorité est créée afin qu’en cas de conflit d’horaire, une commission se réunissant pour un mandat d’imputabilitéNote de bas de page 1… Elle est bien sûr répandue dans le milieu scolaire : L’élève doit se présenter au bureau de tout éducateur ou responsable qui lui adresse une convocation. En cas de conflit d’horaire, il lui incombe de prendre, avant l’heure de la convocation, un autre rendez-vous, lit-on sur le site d’une école secondaire. Tellement répandue ici, et si rare là-bas, qu’elle a presque le statut d’un régionalisme. Le terme n’est pas pour autant consacré dans nos banques de données. Une seule occurrence, relevée dans le domaine informatique, datée de 1987 et proposée comme traduction de meeting date conflict, dans le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française. Mais si le terme ne fait pas problème, pourquoi en effet en parler? Pourtant, pour diverses raisons, ses chances de s’installer dans le français international sont minces. C’est que l’écart entre l’usage québécois et l’usage français, comme je l’ai dit, est prononcé. Rien ne l’illustre mieux que le désarroi du correspondant de la Presse canadienne à Paris l’hiver dernier, lorsque le premier ministre du Québec, Jean Charest, a été reçu par le ministre Sarkozy, qui était alors candidat à l’élection présidentielle, alors qu’aucune rencontre n’avait été prévue avec la candidate socialiste, Ségolène Royal. La raison? Un « conflit d’horaires », a expliqué le journaliste dans une dépêche du 1er février. Il est évident qu’il devait cette explication à l’entourage de Jean Charest, comme le confirmaient d’autres articles des quotidiens québécois. Le correspondant de La Presse citait le premier ministre lui-même : « Nous n’avons pas pu résoudre des conflits d’horaires », a expliqué M. Charest. Tandis que du côté français il n’était pas question d’« horaire ». L’AFP a expliqué que Ségolène Royal n’a pu rencontrer pour des raisons « d’agenda » le premier ministre du Québec (avec les guillemets). Le même terme réapparaissait dans une dépêche de l’AP : La rencontre n’a pu avoir lieu pour des raisons « d’incompatibilité d’agenda », selon l’entourage de la candidate socialiste (avec les guillemets). On devinait d’ailleurs à travers les commentaires du correspondant du Devoir que l’entourage de Ségolène Royal employait un vocabulaire différent : Au bureau de Ségolène Royal, on a prétexté un « déplacement » rendant impossible de trouver un moment propice durant les trois jours que Jean Charest passera à Paris. Ceux qui ont suivi cette affaire se doutent qu’il y avait d’autres raisons derrière la rencontre manquée. Aussi était-il suprêmement important de bien peser les mots. C’est pourquoi le lendemain, 2 février, se rendant compte qu’à ce conflit se superposait un conflit de vocabulaire et ne sachant plus à quel saint se vouer, le correspondant de la PC, conscient du poids des mots, baissait les bras et s’en remettait dans une nouvelle dépêche au verbatim :M. Charest ne verra pas Mme Royal, en raison de ce qui a été présenté comme un « conflit d’horaires » côté québécois, et une « incompatibilité d’agendas » dans l’entourage de la candidate socialiste. S’il ne voulait pas se mouiller, il aurait pu aussi trouver un moyen terme. Ainsi à la radio de Radio-Canada, on entendait le correspondant rapporter que Monsieur Charest ne verra pas Ségolène Royal, qui est à l’extérieur de Paris pour les prochains jours. Ce n’était pas sorcier. Ne suffit-il pas souvent d’oublier les expressions toutes faites et d’expliquer ce qui se passe avec des mots simples? C’est ce que font souvent les Européens en cas d’imprévus dans leurs activités. S’ils n’emploient que rarement « conflit d’horaire » ce n’est pas qu’ils ont adopté « incompatibilité d’agendas », qui est un peu riche en syllabes pour entrer dans l’usage courant. Les termes agenda et emploi du temps sont ceux qui reviennent le plus souvent dans ces contextes. Un exemple récent, dans L’Équipe (27.01.2007) : Je souhaite qu’il reste, même si son emploi du temps fera qu’il sera un peu moins présent. Voici d’autres variations glanées dans la presse européenne :il ne pouvait pas être présent à cause d’un agenda trop chargé son emploi du temps l’empêchera d’être là la nouvelle date ne convenait pas à son emploi du temps pour cause d’agenda surchargé pour cause d’emploi du temps saturé pour des raisons d’emploi du tempsRencontre rare de conflit et emploi du temps dans un document d’une université de Bretagne :Si on peut supposer que l’enseignant s’apercevra à temps d’un conflit dans son emploi du temps et qu’il le signalera aux directeurs des études concernésNote de bas de page 2… Nous employons nous aussi ces termes à l’occasion. Mais quand les Européens se détournent d’emploi du temps et agenda, ce n’est pas, sauf exception, pour se rabattre sur horaire. Ils recourent alors à des tournures variées : on n’est pas disponible, on a un autre rendez-vous, on a un empêchement, on ne peut pas être présent, et ainsi de suite. J’ai lu quelque part : Manque de chance : le ministre de la Défense avait justement un rendez-vous. On finit par se dire que c’est le mot horaire qui est la source du problème. Mais il ne faudrait pas crier à l’impropriété trop vite. Parce que c’est plus une question d’usage que de sens. Certes on abuse du terme. Si, samedi prochain, j’ai un rendez-vous important et qu’à la même heure il y a un spectacle que je veux voir à tout prix, est-ce que j’ai un conflit d’horaire? Encore faudrait-il que j’aie un « horaire » pour la journée de samedi. Il reste que certains dictionnaires – dont le vieux Grand Larousse de la langue française – reconnaissent à horaire le sens d’« emploi du temps en général ». On peut avoir « un horaire chargé ». On peut donc aussi avoir un conflit dans son horaire et, pourquoi pas, un conflit d’horaire. Mais voilà : ce n’est pas là le sens courant du mot horaire dans l’usage européen. Comme le rappelle Meney dans le Dictionnaire québécois français, le mot se rapporte presque toujours, en français standard, à une répartition régulière des activités, à ce qui se fait d’heure en heure, comme l’horaire des cours ou des autobus. C’est d’ailleurs le seul sens que consigne le Petit Robert. Il en coulera de l’eau sous les ponts avant que les Européens soient prêts à dissocier horaire de cette idée d’une activité régulière. Qui sait si dans leur esprit le mot n’a pas une nuance dépréciative – un président a-t-il un horaire, comme un autobus? Inversement, c’est sans doute rêver en couleurs que de demander aux locuteurs d’ici de remplacer cette expression si commode et si répandue par une palette de formulations diverses, qu’il faudrait faire l’effort chaque fois d’adapter aux circonstances. J’ai donc le sentiment que l’expression est là pour rester mais que, contrairement à monsieur Charest, elle ne voyagera pas beaucoup.RéférencesNote de bas de page 1 http://www.assnat.qc.ca/fra/assemblee/reforme/ran2.html.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2 http://www-iuplo.univ-ubs.fr:8080/edt/Coordination/2006-2007/conflits.htm.Retour à la référence de la note de bas de page 2
Source : Chroniques de langue (le français vu par des spécialistes de la langue)

Cet accommodement est-il raisonnable?

