La préposition : problématique

Est-ce à, de, en, par, pour, sur ou avec?

La préposition vue par un praticien

avec un

Répertoire d’adjectifs, de verbes et d’adverbes pouvant ou devant se construire avec une préposition

Maurice Rouleau
en collaboration avec Lise Pepin

Données de catalogage avant publication (Canada)

Rouleau, Maurice, 1942-

Est-ce à, de, en, par, pour, sur ou avec? – la préposition vue par un praticien

Comprend des réf. bibliogr.

ISBN 2-920342-40-1

1. Français (Langue) – Prépositions. 2. Prépositions. I. Linguatech (Firme). II. Titre.

PC2335.R68 2002

445

C2002-940259-X

Révision : Liliane Michaud
Correction d’épreuves : Réal Sirois

© 2002 Linguatech éditeur inc.
Case postale 92012, Place Portobello
Brossard (Québec)  J4W 3K8
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Dépôt légal : 1er trimestre 2002
Bibliothèque nationale du Québec
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Avant-propos

La problématique

Qui n’a pas, un jour ou l’autre, à la lecture d’un texte français, froncé les sourcils? Une telle réaction traduit généralement un doute dans l’esprit du lecteur, un doute concernant soit l’idée exprimée, soit la façon dont elle est exprimée. Quelle serait, par exemple, votre réaction à la lecture des quelques phrases suivantes?

  • J’ai dit à Pierre que nous partions en Californie.

    N’auriez-vous pas préféré lire partir pour la Californie ou partir vers la Californie? Peut-être, mais l’utilisation de la préposition en est-elle à condamner?

  • Dans un article très pertinent pour notre étude, Taylor montre contre Kempson que, si le possessif en anglais pouvait exprimer n’importe quelle relation sémantique, on devrait pouvoir interchanger les substantifs en question.

    L’adjectif pertinent ne devrait-il pas s’utiliser de façon absolue? Est-ce que contre peut signifier « contrairement à » ou « à l’opposé de »?

  • Ce recueil couvre les produits commercialisés par plus de cinquante marques, qui étaient en vente entre 1989 et 1992 en Belgique et en France.

    Comment expliquer l’emploi de par devant le substantif marques? N’auriez-vous pas dû lire sous telles marques? Est-ce que marque désignerait autre chose que le nom servant à distinguer un produit, ce qui pourrait expliquer l’utilisation de la préposition par?

  • […] à savoir s’il faut retirer les troupes canadiennes en Bosnie.

    Comment justifier grammaticalement l’utilisation de la préposition en? Pourquoi l’auteur n’a-t-il pas écrit retirer les troupes canadiennes de Bosnie? Avait-il présent à l’esprit les troupes canadiennes postées en Bosnie? Si oui, peut-on recourir à cette façon de faire sans risque de provoquer le lecteur?

  • Excellente semaine sur Radio-Canada.

    La formule étonne la première fois, habitué que vous étiez d’entendre à Radio-Canada. Est-elle fautive? Si elle ne l’est pas, est-ce que à Radio-Canada l’était? Ou serait-ce que les deux formules sont bonnes?

  • Ragoût de pois chiches, de pommes de terre et de tomates, aromatisé au basilic. Ce plat, […] tout aussi délicieux aromatisé de romarin que de basilic, est facile à préparer.

    Faut-il en conclure que le verbe aromatiser se construit indifféremment avec à et de? Si l’on pouvait n’en utiliser qu’une, quelle préposition serait la bonne?

Des phrases de ce genre, des phrases qui agacent, tout lecteur le moindrement attentif peut en trouver. Son agacement s’explique sans doute par le fait que le rapport établi entre les éléments de la phrase ne lui semble pas naturel, pas idiomatique. Le problème relève donc de l’emploi de la préposition.

