- Ces deux adjectifs, usités en matière criminelle dans les mêmes contextes, sont-ils de parfaits synonymes? Convaincu et coupable peuvent-ils être employés de façon interchangeable, l’accusé qui est convaincu d’un crime par le tribunal paraissant, à première vue, être coupable de ce crime? « Il a été convaincu d’homicide involontaire coupable. » « Il a été déclaré coupable d’infanticide. » « Le tribunal de police déclare l’accusé convaincu d’injure verbale. » « La Cour supérieure du Québec a déclaré l’accusé coupable du crime de fabrication de faux. »
- Dans le langage juridique, la personne qui est convaincue d’un acte illégal est celle dont la culpabilité a été prouvée. À l’infinitif, le verbe convaincre, pris en cette acception, signifie amener le tribunal, une autorité judiciaire, militaire, administrative, à reconnaître la culpabilité de l’accusé et, de ce fait, à le déclarer coupable, la conviction étant, dans cette perspective, la certitude qui résulte de la production de preuves irrésistibles de la culpabilité reprochée.
- Par conséquent, l’adjectif convaincu s’emploie selon deux points de vue : d’abord, celui du tribunal, qui est convaincu (qui a l’intime conviction) de la culpabilité de l’accusé, ensuite, celui de l’accusé, qui est convaincu du crime.
- On le voit, deux constructions sont possibles dans l’emploi du participe passé pris adjectivement : être convaincu suivi du complément et convaincu suivi de l’infinitif, le verbe convaincre, transitif indirect, étant emprunté au latin convincere signifiant vaincre, c’est-à-dire présenter des preuves d’une faute, de la culpabilité de quelqu’un. « L’accusé est convaincu d’imposture et de trahison. » « Le contractant taxé de tromperie est tenu pour irréprochable aussi longtemps qu’il n’est pas convaincu d’être l’auteur de manœuvres indignes, d’allégations mensongères ou de réticence coupable. »
- Par ailleurs, dans le même modèle de présentation et suivant un raisonnement analogue, la personne qui est coupable d’un acte répréhensible est l’auteur effectif de cet acte.
- Comme convaincu, le mote coupable se conçoit dans une double perspective : d’abord, celle du tribunal – il reconnaît l’accusé coupable ou, plus formellement, il le condamne tout de suite après l’avoir déclaré coupable (distinction expresse que fait l’anglais également entre, dans un premier temps, la reconnaissance de culpabilité ("finding of guilt", "to find the accused guilty"), puis, venu le temps de la condamnation, la déclaration de culpabilité ("declaration of guilt", "to convict the accused") –, ensuite, celle de l’accusé, qui est coupable. « L’accusé aurait pu avoir été reconnu coupable, et déclaré tel, de toutes les infractions dont il peut être convaincu sous ce chef d’accusation. »
- À l’instar de l’observation syntaxique précédente, deux constructions sont possibles : être coupable suivi du complément et coupable suivi de l’infinitif. Le jury a déclaré l’accusé coupable de meurtre au second degré. » « Le tribunal a déclaré que, vu la preuve qui lui avait été présentée, il était convaincu hors de tout doute raisonnable que l’accusé était coupable d’avoir commis ce crime odieux. »
- Traditionnellement, être convaincu de crime se dit une fois que l’accusé a été jugé et condamné définitivement. Ce syntagme s’oppose à l’expression être prévenu de crime, qui ne s’emploie que dans le cas où l’accusé n’a pas encore été jugé et condamné.
- Le terme convaincu pris en ce sens paraît n’être usité que dans le discours juridictionnel ou, du moins, ne relever que de ce type de discours : la documentation consultée n’atteste aucune occurrence du mot employé à l’oral, dans une plaidoirie par exemple. Réservé aux juges, aux annotateurs de décisions judiciaires et aux commentateurs, ce vocable est repris par le discours doctrinal. Il implique la preuve pleine et suffisante de la culpabilité, tandis que le mot coupable sous-entend, au regard de la loi, la faute dont il y aura lieu de répondre. Selon la règle de la présomption d’innocence, chacun est présumé innocent tant que sa culpabilité n’a pas été établie.
- Il faut se garder de donner à convaincu le sens de reconnu quand on se place du point de vue de l’accusé. Les mots « l’accusé qui est convaincu de meurtre » ne signifient aucunement que l’accusé est certain d’avoir commis le crime ni qu’il est convaincu que c’est lui qui l’a commis, ce qui serait tomber dans l’illogisme. C’est le tribunal qui l’a convaincu du crime.
- S’agissant de la concurrence que convaincu livre à coupable, qu’il suffise de constater que le mot convaincu est d’un emploi plus littéraire que le mot coupable, qu’il n’est pas archaïque dans la langue du droit, mais d’un usage courant chez les auteurs et les juges, et que la nuance sémantique qui le distingue de son concurrent, quoique subtile, est réelle et nettement sentie par les juristes. C’est parce que la culpabilité de l’accusé a été reconnue et déclarée qu’on peut dire que celui-ci est convaincu de ce crime, la culpabilité étant, dans une acception, un fait saisi par l’esprit comme antérieur au fait de la conviction, terme, par ailleurs, qui n’a pas du tout le sens de son sosie anglais "conviction".
- Dans une autre acception, il demeure entendu que la culpabilité est l’état de l’individu convaincu d’avoir commis une infraction. Ainsi, l’individu convaincu, au vu des preuves produites, de détournement (détournement 1, détournement 2) de fonds ou d’abus d’influence est coupable; sa reconnaissance de culpabilité et sa déclaration de culpabilité dans l’énoncé des motifs de jugement précèdent immédiatement sa condamnation.
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