Un article sur le terme accommodement raisonnable.
Jean-Claude Gémar (L’Actualité langagière, volume 6, numéro 1, 2009, page 8) Depuis quelques années, au Canada mais plus encore au Québec, il est beaucoup question d’accommodement. Dans les textes issus de la tradition juridique britannique, ce vocable est associé à un adjectif omniprésent : raisonnable. À l’origine, le terme accommodement raisonnable est clairement juridique. Il prend sa source et sa justification dans des litiges découlant de conflits de travail entre employeurs et employés. Selon Pierre Bosset, « [À] l’origine, l’accommodement raisonnable fut un terme de l’art à l’usage des juristesNote de bas de page 1 ». Et l’on pourrait ajouter : des juges en particulier, puisqu’il s’agit d’une création jurisprudentielle et qu’il apparaît dans de nombreuses décisions judiciaires, dont le célèbre arrêt de la Cour suprême Syndicat Northcrest c. AmselemNote de bas de page 2. Par exemple : « L’argument […] ne saurait être retenu à cette étape de l’analyse puisqu’il est fondé sur la notion de l’accommodement raisonnableNote de bas de page 3. » Au fil des ans, son sens juridique s’est élargi pour dépasser ce stade technique et devenir une expression couvrant des faits et des actes de la vie en société non circonscrits au droit du travail. Ce que montre sa définition, relevée dans TERMIUM® :« Ajustement destiné à faciliter l’intégration des personnes appartenant aux groupes désignés, par exemple les aides techniques, l’aménagement des lieux de travail ou les dispositions administratives, dans la mesure où cet ajustement n’impose pas de contrainte excessive à l’employeur. » Par la suite, une succession de faits divers et de malentendus ont déclenché une tempête médiatique. L’écho démesuré que les médias ont donné à cet événement a projeté ce terme sur la place publique, le détournant de sa fonction première, qui est liée au monde du travail. De fil en aiguille, il est ainsi devenu un enjeu et une fin en soi souvent plus sociaux que juridiques, désignant à peu près tout et son contraire :« [L]e concept [d’accommodement raisonnable] a été utilisé à toutes les sauces ces derniers temps. On se sert de ce terme pour décrire, pêle-mêle, bons rapports de voisinage, politiques d’intégration ou de gestion d’organisation, voire tactiques de marketing visant à attirer une communauté particulière ou à ne pas subir ses foudresNote de bas de page 4! » Aujourd’hui, enfin, « il est passé dans le langage populaire sous une forme qui […] trahit néanmoins une certaine mécompréhension de celui-ciNote de bas de page 5 ». En témoigne la réaction étonnée d’un protagoniste involontaire de la crise :« Le directeur du YMCA s’est par ailleurs dit ’très surpris’ par le tollé soulevé par toute cette affaire, qui avait balayé le Québec et soulevé un débat sur la question des accommodements raisonnablesNote de bas de page 6. » Le sort de ce terme et le vif débat qu’il a suscité au sein de la société québécoiseNote de bas de page 7 dépassent de loin le contexte juridique très technique qui l’a vu naître, puisque accommodement raisonnable en est arrivé à désigner des pratiques d’accommodement jusque dans les domaines culturels et religieux. La définition lato sensu que nous propose le Grand dictionnaire terminologique de l’OQLF est éclairante à cet égard :« Conciliation jugée acceptable par un groupe, une communauté, afin de permettre à un individu ou à un groupe minoritaire de conserver ou d’obtenir des droits, de maintenir une coutume, une tradition religieuse ou culturelle, dans le respect mutuel et avec un minimum de compromisNote de bas de page 8. »Le problème posé Si l’on s’interroge beaucoup au Québec, et ailleurs au Canada aussi, sur le sens de ce terme, sur les incidences qu’il peut avoir sur la vie en société et les valeurs qu’elle porte, on s’est peu penché, en revanche, sur son signifiant, ses origines et sa structure. Or, par-delà son contenu, son signifié et les notions qu’il recouvre, ce terme est un concentré des effets que peut avoir sur une langue juridique (la française, ici) une traduction qui est calquée sans analyse ni réflexion jurilinguistique sur une autre langue — en l’occurrence, l’anglais reasonable accommodation. Il souligne en outre l’omniprésence et l’omnipotence, dans notre droit, de l’adjectif raisonnable, que l’on doit, dans ce sens et cette fonction, à la common law. Au mieux, accommodement raisonnable est un pléonasme. Un accommodement n’est-il pas déjà un compromis, soit un choix découlant d’une décision réfléchie et, on l’espère, éclairée — donc raisonnable — prise par les parties en conflit? Avec un peu d’imagination et en poussant la réflexion, on peut y voir aussi un oxymore — mais dont la vraie nature a échappé à ses auteurs! Au pire, c’est un solécisme découlant de l’accouplement d’un tel adjectif (raisonnable) et du verbe to accommodate, rendu quasi systématiquement par accommoder. Alors que la langue française dispose de tant d’autres solutions, plus conformes à son style et à sa musique, selon le contexte :concorder, s’accorder, s’entendre (sur un point) rencontrer (l’adhésion de qqn) répondre à (des conditions, critères, exigences) respecter (un droit, une pratique).Les origines du terme On pense généralement que le terme accommodement raisonnable a été forgé au Québec. C’est d’ailleurs ce que nous dit le Grand dictionnaire terminologique, qui le présente ainsi :« Le terme accommodement raisonnable a été créé spontanément au Québec à la suite d’un fait divers et il a été rapidement récupéré par les médias, si bien qu’il est maintenant généralisé. Le terme anglais a été calqué sur la création lexicale françaiseNote de bas de page 9. » Or c’est exactement le contraire qui s’est produit! Non seulement ce terme n’a pas été créé « spontanément » au Québec, mais c’est le français qui, traduction oblige, l’a calqué sur le modèle anglais reasonable accommodation. Souvent, au Canada, il faut remonter dans le temps et aux textes pour trouver la source d’un terme, ses origines, qui découlent dans bien des cas d’une traduction, parfois contestable, et d’un raccourci, souvent équivoque. En l’occurrence, la source de ce terme réside dans un arrêt de la Cour suprême du Canada rendu en 1985 : Commission ontarienne des droits de la personne (O’Malley) c. Simpsons-SearsNote de bas de page 10. Dans cette décision, la version française fait état, à plusieurs reprises, d’accommodement raisonnable pour rendre le terme anglais reasonable accommodation. Là réside la source d’un problème des plus courants en traduction, le calque. Le bâtonnier du Québec, Me J. Michel Doyon, déposant devant la commission Bouchard-Taylor, le 10 décembre 2007, confirme cette origine et le quiproquo qui s’ensuit : « On mêle, je crois, les accommodements raisonnables avec les ajustements concertés. Les accommodements raisonnables se rapportent aux jugements de la Cour suprême, relativement à l’interprétation des Chartes, alors que les ajustements concertés concernent plutôt les principes de bon voisinageNote de bas de page 11. » Mais le pire est à venir. Ce terme trouve son fondement dans une notion juridique que la Cour suprême du Canada a empruntée à la jurisprudence américaine, celle de duty to accommodate, avec son substantif accommodationNote de bas de page 12, rendue dans la version française de l’arrêt par obligation d’accommodementNote de bas de page 13. Cette notion apparaît dans la jurisprudence américaine des années soixante-dix et, au Canada, « les commissions d’enquête instituées en application des lois sur les droits de la personne ont adopté cette notionNote de bas de page 14 ». La filiation est claire. C’est donc par suite d’une traduction contestable que le terme accommodement raisonnable s’est répandu dans la langue de Molière, et cela jusqu’au Québec. Contestable, parce que tant la notion que le terme peuvent être rendus de plusieurs façons en français, comme il est dit plus haut. De plus, le sens du verbe anglais to accommodateNote de bas de page 15 (et de son substantif accommodation) ne recouvre pas tout le champ sémantique, très étendu, du français, qui contient aussi une connotation négative. Dans la langue populaire, « on s’accommode » signifie que l’on « fait avec », que l’on « se résigne à », plutôt mal gré que bon gré. D’où le proverbe : « Un méchant (ou mauvais) accommodement vaut mieux que le meilleur procès » (Académie française, 1798-1932). La langue littéraire, au XXe siècle, renforce ce sens : « Il y a beau temps que ce pays a recommencé de vivre à la petite semaine, d’arrangements, d’accommodements et de combinaisonsNote de bas de page 16 ». (Jean Guéhenno) Et aujourd’hui encore : « Je pense juste envisager qu’après bien des souffrances et de vains combats, on s’abandonne et s’accommode du giron de l’ennemi comme d’une solution à l’atroce aporieNote de bas de page 17 ». (Gilles Leroy) On comprend mieux, dès lors, le débat passionnel que ce terme et son cortège de malentendus et de sous-entendus suscitent, notamment au sein de la société québécoise, chez certaines personnes qui soupçonnent, derrière le paravent du terme, des arrangements « déraisonnables ». Car, les mots se définissant par rapport à leurs contraires, tel est bien l’antonyme de l’adjectif raisonnable : déraisonnable. La nuance négative qui hante ce terme n’est d’aucune façon atténuée ou oblitérée par la présence du cooccurrent incontournable qu’est l’adjectif raisonnable, la « raisonnabilité » et le « caractère raisonnable » d’un acte étant profondément ancrés dans le système juridique canadien, ses lois, sa jurisprudence et sa doctrine. Les termes adaptation, ajustement ou compromis, quels que soient leurs mérites respectifs, ne sauraient davantage échapper à ce carcan et seraient tous qualifiés de « raisonnables ».Alors, quelle solution adopter? La solution ou plutôt les solutions se trouvent dans l’arrêt même auquel on doit le terme en cause. Elles ont d’ailleurs été reprises ailleurs au Canada, notamment à Ottawa et en Ontario. Par exemple, la version française de l’arrêt de la Cour suprême rend la phrase anglaise « the employee’s right requires reasonable steps towards an accommodation by the employer » de la façon suivante : « le droit de l’employé exige que l’employeur prenne des mesures d’accommodement raisonnables » (p. 555). Ce sont, en effet, les mesures qui sont « raisonnables », et non l’« accommodement ». Ce terme est par ailleurs mal choisi et calqué sur l’anglais, surtout en raison de la proximité du verbe accommoder, censé rendre l’anglais accommodate. Or, dans l’arrêt, ce verbe n’est pas traduit systématiquement par accommoder. Selon le contexte, d’autres solutions ont été retenues, dont celle de « s’entendre » : « l’employeur a l’obligation de prendre des mesures raisonnables pour s’entendre » (p. 537), ainsi que « respecter » et « répondre ». La Commission générale de terminologie et de néologie du gouvernement de la France propose plusieurs solutions, selon le contexte :adaptation raisonnable mesure raisonnable d’adaptation mesure d’adaptation raisonnable mesure d’aménagement raisonnable aménagement raisonnable et,en dernière position, accommodement raisonnable.Ces solutions ne constituent qu’un pis-aller dont il faut bien « s’accommoder », car le terme est ancré dans l’usage au Canada et fait partie de ses institutions juridiques. Mais cet usage se situe toutefois à deux niveaux, qu’il ne faut pas confondre. Le premier, essentiel, est celui de la constitution et des chartes. Il porte sur les droits fondamentaux dont jouit toute personne vivant dans un État de droit comme le Canada. Le second s’apparente à des « ajustements concertés » procédant le plus souvent de banales querelles de voisinage. Au dire de la juge en chef de la Cour suprême du Canada, c’est « un moyen trouvé pour vivre ensemble en paixNote de bas de page 18 ». Dans le premier cas — bien que ce terme soit discutable, il est profondément gravé dans le marbre de la jurisprudence —, on parlera d’accommodement raisonnable lorsqu’il s’agira d’« une obligation juridique découlant du droit à l’égalité applicable dans une situation qui engendre des effets discriminatoires en vertu d’un motif prohibé par les chartes ou qui porte atteinte à l’exercice d’une liberté fondamentaleNote de bas de page 19 ». Dans le second, il est loisible de recourir à d’autres manières de dire, telles que : accord, arrangement, compromis, entente, etc., soit à des termes reflétant davantage les réalités sociales hic et nunc, de préférence à un vocable qui recèle une nuance potentiellement négative et renvoie à une notion juridique lourde, celle des libertés fondamentales, au regard de la trivialité de faits divers hyper médiatisés. Finalement, un accommodement raisonnable ne serait, à en croire Jean-Paul DuboisNote de bas de page 20, qu’un « pis-allerNote de bas de page 21 » puisqu’il repose sur l’illusion que les sociétés de droit en maîtrisent les causes, voire les effets qui l’ont fait naître. Or, ajoute-t-il :« Les accommodements raisonnables que nous avions tacitement conclus nous mettaient pour un temps à l’abri d’un nouveau séisme, mais le mal était toujours là, tapi en chacun de nous, derrière chaque porte, prêt à resurgir » (p. 259-260).RéférencesNote de bas de page 1Pierre Bosset, « Les fondements juridiques et l’évolution de l’obligation d’accommodement raisonnable », dans Les accommodements raisonnables : quoi, comment, jusqu’où?, Myriam JÉZÉQUIEL (dir.), Cowansville, Ed. Yvon Blais, 2007, p. 3-28, p. 6.Retour à la référence de la note de bas de page 1Note de bas de page 2[2004] 2 R.C.S. 551.Retour à la référence de la note de bas de page 2Note de bas de page 3http://scc.lexum.umontreal.ca/fr/2004/2004csc47/2004csc47.html.Retour à la référence de la note de bas de page 3Note de bas de page 4http://www.educaloi.qc.ca/placepublique/dossier50/.Retour à la référence de la note de bas de page 4Note de bas de page 5Pierre Bosset, ibidem, p. 6.Retour à la référence de la note de bas de page 5Note de bas de page 6http://www.ledevoir.com/2007/03/20/135813.html.Retour à la référence de la note de bas de page 6Note de bas de page 7Cette controverse a donné lieu à la création d’une commission royale d’enquête par le premier ministre du Québec, le 8 février 2007. La Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées [sic] aux différences culturelles (la Commission Bouchard-Taylor, du nom de ses coprésidents) avait pour mandat d’examiner les questions liées aux accommodements raisonnables consentis sur des bases culturelles ou religieuses au Québec. Le rapport final de la commission a été déposé le 22 mai 2008. http://www.accommodements.qc.ca/.Retour à la référence de la note de bas de page 7Note de bas de page 8http://www.granddictionnaire.com/BTML/FRA/r_Motclef/index800_1.asp.Retour à la référence de la note de bas de page 8Note de bas de page 9Ibidem.Retour à la référence de la note de bas de page 9Note de bas de page 10[1985] 2 R.C.S. 536.Retour à la référence de la note de bas de page 10Note de bas de page 11Le Journal du Barreau du Québec, février 2008, vol. 40, nº 2, p. 1.Retour à la référence de la note de bas de page 11Note de bas de page 12La définition de cette notion, que l’on trouve dans le site du Department of Justice des États-Unis, confirme son appartenance au domaine du travail : « A reasonable accommodation is any modification or adjustment to a job or the work environment that will enable a qualified applicant or employee with a disability to participate in the application process or to perform essential job functions. Reasonable accommodation also includes adjustments to assure that a qualified individual with a disability has rights and privileges in employment equal to those of employees without disabilities ». Voir : http://www.usdoj.gov/crt/ada/adahom1.htm/.Retour à la référence de la note de bas de page 12Note de bas de page 13Commission ontarienne des droits de la personne (O’Malley) c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, p. 543 et 553.Retour à la référence de la note de bas de page 13Note de bas de page 14Ibidem, p. 553.Retour à la référence de la note de bas de page 14Note de bas de page 15Canadian Oxford Dictionary (Oxford, Oxford University Press, 2004), sens 2 : adapt, harmonize, reconcile. Et accommodation (sens 3) : a convenient arrangement; a settlement or compromise.Retour à la référence de la note de bas de page 15Note de bas de page 16Journal d’une « révolution » 1937-1938 , Paris, Grasset, 1939, p. 37.Retour à la référence de la note de bas de page 16Note de bas de page 17Alabama Song, Paris, Mercure de France, p. 186, Prix Goncourt 2007.Retour à la référence de la note de bas de page 17Note de bas de page 18Propos tenus par Beverley McLachlin dans une allocution prononcée à l’UQAM, le 9 février 2007 (La Presse, samedi 10 février 2007, p. A 20).Retour à la référence de la note de bas de page 18Note de bas de page 19Extrait du « Rapport du comité consultatif sur l’intégration et l’accommodement raisonnable en milieu scolaire » remis en novembre 2007 à la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport.Retour à la référence de la note de bas de page 19Note de bas de page 20Auteur du roman Les Accommodements raisonnables, Paris, Éd. de l’Olivier, 2008.Retour à la référence de la note de bas de page 20Note de bas de page 21Propos tenus le 28 août 2008 par J.-P. Dubois dans l’émission matinale « Sans détour » animée par François Bugingo sur les ondes de Radio-Canada.Retour à la référence de la note de bas de page 21
Source : Chroniques de langue (le français vu par des spécialistes de la langue)