Le lecteur est vraiment démuni devant la problématique de la préposition, et cela pour une raison bien simple : elle ne lui a jamais été présentée. Le professeur de français n’a jamais le temps d’aborder ce sujet en classe – encore faudrait-il que le sujet soit au programme –, et il est d’autant plus justifié de ne pas le faire que, dans les grammaires, les notions concernant l’usage de la préposition se retrouvent éparpillées dans presque tous les chapitres. Comme si elles ne méritaient pas qu’on s’y attarde! Le rôle de la préposition dans la phrase est pourtant loin d’être négligeable. Comme l’écrivait Georges GalichetNote de bas de page 1 :

[…] la préposition est une des espèces grammaticales qui manifestent le plus visiblement la vie des mots. C’est aussi une de celles qui marquent le mieux l’originalité d’une langue. En effet, ce qui change d’un peuple à un autre, ce sont moins les éléments fondamentaux de leur représentation du monde que les rapports qu’ils établissent et expriment entre ces éléments premiers de la connaissance. Si l’on observe, en outre, que l’influence exercée sur la préposition par les deux termes qu’elle unit varie selon les tendances propres à chaque langue, on peut comprendre pourquoi c’est là justement que les traducteurs rencontrent les plus grosses difficultés.

Les difficultés se posent non seulement à ceux qui travaillent avec deux systèmes linguistiques, à savoir les traducteurs, comme le mentionne Galichet, mais à quiconque veut apprendre une autre langue, que ce soit un francophone qui veut apprendre l’anglais, par exemple, ou un allophone qui veut apprendre le français. C’est d’ailleurs ce que disent, chacun à sa manière, Reine Mikesell et Jack Segura :

[…] the main reason why many students did not pursue the study of French beyond the particular courses required for their degree was a sense of disappointment in their achievement. In time, I became convinced that this disappointment was due to inadequate comprehension of the function of prepositionsNote de bas de page 2.

[…] the use of preposition is perhaps what most distinguishes one language from another, and what allows one to pinpoint right away if a person is really fluent in a language or is still trying to conquer its finer pointsNote de bas de page 3.

L’emploi des prépositions pose donc problème parce qu’il peut y avoir présence d’une préposition dans une langue et absence dans l’autre ou encore utilisation d’une préposition différente selon la langue.

Présence dans une langue et absence dans l’autre

Même si I go to Montréal se rend par Je vais à Montréal, cela ne signifie pas pour autant qu’il en est toujours ainsi. La vigilance s’impose, car l’absence d’une préposition s’observe quelle que soit la langue de départ :

  • Espagnol => Français

    En este año, => ø Cette année,

  • Français => Anglais

    Elle a divorcé d’avec (ou de) son mari. => She divorced ø her husband.

  • Anglais => Français

    I look at the house. => Je regarde ø la maison.

En anglais, il arrive même que des verbes se construisent tantôt avec, tantôt sans préposition, selon la place qu’occupe dans la phrase le complément d’objet indirect. Ces verbes subissent ce qu’on appelle a dative movement transition. Tombent dans cette catégorie les verbes qui

« allow the shift of an indirect object (usu. animate) to a position before the direct object, with deletion of to […] when the direct object is a noun:

He sent the book to his brother – he sent his brother the book
He sent the book to him – he sent him the book
Note de bas de page 4 ».

Différence de préposition selon le système linguistique considéré

L’absence de préposition dans une des langues n’est pas la règle. La plupart du temps, il y a une préposition dans les deux langues, mais pas nécessairement la même. Considérons, à titre d’exemples, les cas du de français, du in anglais et du en espagnol.

Le cas de la préposition française de
  • Recevoir un colis de Québec.

    To receive a parcel from Québec city.

  • Voici le calendrier de la semaine.

    Here’s the calendar for the week.

  • Trois ans de prison, ce n’est pas long.

    Three years in prison is not long.

  • Les clients discutaient des prix.

    The clients were discussing about the prices.

  • Le voleur paya son crime de sa vie.

    The thief paid for his crime with his life.

  • Mon frère s’est étonné de cela.

    My brother marveled at that.

  • C’est un roman de Beauchemin.

