anticiper

  1. Trois constructions sont possibles pour ce verbe :
    1. Construction transitive directe : accomplir qqch. avant le temps prévu : anticiper un paiement (c’est-à-dire payer d’avance), anticiper un remboursement. Prévoir la réaction de l’adversaire et s’y préparer en conséquence : « L’avocat du demandeur avait anticipé l’argumentation de son adversaire. » « Le législateur doit-il anticiper une quelconque réticence ou une incompréhension des juges en rédigeant ses lois? ». D’autres solutions s’offrent également : devancer ou prévenir une objection, aller au devant d’une objection.
    2. Construction transitive indirecte (avec la préposition sur) : compter sur ce qui n’existe pas encore et agir comme si on pouvait en disposer : « J’ai anticipé sur son acceptation. » « Il anticipe sur ses revenus, sur son héritage, sur sa fortune. »

      Remarquer que le verbe anglais "to anticipate" a aussi ce sens, mais il se construit avec un complément d’objet direct : "to anticipate the revenue of a trust", "to anticipate a pension". Ce dernier syntagme, qui figure dans diverses lois canadiennes en matière de pensions de retraite, donne lieu à des anglicismes et, parfois, à des contresens. L’expression [anticiper] une prestation, à l’article 70 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, ne veut rien dire en français ou constituerait un anglicisme au sens de s’attendre à recevoir une prestation (voir ci-après), alors que ce qu’interdit l’article 70 est le fait pour le futur bénéficiaire d’une prestation de céder celle-ci à l’avance. Dire payer par anticipation au paragraphe 30(1) de la Loi sur les pensions (« Aucune pension ou allocation ne peut être transportée, grevée, saisie, payée par anticipation… ») aboutit à un contresens. Toutefois, la solution escompter une prestation, retenue au paragraphe 65(1) de la Loi sur le régime de retraite du Canada, s’avère un équivalent acceptable. Escompter, dans un sens aujourd’hui vieilli, veut dire : jouir d’avance, dépenser d’avance. Escompter son héritage signifie employer d’avance l’argent qu’on en attend.

      Empiéter sur, usurper : « Le fait pour une personne d’avoir, en labourant son champ, anticipé sur le terrain d’autrui peut motiver de la part du voisin une action en réintégration. ». Ce dernier emploi est aujourd’hui vieilli, on emploiera des verbes plus modernes comme empiéter sur, usurper, sans oublier que ceux-ci ne peuvent se dire qu’à l’égard de choses appartenant à autrui. On empiète sur ce qui appartient à autrui, mais on anticipe sur ce qui est à soi.

      Aborder qqch. avant le temps prévu, devancer : « L’avocat demande au témoin de ne pas anticiper sur la suite des faits. » « Je ne veux pas anticiper sur les motifs que j’énoncerai plus tard. »

    3. Construction sans complément : ne pas devancer l’événement, respecter l’ordre logique des choses : « N’anticipons pas. » « Il faut savoir anticiper. »

      Prévoir la réaction de l’adversaire et s’y préparer en conséquence : « Cet avocat sait anticiper. » Dépenser qqch. d’avance : « Le droit anglais permettait aux parents désireux de doter leurs filles tout en les protégeant contre leur mari de leur donner ou léguer des biens au moyen d’une fiducie sans qu’elles aient la faculté d’anticiper pendant le mariage. »

  2. Un des sens courants du verbe "to anticipate" est "to expect" ou "to foresee". Anticiper a perdu ce sens en français, même si le Trésor de la langue française, citant le Bélisle, le recense : anticiper une grosse récolte. Il s’agit d’un anglicisme. On ne dira donc pas [anticiper] des bénéfices, mais prévoir, escompter des bénéfices, ni « J’[anticipe] que le ministère public fera appel », mais « Je prévois que le ministère public fera appel », ni « J’[anticipe] un échec des négociations salariales », mais, selon le contexte : « Je prévois, j’appréhende un échec des négociations salariales. »

    Équivalents possibles : Absence, hausse, péremption prévue.

    • Demande prévue, prévisible. Effets probables. Frais envisagés, prévus.
    • Rendement escompté du capital.
    • Appréhender un échec.
    • Ne pas prévoir de difficultés, ne pas s’attendre à des difficultés.
    • « Les choses n’allèrent pas comme on l’avait espéré. »
    • L’avocat envisage, espère, prévoit avoir gain de cause.

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