Anglicismes variés : trouvez l’intrus!

Jeu où il faut trouver l'anglicisme caché dans les phrases. Dans les phrases suivantes, trouvez l'anglicisme caché, s'il y a lieu.1. Cette entreprise paie les frais de longue distance aux employés travaillant à l'étranger.cette entreprise paieles frais de longue distanceaux employéstravaillant à l'étrangeraucune de ces réponses2. Il a pris l'habitude de se préparer un café pendant les commerciaux.il a pris l'habitude dese préparer un cafépendant les commerciauxaucune de ces réponses3. Mon amie est une personne mature, mais insécure.une personne maturemais insécureaucune de ces réponses4. Il a réalisé un bénéfice clair de 10 000 $.il a réalisé un bénéficeun bénéfice clairde 10 000 $aucune de ces réponses5. La ligne est engagée, je vais appeler de nouveau demain.la ligne est engagéeje vais appelerde nouveaudemainaucune de ces réponses6. Elle se sent bien seule depuis qu'elle a divorcé son conjoint.elle se sent bien seuledepuis qu'elle adivorcé son conjointaucune de ces réponses7. Beaucoup d'événements malheureux se sont produits en dedans d'un an.beaucoup d'événements malheureuxse sont produitsen dedans d'un anaucune de ces réponses8. Il est bien gentil, mais terriblement versatile.il est bien gentilmais terriblementversatileaucune de ces réponses9. Elle a été occupée sur le téléphone tout l'avant-midi.elle a été occupéesur le téléphonetout l'avant-midiaucune de ces réponses10. Il vient de s'acheter une voiture usagée en très bon état.il vient de s'acheterune voiture usagéeen très bon étataucune de ces réponses  
Source : Jeux du Portail linguistique du Canada

Anglicismes variés : où se cachent-ils?

Jeu où il faut trouver l'anglicisme caché dans les phrases. Trouvez l'intrus qui s'est glissé dans chaque phrase suivante, en d'autres mots, l'anglicisme.1. Le directeur nous a fait savoir qu'il y aurait un délai dans la publication du rapport annuel.directeurfait savoirdélaipublicationrapport annuel2. La superviseure a cancellé la réunion vu le trop grand nombre d'absences.superviseurecancelléréunionvule trop grand nombre3. Le bureau du ministre se trouve au septième plancher.bureau du ministrese trouveplancher4. Suzanne a ordé trois nouveaux PC et un portable pour le Service.ordéPCportable5. La balance de la commande de fournitures de bureau nous sera envoyée dans deux semaines.balancecommandefournitures de bureau  
Source : Jeux du Portail linguistique du Canada

Anglicismes variés : la chasse est ouverte!

Jeu où il faut trouver l'anglicisme dans les phrases. Dans les phrases suivantes, trouvez l'anglicisme caché, s'il y a lieu. 1. Le directeur intérimaire a offert un certificat-cadeau à tous ses employés à plein temps. directeur intérimairecertificat-cadeauplein tempsaucune de ces réponses2. J'espère qu'il sera admis, car il a encore échoué ses examens finals. admiséchoué ses examensfinalsaucune de ces réponses3. Le Département des lettres françaises de l'université offre un programme très attrayant. Départementprogrammeattrayantaucune de ces réponses4. Notre ami de longue date nous a payé la traite lorsqu'il a eu une augmentation de salaire le vendredi 13 mars 2004. ami de longue datepayé la traiteaugmentation de salairele vendredi 13 mars 2004aucune de ces réponses5. Je vais céduler un rendez-vous chez mon physiothérapeute prochainement. cédulerrendez-vousphysiothérapeuteprochainementaucune de ces réponses6. À quelle addresse dois-je vous faire parvenir ce colis exprès? addresseparvenircolis exprèsaucune de ces réponses7. Je vais prendre une vacance dès que ce projet sera finalisé. une vacancece projetfinaliséaucune de ces réponses8. Le directeur adjoint remplira les formulaires sur l'avion. directeur adjointremplira les formulairessur l'avionaucune de ces réponses9. Impossible de le contredire : il avait des arguments solides. contredireargumentssolidesaucune de ces réponses10. Le siège social est actuellement localisé sur le boulevard Saint-Joseph. siège socialactuellementlocaliséboulevard Saint-Josephaucune de ces réponses  
Source : Jeux du Portail linguistique du Canada