    It’s a novel by Beauchemin.

  • Ne se nourrir que de légumes.

    To feed on vegetables only.

Ces huit phrases, qui contiennent toutes un de, illustrent de façon probante la polysémie de la préposition en français, polysémie qui n’est d’ailleurs pas l’apanage de la langue française, comme l’illustrent les deux cas suivants.

Le cas de la préposition anglaise in
  • He lived in Spain for more than two years.

    Il a vécu en Espagne plus de deux ans.

  • Wild goat travel in bands.

    Les chèvres sauvages voyagent par bandes.

  • Many things are astonishing in Muslims.

    Bien des choses sont étonnantes chez les musulmans.

  • He found faults in all his men.

    Il a trouvé des défauts à tous ses hommes.

  • He came at one o’clock in the morning.

    Il est arrivé à une heure du matin.

  • She is absent two days in five.

    Elle est absente deux jours sur cinq.

Le cas de la préposition espagnole en
  • Pon las flores en la mesa.

    Mets les fleurs sur la table.

  • Está en despacho.

    Il est à son bureau.

  • Va en mangas de camisa.

    Va en manches de chemise.

  • Tengo las llaves en el cajón.

    Je garde les clés dans le tiroir.

  • No llegará en ocho días.

    Il n’arrivera pas avant huit jours.

  • El libro está en prensa.

    Le livre est sous presse.

Que le problème soulevé par Galichet, en 1950, soit encore d’actualité n’a rien de surprenant. Ce problème existe et existera tant que les langues seront en contact. Ce qui, par contre, a de quoi étonner, c’est l’absence ou la quasi-absence d’outils qui remédieraient à cette difficulté. Les linguistes s’intéressent, et depuis longtempsNote de bas de page 5, à la question des prépositions, mais leurs études, qui sont théoriques, ne répondent pas aux besoins des praticiens que sont le rédacteur et le traducteur ou à ceux de l’allophone qui veut apprendre le français. Ce dont ces gens ont besoin, c’est d’un outil où ils pourraient trouver réponse à leur question qui, plus souvent qu’autrement, peut se formuler de la façon suivante : « Est-ce à, de, en, par, pour, sur ou avec? » Les ouvrages qui pourraient répondre à cette question sont peu nombreuxNote de bas de page 6 et souvent incomplets.

Il ne faudrait pas croire que le francophone se pose souvent cette question. En général, il est capable de fouiller, consciemment ou non, dans son bagage linguistique et d’y trouver la préposition à utiliser. Sa connaissance intuitive de la langue lui est alors d’un très grand secours. Dans son cas, le besoin d’un outil de dépannage se fait sentir quand il ne peut trouver spontanément la réponse à la question, soit parce qu’il l’ignore, soit parce que celle qu’il voit dans le texte de départ sème le doute dans son esprit. Si, après avoir consulté les ouvrages cités, le locuteur francophone est toujours en panne, il lui faut alors se référer à un dictionnaire de langue et espérer y trouver la solution. Quiconque a fait cette démarche sait à quel point elle peut être frustrante, car les exemples d’utilisation des prépositions ne sont pas légion.

L’allophone, lui, se posera souvent cette question, car il aura toujours présent à l’esprit le fait qu’en français la préposition à utiliser n’est pas nécessairement la même que dans sa langue maternelle. À preuve la phrase suivante écrite par un anglophone : « D’ailleurs, certains compatriotes de Serge préfèrent de me parler en anglais bien que j’aie essayé à leur parler en français. » De toute évidence, l’auteur s’est fait piéger par l’emploi de la préposition en français : to prefer to do something – préférer ø faire qqch.; to try to do something – essayer de faire qqch.

Quiconque se pose la question en titre devrait avoir à sa disposition un ouvrage facile à consulter, compact et aussi complet que possible. Et c’est précisément à combler ce besoin que nous nous sommes employé.

Avis de droit d’auteur pour Le Rouleau des prépositions

© Linguatech éditeur inc., 2002
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