Traduire le monde : Mers et monde

André Racicot
(L’Actualité langagière, volume 9, numéro 4, 2013, page 32)

Naviguer dans les méandres de la toponymie n’est pas aisé. Le français et l’anglais n’emploient pas toujours le même générique pour désigner les cours d’eau et, parfois, le spécifique diffère aussi d’une langue à l’autre. Rien pour faciliter la traduction!

Des choix arbitraires

Le golfe Persique est la voie navigable par laquelle transite la majeure partie du pétrole extrait au Moyen-Orient. Certains, pourtant, contesteraient cette affirmation en alléguant que le pétrole passe plutôt par le golfe Arabique. Un médiateur essaierait de réconcilier tout le monde en parlant du golfe Arabo-Persique, car il s’agit ici d’un seul et même endroit.

Cet exemple illustre bien l’arbitraire qui entoure le choix des noms géographiques. Comme on le voit, le référent peut varier : ce peut être l’Iran, qui donne l’adjectif persique, ou bien la péninsule d’Arabie.

Heureusement, ce problème ne se présente pas toujours, car bien des golfes, mers et détroits bordent plusieurs États. S’il fallait les nommer en fonction des États, il serait difficile de contenter tout le monde.

Les référents, pour un même golfe ou détroit, peuvent varier d’une langue à l’autre. Cela est vrai tant pour le générique que pour le spécifique. Ainsi, la Bay of Biscay devient en français le golfe de Gascogne. On passe de l’Espagne à la France… Autre exemple : le Strait of Dover n’est pas le détroit de Douvres, en Angleterre, mais bien le pas de Calais en France!

L’univers toponymique ne brille pas toujours par sa simplicité. Un golfe dans la langue de Molière peut très bien être une bay dans celle de Shakespeare. Le mot baie, en français, désigne une échancrure du littoral. Un golfe, lui, est beaucoup plus vaste. Ce qui n’empêche pas l’expression erronée, à mon avis, de baie d’Hudson de désigner un immense golfe dans le Nord canadien.

Les détroits sont des bras de mer resserrés entre deux terres. Ce terme a d’ailleurs donné son nom à la ville de Détroit, fondée par les Français, et dont la graphie a perdu son accent aigu dans les ouvrages de l’Hexagone. C’est avec fierté que j’écris son nom comme il aurait dû le rester : Détroit.

Nous avons vu plus haut que détroit peut se traduire par strait. Mais les anglophones emploient aussi channel. Pensons au détroit de Corfou, rendu par Corfu Channel. On pense immédiatement à un chenal. Qu’est-ce qu’un chenal? Un passage resserré, naturel ou artificiel, permettant la navigation. En outre, les possibilités d’erreurs de traduction se multiplient avec un troisième terme : canal, qui désigne une construction artificielle. Par exemple, le canal de Panama et, plus près de nous, le canal Rideau, à Ottawa.

Les océans

Le nombre de continents ne fait pas l’unanimité, alors que personne ne doute du fait qu’on compte cinq océans. D’ailleurs, quatre d’entre eux sont nommés d’après leur spécifique, par exemple le Pacifique ou l’Atlantique. Seul l’océan Indien fait exception. On notera que son nom dérive de celui d’un seul pays, l’Inde. Encore une injustice…

L’océan Antarctique est aussi appelé océan Austral et océan Glacial Antarctique, pour des raisons évidentes. Curieusement, l’océan Arctique est aussi appelé océan Glacial Arctique.

Les mers, rivières et fleuves

La Terre compte beaucoup plus de mers que d’océans. Le Larousse définit la mer ainsi : « Très vaste étendue d’eau salée qui couvre une partie de la surface du globe. » on a tendance à voir les mers comme des plans d’eau ouverts, mais ce n’est pas toujours le cas. En effet, la mer Caspienne constitue le plus grand lac du monde et elle est totalement enclavée. La Caspienne est bordée par la Russie, le Kazakhstan, le Turkménistan, l’Iran et l’Azerbaïdjan. La mer Morte est également enclavée, et on la décrit souvent comme un lac de Palestine.

Au Canada, les noms de fleuves sont presque tous masculins, tandis que les noms de rivières sont féminins. Notons quelques exceptions : le Saint-François, le Saint-Maurice et le Saguenay. Rappelons la différence entre un fleuve et une rivière. Un fleuve se jette dans la mer, tout simplement. Il est faux de croire que c’est la taille du cours d’eau qui lui vaut l’appellation de fleuve. Les Canadiens qui visitent Paris sont toujours surpris d’apprendre que l’étroite Seine est un fleuve. Eh oui, elle se jette dans la Manche.

Malheureusement, cette règle du masculin et du féminin ne s’applique pas ailleurs dans la francophonie. Bien entendu, certains noms de fleuves sont masculins, comme le Danube et le Nil, mais le plus grand fleuve d’Amérique du Sud, l’Amazone, est de genre féminin. Quant aux rivières, le Shannon irlandais fait pièce à la Moskova russe.

Comme d’habitude, difficile de mettre de l’ordre dans le merveilleux monde de la toponymie.

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