L’anglais envahi par le français

Billet de blogue en français traitant de l’influence de l’anglais sur le français et de celle du français sur l’anglais. Préjugé : les hordes barbares de mots anglais assiègent notre belle langue et menacent de la défigurer à jamais. On a certes de bonnes raisons de maugréer, puisque les anglicismes pénètrent le français depuis la fin du 19e siècle, à cause de la domination économique de l’Empire britannique, dans un premier temps, et de celle des États-Unis par la suite. Ce sont surtout les emprunts lexicaux qui se sont multipliés, bien que plusieurs commentateurs commencent à dénoncer les calques syntaxiques qui apparaissent dans l’Hexagone. Au 19e siècle sont apparus des termes comme « ferry », « steamer », alors qu’aujourd’hui ce sont plutôt des emprunts dans le domaine de l’électronique qui s’imposent. Que l’on pense à « podcast » ou à « digital ». Un véritable déluge d’anglicismes dans ce domaine, des anglicismes qu’on ne cherche même pas à traduire… sauf au Canada. Par le passé, le français tentait d’assimiler certains anglicismes en les gallicisant, si je puis dire. Par exemple, une redingote n’est rien d’autre que riding coat francisé; autre exemple, un paquebot est tout simplement un packet-boat, navire postal qui, à la longue, en est venu à transporter des passagers. Tous ces aspects, qui ne font qu’effleurer la question, laissent croire que la survie du français est menacée. Pour moi, il n’en est rien. En fait, environ cinq pour cent du vocabulaire français est issu de l’anglais. Comme nous l’avons vu dans mon précédent article « Vous êtes polyglotte sans le savoir », notre langue a abondamment emprunté à l’italien, à l’allemand, au néerlandais, au turc, etc. Alors oui, notre langue est actuellement assiégée par les anglicismes dans certains domaines. Le mot clé étant actuellement. Mais l’avènement d’une nouvelle puissance mondiale pourrait un jour changer la donne. En réalité, ce serait plutôt aux anglophones de se plaindre. Environ soixante pour cent de leur vocabulaire vient du français. Certains croient même que ce serait les deux tiers. Invasion colossale qui a fait dire à un observateur, voilà quelques siècles, que l’anglais n’était rien d’autre que du néerlandais brodé de français. Comment en est-on venu là? La Conquête normande de 1066. Guillaume le Conquérant envahit l’Angleterre et en devient roi. La noblesse parle français, le peuple l’ancien anglais. La cohabitation des deux langues aura des conséquences monumentales. Pendant trois cents ans, le français est la langue de la Couronne; c’est donc dire que l’administration fonctionne en français normand. Mais, par la suite, l’anglais reprend ses droits, mais est lourdement influencé par le français, ce qui donne lieu à toute une série de phénomènes. Les doublets apparaissent. Ce sont des mots d’origine germanique et française qui ont le même sens. Trust et confidence en sont un exemple parfait. Le doublet devient même un outil stylistique servant à étoffer le discours. Mais, cette étrange cohabitation de frères ennemis a une autre conséquence : le terme français est souvent une manière plus élégante de s’exprimer. Les synonymes anglais-français abondent : raise est anglais, mais il est plus relevé de dire elevate. Un autre tandem du genre : begin/commence. En gastronomie, il est préférable de manger du beef ou du mutton, plutôt que du ox ou du sheep. Également plus digeste de commander des escargots que des snails (beurk!). Il y a aussi le phénomène des emprunts déformés. L’anglais emprunte des mots au français pour non seulement les intégrer dans son vocabulaire, mais aussi en développer le sens. Prenons comme exemple portmanteau, dont le sens original est le même qu’en français. Le mot est par la suite devenu un adjectif qui signifie qu’un objet a plusieurs usages ou qualités. Le Collins donne l’exemple suivant : The heroine is a portmanteau figure of all the virtues Évidemment, nul ne songerait à parler d’une figure porte-manteau en français… On pourrait aussi parler de double entendre, qui signifie un mot comportant un double sens. Soit dit en passant, les emprunts déformés se voient aussi dans d’autres langues. En terminant, il serait dommage de ne pas mentionner un dernier phénomène, celui des mots boomerangs. Ce sont des mots anglais d’origine française qui reviennent dans notre langue sous une forme jadis inconnue. Ces mots sont tellement bien intégrés dans notre langue que nous n’en voyons plus l’origine. Par exemple le mot « flirt », qui a engendré « flirter ». Peu de gens savent qu’il s’agit en fait d’un gallicisme en anglais. Flirt vient de l’ancien français « fleureter ». Ce dernier terme est disparu et a été remplacé par « flirter ». Idem pour « budget », qui vient de « bougette », un petit sac que l’on transportait en voyage. Comme on le voit, les anglophones « parlent » le français couramment…
Source : Blogue Nos langues (billets de collaborateurs et collaboratrices)

insinuatif, ive / insinuation / insinuer

Article portant sur le verbe insinuer et ses dérivés utilisés dans la langue courante et le domaine juridique.
Pour une mise en contexte, se reporter d’abord aux articles colloquium et diffamation (diffamation 1, diffamation 2). Ces mots illustrent comme bien d’autres deux phénomènes courants dans la terminologie française de la common law. Premièrement, la survie ou la renaissance d’un vieux mot – issu du droit ou non – pour désigner une réalité juridique actuelle : tel est le cas de l’adjectif insinuatif. Deuxièmement, l’entrée dans le droit d’un mot courant du fait de son utilité dans une branche du droit : le mot usuel insinuation enrichit le vocabulaire juridique dans le contexte précis du droit de la diffamation. Dans la langue courante, l’insinuation est un mot péjoratif, souvent employé au pluriel, évoquant l’allusion malicieuse ou le sous-entendu malveillant; c’est, précisément, un procédé d’expression qui permet de faire entendre son fait à quelqu’un, directement ou par l’entremise de tiers, mais sans le dire ouvertement ni clairement de sorte à laisser planer un doute sur la vérité de l’énoncé et sur l’intention véritable de l’auteur de l’insinuation. L’insinuation peut tout aussi bien n’être qu’une forme d’ironie, de plaisanterie, mais derrière la suggestion peut se mouvoir un esprit de malveillance, de jalousie, de vengeance ou d’attaque 1. Même s’il est employé dans un contexte juridique, le mot insinuation n’appartient pas pour cette raison au vocabulaire juridique; ce n’est pas un terme technique du droit. « Les prétentions des appelants sur ce point constituent tout au plus de simples conjectures fondées sur des insinuations, sur des suppositions ou sur des descriptions injustes de déclarations et d’événements. » « L’information révélée au jury constituait tout au plus une insinuation. » « Il n’y a pas la moindre insinuation que l’un des jurés choisis a effectivement eu des rapports avec l’accusé, aussi refusons-nous de juger que cette décision ait eu pour effet d’entacher de nullité le procès. » Le droit de la diffamation, considère que l’insinuation, dans la perspective d’une diffamation écrite ou verbale, est comprise comme se rattachant essentiellement au sens insinuatif (et donc diffamatoire) des mots prononcés ou publiés, lesquels n’ont pas ce caractère diffamatoire, s’ils sont pris dans leur sens normal ou habituel : l’auteur de l’insinuation prête-t-il à ses propos ou à ses commentaires un sens technique ou familier ou leur donne-t-il un sens qui relève de connaissances particulières qu’il partage avec un nombre restreint de personnes, les revêt-il d’un sens particulier du fait de circonstances extrinsèques, alors ces propos ou ces commentaires constituent en droit une insinuation au sens juridique ("legal innuendo"), encore appelée insinuation véritable ("true innendo"). Alléguer une insinuation au sens juridique, une insinuation véritable. Faits extrinsèques donnant lieu à insinuation. « Le demandeur doit alléguer expressément une insinuation au sens juridique et établir les faits et circonstances sous-jacents; il n’est pas tenu de prouver que le défendeur connaissait les faits particuliers qui donnent lieu à l’insinuation, ni que les commentaires ont été effectivement communiqués à une personne qui en comprenait le sens diffamatoire. Il lui suffit de démontrer que certaines personnes connaissaient les faits extrinsèques et que des personnes raisonnables, ainsi informées, auraient perçu le sens diffamatoire des commentaires. » Insinuation reprochée. « Le juge doit statuer si les mots en question peuvent comporter l’insinuation reprochée, mais c’est au jury de décider si elle existe en fait. » Dans le cas où le sens ordinaire et habituel des mots par rapport à leur sens insinuatif ne se dégage que par le jeu d’une inférence ou d’une interprétation, le sens diffamatoire large donné à ces propos ou à ces commentaires est qualifié de faux ou populaire, d’où la pseudo-insinuation ("false" ou "popular innuendo"), laquelle ne donne pas ouverture à une cause d’action distincte. « En common law, chaque insinuation reprochée donnait lieu à une cause d’action distincte, entraînant un verdict distinct. La jurisprudence américaine distingue entre ’l’induction’ – les faits dont le sens diffamatoire découlerait – et ’l’insinuation’ – qui permet de prouver le sens diffamatoire par référence à de tels faits. » En français, [innuendo] ne se dit pas; c’est un barbarisme (il n’existe pas dans la langue) ou un anglicisme, selon le point de vue. L’insinuation ou la glose insinuative désigne aussi, par métonymie, la partie de la plaidoirie en diffamation (en matière civile) dans laquelle le demandeur entend démontrer que les propos du défendeur insinuaient autre chose que leur sens apparent et qu’ils étaient malveillants et diffamatoires. En matière criminelle, l’acte d’accusation, dans l’un de ses chefs, doit énoncer le sens dans lequel il faut comprendre l’allégation et l’imputation de diffamation. Par exemple, un chef d’accusation pour la publication d’un libelle peut porter que la matière publiée a été écrite dans un sens qui, par insinuation, en rendait la publication criminelle et peut spécifier ce sens insinuatif sans affirmation préliminaire indiquant comment la matière a été écrite en ce sens. Le même principe s’applique en cas de diffamation verbale. Pour qu’il y ait insinuation, les propos ou les commentaires doivent être indirects et porter atteinte à l’honneur et à la bonne réputation du demandeur, la victime de l’insinuation. S’agissant du mode d’expression du libelle diffamatoire, le Code criminel prévoit que la diffamation peut être exprimée directement ou par insinuation ou ironie. On dit que l’allégation ou l’imputation de diffamation peut être directe comme elle peut être indirecte, par voie de simple allusion, d’insinuation ou d’ironie. « Il arrive souvent que l’allégation ou l’imputation soit transmise au lecteur par le biais d’une simple insinuation. » « Un libelle diffamatoire peut être exprimé directement ou par insinuation. » « Ils ont été déclarés coupables de libelle diffamatoire par insinuation. » « Selon le moyen de défense invoqué par le défendeur, les déclarations qui lui sont attribuées sont véridiques et ne sont pas diffamatoires ni dans leur sens naturel et ordinaire, ni par insinuation. » S’agissant de la preuve à produire pour soutenir ce chef d’accusation, il suffit de prouver, lors de l’instruction du chef d’accusation pour publication d’un libelle ou diffamation verbale, que la matière publiée ou la déclaration faite était libelleuse, avec ou sans insinuation. Dans la langue classique, l’insinuation a rapport à la séduction du langage et des manières. De ce sens est née l’insinuation rhétorique; cette figure de rhétorique vise à se concilier la faveur d’un auditoire au début d’une allocution par le recours à des paroles habiles et élogieuses. Exorde par insinuation. En droit, ce procédé est largement utilisé tant dans le discours juridictionnel – par exemple par l’avocat plaidant à l’endroit du tribunal, par le juge dans ses motifs de dissidence, dans ses motifs de jugement visant l’infirmation de la décision rendue par le tribunal d’instance inférieure ou dans ses remarques incidentes destinées au législateur – que dans le discours doctrinal, par l’auteur qui s’oppose à un principe jurisprudentiel, à une thèse, à une théorie, à une doctrine ou encore à une opinion communément professée par des auteurs d’ouvrages juridiques, aux motifs de droit sur lesquels reposent des décisions de justice ou, même, à des dispositions controversées édictées par le législateur. Insinuatif. Dérivé savant du verbe insinuer, cet adjectif, vieilli dans la langue courante, s’emploie dans le droit de la diffamation en common law. Sens insinuatif (d’une déclaration, de propos, de remarques), ton insinuatif. Acte insinuatif : par exemple dans le cas d’une insinuation par proximité que constituerait le fait de placer délibérément la photo de quelqu’un bien en vue à côté de celles d’éminents criminels. Le verbe insinuer s’emploie comme transitif direct (insinuer une inconduite, la commission d’un crime), il introduit une proposition relative, cas le plus fréquent (« Insinue-t-il que j’agis dans l’illégalité? »), et, occurrence plus rare, on le trouve en construction absolue (« Il se contente d’insinuer plutôt que d’avoir le courage de ses convictions. »). Syntagmes et phraséologie Insinuation avilissante, calomniatrice, calomnieuse, constante, désobligeante, directe, écrite, erronée, fausse, gênante, honteuse, indirecte, irréfléchie, irresponsable, malveillante, mensongère, orale, perfide, publiée, révoltante, subtile, tendancieuse, verbale. Insinuation à l’encontre de (la prépondérance de la preuve). Insinuation de contrainte, d’intrusion, d’irrégularité, de mauvaise foi, de négligence, de partialité. Insinuation d’ordre, de nature, à caractère déontologique, éthique, moral(e), politique, racial(ale), sexuel(elle). Insinuation emportant atteinte, lésion, préjudice. Insinuation fondée, dénuée de fondement, non, nullement, fondée. Insinuation non étayée par la preuve, non prouvée, prouvée. Insinuation par proximité. Faits extrinsèques à l’appui d’une insinuation. Libelle par insinuation. Sens, portée d’une insinuation. Constituer une insinuation. Donner naissance à une insinuation. Étayer une insinuation (à l’égard de qqn). Formuler une insinuation. Lancer une insinuation. Nier une insinuation. Plaider une insinuation. Procéder par insinuation. Prouver une insinuation. Recourir à des insinuations. Se défendre contre une insinuation. Se protéger contre une insinuation. Soulever une insinuation. Insinuer une accusation, une calomnie, une inconduite. Une insinuation repose, s’appuie sur (des faits extrinsèques). Renseignements complémentaires libelle
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

