Fraîchement débarquée au Québec depuis mon Paris natal, me voilà confrontée aux défis de l’immigration. Traductrice de formation et de métier, je parle le français (ma langue maternelle), l’anglais et l’italien.
À première vue, sur le plan linguistique, l’intégration ne devrait pas poser de problèmes. Or, la réalité est bien plus subtile pour qui s’intéresse à la communication interculturelle.
Prenons le seul cas des différences d’expressions entre le français québécois et le français de France (FF). Transposons ces expressions à une journée de travail type.
Tout d’abord, avant de décrocher un emploi, on passe des entrevues (entretiens en FF) dans une compagnie (entreprise). On me laisse savoir (on me tient informée) pour la suite…
Bonne nouvelle! Je suis embauchée. Je commence donc ma journée par un déjeuner (petit-déjeuner), je pars à la job (au travail), j’arrive, je dis « Bon matin! » (Bonjour!) à mes collègues. J’allume mon ordinateur et consulte mes courriels (e-mails) et j’y réponds en concluant non pas par un froid « Cordialement » mais par « Au plaisir », ce qui est, soit dit en passant, bien plus chaleureux. Le midi, je dîne (déjeune) avec mes collègues québécois, on niaise (on plaisante). Une heure pendant laquelle je me retrouve aussi en immersion totale dans le langage québécois avec lequel je me familiarise. Quand vient vendredi, nous nous souhaitons une bonne fin de semaine (un bon week-end). D’ailleurs, je n’aurais pas une fête (un anniversaire) à célébrer samedi?
Dans le fond, « c’est pas si pire », on s’adapte! On dit, à ce propos, que la culture française est une culture d’adaptation. C’est pourquoi on fait aussi attention à ses tics de langage dans sa langue d’origine. Le plus emblématique serait peut-être le « du coup » qui, dès qu’il est prononcé, nous ramène automatiquement à notre condition de Français. Ce « du coup » est si profondément ancré dans mon langage qu’il m’est encore impossible de le remplacer par « dans le fond » ou « fait que », mais je ne désespère pas! Et puis, une langue, avec ses tics, ne serait pas aussi un marqueur d’identité? Nous y reviendrons…
Ce qui me frappe surtout dans le français québécois, c’est le paradoxe entre un attachement quasi viscéral à la langue française et l’usage d’expressions littéralement traduites de l’anglais. J’en ai cité quelques-unes comme « bon matin » (good morning), « laisse-moi savoir » (let me know) et « fin de semaine » (weekend), mais il y aussi « bienvenue » (you’re welcome) en réponse à « merci » quand le Français de France répondra d’instinct « de rien ».
Cette dichotomie rend le français québécois fascinant du point de vue sociolinguistique. Dans un pays à forte présence anglophone, collé aux États-Unis, le français du Québec fait figure de farouche résistant à l’omniprésence de la langue de Shakespeare.
Dans un monde où les frontières s’effacent, où l’humanité semble s’uniformiser, la langue est l’un des derniers remparts contre la normalisation, qui se dresse à la défense d’une histoire et d’une identité propres.
Ce désir de préserver la francophonie au Canada a des avantages majeurs. Outre son rayonnement international, notre langue commune est un formidable outil d’intégration. Elle permet de limiter le déracinement et de faire nôtre un pays dont nous ne sommes pas originaires, mais qui nous accueille à bras ouverts.
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