Des racines qui puisent dans le passé, bien ancrées dans le présent

Publié le 19 février 2025

C’est par un « frette » après-midi de janvier que nous rencontrons Guyaume Boulianne, co-porte-parole des Rendez-vous de la Francophonie 2025. Il incarne l’Acadie par son accent, sa musique et sa poésie, et il affiche la joie tranquille de quelqu’un qui remplit sa vie des choses qu’il aime. S’il se définit d’abord comme musicien, il est aussi un fier ambassadeur de l’acadjonne, ce parler propre à la Baie-Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse. Il a même fait voyager un conte acadien jusqu’à Kinshasa! Le thème des Rendez-vous de cette année, « Cultive tes racines », lui va comme un gant, car ses racines alimentent sa vie et son œuvre.

Des racines ancrées dans le sable de la baie Sainte-Marie

Guyaume Boulianne grandit dans une famille où la musique fait partie du quotidien, ses deux sœurs et ses parents étant musiciennes et musiciens. Ainsi, le jour où il doit choisir un domaine d’études, il ne se pose aucune question et s’inscrit dans un programme de musique à l’université. Il ne connait peut-être pas grand-chose à la théorie, mais il a déjà l’expérience des spectacles, qu’il donne depuis quelques années avec des amis. C’est d’ailleurs avec ces mêmes amis qu’il joue encore aujourd’hui. Ils ont notamment en commun leur coin de pays et une certaine enseignante qui transmettait aux élèves les chants traditionnels, deux éléments qui définissent leur histoire.

Des ponts entre le passé et le présent

Selon Guyaume, c’est en recontextualisant les instruments traditionnels, comme le banjo, le violon et la mandoline, que le pont se fait harmonieusement entre le passé et le présent. L’acadjonne joue aussi le rôle de pont entre le passé et le présent. En effet, ce parler encore bien vivant comporte des éléments du français employé jadis dans la région du Poitou. Par exemple, en acadjonne, on n’utilise jamais l’adverbe « pas » dans la négation, mais seulement l’adverbe « point ». Or, l’acadjonne est loin d’être figé dans le temps; Guyaume constate des différences entre le vocabulaire qu’utilise sa mère et celui qu’il utilise, signe que la langue évolue et qu’elle est bien vivante!

En publiant en acadjonne un recueil de poésie intitulé , Guyaume a contribué à cette vitalité linguistique. Bien entendu, il est fier de voir son livre dans la vitrine des librairies, mais sa fierté tient aussi dans le fait d’offrir une représentation à sa langue. Il explique : « En Nouvelle-Écosse on est à peu près 4 % de francophones et 2 % d’Acadiens et Acadiennes. La publication de mon livre, pour moi, permet de contrer le manque d’accessibilité pour la population à des livres francophones. » Il raconte que, quand il était enfant, l’acadjonne, qui est très éloigné du français de l’Académie, était absent des livres. La génération actuelle peut se reconnaître dans la culture diffusée chez lui (et ailleurs).

Des ponts par-delà les frontières

La musique acadjonne jouit d’une belle diffusion elle aussi et compte de nombreux adeptes dans la francophonie, tant ici qu’en Europe. Faisant partie du groupe qui accompagne le chanteur P’tit Belliveau depuis une dizaine d’années, Guyaume a pu le constater à plusieurs occasions. Il se souvient d’un spectacle que le groupe a donné en France, où la foule entonnait les chansons avec enthousiasme malgré les grandes différences linguistiques. Depuis la scène, les artistes étaient ravis de constater que la musique n’a pas de frontières et rallie les cœurs au-delà des différences d’accent.

L’acadjonne, Guyaume l’a fait voyager sur les eaux de l’Atlantique et de la Méditerranée. À bord de l’Hermione, dans le cadre du projet Libres ensemble de l’Organisation internationale de la Francophonie, il s’est joint à d’autres francophones pour un périple qui a eu un impact immense sur lui. Ce sont les échanges entre les personnes et l’ouverture qu’elles manifestaient qui l’ont marqué le plus.

En 2023, c’est à Kinshasa, en République démocratique du Congo, qu’il fait rayonner l’acadjonne dans le cadre des Jeux de la Francophonie. Là encore, les rencontres avec des francophones de partout le marquent et rendent cette expérience très riche à ses yeux. Pour l’occasion, il puise dans ses racines acadiennes et invite l’auditoire aux Îles-de-la-Madeleine par la magie d’un conte tiré du répertoire folklorique. Il se classe parmi les finalistes dans la discipline « conte » pour Équipe Canada.

Fierté et authenticité

Quand on lui demande ce qu’il aimerait laisser en héritage grâce à son œuvre, Guyaume répond simplement « une fierté ». La fierté de créer en toute authenticité, au-delà des stéréotypes, la fierté de transmettre ce qui l’habite, ce qui l’anime, à travers sa musique et sa poésie. Lors d’une discussion marquante qu’il a eue avec Zachary Richard au sujet de l’identité, Guyaume a sollicité ses conseils pour ne pas tomber dans la « caricature ». Le célèbre interprète lui a répondu : « Un Cajun typique, c’est quelqu’un qui mange de la viande, qui boit de l’alcool et qui est catholique. Moi, je suis végétarien, je ne bois plus depuis longtemps et je suis bouddhiste. Est-ce que je suis moins Cajun pour autant? » Cette leçon, Guyaume la porte en lui depuis, et il poursuit sa route en montrant, par son art, les aspects culturels qui comptent pour lui, ceux qui forment son authenticité et qui viennent, notamment, de ses racines.

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Marise Guay

Marise Guay

Marise Guay a obtenu un baccalauréat en traduction et a commencé sa carrière au Bureau de la traduction comme traductrice. Elle a ensuite occupé des fonctions de langagière-analyste et s’est concentrée sur la création de contenu linguistique et la communication claire. Ses tâches se sont diversifiées pour englober la gestion de contenu Web, la rédaction de messages promotionnels et la création de publications pour les médias sociaux.

 

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Commentaires

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Soumis par Hélène Samson le 4 mars 2025 à 11 h 58

Le billet de Marise Guay à propos de Guillaume Boulianne et de la langue acadjonne est très intéressant. Je ne connaissais pas cette langue très particulière d’une région acadienne de la Nouvelle-Écosse.
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