forum

Article portant sur le mot forum utilisé dans le domaine juridique.
Voir d’abord l’article for. Puisque le mot forum n’est pas francisé comme terme juridique, il se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, il est en caractère romain. Le latinisme forum (au pluriel fora, et, en anglais, "forums") désigne étymologiquement la place où se tiennent les débats publics et, plus généralement, où siègent les tribunaux. Il est synonyme de juridiction ou de tribunal territorialement compétent (compétent 1,  compétent 2). Il faut éviter, par le jeu de la double contagion, du latin d’abord, puis de l’anglais, qui a anglicisé le latinisme, de parler du [forum] en français pour désigner un tribunal ou, dans un sens extensif, toute procédure préalable au procès, telle l’enquête préliminaire, ou tout lieu ou endroit propice à l’instruction d’une affaire. « De par sa fonction et sa structure, l’enquête préliminaire est un [forum] approprié (= une procédure appropriée) pour prononcer l’exclusion de déclarations obtenues en violation de la Charte. » « L’audience de libération ne constituerait pas un lieu propice (proper forum) pour mener l’examen détaillé que nécessite pareille détermination. » « La partie demanderesse peut-elle introduire sa demande devant le [forum] (= le tribunal) qu’elle estime le plus avantageux pour elle? » Choix du ressort, du tribunal, du for, du forum, et non choix du [forum]. « La Cour d’appel de l’Ontario a-t-elle eu raison de conclure qu’un arbitre nommé en vertu de la Loi ontarienne constitue le [forum] (= le tribunal) approprié pour décider si cette loi s’applique ou non à l’appelante dans les circonstances de l’espèce? » Abondamment employé en droit international public et privé, le latinisme forum s’entend tout aussi bien du tribunal compétent que de son siège, c’est-à-dire le ressort où s’exerce la juridiction. Il entre dans la composition de plusieurs expressions juridiques. Le forum conveniens, littéralement, est le tribunal ou le ressort, selon le cas, qui convient. Cette expression évoque la faculté qui est ouverte au tribunal saisi de décliner sa compétence; c’est la décision par laquelle le juge du for estime opportun de déclarer recevable une cause qui est soumise à son examen. Au contraire, dans le cas du principe de common law (d’origine écossaise) appelé principe du forum non conveniens (on trouve aussi principe relatif au forum conveniens), le juge du for décide qu’il est opportun de déclarer irrecevable une cause dont il est saisi, un autre for lui paraissant plus approprié pour juger la cause. Allégation de forum non conveniens. Favoriser le forum conveniens aux dépens du forum non conveniens. Question concernant le forum conveniens. La loi donne dans certains cas au demandeur le choix du tribunal devant lequel il peut présenter sa demande. Il préférera naturellement s’adresser au tribunal le plus accessible pour lui et pour ses témoins ou encore celui qui, pense-t-il, lui sera le plus favorable. Le principe (que certains nomment la théorie, mais il ne faut pas dire la [doctrine]) du forum conveniens trouve des applications dans plusieurs domaines du droit, notamment dans le droit de la famille, en droit pénal, en droit commercial, en droit maritime, dans le droit des contrats et dans le droit des biens. Dans le système judiciaire anglais, les cours supérieures, en vertu de leurs pouvoirs inhérents d’écarter les actions qu’elles jugent futiles, vexatoires ou abusives, ont élaboré le principe du forum conveniens qui les habilite à mettre fin, en cours d’instance, aux actions introduites devant elles lorsqu’elles constatent qu’un tribunal plus approprié (forum coveniens) existe dans un autre ressort pour trancher le litige dans l’intérêt de la justice. Le système judiciaire canadien adhère à ce principe, lequel a pour résultat de faire respecter la décision d’un tribunal étranger se déclarant compétent pour un motif qui est généralement conforme à la règle canadienne de droit international privé visant à déterminer si les tribunaux canadiens sont le forum conveniens; le tribunal canadien s’abstiendra de rendre la décision en lieu et place du tribunal étranger. Toujours en droit international privé et s’agissant de la compétence internationale des tribunaux québécois, la théorie du forum conveniens a été codifiée à l’article 3135 du Code civil du Québec. En vertu de cet article, le tribunal québécois compétent pour juger un différend peut exceptionnellement refuser d’exercer sa compétence, s’il estime que les tribunaux d’un autre État sont mieux placés pour juger l’affaire; il lui permet, en outre, d’instruire le litige, si une action à l’étranger se révèle impossible ou si on ne peut exiger qu’elle y soit introduite, pour autant que ce litige présente un lien suffisant avec le Québec. « Bien qu’elle soit compétente pour connaître d’un litige, une autorité du Québec peut, exceptionnellement et à la demande d’une partie, décliner cette compétence, si elle estime que les autorités d’un autre État sont mieux à même de trancher le litige. » Ainsi, selon le point de vue adopté ou l’idée à transmettre, la notion, le critère, la règle, le principe, la théorie du forum conveniens ou, de son envers, du forum non conveniens sert de fondement à l’exercice ou au non-exercice de la compétence dans une affaire comportant des éléments d’extranéité, c’est-à-dire des éléments étrangers. La Cour invoque alors ce principe pour veiller aux intérêts supérieurs des parties, éviter d’empiéter sur la compétence d’une autre juridiction, parer à l’inconvénient de juger l’affaire dans un ressort autre que celui où a pris naissance la cause d’action et servir les intérêts de la justice. « Le juge a conclu que la Cour où il siégeait et la Section de première instance de la Cour fédérale avaient compétence concurrente pour accorder la réparation sollicitée, mais, appliquant le principe du forum conveniens, il a décidé que l’affaire devait être tranchée par la Cour fédérale. » La terminologie française n’est pas fixée à l’égard de ce latinisme. Lorsqu’elle désigne une juridiction, l’expression forum conveniens se rend par divers équivalents : for, tribunal convenable, approprié, plus convenable, plus approprié, le plus approprié, le plus convenable, commode, pertinent, bien choisi; instance la plus appropriée; tribunal compétent pour juger une affaire : « L’instance devrait être suspendue au motif que notre Cour n’est pas un tribunal compétent pour juger cette affaire. ». Le forum conveniens désignant un ressort, le siège de la juridiction concernée, des expressions ou des périphrases diverses en constitueront les équivalents les plus approximatifs : endroit choisi, le mieux choisi; pays, État approprié, compétent, convenable, qui convient; pays, État ayant les liens les plus étroits avec l’action; lieu qui convient, lieu où il convient de trancher le litige : « L’appelante soutient que le Québec n’est pas le lieu où il convient que ce litige soit tranché. » Dans les Règles de procédure du Nouveau-Brunswick et, par voie de conséquence, dans la jurisprudence de cette province, le forum conveniens est, en français, l’endroit propice. « Le défendeur peut, avant la mise au rôle de l’action, demander à la cour de suspendre ou de rejeter l’action au motif que le Nouveau-Brunswick n’est pas un endroit propice à l’instruction ou à l’audition de l’instance. » Notion apparentée : le principe dit du forum de nécessité, c’est-à-dire du tribunal de nécessité, et non le [forum] de nécessité, prend appui sur la norme du lien suffisant ou du facteur de rattachement. Article 3536 du Code civil du Québec  : « Bien qu’une autorité québécoise ne soit pas compétente pour connaître d’un litige, elle peut, néanmoins, si une action à l’étranger se révèle impossible ou si on ne peut exiger qu’elle y soit introduite, entendre le litige, si celui-ci présente un lien suffisant avec le Québec. » « La conclusion qu’il y a un lien suffisant avec le Texas est corroborée par la preuve et, par conséquent, le tribunal texan a exercé sa compétence en conformité avec la clause relative à l’application régulière de la loi de la Constitution américaine. L’application de cette disposition est compatible avec les règles canadiennes de droit international privé relatives au forum non conveniens. Un tribunal peut décliner compétence pour cause de forum non conveniens. ». À remarquer l’absence d’article devant l’expression latine dans le tour le tribunal est forum non conveniens. Se reporter à l’article article (omission de l’). Le droit international public reconnaît le principe selon lequel le lieu de la commission du délit (forum loci delicti et forum locus delicti commissi) est le forum conveniens puisque c’est sur le territoire de l’État où a été commis le délit ou le crime que se trouvent les éléments de preuve nécessaires pour établir la perpétration effective du délit. Forum naturel du litige. Forum direct et forum indirect. Le forum originis est le tribunal de l’État dans lequel une personne est née, où elle a son domicile de naissance, et le forum domicilii, notion apparentée, est le tribunal du domicile du défendeur. On dit forum rei pour désigner le tribunal du lieu où réside le défendeur, lequel a le privilège de faire juger une affaire dans laquelle il a à se défendre sans avoir à se déplacer et le forum res ou forum res sitae ou rei sitae pour désigner le tribunal du lieu où se trouve la chose ou l’objet du litige. « La règle de compétence du forum res ne vaut en principe que pour les biens immobiliers. » Le forum arresti est le tribunal du lieu de la saisie des objets litigieux et le forum contractus, en matière commerciale et contractuelle, est le tribunal du lieu de la formation et de la conclusion du contrat. Voir aussi le forum hereditatis en matière successorale. Le forum prorogatum (ou l’extension de compétence) désigne littéralement la juridiction prorogée selon un mode unilatéral d’établissement de la juridiction de la cour. Lorsqu’un État accepte ou reconnaît, de façon même tacite, après la saisine découlant d’une demande présentée par l’État demandeur et sans conclusion de compromis avec celui-ci par l’État défendeur, la compétence d’une juridiction internationale spécialisée telle la Cour internationale de justice, cette juridiction devient le forum prorogatum. De là le principe du forum prorogatum. Suivant ce principe, l’acceptation ou la reconnaissance de la compétence est expresse lorsque l’État participe activement à l’instance, par exemple en se présentant à l’audience, en participant à la discussion, en présentant une plaidoirie sur le fond, en déposant ses propres conclusions ou encore en ne s’opposant pas à une future décision au fond; elle est tacite lorsque des actes concluants impliquent acceptation. « Pour pouvoir s’appliquer en l’espèce, le principe du forum prorogatum devrait être fondé sur quelque acte ou déclaration du Gouvernement de l’Iran impliquant un élément de consentement à l’égard de la compétence de la Cour. » « Il est légitime d’envisager une extension de la compétence de la Cour, compétence qui, contestable en l’absence de compromis, ne le serait plus en raison de faits postérieurs à l’ouverture du procès ("forum prorogatum"). » Le terme anglais forum shopping, que les juristes européens préfèrent aux formes françaises reconnues au Canada de sondage des tribunaux, de recherche du tribunal favorable, évoque un type de fraude (fraude 2, fraude 3) non pas à la loi, mais au jugement. Cette pratique du forum shopping (éviter en ce sens le québécisme [magasinage]) est une manœuvre, un procédé de recherche, par des plaideurs, du for le plus favorable à leur cause en vue de se soustraire à l’application de la loi nationale qui leur est normalement applicable en portant leur litige devant une juridiction étrangère. Donner lieu au forum shopping, à la recherche d’un tribunal favorable. « La demanderesse était à la recherche d’un tribunal favorable lorsque la saisie a été pratiquée. » Quête du lieu le plus avantageux. Exemple cité par un manuel de droit, celui de deux Chiliens qui, pour échapper à l’application de leur loi nationale, vont porter leur divorce au Mexique ou dans l’État du Nevada. « Le forum shopping se caractérise par une manipulation des critères de compétence juridictionnelle. » « Le forum shopping réalise une fraude au jugement qu’aurait prononcé le tribunal normalement compétent. » « Le forum shopping utilise la diversité des fors, et, donc, des systèmes de droit international privé. » Se prêter au forum shopping. Recourir au forum shopping. Moyens de défense contre le forum shopping. On trouve dans la documentation d’autres équivalents possibles de cet anglicisme de mauvais aloi : recherche du tribunal le mieux-disant, le plus offrant; course au « mieux-disant judiciaire ». En droit constitutionnel canadien, la notion de [forum public], empruntée à la théorie américaine du public forum, désigne un lieu, propriété de l’autorité publique ou de l’État, qui est favorable à l’expression des idées. Elle se rapporte à la liberté d’expression et, plus particulièrement, au droit du citoyen d’exercer des activités, notamment de recrutement, de propagande, d’expression politique ou religieuse, dans des lieux appartenant au gouvernement et servant de plate-forme propice à la dissémination idéologique. La question juridique qui se pose alors pour les tribunaux est la suivante : L’interdiction de faire de la sollicitation et de la propagande enfreint-elle le droit à la liberté d’expression garanti par la Charte canadienne des droits et libertés? La Cour suprême des États-Unis a réparti l’ensemble des propriétés gouvernementales en trois catégories distinctes : 1) les [forums publics] traditionnels ou par tradition (les rues, les parcs), 2) les [forums publics] désignés ou par désignation (les auditoriums, les lieux de réunion, les salles de spectacles) et 3) les [forums non publics], soit ceux qui ne constituent des [forums publics] ni par tradition ni par désignation. Le terme [forum public] constituant un calque de l’anglais, il serait préférable de parler plutôt de tribune publique. [Doctrine du forum public] = Concept de la tribune publique. Protéger le droit à l’expression sur une tribune particulière. Utilisation de la tribune (et non du [forum]) à des fins d’expression publique. Renseignements complémentaires for
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

