espèce

Abréviation : esp.

  1. Comme terme de droit, le mot espèce s’entend du litige qui est soumis à l’examen d’une juridiction – judiciaire, quasi judiciaire, administrative ou arbitrale. Ainsi, on peut l’employer s’agissant d’une instance judiciaire, d’une sentence arbitrale ou d’une décision rendue par un tribunal administratif. Il s’apparente aux mots cas, cause, instance, litige, affaire, procès. « Affaire par affaire, cas par cas, espèce par espèce, le juge ne connaît que les causes que les plaideurs soumettent à son examen. » « Ces principes ont été récemment rappelés dans une espèce où un homme, après avoir séduit, puis rendue mère une très jeune fille, l’avait épousée. » Les drames passionnels sont les espèces dans lesquelles les acquittements sont les plus fréquents. »

    Il faut éviter de dire [en l’espèce] dans le contexte d’une affaire ou d’une circonstance étrangère au droit ou à l’administration; on dit plutôt en l’occurrence (deux c et deux r).

  2. Pour désigner soit la cause qu’il a instruite ou dont il a été saisi, soit les parties qui ont comparu devant lui, le juge emploie la locution figée en l’espèce ou l’expression dans la présente espèce, c’est-à-dire dans le cas qui nous occupe (et non [dans le cas à l’étude]); il ne dit ni [en espèce] ni [cette espèce], sauf si, dans le dernier cas, il vient de mentionner l’espèce en question. Le requérant en l’espèce, l’intimée en l’espèce et non [en instance], quoiqu’on puisse dire en l’instance ou dans la présente instance.

    S’il y a renvoi à plusieurs affaires jugées, on dit dans ces espèces, dans les espèces mentionnées, le mot s’employant au pluriel en ce sens. « Les motifs des jugements prononcés dans les deux espèces sont publiés simultanément et doivent être lus conjointement. » Les espèces Taillefert et Robichaud. « Dans les espèces soumises à son examen, le juge ne peut rendre que des décisions individuelles dont la portée se limite à chaque affaire. »

    Soumettre une espèce à la décision du juge. Être saisi d’une espèce. Statuer en l’espèce. « Le juge n’a pas le pouvoir de rendre une décision applicable en dehors de l’espèce dont il connaît. Le tribunal saisi d’une espèce est tenu de rendre une décision. »

  3. Connaître d’une espèce signifie avoir compétence pour instruire une affaire, pour en être saisi et pour la juger. « Dans l’exercice de sa fonction judiciaire, le juge fait application du droit objectif : il remplit un rôle qui finit par dépasser le cadre des espèces dont il connaît. »
  4. Faits de l’espèce. « L’avocat a demandé au jury de bien tenir compte des faits de l’espèce. » Chaque affaire doit être jugée selon les faits de l’espèce et non selon les faits [d’espèce]. Les circonstances, les faits de l’espèce sont les circonstances, les faits particuliers qui se rapportent au litige, alors que les circonstances, les faits en l’espèce sont les circonstances, les faits tels qu’ils sont soumis à l’appréciation du juge dans l’affaire en particulier. La règle applicable en l’espèce est celle qui s’applique dans le présent litige et dans tout litige similaire, mais la règle applicable à l’espèce est celle qui s’applique précisément au litige actuel.
  5. Les parties ou la cour peuvent contourner une décision en la qualifiant de cas d’espèce. On appelle ainsi une situation qui, du fait de caractéristiques particulières ou d’éléments inhabituels ou dérogatoires, empêche le tribunal d’appliquer intégralement la règle générale pertinente ou la jurisprudence constante. Par exemple, dans l’arrêt canadien Harrison c. Carswell, le juge Laskin qualifie l’affaire Peters de cas d’espèce indiscutablement relié aux faits particuliers qui lui ont été soumis et dont on ne peut, par conséquent, tirer une affirmation générale qui constituerait un précédent. Le cas d’espèce étant non prévu par la loi, il commande que le tribunal l’examine à la lumière de règles particulières que ne régissent pas nécessairement les règles générales. « Il incombe aux tribunaux de déterminer dans chaque cas d’espèce s’il y a violation du droit à l’assistance d’un avocat et, le cas échéant, quelle réparation, s’il en est, s’impose dans les circonstances. »
  6. Par opposition à la décision de principe, la décision d’espèce est rendue sur le fondement des circonstances particulières de l’affaire et non, comme dans le cas de la première, en fonction des principes généraux du droit. L’autorité de la décision d’espèce n’a pas la même force que celle dont est dotée la décision de principe, qui a effet de précédent, qui fait jurisprudence ou autorité.
  7. Dans le sens du générique par rapport au spécifique, l’espèce est comprise dans la généralité, d’où suit la maxime latine Specialia generalibus insunt (= Les règles particulières dérogent aux règles générales). En matière d’interprétation des lois et des règles de droit, elle déroge au genre en vertu du principe In toto jure generi per speciem derogatur, autrement dit, les dispositions (dispositions 1dispositions 2) générales ne dérogent pas aux dispositions spéciales.
  8. Dans un sens non juridique, espèce signifie cas. « Les décrets portant création des stations hydrominérales déterminent, suivant les circonstances de chaque espèce, les mesures à prendre pour faciliter le traitement de ces personnes. »

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