expurgatoire

Article portant sur le mot expurgatoire utilisé dans le domaine juridique.
Le canadianisme expurgatoire ("exculpatory") est un adjectif d’appartenance juridique exclusive dont l’emploi, peu courant par ailleurs, paraît critiquable. La documentation consultée n’atteste qu’une cooccurrence : clause expurgatoire. « L’économie générale de la Loi sur les biens ne laisse planer aucune ambiguïté. Il n’existe pas de clause expurgatoire sur laquelle la Banque pourrait fonder ses prétentions. » Dans cet exemple relevant de la responsabilité contractuelle (plutôt que de la responsabilité délictuelle), ce type de clause (et non le barbarisme clause [exculpatoire]) permet de dégager de toute responsabilité le prêteur qui, en violant les obligations légales qui lui étaient faites en sa qualité de prêteur, a fait subir une perte au débiteur hypothécaire. Plus généralement, la clause expurgatoire en common law, mieux appelée clause d’exonération de responsabilité ou clause exonératoire 2 de responsabilité, est une disposition contractuelle qui dégage un contractant de tout ou partie de la responsabilité découlant d’un acte négligent ou répréhensible. Elle se présente sous deux formes selon qu’elle limite la responsabilité ou qu’elle l’exclut : la clause limitative de responsabilité ou clause de responsabilité limitée et la clause d’irresponsabilité, encore appelée clause de non-responsabilité et clause de responsabilité. Par ailleurs, est qualifiée de disculpatoire (et non d’expurgatoire), encore moins d’[exculpatoire] la déclaration qui, au contraire de la déclaration incriminante, vise à disculper (disculper 1, disculper 2) le défendeur de toute faute ou de toute culpabilité qu’on pourrait lui imputer.
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

digest / digeste

Article portant sur les mots digest et digeste utilisés dans la langue courante et le domaine juridique.
Il ne faut pas confondre ces deux homonymes. Le premier relève du langage courant. La prononciation du i, du s et du t de ce mot de l’anglais américain contemporain qu’attestent nos meilleurs dictionnaires est francisée et tend à supplanter nettement la prononciation à l’anglaise du i (daï-gest). Le mot est variable : des digests. Aux États-Unis particulièrement, le mot digest désigne le résumé concis que l’on fait d’un livre ou d’un article, ou la publication qui réunit ce genre de résumés. On dirait en français un abrégé, une analyse, un mémento, un raccourci, un résumé ou un sommaire. D’ailleurs, le Commissariat général de la langue française, dans sa sixième édition du Dictionnaire des néologismes officiels (Textes législatifs et réglementaires) parue en 1989, condamne cet anglicisme et recommande le mot condensé. Au Canada, le terme continue d’être employé dans des titres d’ouvrages : Digest de sécurité générale ou Digeste (avec l’e, titre doublement fautif) de la construction au Canada. Comme titre de document ou d’ouvrage exhaustif, le mot "digest" peut se rendre en français, selon la nature de la matière traitée, par abrégé, bulletin, condensé, guide, précis, recueil d’exemples (par analogie avec le genre des morceaux choisis), résumé ou sommaire (sommaire d’une décision : "digest of a decision"; résumé de données d’enquêtes : "digest of surveys", parmi de nombreux exemples). Le mot digeste appartient à la terminologie du droit. Son usage français tire sa source du droit romain : le digeste était une sorte de compilation des lois romaines, un recueil méthodique des principales décisions des plus célèbres jurisconsultes romains. Le plus connu est le Digeste ou Pandectes de Justinien composé par ordre de l’empereur du même nom. Les lois du Digeste. Aujourd’hui on appelle ces sortes d’ouvrages des recueils ou des répertoires méthodiques de jurisprudence ("Digest of Case Law") ou des aperçus, des codes, des codifications, des recueils ou des répertoires de lois et de règlements. On trouve même des pandectes (les fameux Pandectes belges). Les digestes ou répertoires de jurisprudence résument les décisions judiciaires en relatant en peu de mots les faits des causes et en rapportant les motifs et les dispositifs. Ces motifs reprennent lapidairement la ratio decidendi des décisions. Par extension, le mot digeste désigne tout recueil de matières juridiques classées méthodiquement et résumées. C’est une sorte de manuel ou de traité de droit, mais qui, plutôt que de se présenter comme un recueil de textes ou un exposé systématique d’institutions juridiques, s’efforce d’exprimer le sens exact et l’objet de sa matière dans le plus petit nombre de mots possible, sans argumentation ni critique. Ce genre particulier d’ouvrage de doctrine juridique a été rendu célèbre par le Digeste de droit civil anglais, ouvrage traduit et familièrement appelé le Jenks, du nom de son rédacteur principal.
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

assesseur, eure

Article portant sur le mot assesseur utilisé dans le domaine juridique.
Au Canada, les règles de pratique des tribunaux accordent au juge le pouvoir de nommer des assesseurs. L’assesseur (comptable agréé, architecte, médecin) a pour fonction d’assister à l’audience afin d’aider le tribunal à apprécier une preuve techniquement complexe. « Le juge a bénéficié des conseils de deux assesseurs expérimentés. » « J’accepte l’opinion de l’assesseure selon laquelle les contrats à terme portant sur des titres financiers visaient la protection contre les effets de la fluctuation des taux d’intérêt. » La Cour peut demander, d’office ou à la demande de l’une des parties, l’aide d’assesseurs spécialement qualifiés, et instruire une question, en tout ou en partie, avec leur aide. Le vicomte Simon ([1944] A.C. 1962, pages 70 et 71) a décrit les fonctions de l’assesseur dans un procès : c’est un expert que le juge peut consulter s’il a besoin d’aide pour comprendre les conséquences et le sens des définitions d’ordre technique. Il peut, au besoin, transmettre au juge des questions que ce dernier pourrait poser à un témoin expert dans le but de vérifier le point de vue du témoin ou de clarifier le sens de sa déposition. Le juge peut le consulter au besoin sur les conclusions techniques susceptibles de découler de faits établis ou sur la nature des divergences apparentes survenues entre les experts dans le domaine. « Lors d’une conférence préparatoire au procès, les procureurs des parties, vu les difficultés particulières que présentaient les faits dans cette affaire où on fait appel à des notions d’arpentage, de génie civil et à des us et coutumes en matière de construction de route, ont suggéré avec beaucoup d’à-propos de convenir du choix d’un assesseur, nommé conformément aux dispositions de l’article 492 des Règles de la Cour fédérale, pour assister le président du tribunal. M.Paul Savard, ingénieur-conseil de Québec, a été le choix spontané et unanime des parties, et j’ai ainsi pu bénéficier, tout au cours de l’enquête, de sa longue expérience en construction de route, de ses précieux conseils sur la compréhension technique de la preuve, des us et coutumes en pareille matière et de son appréciation globale de la preuve. » Le rôle de l’assesseur n’est pas de rendre témoignage, bien que parfois il soit assigné à comparaître par une partie à l’instance : « La défenderesse a par ailleurs fait entendre les deux assesseurs du tribunal disciplinaire de même que le directeur de l’établissement. ». Son avis est souvent sollicité par écrit : « Nous avons soumis une question à trois volets à notre assesseur, qui a donné la réponse suivante : (…) ». En France, l’assesseur est notamment un juge dans une formation de jugement. Assesseur du président du tribunal. Juge assesseur. La mission de l’assesseur ne doit pas être confondue avec celle de l’ami de la Cour (voir amicus curiæ). À la différence de l’expert, l’assesseur ne procède à aucune expérience extrajudiciaire, sauf dans les cas autorisés par la loi. Ce n’est ni un témoin ni un participant à la procédure judiciaire. Attention au danger d’anglicisme. L’"assessor" peut, dans certains cas, être un évaluateur : évaluateur minier, évaluateur nommé en vertu de la partie II de la Loi sur l’indemnisation des dommages causés par des pesticides (Canada). La personne qui évalue un bien pour en déterminer le chiffre d’imposition est un évaluateur ou un expert, et non un [assesseur]. Dans la terminologie des assemblées délibérantes, le Comité consultatif de la normalisation et de la qualité du français à l’Université Laval a proposé assesseur-conseil comme équivalent de "parliamentarian" pour dénommer la personne qui assiste le président, son rôle étant de le conseiller lorsque le déroulement des débats pose des problèmes techniques difficiles. Assesseur fait partie du vocabulaire des élections : le président d’un bureau de vote et ses assesseurs. Dérivés Assessoral (qui concerne l’assesseur). Assessorat ou assessoriat (qui concerne la charge d’assesseur). Syntagmes Assesseur comptable, médical, nautique. Assesseure spécialement qualifiée. Nomination d’assesseurs. Charge, fonction d’assesseur. Rôle de l’assesseure. Avis, opinion de l’assesseur. Frais de l’assesseure.
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

autopsie / autopsier / autopsique / autopsiste

Article portant sur le mot autopsie et ses dérivés utilisés dans la langue scientifique et le domaine juridique.
L’autopsie est l’examen et l’ouverture d’un cadavre pour en étudier les lésions, effectuer des prélèvements et aboutir au diagnostic dans le but de rechercher les causes de la mort. On distingue l’autopsie scientifique, ou hospitalière, et l’autopsie médico-légale, aussi appelée autopsie judiciaire en France parce qu’elle est faite à la demande de l’Autorité judiciaire. Plusieurs dictionnaires recommandent le mot nécropsie, plus précis selon eux. Force est toutefois de constater que l’usage a consacré très nettement autopsie. Le Trésor de la langue française signale le substantif autopsiste : médecin qui pratique des autopsies. Notons également l’emploi de l’adjectif autopsique : « On conçoit l’utilité d’une telle procédure au cas où le résultat autopsique est capital pour une enquête en cours (…) ». Cet adjectif peut aisément se remplacer par de l’autopsie. On parle également d’une contre-autopsie : « Il faut se rappeler qu’une autopsie ne peut se faire bien qu’une seule fois; toute contre-autopsie risque d’être d’interprétation délicate sinon impossible. » Lorsqu’on parle des instruments de chirurgie servant à l’autopsie, les prépositions pour ou à accompagnent généralement le mot autopsie : aiguille pour autopsie, burin pour autopsie, ciseau à autopsie, couteau pour (ou à) autopsie, trousse pour l’autopsie. Sous l’influence de l’anglais et pour éviter la redondance, on évitera de parler de l’[examen post mortem] du cadavre. C’est autopsie qu’il convient d’employer puisque post mortem signifie après la mort. On peut également recourir à une périphrase. « Selon le médecin légiste qui a procédé à l’examen de l’enfant après son décès, sa mort était due à des complications (…) » Le mot autopsie s’emploie aussi au figuré au sens d’analyse rétrospective d’un événement pour en évaluer les causes et les effets : « Les avocats du cabinet se sont réunis pour faire l’autopsie (et non [le post mortem])de la cause perdue devant le plus haut tribunal du pays. » Le film "Anatomy of a Murder" d’Otto Preminger s’intitulait en français Autopsie d’un meurtre. On évitera encore ici le latinisme post mortem [post-mortem] dans ce contexte. Voir également le titre de l’article d’André-Jean Arnaud : Autopsie d’un juge, étude sémiologique de la jurisprudence aixoise en matière de divorce, dans lequel le mot autopsie s’entend de l’analyse minutieuse et approfondie du style d’un auteur. Syntagmes et phraséologie Effectuer, faire, pratiquer une autopsie, procéder à une autopsie. Effectuer, faire l’autopsie de qqn, du cadavre, du corps de qqn, d’un animal. Ordonner une autopsie. Autorisation, demande d’autopsie, procès-verbal, rapport d’autopsie, table d’autopsie. L’autopsie établit que, révèle que (…) Autopsier qqn, le cadavre, le corps de qqn.
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

attestation / attester

Article portant sur les mots attestation et attester utilisés dans le domaine juridique.
Le verbe attester se prend en deux sens. Lorsque le sujet du verbe est une personne, attester signifie rendre témoignage d’un fait verbalement ou par écrit, certifier. « Le témoin atteste la vérité de sa déclaration » ou «  (…) atteste que sa déclaration est vraie. » « J’atteste avoir été directement le témoin de ces faits. » « L’avocat atteste la passation du testament. » Lorsque le sujet du verbe est une chose, attester signifie servir de témoignage, contester. « Ce document atteste la vérité des faits. » « Le bordereau attestant l’achat a été produit au procès comme pièce no 1. » « Sa conduite atteste sa bonne foi. » « C’est un fait attesté. » Le verbe attester est toujours transitif direct. Il ne faut pas suivre l’habitude très répandue dans nos lois et notre jurisprudence, et qu’attestent certains dictionnaires, de le considérer comme un transitif indirect et de dire, par exemple, attester [de] la validité du testament, attester [d’] une procédure. Cette faute s’explique par un effet de contagion avec le verbe témoigner, synonyme d’attester, qui, lui, demande la préposition de. Attester se construit avec une proposition introduite par que et non de ce que : « Le témoin atteste que la copie est conforme. » « Le défendeur atteste que l’accident s’est produit à minuit. » Le mot attestation s’entend, d’une part, de l’action d’affirmer l’existence, la réalité d’un fait (« À la demande de la partie rédactrice de l’acte, le témoin instrumentaire a procédé à l’attestation du document. »), et, d’autre part, de l’écrit, de la pièce qui certifie un fait : « La clause ou formule d’attestation a été souscrite (souscrite 1, souscrite 2) par le témoin instrumentaire et la clause ou formule de signature a été souscrite par le testateur. » Dans les formulaires, les déclarations, le mot attestation correspond au mot anglais "certification". Le droit fiscal canadien connaît l’attestation des qualités d’un bien culturel aux fins de l’impôt sur le revenu et l’attestation de conjoint (crédit d’impôt pour enfant). Ce qui distingue l’attestation du certificat, c’est que le premier terme désigne toute déclaration, toute affirmation, verbale ou écrite, alors que le second désigne l’attestation écrite, officielle ou dûment signée d’une personne autorisée. [Attestateur] ou [attesteur] n’existent pas. Ce sont des calques de l’anglais "attester" (ou de ses variantes "attestor", "attestator" ou "attestant"). On trouve, selon les contextes, attestataire, auteur de l’attestation, certificateur, déposant, témoin, témoin certificateur et témoin instrumentaire. Syntagmes Attestation d’approbation, de bonne conduite. Attestation du jugement ("certificate of judgment"). Attestation de nomination, de signature. Attestation d’un contrat de vente, d’un document, d’un instrument. Attestation du résultat du scrutin ("certificate of court"). Attester un contrat, un privilège, une signature. Attester par affidavit, par signature, par témoin. Attester sous le sceau, sous serment.
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

avantage

Article portant sur le mot avantage utilisé dans la langue courante et le domaine juridique.
Le mot avantage est parfois employé à mauvais escient sous l’influence de l’anglais. Ainsi, on ne peut en français [prendre avantage] de quelque chose, on en tire avantage, on en profite. « En common law, il est bien établi que, même si elle n’est pas liée par une loi, la Couronne peut tirer avantage de ces dispositions, à moins d’une interdiction expresse ou implicite de le faire. » On peut dire également se prévaloir, bénéficier, profiter des avantages de qqch. Il convient de noter que prendre l’avantage sur qqn est tout à fait correct pour exprimer l’idée d’une lutte : « À la fin de la première semaine des débats, la défense a pris l’avantage sur la poursuite. » Pour la rédaction des jugements, on évitera, entre autres, la tournure « [J’ai eu l’avantage de] lire les motifs de jugement rédigés par mon collègue. » Dans cet emploi, avantage a la valeur de tirer avantage de qqch., en tirer un bénéfice ou un profit. Or, avoir l’avantage de (suivi de l’infinitif), comme dans l’exemple précité, signifie tirer de qqch. une supériorité par rapport à qqn d’autre. Il faudra écrire ou dire : « J’ai eu le bénéfice de lire, J’ai eu le privilège de lire (…) » ou encore « J’ai lu avec profit (…) » À l’avantage de qqn signifie de manière à lui donner une supériorité : « La poursuite judiciaire s’est terminée (a tourné) à son avantage : il a eu gain de cause. » Ne pas confondre d’avantage, c’est-à-dire de bénéfice (« Il a profité d’avantages particuliers. ») et davantage, c’est-à-dire beaucoup plus (« Le demandeur est hostile, mais le défendeur l’est davantage. ») L’emploi du mot avantage dans certaines formules de politesse est vieilli ou ironique : « Nous avons l’[avantage] de vous informer du dépôt de votre requête en annulation. » Il faut écrire simplement : « Nous vous informons du dépôt de votre requête en annulation. ».
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

a.m. / p.m.

Article portant sur les abréviations anglaises a.m. et p.m. et leurs équivalents français dans le domaine juridique.
Les abréviations a.m. et p.m., que l’anglais a emprunté au latin (ante meridiem et post meridiem), n’existent pas en français. [11 a.m.] est une notation de l’heure qui vient du système anglais. En français, l’heure est indiquée généralement en fonction de la période de vingt-quatre heures. « Le Palais de justice est ouvert tous les jours de la semaine de 9 h à 17 h. » Parfois, pour éviter toute confusion possible, on ajoute les mots du matin ou du soir lorsque la notation de l’heure est faite en fonction d’une période de douze heures : « Le client s’est présenté au bureau à onze heures du soir. »
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

adversus / contre / versus

Article portant sur les mots adversus, contre et versus utilisés dans le domaine juridique.
Adversus sert parfois à désigner en France les adversaires au procès. Le terme est inusité au Canada. Versus (plus rarement "against") sert en anglais sous sa forme abrégée la plus familière aux juristes ("v."), la forme "vs." étant plus courante pour les profanes. En français, la règle n’est pas unanimement suivie, mais la tendance est de conserver le v. quand la cause citée n’a pas été traduite et de mettre c. (pour contre) afin d’indiquer que la décision a été traduite ou qu’elle a été rendue en français. Il serait plus simple et plus pratique de mettre l’abréviation c. dans tous les cas, mais en caractère romain, toujours suivi du point et toujours en minuscule, et de mettre en italique les noms des parties : Smith c. Smith. Cette recommandation est d’ailleurs conforme à la règle énoncée dans le Manuel canadien de la référence juridique (1988). Renseignements complémentaires abrégé abréviation
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

ad colligenda

Article portant sur la locution ad colligenda et ses traductions en common law.
Cette locution latine adjective signifie pour conserver et sert à former, en common law, le terme anglais "administration ad colligenda" et ses variantes ad colligenda bona, ad colligenda bona defuncti et ad colligendum bona defuncti. L’équivalent français retenu par le Comité de normalisation de la terminologie française de la common law est administration conservatoire, soit l’administration portant sur la conservation provisoire de la succession d’un défunt. Voir également "grant of administration ad colligenda bona" : lettres d’administration conservatoires.
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

ad hoc

Article portant sur la locution ad hoc, ses pièges de traduction dans la langue juridique et les solutions appropriées.
Cette locution latine signifiant littéralement pour cela, à cet effet. Elle se met en italique ou entre guillemets, selon que le texte est imprimé ou manuscrit. Si le texte est en italique, elle est en caractère romain. S’emploie comme adjectif (juge ad hoc) ou adverbe (juge siégeant ad hoc). Ad hoc a deux sens. Le premier renvoie à ce qui se fait convenablement, à ce qui se fait à propos, correctement, opportunément, pertinemment. Ainsi, avancer des arguments ad hoc, c’est présenter des arguments adaptés aux circonstances, des arguments indiqués, et répondre ad hoc, c’est répondre d’une manière opportune. Le deuxième sens renvoie à ce qui se fait à des fins particulières, dans un cas spécial : ainsi, le juge siégeant ad hoc est nommé spécialement pour une affaire, l’administrateur ou le tuteur ad hoc est nommé dans le cas où l’administrateur ou le tuteur ne peut représenter les intérêts de l’incapable du fait de l’existence d’un intérêt personnel, et le comité ad hoc est constitué à des fins particulières. Entité ad hoc. Contrat ad hoc (= il s’est négocié individuellement). Enquête, groupe, processus ad hoc. En France, la loi no 89-487 du 10 juillet 1989 sur la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et sur la protection de l’enfance a introduit un article 87-1 dans le Code de procédure pénale qui prévoit que le juge d’instruction peut procéder sous certaines conditions à la désignation d’un administrateur ad hoc pour exercer, s’il y a lieu, au nom de l’enfant, les droits reconnus à la partie civile. Il y a souvent dans les textes français dualité de vocabulaire : on parle de l’administrateur ad hoc et du tuteur ad hoc même si tous deux interviennent d’une manière identique : « Dans une action en désaveu de paternité, le mineur, défendeur, est représenté par un tuteur ad hoc; dans une action en contestation de reconnaissance, le mineur, défendeur, est représenté par un administrateur ad hoc. ». Des auteurs usent même des deux termes indifféremment. Certains dénoncent malgré tout comme anglicisme l’emploi en français de cette locution au sens de spécial; d’autres n’estiment pas qu’il s’agit d’un barbarisme. La question reste entière. Au Canada, les rédacteurs évitent autant que possible la locution latine. Dans la liste qui suit, le terme ad hoc a été remplacé par le mot ou l’expression justes. Administrateur suppléant. Arguments appropriés, adaptés aux besoins du moment. Aide circonstancielle, aide ponctuelle. Arbitrage, arbitre temporaire, spécial. Commission, comité, sous-comité spécial (ou encore on désigne l’organisme par l’expression qui précise ses attributions, pour le distinguer du comité permanent). Expert désigné au besoin. Groupe consultatif spécial. Juge suppléant. Mesures de circonstance. Méthodes, moyens appropriés. Rapport spécial. Recherche spéciale sur place. Répondre opportunément. Revalorisation ponctuelle des droits, des ventes (en matière d’assurance). Vol à la demande (dans la navigation aérienne).
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

accommodation / accommodement / accommoder

Article portant sur l'emploi des mots accommodation, accommodement et accommoder.
Deux c, deux m.En français, accommodation n’est guère usité que dans le sens d’adaptation, par exemple le pouvoir d’accommodation de l’œil aux distances. Son homonyme anglais est très fréquent dans les textes juridiques et peut être source d’anglicismes. "Accommodation" s’emploie dans deux acceptions : celle de logement (aménagement, bâtiment, service d’accueil, hébergement, installations et locaux) et celle de complaisance, en matière de lettres de change.On ne dira donc pas [coût] ou [frais d’accommodation], mais frais de logement, frais d’hébergement; non pas « Cette ville n’a pas les [accommodations] voulues », mais « n’a pas la capacité d’accueil voulue pour tenir un tel événement », non pas [allocation d’accommodation], mais indemnité de logement.Le terme complaisance remplacera [accommodation] dans les syntagmes suivants : endossement de complaisance ("accommodation endorsement"), billet ou effet de complaisance ("accommodation paper"), souscripteur, endosseur, accepteur par complaisance, ou tireur de complaisance ("accommodation party"), garantie de complaisance ("accommodation surety"). « Est acquittée la lettre [d’accommodation] (= de complaisance) qui est régulièrement payée par le bénéficiaire de [l’accommodation] (= la complaisance). »Accommodation ne doit pas être confondu avec accommodement qui, en droit, est synonyme de conciliation, d’arrangement, de compromis amiable : « Les deux parties devront trouver [une accommodation] (= un accommodement) si elles veulent éviter un procès. ». En venir à un accommodement avec qqn. Faire un accommodement. Par voie d’accommodement. « Un mauvais accommodement vaut mieux qu’un bon procès. »Accommoder ne peut avoir le sens de loger ou d’accueillir, ni celui de rendre service à qqn. On ne dit pas [accommoder] l’administration, le public, mais faciliter l’administration, accueillir le public. « Cet hôtel peut [accommoder] (= loger, recevoir, accueillir) cent personnes. » Au sens d’accommodement, on dit « Il convient d’accommoder les deux solutions présentées », mais on ne pourra [accommoder] quelqu’un : « Je voudrais bien vous [accommoder] (= vous être agréable), mais je ne peux repousser l’échéance. »De la même façon, le verbe accommoder s’emploie surtout soit avec un complément direct, au sens de conformer, adapter (« Il faut savoir accommoder sa conduite aux circonstances. »), soit à la forme pronominale, suivi de de, au sens de se contenter de, se satisfaire, ou de à, au sens de s’adapter. « Étant donné le coût du loyer, il faut s’accommoder d’un petit appartement. » « Il faut savoir s’accommoder à une nouvelle conjoncture économique. »
Source : Juridictionnaire (difficultés de la langue française dans le domaine du droit)

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